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Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : mer. déc. 05, 2007 6:36 pm
par bernard larquetou
Bonsoir à toutes et à tous,
Merci Mireille pour ce travail de transcription.
Sur le site
http://photoarchive.spb.ru:9090/www/sho ... 2001836823
et en passant par la version anglaise pour qui ne pratique pas le russe, on découvre 137 photos dignes d'intérêt sur l'armée russe.
Cordialement
BL
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : mer. déc. 05, 2007 7:32 pm
par Jean RIOTTE
Bonsoir à toutes et à tous,
Waaaaaooooouuuuuuhhhh !
Merci Bernard, très, très intéressant.
Cordialement.
Jean RIOTTE.
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : mer. déc. 05, 2007 8:16 pm
par laurent provost
Bonsoir a tous
si je comprends bien Mireille elle en a pour 16 jour et demi, a raison d'une heure par jour pour nous retranscrire ce carnet de route

Moine copiste ? cela va être un peu juste pour l'avant
Le lien des documents photographique en anglais devrait être proposé dans le forum des armées étrangéres, vraiment précieux
merci encore
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : mer. déc. 05, 2007 9:06 pm
par sylvainbremaud
En 1914, le plan de mobilisation prévoyait 100 trains sanitaires, mais on en compte pas la moitié en réalité ; de même, les convois sanitaires sur roues, censés être 1 par division d'infanterie, ne sont que 52 ! On compte 2 types de trains, des trains permanents, de l'armée, mais aussi de la Croix Rouge ou des diverses organisations, le second type étant des trains improvisés (et pas mieux équipés que ceux de France...).
La situation ne sera guère meilleur, j'ai par exemple un rapport annonçant que, le 1e septembre 1914, près de 3 000 blessés attendent sans aide dans la gare de Pinsk....
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : jeu. déc. 06, 2007 9:28 am
par Ar Brav
Bonjour à toutes et à tous,
Bonjour chère Mireille,
Merci beaucoup pour ce beau travail de transcription, c'est tout à fait passionnant. Bon courage pour la suite de cette aventure
Mes amitiés,
Franck
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : jeu. déc. 06, 2007 11:03 am
par mireille salvini
bonjour à tous,
merci Franck et Laurent pour vos encouragements
(quand je dis 10 pages=1 heure,c'est dix pages du livre..
pour comparer,toutes les lignes que j'ai mises jusqu'à aujourd'hui ce sont les 10 premières pages du livre...
alors pour l'avent,c'est un peu ric-rac

)
pour rejoindre le message de Sylvain (que je remercie pour ses infos),voici ce qui est écrit dans "
la nouvelle revue de l'histoire" de septembre 2007 (page 40)
A la fin de 1914,après les combats et les défaites des lacs Mazures,les pertes de l'armée russe ont déjà atteint
1 200 000 hommes tués et blessés".
Au cours des deux années suivantes,l'infanterie est saignée à blanc.La plupart des officiers et sous-officiers de carrière sont tombés.Les vides ne sont plus comblés.Faute de fusils,les renforts sont dirigés,sans armes,vers le front.Les soldats doivent ramasser les fusils des morts et des blessés.
(Dominique Venner)
terrible réalité.
Mireille
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : jeu. déc. 06, 2007 11:15 am
par mireille salvini
(..suite)
Notre train est envoyé à D.. en Galicie.Pour y arriver,nous devons traverser le San.En nous en approchant,nous rencontrons beaucoup de trains militaires;un échelon après l'autre nous dépasse rapidement.
Ils amènent des renforts:une grande bataille se développe en ce moment au-delà du San.
Quand un train militaire nous dépasse,le nôtre s'arrête.Nous mettons la tête aux fenêtres et crions notre salut aux soldats,qui nous répondent amicalement.Aux croisements,les trains militaires stationnent parfois à côté du nôtre.Les officiers sautent des wagons et montent chez nous.Nous leur offrons du thé,du café,des douceurs.Mais ce n'est pas cela qui les attire.
"-Nous sommes heureux de passer quelques minutes dans un milieu qui nous rappelle la famille",nous disent-ils.
Parfois,ils n'ont pas le temps d'avaler une gorgée.Le clairon sonne,et ils se précipitent vers leur train,abandonnant le verre de thé encore plein et notre salle à manger,si confortable.
Durant cette journée,beaucoup d'officiers de divers échelons nous ont rendu visite.
Un groupe de tout jeunes gens,ayant remarqué le café et le saucisson sur la table,n'a pu retenir un sourire enfantin.
"-Ne vous gênez pas,je vous en prie,soyez comme chez vous: prenez du saucisson,dit une de nos soeurs.Quant au café,nous allons le réchauffer tout de suite."
Le plus jeune coupe des tranches de saucisson.Le café fume.Mais,hélàs! le clairon appelle déjà,et nos hôtes s'envolent.
"-Vous régalerez mon frère à ma place,nous crie un d'eux.Il arrivera par le prochain train."
Les trains passent l'un après l'autre.Ils apportent des nouvelles inquiétantes.On dit que les Autrichiens auraient pris l'offensive et que les Allemands auraient jeté des troupes du nord sur le sud-ouest.Notre armée aurait dû reculer.
