Bonjour à tous,
SALAMBO
Naufrage du 19 Avril 1918
Rapport du Commandant LV CAMPION
SALAMBO est un chalutier de 300 tx JB, construit à Aberdeen en 1912 et réquisitionné. Armateur Monsieur PETIT de Rouen.
Effectuait une traversée Toulon – Corfou par Messine. 24 personnes à bord. Pas de passagers.
Je me trouvais sur la passerelle au moment de l’explosion qui se produisit à 18h03 la 19 Avril à la position 38°31 N et 18°10 E. Le sous-marin n’a été aperçu par personne et l’équipage a coulé avec le navire en 20 secondes au plus. Le navire a été frappé 10 secondes après qu’on ait aperçu le sillage de la torpille.
Nous faisions une route moyenne au N62E à 8 nœuds avec zigzags et on venait de terminer une abattée sur la gauche. Nous étions alors au N30E. Beau temps couvert, légère houle de
Sud et faible brise de SE. Bonne visibilité.
Après avoir aperçu le sillage, mis la barre à gauche toute et le bâtiment a eu le temps d’abattre d’un quart environ sur bâbord avant d’être frappé.
Il y avait le CHAUVEAU à 2 milles en avant du convoi, le LOIRET à 400 m sur l’avant du travers bâbord et le DORE à 800 ou 900 m sur bâbord avant. LOIRET a lancé 5 coups de sifflet et hissé le guidon « B ».
Le navire était pourvu de TSF mais n’a eu le temps de lancer un signal.
Tous les documents secrets ont coulé avec le navire. Ces documents étaient enfermés dans le coffre et dans un tiroir de commode fermé à clé dans la chambre du commandant. Seul le CB 85 était sur la passerelle, à la disposition de l’officier de quart. Aucun document n’a été vu flottant parmi les épaves, ni par les survivants, ni par le DORE qui est resté trois quarts d’heure sur les lieux.
SALAMBO était armé de deux pièces de 75 mm, d’une mitrailleuse, et possédait 8 grenades Guiraud à main. Les couleurs n’étaient pas hissées, pas plus que sur les navires du convoi.
Une seule torpille a frappé SALAMBO à 2 m au plus sous la flottaison. Le bâtiment a été sectionné en deux à l’arrière de la cheminée. L’arrière a coulé instantanément. L’avant s’est mâté en l’air, s’est incliné sur tribord et a coulé 20 secondes après l’explosion.
12 personnes ont été tuées ou ont disparu, 2 sont grièvement blessées et 2 sont légèrement contusionnées. L’attitude de l’équipage a été admirable. Tous les hommes de service sont restés à leur poste avec le plus grand sang froid. Les hommes non de quart sont allés prendre leurs ceintures de sauvetage sans désordre et une fois à l’eau, nombreux ont été les actes d’entraide et de dévouement.
L’équipage a été recueilli par le chalutier JEAN DORE qui, après avoir exploré la mer à l’endroit présumé où se trouvait le sous-marin ennemi, est revenu sur les lieux de la disparition du SALAMBO.
Rapport fait à bord de JUSTICE, à Corfou le 23 Avril 1918.
Rapport du Lieutenant de Vaisseau De L’ESCALE, commandant du LOIRET
Le 19 Avril 1918, LOIRET faisait route au N62E escorté par JEAN DORE à bâbord sur l’arrière du travers à 700 m, SALAMBO sur le travers tribord à 500 m et CHAUVEAU devant en éclaireur.
J’étais sur la passerelle de commandement quand le maître de quart Le Hoerff me dit tout à coup en m’indiquant un sillage à bâbord : « Commandant, on dirait une torpille ». « C’est une torpille » m’écriai-je. « A droite toute » dit le maître. « A droite toute » confirmai-je énergiquement et je commandai : « Hissez le signal sous-marin par bâbord ». En même temps je sifflai des coups brefs pour mettre aux postes de combat. Les ordres furent exécutés sans retard.
Le sillage de la torpille venant de l’arrière du travers arrivait sur l’avant du navire. LOIRET évoluant très vite avait abattu sur la droite de 40° au moment où la torpille, à moins de 2 m d’immersion, passait à 2 m de l’étrave d’après l’estimation des canonniers à leur poste de combat à la pièce avant.
Sitôt la torpille passée, je montai sur le banc de quart et essayai par signal d’attirer l’attention de SALAMBO craignant qu’il ne puisse voir le sillage à temps. C’est ce qui a du malheureusement se produire car 25 secondes après le passage de la torpille, SALAMBO sautait. Il était à 40° de l’avant tribord de LOIRET.
L’explosion, formidable, projeta en l’air de nombreux débris dont plusieurs, d’un fort volume, passèrent au dessus de LOIRET. En même temps, une violente secousse ébranla le navire et je crus avoir reçu une 2e torpille. « Je donnai l’ordre « Postes d’évacuation. Gardez la pièce arrière armée et prête à faire feu. »
Quelques secondes suffirent pour me convaincre que le navire n’avait pas été touché et que la secousse provenait de l’explosion d’une grenade Guiraud projetée en l’air par l’explosion de la torpille. Je laissai malgré tout les armements aux embarcations prêtes à être amenées et ordonnai à la machine de marcher le plus vite possible. Je suis passé à 100 m des survivants du SALAMBO auxquels j’aurais laissé tomber une baleinière sans stopper si je n’avais vu le JEAN DORE s’approcher pour leur porter secours.
Je suis venu au 90 afin de pouvoir utiliser les Berger
(nota : écrans de fumée). Je fis mettre les fumigènes à la mer 1 mille plus loin. J’étais à 1 mille du 2e rideau de fumée quand un projectile vint tomber à 50 m sur tribord, suivi d’un second à 30 m par le travers de la passerelle. Je fis aussitôt 25 à gauche et un 3e projectile tomba à 20 m, puis le feu cessa. Je vins alors au S40W.
Pendant ces diverses manœuvres, malgré l’attention la plus soutenue, il n’a pas été possible d’apercevoir le moindre indice révélant la présence du sous-marin. J’ai mis en route à 9 nœuds jusqu’à la nuit, direction normale au barrage de fumée, puis à l’Est vrai jusqu’à 22h00, et ensuite sur Paxos. Le chalutier CHAUVEAU m’avait suivi. A la nuit, j’ai diminué la vitesse et repris les zigzags pour lui permettre de me rattraper et de conserver le contact. Les engins Berger ont fonctionné d’une façon parfaite et j’estime que leur utilisation a été efficace.
Je signale l’ordre et le calme avec lesquels tout l’équipage a exécuté mes ordres, la bonne veille, le sang froid et l’initiative dont a fait preuve le maître temporaire LE HOERFF, chef de quart qui a aperçu la torpille, le calme avec lequel les canonniers de la pièce avant à leur poste de combat ont vu la torpille arriver sur eux et passer à 2 m de l’étrave.
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’U 38 du Kptlt Clemens WICKEL.
On note qu’il avait en réalité visé le plus gros navire, le LOIRET qui fut manqué de justesse, et que SALAMBO a été la victime collatérale de ce torpillage.
Cdlt