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Re: Pensée furtive...

Publié : ven. oct. 13, 2006 4:06 pm
par Bruno Tardy
Bonjour,
Heureusement pour eux, certains sont passés à travers, sinon une tranche d'age complête aurait été TOTALEMENT décimée. Question de chance et de hasard à mon avis.
Mon père a été mobilisé le 5 septembre 14 et démobilisé le 8 septembre 19 après être passé au 159 RI, 4e Génie et 226 RI, sans une seule blessure. Il est vrai qu'il n'avait pas eu droit aux premiers mois de guerre, mais pour le reste ? Dans ses lettres on trouve des phrases du genre : " deux de mes camarades ont été blessés" alors qu'ils étaient quatre au départ, ou encore " nous sommes revenus quatre sur sept"
Les périodes de vrai repos étaient très courtes, une dizaine de jours au maximum, les autres n'étaient que quelques jours en 2e ligne en alternace avec les jours de 1e ligne. Il est vrai que certains secteurs étaient plus tranquiles : "à peine se tire t-on un coup de fusil ou de canon de temps en temps" encore ne fallait il pas être au mauvais endroit.
Pour les 'embusqués', Garance a raison, Sans oublier les vaguemestres et tout le service des postes dont mon père se moque gentiment car c'était le cas d'un de ses cousins. Mais ils n'avaient pas choisi leur affectation.
Cordialement
Bruno

Re: Pensée furtive...

Publié : ven. oct. 13, 2006 5:16 pm
par Stephan @gosto
Bonjour,
"à peine se tire t-on un coup de fusil ou de canon de temps en temps" encore ne fallait il pas être au mauvais endroit.
Effectivement :

"Le 22 [décembre 1917], notre compagnie [la C.M. 2 du 74e R.I.] est endeuillée par une perte cruelle : vers deux heures de l’après-midi, l’aspirant Bansart, les sergents Coste et Brétiot, traversent la carrière et viennent aux cuisines me demander pour faire un bridge. Etant occupé à ce moment à écrire une lettre à ma femme, je leur dis d’aller préparer les cartes et de m’attendre quelques minutes. Ils repartent et retraversent, l’un derrière l’autre, la largeur de la carrière sur la caillebotis qui isole de la boue. A peine sont-ils arrivés vers le milieu de la distance qu’un obus de 130 vient éclater en plein milieu de leur groupe. Nous nous précipitons mais ne relevons que trois cadavres horriblement muti-lés ! Quelle fatalité ! C’est le seul obus que nous ayons reçu depuis notre séjour ici, et c’est juste sur le groupe de nos trois camarades qu’il est tombé. Et je réalise que si je n’avais pas été occupé à écrire cette lettre, je serais reparti avec eux et aurais partagé leur triste sort…"

Ce type de récit est à mettre en parallèle avec le laconisme des J.M.O. qui ne permet que rarement d'imaginer le détail ce genre de drames pourtant tant de fois répétés au cours de la guerre :

"Dans la journée, vers 15 heures, un 77 allemand est tombé sur l’emplacement occupé par la C.M. 2, tuant trois hommes"

A l'ouest, rien de nouveau....

Amicalement,

Stéphan

Re: Pensée furtive...

Publié : ven. oct. 13, 2006 7:02 pm
par tinou 501
bonsoir à tous, mon témoignage sort un peu du contexte 14/18 mais mon grand oncle est sorti de Cyr en 1926, il m'avait raconté qu'un homme de la promo suivante, avait passé 30 ans dans l'Armée sans entendre siffler une balle si ce n'est sur le champ de tir d'exercice...Ni en Afrique du Nord entre 1927 et 1934, ni en Europe entre 39 et 45, ni à Madagascar en 46/47, ni en Indochine, ni en Algérie !
Sans doute le hasard des affectations !

Il est évident que l'on doit distinguer le combattant du front avec celui, mobilisé certes, mais qui passe sa vie dans un bureau. Ne les confondons pas non plus avec les affectés spéciaux, spécialistes techniciens rappelés du front pour travailler utilement en usine ! Parlons aussi des gendarmes ! "salut gendarmes, beaucoup de pertes chez vous ?" rappelait un titi pendant Verdun.

J'ai posé la question de savoir si on pouvait estimer le nombre de survivants de 18 déjà présents sous les Drapeaux en 14 et ayant traversé les 4 ans miraculeusement...ex : les 3 frères de De Gaulle...On ne restait pas tout le temps au front, c'est évident, on se formait à l'arrière, on passait aussi des examens, des stages...

