Bonjour à tous,
Naufrage du 19 Juin 1917. Rapport du capitaine du vapeur anglais S/S BAYSOTO
TUNISIE a quitté Brest en même temps que le S/S BAYSOTO le 14 Juin à 19h30. Les deux navires se sont tenus en vue l’un de l’autre jusqu’à la soirée du 18 Juin.
Le 18 Juin à 22h30, par nuit obscure, TUNISIE avait son relèvement par SW vrai et se trouvait à 14 ou 15 milles du BAYSOTO.
Le 19 Juin à 01h30, le second capitaine m’a appelé et m’a fait savoir qu’il avait vu une lueur semblable à celle produite par un canon et qu’il avait ensuite entendu une détonation semblable à celle d’un canon. Ensuite, nous écoutâmes et observâmes très attentivement la direction d’où étaient provenus le son et la lueur mais nous ne vîmes et n’entendîmes rien de plus. Aucun message TSF ne fut transmis. La position où se sont produits les faits étaient approximativement 51°40 N et 18°30 W.
Les hommes aux postes de veille ne virent et n’entendirent rien, mais mon second était absolument certain de ne point s’être trompé. J’ai rendu compte de ce qui précède aux Autorités britanniques et russes de la Mer Blanche à l’arrivée. Les renseignements sont tout à fait exacts en heure et date. Mes notes à ce sujet se trouvaient encore dans ma poche au moment de la perte du BAYSOTO.
Nota : le BAYSOTO, ex CAYO SOTO, vapeur de 3082 t construit en 1905 aux chantiers de South Shield, fut coulé le 6 Août 1917 par le sous-marin UC 42 du Kptlt Hans Abrecht MULLER au cours de la traversée Archangelsk-Le Havre. UC 42 disparaîtra d’ailleurs le 10 Septembre suivant au large de Cork, avec tout son équipage, victime d’une explosion de ses propres mines).
Voici une photo du CAYO GITANO, probablement sister ship du CAYO SOTO, construit la même année, au même chantier et de même tonnage.
Télégramme du 29 Septembre 1917 envoyé à l’Attaché Naval à Londres
« Prière faire savoir si dans la nuit du 18 au 19 Juin 1917 postes de TSF britanniques ont enregistré un SOS du vapeur français TUNISIE présumé perdu corps et biens à cette date, probablement après torpillage à 300 milles dans l’Ouest de Skelligs. »
Lettre de l’Amiral de BON au Commissaire à la Marine Marchande Mars 1918
Vous m’avez demandé si la perte du vapeur TUNISIE, qui n’a plus donné de ses nouvelles depuis le 18 Juin 1917 doit être attribuée à un risque de guerre.
J’ai l’honneur de vous faire connaître que malgré l’absence d’informations relatives aux causes de la perte de ce navire, je crois pouvoir émettre l’avis que cette perte doit être attribuée à l’attaque d’un sous-marin ennemi vers 01h30 du matin le 19 Juin 1917. Ceci concorde avec les faits relatés dans un rapport de mer du capitaine du vapeur anglais BAYSOTO qui avait quitté Brest en même temps que TUNISIE.
Lettre de l’avocat de la Cie des Bateaux à Vapeur du Nord au Sous-secrétaire d’Etat à la Marine
Concernant TUNISIE deux jugements ont eut lieu dont un admet le fait de guerre et l’autre pas. Pourriez-vous me documenter sur les circonstances du fait et en particulier sur les points suivants :
- Le capitaine de TUNISIE était-il expert en navigation et connaissait-il la route suivie par son navire
(Nota : une question particulièrement étonnante, mais bien d’un avocat !)
- Où était le navire dans la nuit du 18 au 19 Juin au moment où du BAYSOTO on aurait soit disant entendu un coup de canon ? Est-ce que la mer est dangereuse à cet endroit, et y a-t-il des récifs ?
- Quel était l’état de la mer le dit-jour ?
- L’ennemi a-t-il torpillé d’autres navires dans ces parages à une époque concomitante ?
- Dans des cas semblables, des publications étrangères
(nota : allemandes) mentionnent comme torpillé le vapeur litigieux. En l’espèce je ne trouve rien de tel et je pense que le torpillage du vapeur TUNISIE n’a pas été annoncé par l’ennemi.
Réponse du Sous-secrétaire d’Etat
1) En ce qui concerne le capitaine de TUNISIE et ses capacités de navigateur, la Compagnie peut seule être à même de vous éclairer.
2) D’après le rapport du capitaine du BAYSOTO qui naviguait de conserve avec TUNISIE, ce dernier se trouvait alors par 51°40 N et 18°30 W. Ce point correspond à l’un de ceux signalé comme appartenant à la croisière d’un sous-marin ennemi et il n’y a aucun récif dans les parages.
3) La mer était certainement agitée dans la nuit du 18 au 19, le bulletin météorologique indiquant une dépression de route WSW – NNE à mi chemin entre l’Islande et l’Ecosse. Pression 756 mb. Vent force 6 à 7.
4) Oui, l’ennemi a torpillé et coulé d’autres navires dans les parages.
5) Le communiqué de Nauen du 10 Juillet (nota : station TSF allemande) cite plusieurs navires coulés par ce sous-marin, entre autre deux grands vapeurs inconnus, dont l’un avec un chargement de munitions qui pourrait bien être le TUNISIE. L’ennemi en ignorait le nom.
Lettre de l’Armateur au Ministre de la Marine
J’ai l’honneur de vous exposer respectueusement ce qui suit :
TUNISIE a disparu lors d’un voyage entre Brest et Arkangelsk. La contre-valeur de ce navire, estimée par le gouvernement français à 5 340 000 f doit nous être remboursée
- Par le gouvernement russe d’accord pour 3 560 000 f
- Par le gouvernement français pour 1 780 000 (Commission des risques de guerre du Ministère des Finances)
Nous avons cru comprendre que ce remboursement ne nous serait fait que sur jugement d’un tribunal, la commission ne sachant si la perte est due à un évènement de mer ou de guerre.
J’ai recours à votre bienveillante intervention pour la transmission à Monsieur le Ministre de la Marine des pièces ci-jointes. Si nous devions aller devant un tribunal, ce serait un nouveau délai et des pertes qui s’ajouteront à celles que nous subissons par la disparition de cette unité presque neuve, très moderne, dont la valeur est aujourd’hui de plus de 10 millions de francs.
J’attire votre attention sur le fait que TUNISIE avait la TSF et qu’aucun appel n’a été entendu.
J’ajoute aussi pour mémoire que de notre brillante flotte d’avant guerre, il ne nous reste plus que PRESIDENT LEROY LALLIER, CAMBRAI et VILLE DE DUNKERQUE.
NORD, AFRIQUE, VILLE DE CETTE et ALGERIE sont immobilisés pour plusieurs mois après torpillage.
Nous avons lieu de considérer qu’après les services rendus par notre Compagnie à la Défense Nationale, votre appui ne nous manquera pas dans cette modeste circonstance.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre profond respect.
Le sous-marin attaquant
C'était donc l' U 43 du Kptlt Waldemar BENDER
Cdlt