Re: vestiges du SUDELKOPF
Publié : dim. janv. 03, 2010 4:06 pm
Bonjour à tous,
Bonjour Vincent,
Salut J-B,
Ah, la galerie « américaine » du Sudel… Vaste sujet… Il serait si salutaire, une fois pour toutes (rêvons un peu), d’y voir plus clair. Essayons de procéder méthodiquement, et débutons par l’article par lequel le débat naît.
Dans cet article, « La galerie américaine du Sudel » (in Bulletin de liaison des Amis du Hartmannswillerkopf, n°17, novembre 1986, pages 17-18), Georges Schultz écrit : « D’après un habitant de Goldbach aujourd’hui décédé, le forage aurait été effectué par les Américains, d’où l’appellation "Amerikaner-Stolla" (galerie américaine). » Et plus loin, « doit-on en déduire que les Français ont commencé et que les Américains ont terminé ? La version est plausible si on examine le coffrage, en bois équarri et non en rondins ; façonnage et assemblage relèvent plutôt de l’« américanisation » au sens industriel du mot. On trouve d’ailleurs la même conception dans des galeries, aujourd’hui aussi ignorées, en d’autres secteurs des Vosges occupés en 1918 par les troupes américaines.
[…] A partir du 18 juin effectivement, le 139e RIUS (35e DI US) occupe, conjointement avec le 62e RI, le secteur Grand Ballon à HWK sommet. »
Je commencerai par reprendre les éléments en fin de la citation ci-dessus. La limite Nord du secteur de la 22e D.I. est en effet précisée comme suit dans une source de première main :
« La limite entre la 22e Division et la 35e DIUS (secteur de Gérardmer) se fait : ligne parallèle au cours de la Lauch et du Steinlebachrunz et à 200 m. au N. de ces cours d’eau – Drehkopf (à la 22e D.I.) – Oderen – Mt Drumont (à la 35e DIUS). » (JMO de la 22e D.I.)
Quant à l’engagement américain aux côtés du 62e R.I., il n’a été que de courte durée, comme on peut en juger :
« Le bataillon rattaché au 62e est le IIe bataillon du 139e RIUS. Arrivé à Willer le 18 juin, il se porte à Moosch le 19 juin.
Le bataillon US monte en ligne avec le 62e dans les conditions suivantes : 2 Cies sont affectées au groupe de droite (Guérin) et montent en ligne avec le 1er bataillon du 62e relevant dans ce quartier.
24 juin : un soldat américain est électrocuté en avant du PA Judenhut, entre les GC 3 et 5.
26 juin : deux Américains tués, l’un au PA Sudel, l’autre au Camp Hennequin. Le 2e bataillon du 139e d’Infanterie américain est relevé des premières lignes le 28 juin. » (JMO du 62e R.I.)
Le fait a l’air anodin mais, à mon humble avis, il n’en est rien. Il me semble en effet bon de rappeler que le 2e bataillon du 139th Infantry a été le seul à opérer dans cette zone dévolue à la 22e D.I. (à l’exception du 3e bataillon du 140th Infantry, en réserve plus au Sud, dans le Quartier Moyret-Rochette), et en particulier au sein des Quartiers Bresson (PA Judenhut et PA Gerbier) et Guérin (PA Sudel et PA Breital), alors que les autres unités combattantes de la 35th Division tenaient le Sous-secteur de Galbert.
Et pourtant… et pourtant, pourquoi Georges Schultz s’est-il focalisé sur une unité de combat alors qu’il savait que des pionniers américains avaient prêté main forte à des éléments du Génie de la 22e D.I. ?
Ce qui nous amène aux sources dudit Génie.
Le JMO de la Compagnie 11/2 du 6e Génie, indique pour la période juin – juillet 1918, des travaux au Klinzkopf (1re section), l’organisation d’un GC au col entre le Lauchenkopf et le Klinzkopf, d’un abri de TSF au Camp Payrou, d’un PC de compagnie au CR Boussat (2e section), le réseautage et la réfection d’abris entre le Breitfirst et le Jungfrauenkopf (4e section) ; le 9 juillet, « deux compagnies de pionniers viennent travailler avec la compagnie » ; une section va travailler au Klinzkopf et au Lauchenkopf ; deux sections vont à Boussat. Le 26 juillet, « les 2e et 3e sections montent au Sudel pour travailler à l’organisation souterraine du Sudel avec un groupe compresseur (n°72) » ; le 27 juillet, « les travaux du Sudel sont entrepris avec le groupe compresseur ». Cette compagnie est relevée le 30 août par la Compagnie 1/51 du 3e Génie.
