Re: AIGLON - Voilier Caboteur
Publié : dim. avr. 10, 2016 10:19 am
Bonjour à tous,
AIGLON
Trois-mâts goélette immatriculé à Granville n° 1027 folio 344
350 tx JB
Armateur ALLAIN de Granville
Effectue une traversée Cardiff - Lorient avec 330 t de poussière de charbon
Capitaine JASLIN Léon Maître au cabotage
Rapport de l’EV 1 LE MEN, commandant le chalutier VAUBAN de la flottille de patrouille de l’Océan.
Le 3 Décembre 1916 vers 16h00 AIGLON fait route au SqSW à 8 nœuds avec beau temps, vent de Nord force 3 à 4, assez bonne visibilité.
Un sous-marin est aperçu par 48°56 N et 05°34 W Greenwich venant de l’Est et faisant route à l’Ouest à grande allure. Il porte les couleurs allemandes le pavillon étant hissé sur un petit mât juste à l’arrière du kiosque. Il portait aussi le signal « MN » (stoppez immédiatement) ce qui le fit prendre tout d’abord pour une chaloupe à voile.
AIGLON continua sa route et ne se mit en travers pour casser sa vitesse que lorsque le sous-marin fut tout près, ne lui laissant aucun doute sur la signification du signal hissé. Ne voyant personne à portée de signaux, AIGLON ne fit aucun signal de détresse.
A 16h35, d’une distance de moins de 100 m le sous-marin ouvrit le feu quand il aperçut des patrouilleurs et tira 5 coups de canon très rapidement. Chaque coup porta au but dans le flanc bâbord de la goélette qui était cap à l’Est. Puis le sous-marin plongea, traqué par le tir du chalutier VAUBAN, et n’eut pas le temps de voir couler la goélette.
Avant de canonner la goélette, le commandant du sous-marin avait fait venir à son bord le capitaine de l’AIGLON. L’équipage s’était réfugié dans une chaloupe et un doris. Le capitaine et 5 de ses hommes, qui étaient dans la chaloupe, montèrent sur le sous-marin. Le commandant et un autre officier, qui parlaient très bien français, s’adressèrent au capitaine Jaslin et demandèrent port de provenance, destination et chargement. L’officier manifesta son mécontentement de ce qu’AIGLON n’avait pas stoppé plus tôt. La conversation ne dura que quelques minutes et fut écourtée quand le timonier de veille, muni de jumelles, informa le commandant que des chalutiers approchaient. Aussitôt le commandant fit débarquer le capitaine et ses hommes, leur donnant à peine le temps de se jeter dans la chaloupe. Un homme faillit être pris entre l’embarcation et le bord et le capitaine Jaslin fut même bousculé par le commandant, d’un coup de poing dans le dos, tandis qu’un des hommes, le matelot Francis Debon, recevait un coup de pied. Le second de l’AIGLON, Prosper Groult, qui était avec deux hommes dans le doris et se tenait à une centaine de mètres, chercha en vain à voir le numéro du sous-marin. Les embarcations reçurent l’ordre de faire route au Sud.
La partie arrière du sous-marin était immergée, tandis qu’à l’avant, la partie inférieure du support du canon était aussi dans l’eau.
Passerelle d’environ 20 m sur le kiosque.
Kiosque central et avant arrondi.
Un seul canon fixe à l’avant du kiosque, supporté par un chandelier et d’environ 75 mm.
Un fil allant de l’avant à l’arrière et passant au dessus du kiosque.
Peinture grise, sale, assez vieille
Pas d’embarcation
Vu deux officiers d’une trentaine d’années, le commandant étant rasé, et 3 ou 4 matelots.
Officiers en vestes de cuire et matelots en costume ordinaire avec béret.
Ce sous-marin pourrait appartenir à un type UB 18 à 47…
Le capitaine d’AIGLON n’ayant pas d’armement et ne voyant aucun secours ne pouvait qu’obéir aux injonctions du sous-marin et chercher à sauver son personnel.
Le sous-marin attaquant
C’était en fait l’UC 21 de l’Oblt z/s Rheinhold SALTZWEDEL.
Sous ses ordres, UC 21 coulera 31 navires français, la plupart du temps des caboteurs, mais aussi quelques vapeurs de fort tonnage.
Résumé du rapport sur la patrouille du VAUBAN
Quitté Brest le 1er Décembre à 09h30 et franchi le chenal du Four. Dans l’anse du Stiff, aperçu vapeur suédois PHYLLIS ayant à son bord 4 naufragés français du SAINT PHILIPPE et 43 naufragés japonais du NAGATA MARU dont 3 morts et plusieurs blessés. (Nota : tous deux coulés par UB 39 les 29 et 30 Novembre 1916.)
Le torpilleur 303 a reçu l’ordre de ramener les naufragés à Brest.