D...où nous allons,aurait été évacuée.
Le personnel de notre train s'agite.
"-Si nous sommes renvoyés en arrière au lieu de continuer notre chemin,cela signifiera que les nôtres ont commencé la retraite."
Cependant notre train marche toujours en avant,très lentement il est vrai,mais il avance.Des trains militaires le dépassent à chaque instant.
A la petite gare de K...,tout près du San,nous nous arrêtons à côté d'un échelon militaire.Les officiers du régiment qui le constitue passent chez nous une demie-heure.ils nous paraissent particulièrement intelligents et sympatiques.
Notre "doctoresse" en chef cède aux instances de la jeune soeur qui veut s'engager et demande aux officiers s'ils consentent à l'admettre dans leur régiment.La réponse est affirmative.
Notre soeur est dans une joie indescriptible.
Elle revêt aussitôt l'uniforme.Ses cheveux,elle les a déjà coupés à Kiev,mais nous le cachait en se couvrant la tête d'un mouchoir.Elle se présente à nous travestie en soldat:elle a l'air d'un garçon de seize ans.
Le colonel et le médecin-major nous promettent de protéger notre jeune collègue et disent qu'ils sont sûrs que les soldats la traiteront très bien.Le colonel la conduit le long des wagons de son train pour la présenter à ses hommes,auxquels il donne ces explications:
"-Voilà! c'est un nouveau soldat,volontaire,Serge S..,qui partira avec vous.Si quelqu'un ne sachant pas écrire veut qu'on écrive une lettre à sa famille ou si quelqu'un est blessé et veut qu'on le panse,il n'a qu'à s'adresser à elle.....Ah! diable! je veux dire à "LUI".A lui,vous comprenez?"
Et le colonel hérisse sa moustache,grise et longue,comme celle de Tarass Boulba dans la nouvelle de Gogol.
La moustache de ce colonel est beaucoup plus sévère que son coeur.Il est pour ses soldats comme une mère.Il sait que,demain,ils vont avec lui à l'assaut des positions ennemies,d'où beaucoup ne reviendront plus.Il veut qu'ils passent gaîement cette veillée des armes.
Il commande aux soldats de quitter les wagons et de descendre sur le quai.Il dit aux musiciens du régiment de prendre leurs tambourins et leurs accordéons et de jouer des danses.Il appelle les petites paysannes qui se pressent autour du train et les invite à danser avec ses hommes.Il n'est qu'onze heures du matin.
Mais le bal improvisé est en pleine ardeur.Les tambourins et les accordéons font retentir les airs des allègres mélodies de la polka,du kazatchok,du krakoviak.
Les soldats dansent sous les chauds rayons du soleil.
A la fin du bal,ils forment le cercle et nous chantent quelques chansons en les accompagnant de lents balancements rythmiques à gauche et à droite.
"-Merci! merci beaucoup! leur disons-nous.Gardez bien notre petite soeur!
-Ne craignez pas pour elle.Nous ne la laisserons pas mourir.Nous la retirerons du feu sur nos bras.
-Etes-vous toujours aussi gais? dis-je aux soldats,en regardant leurs visages sincèrement joyeux.
-Oui,ma petite soeur,toujours,quand nous allons mourir.Tu sais,nous allons directement au combat.Si on doit mourir,on doit mourir gaîment.
-Mais pourquoi dites-vous ça? On doit vaincre et non mourir.
-Eh! ma petite soeur,la victoire vient par la mort."
Une des soeurs nous interrompt:
"-Venez vite.On va prendre une photographie."
Nous traversons le talus et nous nous plaçons le long d'un fossé.Les officiers,notre volontaire tout neuf et la doctoresse s'asseoient sur le bord du fossé;les soldats et nous,nous les entourons.Ensuite,on photographie les soldats seuls,avec le joueur d'accordéon et les danseurs au premier plan.
A peine le claquement de l'appareil a-t'il retenti que la locomotive siffle.C'est notre train qui va partir.Nous faisons des adieux précipités et sautons dans les wagons.De grands "hourra" et "au revoir" nous accompagnent.Suivi des acclamations des soldats,notre train s'éloigne,laissant derrière lui notre jeune Varia,devenue le soldat volontaire Serge S...
"-Elle ne se sentira pas mal parmi eux,dit notre doctoresse.Si le colonel traite si bien ses soldats,il traitera notre Varia encore mieux.....Avez-vous entendu cette histoire de la boutique que le colonel avait acheté tout entière?
Et elle nous raconte ce qui suit:
"Le colonel se préoccupe surtout de l'état moral de ses soldats.Un jour,il passait avec son régiment devant une petite boutique où l'on vendait du tabac,des allumettes,du sucre,etc.Il y entra et demanda au marchand:
"-Pour combien de marchandises as-tu ici?"
Le patron le lui ayant dit,il sortit de sa poche les quelques dizaines de roubles qu'il fallait pour le payer,puis il cria aux soldats:
"-Mes garçons,j'ai acheté toute la marchandise de cette boutique.Prenez ce que vous voudrez"
La doctoresse continua:
"-Pourquoi gaspillez-vous votre argent? lui demandai-je.Vous avez des enfants.