C’est le JMO de la Compagnie 11/52 qui nous éclaire :
« 19 juin au 31 août : la compagnie travaille à l’organisation défensive du secteur, elle détache 3 sections au Ballon de Guebwiller, au Molkenrain et au Sudelkopf, ces sections construisent avec le concours de 3 groupes compresseurs de la VIIe Armée, des abris cavernes dans la montagne ; la 4e section manutentionne le matériel du dépôt de Willer. Plus tard, la section du Ballon de Guebwiller est remplacée par une section de la 11/2, celle du Sudelkopf par un peloton d’Américains […]. »
La présence d’une section américaine [« platoon » ayant certainement été improprement traduit par « peloton » au lieu de « section »] au Sudel est donc avérée.
Etape suivante : qu’est-ce qui nous prouve que cette galerie est « américaine » ?
- Un témoignage oral, tout d’abord, émis au conditionnel et reposant sur l’appellation donnée, à tort ou à raison, à ces travaux.
- « […] façonnage et assemblage relèvent plutôt de l’« américanisation » au sens industriel du mot. On trouve d’ailleurs la même conception dans des galeries, aujourd’hui aussi ignorées, en d’autres secteurs des Vosges occupés en 1918 par les troupes américaines » : c’est bien là qu’est le problème, en quelque sorte. Car qualifier d’américanisation un travail d’aspect peu artisanal reviendrait à méconnaître – au mieux – la qualité des abris M.D., par exemple, bien antérieurs à des travaux 100 % américains : si l’on extrapole, toute construction bétonnée, ou au moins « soignée » et n’utilisant pas uniquement du bois, ne pourrait-elle être l’œuvre de Français ? Justement non, si l’on s’appuie sur « des galeries, aujourd’hui aussi ignorées, en d’autres secteurs des Vosges occupés en 1918 par les troupes américaines » : les galeries du Klinzkopf, justement, sont finalement plus impressionnantes que celle du Sudel, dans un secteur occupé en 1918 par les troupes américaines, mais elles sont dues à des compagnies françaises du Génie, auxquelles des pionniers américains ne sont venus en aide que tardivement.
En conclusion très temporaire, il ne reste plus qu’à explorer les sources américaines afférant au 110th Engineers, régiment du Génie de la 35th Division.
A suivre, j’espère…
Bien cordialement,
Eric Mansuy
Bonjour Vincent,
Salut J-B,
Ah, la galerie « américaine » du Sudel… Vaste sujet… Il serait si salutaire, une fois pour toutes (rêvons un peu), d’y voir plus clair. Essayons de procéder méthodiquement, et débutons par l’article par lequel le débat naît.
Dans cet article, « La galerie américaine du Sudel » (in Bulletin de liaison des Amis du Hartmannswillerkopf, n°17, novembre 1986, pages 17-18), Georges Schultz écrit : « D’après un habitant de Goldbach aujourd’hui décédé, le forage aurait été effectué par les Américains, d’où l’appellation "Amerikaner-Stolla" (galerie américaine). » Et plus loin, « doit-on en déduire que les Français ont commencé et que les Américains ont terminé ? La version est plausible si on examine le coffrage, en bois équarri et non en rondins ; façonnage et assemblage relèvent plutôt de l’« américanisation » au sens industriel du mot. On trouve d’ailleurs la même conception dans des galeries, aujourd’hui aussi ignorées, en d’autres secteurs des Vosges occupés en 1918 par les troupes américaines.
[…] A partir du 18 juin effectivement, le 139e RIUS (35e DI US) occupe, conjointement avec le 62e RI, le secteur Grand Ballon à HWK sommet. »
Je commencerai par reprendre les éléments en fin de la citation ci-dessus. La limite Nord du secteur de la 22e D.I. est en effet précisée comme suit dans une source de première main :
« La limite entre la 22e Division et la 35e DIUS (secteur de Gérardmer) se fait : ligne parallèle au cours de la Lauch et du Steinlebachrunz et à 200 m. au N. de ces cours d’eau – Drehkopf (à la 22e D.I.) – Oderen – Mt Drumont (à la 35e DIUS). » (JMO de la 22e D.I.)
Quant à l’engagement américain aux côtés du 62e R.I., il n’a été que de courte durée, comme on peut en juger :
« Le bataillon rattaché au 62e est le IIe bataillon du 139e RIUS. Arrivé à Willer le 18 juin, il se porte à Moosch le 19 juin.
Le bataillon US monte en ligne avec le 62e dans les conditions suivantes : 2 Cies sont affectées au groupe de droite (Guérin) et montent en ligne avec le 1er bataillon du 62e relevant dans ce quartier.
