Bonjour à tous,
ESTEREL
Vapeur de la Cie Fraissinet armé au long cours à Marseille, n° 33, le 20 Janvier 1917
Immatriculé à Marseille n° 764
Capitaine Justin Alphonse GIBERT, Lieutenant de Vaisseau auxiliaire
Equipage 39 hommes (38 Français et 1 Italien –le cambusier-)
Passagers 2 : un homme et une femme.
Armé d’un canon de 95 mm
Retour d’un voyage sur la côte occidentale d’Afrique commencé à Cotonou et terminé à Dakar le 26 Mars 1917.
Chargé de 2495 t de marchandises dont huile de palme en fûts, beurre de karité en fûts, amandes de palmes en sacs, cuir brut de bœuf, peaux de moutons, caoutchouc en fûts, sésame en sacs, et colis divers dont un sac postal d’Accra (Gold Coast).
La perte d’ESTEREL. Rapport du capitaine
Stoppé à Gibraltar le 6 Avril de 00h00 à 01h10 pour prendre les ordres sur la route à suivre jusqu’à Marseille. Navigation tout près des côtes d’Espagne.
Le 9 Avril à 17h15, doublé Massa à 0,5 mille. Fait route jusqu’à 17h45 au N005W vrai. Phare du cap Béar à 8 milles. Continué au Nord vrai jusqu’à 19h00. Mer clapoteuse, petit vent de NW, ciel nébuleux, visibilité 2,5 milles.
A 19h00, la nuit étant tombée, fait route sur le phare de Faraman quand on aperçoit à 20h12, le long du bord, le sillage d’une torpille. Ressenti quelques secondes plus tard un choc violent à tribord sur l’arrière de l’écoutille de la cale 2, suivi d’une forte explosion. Le navire venait d’être torpillé.
Appelé aux postes d’abandon et amené l’embarcation bâbord. Allumé une bouée lumineuse au phosphore de calcium pour éclairer les opérations car nous naviguions tous feux masqués. Détruit les documents secrets. Mis à l’eau le youyou et le canot 2. Embarqué en premier les passagers, puis le mousse et le novice, puis le personnel et enfin les officiers.
A 20h20, deuxième choc violent suivi d’une autre explosion. Les panneaux de la soute volent en éclats et une pluie de charbon s’abat sur le pont. Le navire a reçu une deuxième torpille dans la chaufferie. Le garant arrière du canot 1 s’est cassé sous la violence de l’explosion. Le canot, suspendu à son garant avant, apique et une partie de son matériel tombe à la mer. Coupé le garant et le canot, retenu par sa bosse, flotte. Le personnel y embarque, puis les officiers, et le capitaine en dernier. Nous sommes 18 en tout.
Le navire s’enfonce mais ne coule pas à cause de son chargement d’huile de palme. Débordé du navire et appelé le youyou qui nous prend en remorque. Défoncé un baril de galère pour vider l’eau du canot.
Appelé le canot 2, mais pas reçu de réponse. Fait route sur le cap de Creux après avoir embarqué les hommes du youyou et l’avoir pris en remorque.
Le sous-marin émerge alors lentement et se dirige sur nous. Il nous ordonne de l’accoster et le commandant nous interroge. Les questions sont posées en allemand et les réponses données en anglais. Pas de français, ni d’italien. Il demande nom du navire, provenance, destination, cargaison et si nous sommes armés et possédons la TSF. Aux deux dernières questions, il est répondu « Non ». Il nous laisse ensuite partir.
Fait route à l’aviron et sous voile de fortune sur le cap de Creux que nous atteignons le 10 Avril à 08h00. Continué sur Cadaques où nous trouvons un secours efficace.
Le sous-marin s’était approché de l’ESTEREL et lui avait lancé une 3e torpille et tiré 9 coups de canon. ESTEREL a coulé lentement vers 21h15.
Le canot 2 est arrivé à Port Bou avec 24 personnes à son bord. La totalité des passagers et de l’équipage a donc été sauvée (42).
Description du sous-marin
Longueur 90 m
2 canons sur pivot, sur l’avant et sur l’arrière, d’au moins 100 mm
Kiosque échancré avec périscope sur l’avant
Pas de projecteur, mais le sous-marin a fait des signaux en morse, sans doute pour attirer d’autres navires
Ondulation de peinture vert foncée simulant les vagues, juste sous la flottaison
Manœuvre très facilement
Commandant vêtu d’un manteau en caoutchouc noir et portant des bottes en caoutchouc. Portant une moustache. Taille au dessus de la moyenne. Blond. Forte corpulence. Portait une casquette grise.
Vu un autre officier plus jeune et une dizaine de marins difficiles à décrire car il faisait nuit.
Voici la silhouette dessinée par un officier de l’ESTEREL
Et par le capitaine
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’U 52 du KL Hans WALTHER.
Curieusement, la description du commandant ne semble pas correspondre à celle d’Hans Walther qui avait un visage plutôt juvénile et était imberbe, petit, mince et chétif (voir sa description par les marins de l’EMMA LAURANS sur ce lien) :
pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas
Il est possible que les hommes de l’ESTEREL aient confondu un autre officier du sous-marin avec le commandant qui était peut-être l’officier qu’ils qualifient de « plus jeune ».
(Nota : en relisant le récit des marins de l'EMMA LAURANS, on pourrait penser que l'officier qui a mené l'interrogatoire, plus grand que la moyenne et portant la moustache, était le 1er lieutenant Max Ploen, si toutefois il était bien sûr encore à bord à cette époque. De plus, une autre indication semble confirmer que ce n'était pas Hans Walther. Ce dernier était parfaitement francophone...)
Indemnités versées aux marins pour perte d’effets
STACHINO Simon Maître d’équipage Marseille 3907 300 f
GAGINO Jacques Matelot Ajaccio 5436 250 f
BADIOU Michel Chauffeur Marseille 5772 250 f
CINNA Antoine Chauffeur Marseille 5191 250 f
RANCELLI Pierre 1er chauffeur Bastia 666 100 f
(domicilié 40 rue Saint François à Marseille)
FRANCESCHI Laurent Chauffeur Bastia 5272 100 f
(domicilié Impasse Fonderie Vieille, 2e étage, à Marseille)
L’officier qui signe la note précise que les demandes de remboursement effectuées par ces marins étaient exagérées et que le sac d’un marin du commerce ne peut pas contenir autant d’effets que ce qu’ils prétendent…
Cdlt