Je crois que la réponse viendra quand on aura dépouillé les fiches administratives de tous ceux d'août 14 !
Aux alentours de Noël 14, "il pleuvait cette nuit là sur les lignes où les rois Mages portaient des minenwerfer"
Par exemple mon père, sous les drapeaux des Août 14, qui a chargé à la lance contre les mitrailleuses, qui a laissé 5 chars sous le feu, qui apassé plusieurs jour dans les lignes allemandes, qui a reçu la croix de guerre avec 3 citations et la médaille militaire.
C'est tout de même de la chances. Mais ik n'a pas été le seul. J'ai connu un certain nombre de ses camarades de combats qui ont eut cette chance.
LD

Re: Pensée furtive...

Publié : ven. oct. 13, 2006 9:23 pm
par oratorio
Par exemple mon père, sous les drapeaux des Août 14, qui a chargé à la lance contre les mitrailleuses, qui a laissé 5 chars sous le feu, qui apassé plusieurs jour dans les lignes allemandes, qui a reçu la croix de guerre avec 3 citations et la médaille militaire.
C'est tout de même de la chance.....
LD
La chance? Indéniablement. Mais y-avait-il aussi "quelquechose" que certains soldats faisaient afin d'éviter le mauvais sort? Quelles "techniques" personnelles certains poilus avaient élaborées pour survivre? Y-avait-il des "trucs"? Quelles étaient les superstitions? Les amulettes?
Une autre chose qui me gratte les neurones, le combat à la baîonnette, quelles différences y-avait-il entre ce qu'on apprennait à "l'école" et ce qui se passait sur le terrain? Est-ce que les forts gagnaient toujours? Et les sons de la bataille? Le goût et l'odeur de la bataille...Assez pour aujourd'hui.

Re: Pensée furtive...

Publié : ven. oct. 13, 2006 10:00 pm
par daniel brouard

Comme le dit Bruno Tardy, heureusement que certains sont passés au travers !
Pour illustrer ce constat voici ce que dit Jean-Baptiste Mainguy, soldat au 9ème RMZ durant les combats de Belgique en Avril 1915 :
"Après 8 jours sans repos ni sommeil et après avoir chargé à la baïonnette le 28 Avril à 3 heures du soir et le 29 à 5 heures du soir, Dieu m’a accordé la vie sauve et la Sainte Vierge m’a protégé, aussi comme je suis resté le 28 Avril, 6 heures à 100 mètres de la tranchée Allemande sous un feu violent, j’ai promis un ex-voto à notre Dame de Lourdes. Aussi faites-le placer le plus vite possible à son autel dans notre vieille église avec cette inscription « Merci à Marie »"
"Ma chéchia a été traversée d’une balle ainsi que mon cache-nez et ma gamelle sur mon sac ; mais je ne vous raconte pas plus long pour cette fois, ce sera pour une autre fois".
Sur le nombre d'hommes engagés sur le front (des millions !) certains ont eu de la chance, le hasard a aussi parfois bien fait les choses et certains diront que c'est le destin ou un signe divin !
Jean-Baptiste MAIGUY a vécu bien d'autres situations de ce genre puisqu'il a participé à tous les combats du 9ème RMZ de Avril 1915 à Octobre 1918 depuis Tracy le Val jusqu'à Verdun (blessure à la côte 304) en passant par la Belgique, le Chemin des Dames, la Somme, Nancy, la Champagne (attaque sur l'Ouvrage de la Défaite, Maison de Champagne) etc.........
Evidemment tout celà avec des périodes de repos pour reconstituer le régiment après des pertes souvent impressionnantes.
Et puis retour en 1ère ligne, attaques, charges à la baïonnette, bombardements .............

Il est donc passé au travers (c'est le mot juste !) et a mené une vie que l'on peut qualifier de "normale" après la guerre.
Il n'était pas le seul.

Cordialement
Daniel





Y avait donc les vernis et puis y avait les autres.
Une autre pensée furtive: en lisant les horreurs du combat, ma petite cervelle n'arrive absolument PAS à digérer le fait que quelques uns des combattants aient pu survivre pendant 4 ans ces massacres. Oui, oui je sais que ce n'était pas quatre ans d'affilée, il y avait les longues périodes où l'on fûmait le tabac gris sans presse, où rien ne se passait. Des statistiques au sujet des régiments qui ont vu le plus de combats? Les zones qui ont vu le plus de jours/semaines/mois de combats? Des livres au sujet de ceux qui se sont battus le plus - durée - et ont survécu?
Avec gratitude, même pour des miettes d'info, ce sera plus bien plus que je ne possède.

Re: Pensée furtive...

Publié : ven. oct. 13, 2006 11:00 pm
par Gilles ROLAND
Bonsoir,
Quelles "techniques" personnelles certains poilus avaient élaborées pour survivre? Y-avait-il des "trucs"? Quelles étaient les superstitions? Les amulettes?
Je pense que c’était surtout la chance de ne pas se trouver dans la trajectoire du tir de/ou des mitrailleuses, de se coucher et de se relever au bon moment.
Les amulettes, comme tous les arguments des autres religions, ça ne sert qu’à ceux qui y croient.