24 juin : un soldat américain est électrocuté en avant du PA Judenhut, entre les GC 3 et 5.
26 juin : deux Américains tués, l’un au PA Sudel, l’autre au Camp Hennequin. Le 2e bataillon du 139e d’Infanterie américain est relevé des premières lignes le 28 juin. » (JMO du 62e R.I.)
Le fait a l’air anodin mais, à mon humble avis, il n’en est rien. Il me semble en effet bon de rappeler que le 2e bataillon du 139th Infantry a été le seul à opérer dans cette zone dévolue à la 22e D.I. (à l’exception du 3e bataillon du 140th Infantry, en réserve plus au Sud, dans le Quartier Moyret-Rochette), et en particulier au sein des Quartiers Bresson (PA Judenhut et PA Gerbier) et Guérin (PA Sudel et PA Breital), alors que les autres unités combattantes de la 35th Division tenaient le Sous-secteur de Galbert.
Et pourtant… et pourtant, pourquoi Georges Schultz s’est-il focalisé sur une unité de combat alors qu’il savait que des pionniers américains avaient prêté main forte à des éléments du Génie de la 22e D.I. ?
Ce qui nous amène aux sources dudit Génie.
Le JMO de la Compagnie 11/2 du 6e Génie, indique pour la période juin – juillet 1918, des travaux au Klinzkopf (1re section), l’organisation d’un GC au col entre le Lauchenkopf et le Klinzkopf, d’un abri de TSF au Camp Payrou, d’un PC de compagnie au CR Boussat (2e section), le réseautage et la réfection d’abris entre le Breitfirst et le Jungfrauenkopf (4e section) ; le 9 juillet, « deux compagnies de pionniers viennent travailler avec la compagnie » ; une section va travailler au Klinzkopf et au Lauchenkopf ; deux sections vont à Boussat. Le 26 juillet, « les 2e et 3e sections montent au Sudel pour travailler à l’organisation souterraine du Sudel avec un groupe compresseur (n°72) » ; le 27 juillet, « les travaux du Sudel sont entrepris avec le groupe compresseur ». Cette compagnie est relevée le 30 août par la Compagnie 1/51 du 3e Génie.
C’est le JMO de la Compagnie 11/52 qui nous éclaire :
« 19 juin au 31 août : la compagnie travaille à l’organisation défensive du secteur, elle détache 3 sections au Ballon de Guebwiller, au Molkenrain et au Sudelkopf, ces sections construisent avec le concours de 3 groupes compresseurs de la VIIe Armée, des abris cavernes dans la montagne ; la 4e section manutentionne le matériel du dépôt de Willer. Plus tard, la section du Ballon de Guebwiller est remplacée par une section de la 11/2, celle du Sudelkopf par un peloton d’Américains […]. »
La présence d’une section américaine [« platoon » ayant certainement été improprement traduit par « peloton » au lieu de « section »] au Sudel est donc avérée.
Etape suivante : qu’est-ce qui nous prouve que cette galerie est « américaine » ?
- Un témoignage oral, tout d’abord, émis au conditionnel et reposant sur l’appellation donnée, à tort ou à raison, à ces travaux.
- « […] façonnage et assemblage relèvent plutôt de l’« américanisation » au sens industriel du mot. On trouve d’ailleurs la même conception dans des galeries, aujourd’hui aussi ignorées, en d’autres secteurs des Vosges occupés en 1918 par les troupes américaines » : c’est bien là qu’est le problème, en quelque sorte. Car qualifier d’américanisation un travail d’aspect peu artisanal reviendrait à méconnaître – au mieux – la qualité des abris M.D., par exemple, bien antérieurs à des travaux 100 % américains : si l’on extrapole, toute construction bétonnée, ou au moins « soignée » et n’utilisant pas uniquement du bois, ne pourrait-elle être l’œuvre de Français ? Justement non, si l’on s’appuie sur « des galeries, aujourd’hui aussi ignorées, en d’autres secteurs des Vosges occupés en 1918 par les troupes américaines » : les galeries du Klinzkopf, justement, sont finalement plus impressionnantes que celle du Sudel, dans un secteur occupé en 1918 par les troupes américaines, mais elles sont dues à des compagnies françaises du Génie, auxquelles des pionniers américains ne sont venus en aide que tardivement.
En conclusion très temporaire, il ne reste plus qu’à explorer les sources américaines afférant au 110th Engineers, régiment du Génie de la 35th Division.
A suivre, j’espère…
Bien cordialement,
Eric Mansuy