Bonjour à tous,
Un petit complément sur le torpillage du YARRA.
Liste d’équipage
Rapport du capitaine
Quitté Port Saïd le 27 Mai 1917 à 18h00 avec 691 personnes à bord, dont 150 à l’équipage.
Chargement de 1900 tonnes comportant :
- 400 fûts de rhum
- 1700 sacs de sucre de La Réunion
- 7000 sacs de graphite
- 1400 paquets de peaux vertes
- 1400 balles de raphia
- 4000 caisses de conserves
- 200 caisses de vanille
- Café, corindon et divers embarqué à Tamatave.
Convoi composé de OCEANIEN (Messageries Maritimes), IMPERATOR NICOLAS II (vapeur russe) et YARRA, escortés par torpilleurs français ARBALETE et DEDAIGNEUSE et le sloop anglais LILY, dans la formation suivante :
Vitesse prévue au départ, 11 nœuds, mais pour une raison inconnue, cette vitesse est rapidement tombée à 8 nœuds.
Le 29 Mai à 18h40, par 35°40 N et 25°53 E, YARRA reçoit une torpille dans la soute à charbon bâbord avant.
Voici la trajectoire de la torpille vue par LILY d’une part, et par les matelots du YARRA Toussaint Prianni et Louis Guillerme ainsi que le cuisinier Fernand Roman d’autre part.
Choc très violent. Sur la passerelle, tout est brisé. Les compas sont projetés en l’air. Le canot 2 est écrasé et son bossoir arraché.Une grande gerbe d’eau s’abat sur le pont et une épaisse fumée noire empêche de respirer. Le second capitaine, qui était de quart, a donné l’ordre de stopper la machine quand je suis arrivé à la passerelle supérieure. Monsieur Sache et Monsieur Domestici, lieutenants, se mettent ausssitôt à ma disposition et je les envoie aux embarcations. Sifflé un coup très long comme signal d’alarme et appelé aux postes d’abandon, la violence du choc laissant prévoir un naufrage rapide.
Monsieur Galand, chef mécanicien, vient me prévenir que les machines sont rapidement envahies et que l’on ne peut plus manœuvrer la machine. Le navire continue à avancer sur son erre.
Envoyé un signal de détresse par télégraphie.
L’ordre d’abandon est exécuté avec calme et sang froid par tout l’équipage et les passagers qui ont été entraînés à gagner rapidement leurs postes. Je signale que grâce à l’initiative et à l’énergie de Monsieur Albert Carron, lieutenant de cavalerie commandant les troupes du bord, la plus grande discipline n’a cessé de régner.
De la passerelle, j’assiste à l’embarquement des passagers et à la mise à l’eau des radeaux. YARRA continue doucement sa route, laissant dans son sillage une file d’embarcations et de radeaux avec leur précieux chargement. Je fais une ronde sur l’avant du navire qui est désert, puis sur l’arrière où je trouve Monsieur Le Flahec, 2e capitaine. Il a dirigé toute l’évacuation et m’informe qu’il ne reste personne.
L’eau couvre le pont avant, mais le navire reste droit. Nous décidons de le quitter.
Je jette à la mer le sac plombé des documents secrets et ne prends que le journal de bord et les listes équipage et passagers. Je m’assied sur la lisse et me laisse glisser à l’eau. Quelques personnes se tenant le long du bord, je leur crie de s’éloigner pour ne pas être englouties avec le navire.
Arrivé par le travers du grand mât, je vois des tirailleurs malgaches qui s’accrochent aux porte-haubans et ne veulent pas les lâcher, ainsi qu’une fillette que je ne peux secourir. Elle est récupérée par un canot de l’ARBALETE.
A hauteur du salon des premières, je vois à ma grande stupéfaction le contrôleur des postes Frelupt et le maître d’hôtel Labrousse qui sont encore sur le pont alors que je les croyais dans leur canot. Par un grand acte de courage, qui aurait pu leur coûter la vie, ils ont sauvé les trois sacs de valeurs qui étaient dans la cabine des postes et réussissent à les passer au canot de l’ARBALETE. Je leur crie de sauter à la mer, car le navire coulait.
Quand je fus à 15 m de l’arrière, je vis l’hélice sortir de l’eau. Le bâtiment s’enfonçait lentement lorsque retentit une violente explosion due, soit à la compression de l’air, soit aux obus placés sous les caisses du pont. Le navire disparut d’un seul coup. Il était 19h00.
Je fus recueilli par le youyou de l’ARBALETE. Nous fîmes route sur Milo où nous arrivâmes dans la matinée du 30 Mai.
Tous les naufragés recueillis par les convoyeurs ont été transportés sur FOUDRE, sauf 4 soldats créoles et 20 tirailleurs malgaches portés manquants. Mais une dépêche m’a informé qu’un sloop anglais avait remis 24 naufragés du YARRA à un torpilleur français qui les a débarqués à Port Saïd.