Rejoint à 3 milles à l’Ouest de Créach le GOELAND. Rencontré le vapeur anglais DYCKLAND. Je me rends à bord et le capitaine me dit avoir été attaqué par un sous-marin à 18 milles au S50W d’Ar Men. Il a obligé le sous-marin à plonger après un échange de coups de canon.
Le 2 à 10h00, rejoint GOELAND et SOUFFLEUR. Croisière normale jusqu’au 3 à 15h00. GOELAND me signale alors qu’un sous-marin allemand est à 3 milles du vapeur espagnol CRESALIBI qu’il s’apprêtait à arraisonner. Il le canonne et au 5e coup l’oblige à plonger. CRESALIBI allait de Newport à Bilbao avec un chargement de charbon.
A 16h07 le maître de quart Moinet et l’EV Girouin me signalent une forme noirâtre sur l’arrière d’un trois-mâts. Mis à 110 tours et chargé les pièces. A 16h35 ouvert le feu avec hausse à 6000 m et correction de 50. Les embruns couvrent le gaillard et la pièce de 47, rendant le tir et l’observation difficiles. Le sous-marin se masque derrière la goélette, puis réapparaît sur l’avant. Repris le tir, puis le sous-marin plonge tandis que la goélette coule. Nous avons tiré 6 coups avec la pièce avant. Trouvé sur place deux embarcations avec les dix hommes de la goélette. Manœuvré pour sauver ces hommes pendant que GOELAND et SOUFFLEUR tournent autour de VAUBAN en protection.
La nuit, procédé à l’interrogatoire du capitaine Jaslin, commandant le trois-mâts goélette AIGLON.
Le 5 Décembre à 08h00 remis les dix hommes de l’AIGLON au torpilleur 367 et fait route à toute vitesse vers le vapeur anglais SUTHERLAND chassé par un sous-marin. Il est finalement abandonné par le sous-marin qui a plongé.
A 18h55, rencontré AMERIQUE et pris les 23 naufragés du vapeur grec FOFO coulé le 4. (Nota : par UB 37 –voir ce lien http://www.uboat.net/wwi/ships_hit/2222.html)
Je tiens à signaler la conduite de l’équipage, digne de tout éloge, et en particulier :
- LE GUEN, chef de la pièce arrière
- KERISIT, servant de culasse
- TROADEC, chargeur
- DAVOUT, pourvoyeur
- CHABOT, 1er maître assurant l’exécution des ordres
- MOINET, second maître, un serviteur modèle me rendant depuis de longs mois de précieux services et assurant la veille d’une façon remarquable.
Signé : Le Men
Cdlt
AIGLON
Trois-mâts goélette immatriculé à Granville n° 1027 folio 344
350 tx JB
Armateur ALLAIN de Granville
Effectue une traversée Cardiff - Lorient avec 330 t de poussière de charbon
Capitaine JASLIN Léon Maître au cabotage
Rapport de l’EV 1 LE MEN, commandant le chalutier VAUBAN de la flottille de patrouille de l’Océan.
Le 3 Décembre 1916 vers 16h00 AIGLON fait route au SqSW à 8 nœuds avec beau temps, vent de Nord force 3 à 4, assez bonne visibilité.
Un sous-marin est aperçu par 48°56 N et 05°34 W Greenwich venant de l’Est et faisant route à l’Ouest à grande allure. Il porte les couleurs allemandes le pavillon étant hissé sur un petit mât juste à l’arrière du kiosque. Il portait aussi le signal « MN » (stoppez immédiatement) ce qui le fit prendre tout d’abord pour une chaloupe à voile.
AIGLON continua sa route et ne se mit en travers pour casser sa vitesse que lorsque le sous-marin fut tout près, ne lui laissant aucun doute sur la signification du signal hissé. Ne voyant personne à portée de signaux, AIGLON ne fit aucun signal de détresse.
A 16h35, d’une distance de moins de 100 m le sous-marin ouvrit le feu quand il aperçut des patrouilleurs et tira 5 coups de canon très rapidement. Chaque coup porta au but dans le flanc bâbord de la goélette qui était cap à l’Est. Puis le sous-marin plongea, traqué par le tir du chalutier VAUBAN, et n’eut pas le temps de voir couler la goélette.
Avant de canonner la goélette, le commandant du sous-marin avait fait venir à son bord le capitaine de l’AIGLON. L’équipage s’était réfugié dans une chaloupe et un doris. Le capitaine et 5 de ses hommes, qui étaient dans la chaloupe, montèrent sur le sous-marin. Le commandant et un autre officier, qui parlaient très bien français, s’adressèrent au capitaine Jaslin et demandèrent port de provenance, destination et chargement. L’officier manifesta son mécontentement de ce qu’AIGLON n’avait pas stoppé plus tôt. La conversation ne dura que quelques minutes et fut écourtée quand le timonier de veille, muni de jumelles, informa le commandant que des chalutiers approchaient. Aussitôt le commandant fit débarquer le capitaine et ses hommes, leur donnant à peine le temps de se jeter dans la chaloupe. Un homme faillit être pris entre l’embarcation et le bord et le capitaine Jaslin fut même bousculé par le commandant, d’un coup de poing dans le dos, tandis qu’un des hommes, le matelot Francis Debon, recevait un coup de pied. Le second de l’AIGLON, Prosper Groult, qui était avec deux hommes dans le doris et se tenait à une centaine de mètres, chercha en vain à voir le numéro du sous-marin. Les embarcations reçurent l’ordre de faire route au Sud.
