Bonsoir,
la réponse du Conservateur du Musée du Service de Santé des Armées n'a pas tardé, et comme pressenti, accompagnée d'une photocopie du précieux rapport. Qu'il en soit remercié s'il lit ce post..
Autant les notes personnelles, très complètes dans leur description des terribles journées de bataille du 21-24 février 1916 dans l'Herbebois, avaient pu sembler décevantes dans le récit de la période de captivité - autant il me semble que ce rapport officiel consacré aux conditions de détention en Allemagne et surtout dans les camps de représailles en Pologne (actuelle Biélorussie), devrait intéresser davantage les spécialistes - je pense notamment à Jean-Claude.
Le document complet est désormais en ligne sur mon site (rubrique Généalogie > Portraits > Marcel LELONG)
ou :
http://pagesperso-orange.fr/genealogie. ... /m_l05.htm
En voici les premières lignes...
« A Monsieur le Directeur du Service de Santé de la Place de Paris »
RAPPORT
Du Médecin-auxiliaire Marcel LELONG, rentré d’Allemagne, sur sa captivité (24 fév. – 8 oct. 1916) et, plus particulièrement, sur les camps de représailles de Russie occupée.
(Franzosen Kommando n°IV, Etappen-Inspektion de la 12è Armée, régiment de Grodno, Pologne)
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance les faits suivants, que j’ai constatés pendant ma captivité (24 fév. à 8 oct. 1916), et dont je certifie l’absolue authenticité. Ayant surtout séjourné en Russie (région à l’Est de Grodno) j’insisterai particulièrement sur les camps de Pologne, dits de représailles.
Je ne suis resté que huit semaines en Allemagne, au camp d’officiers de Gütersloh [15 jours], puis au camp de troupes de Münster en Westphalie [camp n°2, - 6 semaines]. A ce dernier camp dirigé par le général STEINECKE, appartiennent environ 40.000 prisonniers ; 6.000 environ seulement ont le privilège de vivre dans le camp ; tous les autres sont dans les corvées de travail (« Kommandos »), dans les fermes, mais surtout dans les mines et dans les usines. Münster est le grand pourvoyeur de main d’œuvre pour l’extraction du charbon. Le camp lui-même n’est qu’une façade brillante, une « boutique » dont les Kommandos sont « l’arrière-boutique », arrière-boutique qui n’est jamais visitée par les délégués neutres, et où la condition du prisonnier est extrêmement misérable, où il mène purement et simplement la vie de l’esclavage antique, mal logé, très mal nourri, brutalisé, forcé au travail par des procédés barbares (privation de nourriture, chambres à l’ammoniaque). Je n’ai pas été personnellement témoin de ces faits, mais j’ai vu et interrogé de nombreux prisonniers revenant des mines ; tous ont été unanimes dans leurs affirmations. En général quand ils arrivent à rentrer au camp, ils ne sont plus que des loques humaines ; ils sont pâles, anémiés, d’aspect squelettique, sans forces et rongés par l’ankylostome duodénal ; s’ils ne sont pas devenus tuberculeux, ils sont condamnés fatalement à devenir la proie du bacille.
J’ai eu l’occasion, à Münster II, de panser un prisonnier anglais porteur dans la région fessière d’une large plaie causée par un coup de baïonnette donné par un soldat allemand. Ces faits sont assez fréquents.
Le 29 avril 1916, j’ai reçu l’ordre du général STEINECKE de partir en Russie. Avec trois autres médecins auxiliaires (Martin DE LAULERIE, 324è R.I., WILLOT, 233è R .I., ALBERTI, 114è Artillerie lourde) je fus affecté au Franzosen Kommando n°IV. Nous quittâmes le camp de Münster le 1er mai, obligés de porter nous-mêmes nos bagages, pour celui de Celle-en-Hanovre, où se faisait le rassemblement du détachement. Les 1.500 sous-officiers et hommes de troupe composant le Kommando étaient recrutés surtout parmi les intellectuels ; parmi eux se trouvaient, outre les médecins, une centaine au moins d’infirmiers. Tout le détachement fut entassé dans des wagons à bestiaux le 4 mai et débarqué le 7 à 8 heures du matin à Grodno. Là il fut fractionné en de nombreux sous-détachements de 50 à 100 hommes placés sous le commandement d’un Unteroffizier ou d’un simple Gefreiter.
Tous ces sous-groupes furent dispersés, très éloignés les uns des autres, dans le pays forestier et marécageux, qui s’étend à l’Est de Grodno, depuis 20 à 80 km de cette ville. Chaque sous-groupe eut rejoint son cantonnement le 11 mai, en moyenne par deux journées de marche très pénible, avec chargement plus que complet, dans le sable, sous le soleil, sans recevoir de nourriture, à peu près sans boire, - et enfin sous les coups de crosse des sentinelles.
Les principaux cantonnements étaient : Osjory, Lakna, Babino, Pod-Biloü, Pérekop, Sklensk, Zuckary, Dubinka, Sackrjenstschtschina, Eljentoschissna, Marzinckanzy, Waziliski, Lewaschoska, -etc.
Quand les sous-groupes furent installés aux points de travail, commença pour tous les prisonniers un régime implacablement dur. Méthodiquement les allemands s’attaquèrent :
1) aux corps :
a. d’une part en imposant aux prisonniers un travail extrêmement pénible
b. d’autre part, en les soumettant à un véritable régime de famine au sens littéral du mot
c. enfin, en les faisant séjourner dans une région malsaine, marécageuse, infestée par des légions de moustiques qui ne permettaient même pas aux malheureuses victimes de prendre, après leur rude journée, un repos bien gagné. L’impression de faim jamais assouvie et les douleurs dûes aux assauts continus, nuit et jour, des moustiques, - restent les deux souvenirs dominant dans la mémoire des prisonniers de Russie.
2) au moral, - par l’isolement systématique, absolu pendant les deux premiers mois : aucune lettre, aucun colis n’arrivèrent avant le début de juillet.
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Meilleures salutations et encore merci pour le signalement de cette nouvelle source.
Vincent