Quatre hommes, dont l’avocat général Dessaigne (nota : qui effectuait le voyage avec son épouse et sa fille) sont décédés sur FOUDRE.
Huit chauffeurs arabes, qui étaient de quart dans la chaufferie, ont été tués par l’explosion de la torpille selon le chef mécanicien.
Cela fait donc 12 victimes et j’attribue la faiblesse de ces pertes à l’ordre qui a régné pendant l’évacuation et à l’entraînement fait tous les jours et, surtout, au dévouement et aux manœuvres admirables des convoyeurs ARBALETE et DEDAIGNEUSE, ainsi qu’au sloop LILY dont le commandant et l’équipage sont au dessus de tout éloge.
Ils ont accompli des prodiges de courage, courtisant la mort avec dédain, pour sauver tout le monde.
Liste des victimes
Récompenses
Citation à l’Ordre de l’Armée
TIVOLLE Marius Capitaine Inscrit à Saint Tropez
Grâce à l’ordre et à la discipline qu’il a su faire régner à son bord, est parvenu à sauver son équipage et tous ses passagers lors du torpillage de son bâtiment.
N’a quitté son bord qu’après avoir été prévenu qu’il ne restait plus personne et s’être assuré que les opérations de sauvetage étaient complètement achevées.
FRELUPT Jean Guillaume Contrôleur des postes
A fait preuve du plus grand esprit de devoir et du plus grand sang froid lors du torpillage, en descendant à trois reprises dans sa cabine pour sauver les sacs de valeurs recommandées.
Citation à l’Ordre de la Division
LE FLAHEC Auguste 2e capitaine inscrit à Lannion
A fait preuve de beaucoup de calme et de sang froid au moment de l’explosion en répartissant dans les autres canots le personnel de son embarcation détruite et en dirigeant tout le sauvetage. A quitté le bord avec le capitaine après s’être assuré qu’il ne restait plus personne.
TERCY Barthélémy 2e mécanicien inscrit à Marseille
A fait preuve du plus grand sang froid au moment de l’explosion, renonçant à prendre place dans son embarcation qu’il venait d’aider à mettre à l’eau et qu’il avait peur de surcharger. A contribué au sauvetage d’une passagère et a soutenu dans l’eau un garçon du bord qu’il a sauvé.
(nota : il s’agissait du garçon Charles Domendietti qui ne savait probablement pas nager)
LABROUSSE Jean Maître d’hôtel inscrit à Marseille
A fait preuve d’un grand courage en restant un des derniers à bord, coopérant avec le contrôleur des postes au sauvetage des valeurs en cours de transport et prêtant son assistance à une passagère en danger de se noyer.
Citation à l’Ordre de la Brigade
GALAND Léon Chef mécanicien inscrit à Toulon
Est descendu dans sa machine au moment de l’explosion et a réussi à la stopper. A fait preuve de calme et de sang froid en aidant au sauvetage et en ne quittant le bord que dans les derniers.
ARNAUD Pierre Garçon inscrit à La Ciotat
A fait preuve de calme et de sang froid en coopérant à amener un canot à la place d’un homme blessé. A refusé d’y prendre place pour ne pas compromettre la sécurité de ceux qui s’y trouvaient déjà en trop grand nombre.
PONS Marie Femme de chambre
A fait preuve de beaucoup de courage et de sang froid en maintenant l’ordre parmi les passagères de son embarcation et en les encourageant par son exemple.
DRILLET François Télégraphiste inscrit à Paimpol
FERRACCI Dominique Télégraphiste inscrit à Marseille
Ont fait preuve du plus grand sang froid en exécutant avec calme les signaux d’alarme et en se tenant en relation avec le capitaine pour être prêts à exécuter les signaux. N’ont quitté le poste qu’après en avoir reçu l’ordre du capitaine.
Témoignage de satisfaction du Ministre
SACHE Auguste 1er lieutenant inscrit à Marseille
DOMESTICI Pierre 2e lieutenant inscrit à Marseille
Ont secondé avec beaucoup de zèle leur commandant et leur second dans les opérations de sauvetage. Sont revenus à plusieurs reprises sur les lieux du naufrage avec leur embarcation pour récupérer le maximum de naufragés.
Officiers, équipage et passagers du YARRA
Ont facilité les opérations de sauvetage grâce à l’ordre et au calme qui n’ont cessé de régner à bord et ont permis ainsi de sauver l’équipage et tous les passagers.
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’ UC 74 du KL Wilhelm MARSCHALL.
Wilhelm Marschall recevra les plus hautes distinctions allemandes et turques et fera par la suite une brillante carrière dans la marine de son pays. Il deviendra amiral. Il est décédé le 20 Mars 1976 à Mölln (Schleswig-Holstein).
Voici un lien sur ce commandant
http://www.uboat.net/wwi/men/commanders/195.html
Nota pour Yves et le site uboat.net : le commandant du YARRA au moment de son torpillage n’était plus le CLC Schwab mais bien le CLC Marius Tivolle.
Cdlt