Bonsoir Artimon,
Bonsoir à tous,
Quelques précisions à propos de Frédéric Sauvage et d'Augustin Normand.
I. — « L'hélice comme élément de propulsion des navires est imaginée par Frédéric Sauvage, qui dépose un brevet mais qui n'acceptera jamais de modifier sa première version (l'hélice de Léonard plongée horizontalement dans l'eau). »
« … Sauvage (1) prit en 1832 un brevet pour une hélice à un filet d’un pas. C’est à tort qu’il passe pour l’inventeur de l’hélice, mais sa vie pénible d’inventeur au caractère difficile, terminé dans l’aliénation (2), a fait de lui une figure romantique et populaire. Il eut le mérite d’une grande persistance dans les démonstrations faites avec la force musculaire, mais sur une échelle limitée. A ce moment, la notion de l’hélice était déjà courante, comme le montrent de nombreux essais ou projets. Mention doit être faite du mémoire du capitaine du génie Delisle en 1823, dont le projet excellent ne fut pas agréé par la Marine ; des expériences de Brown (1826~1832), de Woodcroft, qui appliqua le premier le pas croissant. En 1832 encore, un modeste employé de la Martinique, Canque, fit construire à Rouen un petit bateau de 2 cv qui fut le premier vapeur français à hélice. Il navigua sur la Seine, puis en Martinique, dans la baie de Fort-Royal. C’est par Smith (3) et Ericsson (4) que le propulseur a été introduit dans la pratique, de 1836 à 1839. […] »
[• « Histoire de la Marine », éditée par l’Illustration, Paris, 1939, p. 343.]
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(1) Frédéric Sauvage (Boulogne-sur-Mer, 1786 ~ Paris, 1857).
(2) Interné à l’asile de Picpus.
(3) Francis Pettit Smith (1808~1874), fermier de Hendon, qui prit, le 31 mai 1836, un brevet pour une hélice à un filet faisant deux pas.
(4) Ingénieur suédois, qui prit, le 13 juillet 1836, un brevet pour une hélice formée d’une roue à trois rayons en spirale et garnie sur son pourtour de six ailes. Après une expérimentation à petite échelle, Ericsson équipa de cette hélice le vapeur Francis B. Ogden, qui, au cours d’essais effectués le 30 août 1837, atteignit la vitesse de 10 nœuds.
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II. — « Il faudra un accident malencontreux lors d'essai (le talonnage du bateau sur un rocher) pour casser cette hélice en plusieurs morceaux qui, restant fixés sur l'axe, furent soudainement beaucoup plus efficaces. Le principe des pales était né. »
Cette découverte fortuite fut le fait, non pas de Frédérique Sauvage, mais de l'anglais Francis Pettit Smith :
« Aidé du banquier Wright, Smith réalisa une embarcation de 6 tonneaux qui fonctionna à partir du 1er novembre 1836. L’hélice avariée et réduite à un seul pas, la vitesse augmenta. Smith adopta cette simplification et n’hésita pas à faire des démonstrations en mer sur la côte de la Manche, excitant l’admiration des marins et l’intérêt de l’Amirauté qui demanda des essais avec un navire d’au moins 200 tonneaux. Celui-ci, l’Archimède, fut essayé en 1839, avec une machine de 80 chevaux. Toutes les démonstrations furent favorables. La vitesse dépassa 9 nœuds. Les expériences furent poursuivies jusqu’en 1840, avec des voyages autour de la Grande-Bretagne, en France, au Portugal, à Anvers, à Amsterdam, " laissant partout la conviction de la possibilité de faire marcher les navires à l’hélice " » (op. cit., p. 344).
III. — « … Augustin Normand est bien celui qui adapta au mieux à la propulsion des navires le système d'hélice. »
« LE PREMIER VAPEUR FRANÇAIS A HÉLICE. — Une commission du ministère de la Marine avait imprudemment écrit à Sauvage que le principe de l’hélice " était impuissant sur une grande échelle ".
Le ministre des Finances, mieux avisé, accepta en 1841 les propositions du grand constructeur havrais Augustin Normand (1) et de l’ingénieur anglais Barnes pour la fourniture d’un bateau-courrier destiné au service de la poste de la Corse et qui devait avoir une vitesse minimum de 8 nœuds, faute de quoi il serait laissé pour compte. Normand et Barnes proposèrent à Sauvage de conserver de consacrer son idée par cette expérience en grand, lui demandant cette autorisation gratuitement et pour une seule fois, eux-mêmes prenant à leur charge tous les risques techniques et financiers.
Ce trois-mâts goélette, équipé d’une machine de 120 cv fut essayé à partir du 25 janvier 1843, sous le nom de Napoléon (2). Sa tenue à la mer fut excellente et la vitesse atteignit 11 nœuds à la machine et 13 nœuds 5 avec les voiles. Ces résultats sensationnels déterminèrent l’adoption de l’hélice dans la marine française.
Normand et Barnes essayèrent successivement 8 hélices de leur conception, ce qui leur valut les plus violents reproches de Sauvage, arrêté à des principes erronés. Les hélices du Napoléon étaient à plusieurs filets et courtes fractions de spire, comme toutes les hélices modernes. La postérité a fait justice des attaques de Sauvage, envers qui Normand montra toujours la plus grande dignité.
Le Napoléon, devenu le Corse, a navigué jusqu’en 1890. L'amiral Pâris a dit de ce bateau célèbre :
" Ses façons effilées et gracieuses, faites pour diviser la mer au lieu de la repousser, sont restées un type aussi élégant que remarquable… Il fut pendant longtemps le navire à hélice le plus rapide. " » (op. cit., p. 346).
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(1) 1792 - 1871.
(2) Navire d’une longueur de 43 mètres et d’un déplacement de 376 tonnes.
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Bien amicalement à vous,
Daniel.