La partie arrière du sous-marin était immergée, tandis qu’à l’avant, la partie inférieure du support du canon était aussi dans l’eau.
Passerelle d’environ 20 m sur le kiosque.
Kiosque central et avant arrondi.
Un seul canon fixe à l’avant du kiosque, supporté par un chandelier et d’environ 75 mm.
Un fil allant de l’avant à l’arrière et passant au dessus du kiosque.
Peinture grise, sale, assez vieille
Pas d’embarcation
Vu deux officiers d’une trentaine d’années, le commandant étant rasé, et 3 ou 4 matelots.
Officiers en vestes de cuire et matelots en costume ordinaire avec béret.
Ce sous-marin pourrait appartenir à un type UB 18 à 47…
Le capitaine d’AIGLON n’ayant pas d’armement et ne voyant aucun secours ne pouvait qu’obéir aux injonctions du sous-marin et chercher à sauver son personnel.
Le sous-marin attaquant
C’était en fait l’UC 21 de l’Oblt z/s Rheinhold SALTZWEDEL.
Sous ses ordres, UC 21 coulera 31 navires français, la plupart du temps des caboteurs, mais aussi quelques vapeurs de fort tonnage.
Résumé du rapport sur la patrouille du VAUBAN
Quitté Brest le 1er Décembre à 09h30 et franchi le chenal du Four. Dans l’anse du Stiff, aperçu vapeur suédois PHYLLIS ayant à son bord 4 naufragés français du SAINT PHILIPPE et 43 naufragés japonais du NAGATA MARU dont 3 morts et plusieurs blessés. (Nota : tous deux coulés par UB 39 les 29 et 30 Novembre 1916.)
Le torpilleur 303 a reçu l’ordre de ramener les naufragés à Brest.
Rejoint à 3 milles à l’Ouest de Créach le GOELAND. Rencontré le vapeur anglais DYCKLAND. Je me rends à bord et le capitaine me dit avoir été attaqué par un sous-marin à 18 milles au S50W d’Ar Men. Il a obligé le sous-marin à plonger après un échange de coups de canon.
Le 2 à 10h00, rejoint GOELAND et SOUFFLEUR. Croisière normale jusqu’au 3 à 15h00. GOELAND me signale alors qu’un sous-marin allemand est à 3 milles du vapeur espagnol CRESALIBI qu’il s’apprêtait à arraisonner. Il le canonne et au 5e coup l’oblige à plonger. CRESALIBI allait de Newport à Bilbao avec un chargement de charbon.
A 16h07 le maître de quart Moinet et l’EV Girouin me signalent une forme noirâtre sur l’arrière d’un trois-mâts. Mis à 110 tours et chargé les pièces. A 16h35 ouvert le feu avec hausse à 6000 m et correction de 50. Les embruns couvrent le gaillard et la pièce de 47, rendant le tir et l’observation difficiles. Le sous-marin se masque derrière la goélette, puis réapparaît sur l’avant. Repris le tir, puis le sous-marin plonge tandis que la goélette coule. Nous avons tiré 6 coups avec la pièce avant. Trouvé sur place deux embarcations avec les dix hommes de la goélette. Manœuvré pour sauver ces hommes pendant que GOELAND et SOUFFLEUR tournent autour de VAUBAN en protection.
La nuit, procédé à l’interrogatoire du capitaine Jaslin, commandant le trois-mâts goélette AIGLON.
Le 5 Décembre à 08h00 remis les dix hommes de l’AIGLON au torpilleur 367 et fait route à toute vitesse vers le vapeur anglais SUTHERLAND chassé par un sous-marin. Il est finalement abandonné par le sous-marin qui a plongé.
A 18h55, rencontré AMERIQUE et pris les 23 naufragés du vapeur grec FOFO coulé le 4. (Nota : par UB 37 –voir ce lien http://www.uboat.net/wwi/ships_hit/2222.html)
Je tiens à signaler la conduite de l’équipage, digne de tout éloge, et en particulier :
- LE GUEN, chef de la pièce arrière
- KERISIT, servant de culasse
- TROADEC, chargeur
- DAVOUT, pourvoyeur
- CHABOT, 1er maître assurant l’exécution des ordres
- MOINET, second maître, un serviteur modèle me rendant depuis de longs mois de précieux services et assurant la veille d’une façon remarquable.
Signé : Le Men
Cdlt