DAMNED nous sommes le vendredi 13. :lol:

Cordialement

Gilles [:gilles roland:1]



Re: Pensée furtive...

Publié : ven. oct. 13, 2006 11:22 pm
par terrasson
La chance? Indéniablement. Mais y-avait-il aussi "quelquechose" que certains soldats faisaient afin d'éviter le mauvais sort? Quelles "techniques" personnelles certains poilus avaient élaborées pour survivre? Y-avait-il des "trucs"? Quelles étaient les superstitions? Les amulettes?
Une autre chose qui me gratte les neurones, le combat à la baîonnette, quelles différences y-avait-il entre ce qu'on apprennait à "l'école" et ce qui se passait sur le terrain? Est-ce que les forts gagnaient toujours? Et les sons de la bataille? Le goût et l'odeur de la bataille...Assez pour aujourd'hui.
bonsoir à vous
vous parlez des attaques à la baionnette.. d apres mon grand pére de ce qu il ma dit et ce que j en ai retenu en fait il n aimait pas en parler c était l extréme limite il pouvait tirer sur "le boche" il l avait au bout du fusil il etait loin... à la baionnette il était au pres ils se voyaient les yeux dans les yeux.. et c était different la les conversations s arrétaient...voila
bonne soirée

Re: Pensée furtive...

Publié : ven. oct. 13, 2006 11:41 pm
par oratorio
... à la baionnette il était au pres ils se voyaient les yeux dans les yeux.. et c était different la les conversations s arrétaient...voila
Ils étaient si près l'un de l'autre qu'ils se voyaient le blanc de leurs yeux. L'un d'entre eux devait faire plus vite et plus fort que l'autre, autrement c'était fini. Mais pour celui qui survivait, il fallait ressortir la pointe vite fait car il y avait la prochaine vague. La chance, peut-être, mais il devait aussi y avoir ceux qui faisait "mieux", autrement il ne reste que la chance. Il y avait bien des tireurs d'élite, n'y avait il pas des "baîonnetteurs" d'élite?

Re: Pensée furtive...

Publié : sam. oct. 14, 2006 12:00 am
par jochari 33
Bonsoir,
Il y a quelques années ,lors d'un reportage sur arte qui suivait" les vendanges de fer"; un historien allemands expliquait que les hommes des deux camps se confectionnaient des armes blanches et parfois meme preferaient une pelle pour se battre au corps a corps.Il montrait
tout un tas d'articles posés sur des etagéres du style masses d'armes et dagues en tous genres .
Bonsoir a tous

Re: Pensée furtive...

Publié : sam. oct. 14, 2006 12:23 am
par croc-5962
Bonjour à tous.
Mon père, classe 1907:
1° combat le 24 août 14, dernier combat: 27 juillet 18, libéré le 27 juillet 19, blessé, décoré.
Seules les principales batailles sont inscrite dans son livret indivuel, hormis les secteurs de Verdun en 16.

Sur 8 500 000 mobilisés de 14/18, 1 million n'aurait jamais été en première ligne.
Accueil des recrues, instruction, hébergement, transport, intendance, dépots....
Dans l'armée, il faut un nombre incroyable de postes pour faire tourner le chmilblick! Et à ces soldats de l'arrière, il faut ajouter les Poilus lors de leur séjours hors des zones de guerre qui les aidaient dans leurs périodes dites de "repos".
Ces hommes de l'arrière n'étaient pas ceux que les Poilus appelaient "les planqués", ils avaient la chance d'une bonne place...

Quant aux combats "à la baïonette", il y en a eu, mais relativement peu. Les corps à corps se faisaient à la pelle, au couteau, au pieu, à la masse, à l'arme que le soldat s'était souvent fabriqué pour ces terribles moments, à tout ce qui est maniable car chaque 1/2 seconde comptait. la baïonette au bout du fusil était inutilisable aprés le premier enfoncement, fusil et rosalie 1 mètre 40 plus le poids....

Mais une question à oratorio:
tu poses des questions sur les combats au corps à corps principalement, pourquoi? Es-tu en manque de sang? Penses-tu que l'un de nous peut répondre à ce que tu attends?
Non, personne ne le peut. Tous les combattants de 14/18, les vrais comme Genevoix, n'ont jamais voulu parler de ces choses là. Et pourtant, Genevoix est l'un des rares combattants à décrire ces tueries, mais lui aussi n'a pas pu dire ou trouver les mots pour nous transmettre leurs peurs, leurs furies, leurs douleurs, leurs angoisses...