-Des enfants? Qu'est-ce que ça fait? Ils ont de quoi manger.Et si je meurs,les bonnes gens s'occuperont d'eux.Maintenant,mes enfants,ce sont mes soldats.Demain,nous mourrons peut-être.Et vous voulez que je mette mon argent de côté? Non! Aujourd'hui,nous vivons gaîement ensemble,et demain je leur dirai: "En avant,mes garçons!"
Et ils iront avec moi à l'attaque!"
La doctoresse se tut.Et nous nous taisons tous.
(ici on a un passage censuré par l'éditeur,de petits pointillés courent le long de la page)
(à suivre...)
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : jeu. déc. 06, 2007 9:36 pm
par gg101hop
Bonsoir Mireille et à tous,
Félicitations à Mireille pour ce travail de fourmi, connait-on en France des femmes incorporées pour combattre au front? en parlant de lecture je viens de terminer un ouvrage fort intéressant intitulé "Toutes ces vies qu'on abandonne" de Virginie Ollagnier" il s'agit d'un soldat arrivant à l'hôpital d'Annecy en déc 1918 et très choqué au point de rester prostré et recroquevillé sur lui-même, ne parlant pas et une infirmière (une novice) va lui redonné la vie à l'aide de médecins psychiatres, qui connait cet ouvrage? je le recommande à tous (cela pourrait faire un cadeau de Noël.
salutations
Guy
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : jeu. déc. 06, 2007 10:17 pm
par sylvainbremaud
bonjour à tous,
merci Franck et Laurent pour vos encouragements
(quand je dis 10 pages=1 heure,c'est dix pages du livre..
pour comparer,toutes les lignes que j'ai mises jusqu'à aujourd'hui ce sont les 10 premières pages du livre...
alors pour l'avent,c'est un peu ric-rac

)
pour rejoindre le message de Sylvain (que je remercie pour ses infos),voici ce qui est écrit dans "
la nouvelle revue de l'histoire" de septembre 2007 (page 40)
A la fin de 1914,après les combats et les défaites des lacs Mazures,les pertes de l'armée russe ont déjà atteint
1 200 000 hommes tués et blessés".
Au cours des deux années suivantes,l'infanterie est saignée à blanc.La plupart des officiers et sous-officiers de carrière sont tombés.Les vides ne sont plus comblés.Faute de fusils,les renforts sont dirigés,sans armes,vers le front.Les soldats doivent ramasser les fusils des morts et des blessés.
(Dominique Venner)
terrible réalité.
Mireille
Comme quoi malheureusement les livres français ont quelques peu de mal avec le Front Russe : 1 200 000 en un mois, ca fait beaucoup......même pour l'armée russe
Plus sérieusement, les Russes perdent 92 à 93 000 hommes (tués, blessés, évacués et disparus) à Tannenberg (2e Armée, 2 1/2 corps détruits), et on peut estimer que la 1e Armée, sur les lacs Mazures, en perd environ 75 000, pas 100 000 comme on le voit (en fait, les historiens comptent souvent les 25 000 hommes perdus avant Tannenberg dans l'offensive de la 1e Armée et à la bataille de Gumbinnen), soit environ 200 000 hommes pour le Front Nord-Ouest
Dans le même temps, en Galicie, contre les Autrichiens, le Front Sud-Ouest (3e, 4e, 5e, 8e puis 9e Armées), lui en gagnant la bataille de Galicie, perd 233 000 hommes dont 44000 prisonniers (contre 336 000 austro-allemands dont 100 000 prisonniers).
On peut donc estimer qu'au 15 septembre, avant la bataille de Varsovie-Ivangorod, les Russes ont perdu 330 000 hommes environ.
On est loin de 1 200 000, sans doute pas atteint avant la Grande Retraite de 1915.
Sinon, merci encore pour cet intéressant témoignage.
Il semble que l'auteur ait travaillé pour un Zemstvo, et sans doute le train fut organisé par ceux-ci ; ce sont en fait des sortes de conseils de provinces (appelés Union de Zemstvo), équivalent des conseils municipaux, eux formés par l'Union des Villes.
Au vu du texte, le train devait se trouver sur le San fin septembre, et sans doute "D.." est la ville de Debica, grosse gare à l'Ouest du San. On est dans la 1e phase de la bataille de Varsovie-Ivangorod, au moment où la 9e Armée de Hindenburg vient au secours des Autrichiens en poussant de Silésie sur Ivangorod (auj Deblin) et Varsovie, sur la Vistule, les Autrichiens repoussant les Russes, par la rive droite de la Vistule, sur le San, pour peu de temps.
Cordialement
Sylvain
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Publié : ven. déc. 07, 2007 11:28 am
par Jean RIOTTE
Bonjour Sylvain,
Merci de toutes ces précisions, mais surtout merci de piquer notre intérêt pour ce front de l'Est dont j'ignore tout.
Cordialement.
Jean RIOTTE.