Bonjour à tous.
Question bête, excusez-moi, je n'ai pas vos compétences : Est-ce que vos « centres de mobilisation » ou « centres mobilisateurs », dont vous parlez sur ce fil, correspondent aux « centres de recrutement ou dépôts de recrutement » de 1914-1915 ?..
Alors, comme l’a conseillé
Stephan@gosto à de nombreuses reprises,
« N'hésitez pas à vous servir du moteur de recherche propre à ce forum pour essayer de retrouver des messages sur le sujet ». Or, il y en a plein à propos des recrutements ! Par exemple :
De Charraud Jerome
A la mobilisation les régiments sont de recrutement régional. Ceci est surtout vrai pour les régiments de réserve et de la territoriale. Les régiments d'active, avec leurs appelés, sont un peu plus variés au niveau zone de recrutement.
Au vu des pertes des premiers mois, les "recrutements" se sont surtout faits afin de combler les trous. Peu importe la région, vous retrouvez ainsi des périgourdins et des chtimis avec les berrichons du 90e. La régionalisation des unités s'est faite plus diffuse au fil du conflit.
De plus, un blessé de retour de convalescence ne retrouvait pas obligatoirement son unité d'origine et parfois se retrouvait dans une autre unité.
Bien sûr, vous trouverez des exceptions, mais voici à peu près la règle générale.
Par régional, j'entends région militaire (=> Corps d'Armée) et par recrutement, le lieu dudit recrutement.
De Stephan@gosto
Concernant le 146e R.I., il ne déroge pas à la règle et ses renforts, au début prélevés directement sur le dépôt (qui fut d'ailleurs déplacé à Castelnaudary), furent ensuite prélevés sur son bataillon de dépôt d'instruction, puis un peu plus tard, indistinctement sur l'ensemble des bataillons de dépôts d'instruction du Centre d'Instruction de l'Armée à laquelle le régiment été rattaché, ce qui favorisa effectivement un certain brassage dans les affectations.
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Je pense qu'il faudrait plutôt dire, pour être plus en phase avec la réalité, que les dispositions que j'énumerai plus haut ont fait que le recrutement ne fut plus systématiquement régional. Cependant, pour le cas que je connais un peu mieux que les autres - celui de la 3e Région Militaire - le recrutement régional, certes atténué - perdura tout au long de la guerre. Au 74e R.I., par exemple, à la mi-1917, plus des deux tiers de l'effectif du régiment était encore issus du bassin de recrutement initial. J'ai également commencé un travail sur l'origine des renforts qui furent affectés au 74e R.I. tout au long de la guerre et, pour ce que j'en ai vu à ce jour, ces contingents provinrent essentiellement de la 3e R.M. Seules quelques rares fois, afin de combler rapidement des pertes massives, on dirigea, depuis le Centre d'Instruction de l'Armée vers le 74e, des contingents étrangers à la 3e R.M. Lors de ces recherches au S.H.D., j'étais d'ailleurs tombé sur une note du G.Q.G., concernant soit la classe 16 soit la classe 17, encourageant les commandants des Centres d'Instruction à essayer, dans la mesure du possible, d'affecter les renforts à des unités originaires de la même Région Militaire. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de retranscrire cette note mais je compte bien le faire très prochainement.
Moi, j’ajoute que mon gp fut, un temps,
instructeur des bleus et qu’il a vu passer des jeunes hommes de tous les horizons à Villemoustaussou ou à Castelnaudary. Il en parle dans ses correspondances :
Villemoustaussou, 24 janvier 1915
--- J'étais désigné pour partir au front vendredi dernier, mais voici qu'une circulaire ministérielle est arrivée, prescrivant de confier l'instruction des bleus aux sous-officiers revenant du front. Quatre compagnies de bleus sont à Villemoustaussou.
--- Samedi matin, le commandant ratifiait le choix du capitaine. A 2 heures, je quittai donc Castelnaudary avec 17 sergents à destination de Villemoustaussou. Accueil sympathique des sous-officiers de la 28° Cie, à laquelle je suis affecté.
--- On m'a confié le commandement d'une section, soit 80 poilus, parisiens et bretons.
15 mars 1915
--- Hier dimanche un renfort pour le 164° à Verdun ; j'ai failli le conduire. Demain, renfort pour le 31° de Paris, aux tranchées à Vauquois (Argonne). Dans quinze jours, nos bleus seront presque tous partis.
17 mars 1915
--- Le deuxième détachement de bleus est parti ce matin pour Castelnaudary.
22 mars 1915
--- Notre capitaine a réuni ce matin les chefs de section et nous a laissé entendre notre prochain départ. À mots couverts, on parle de jeudi. Le 143° a embarqué hier 4 compagnies.
31 mars 1915
--- Je suis ici tout au moins jusqu'au 5 avril, mais rien toujours de nouveau au rapport. On dit dans les bureaux du Commandant que les cadres resteraient provisoirement ici pour recevoir les bleus qui vont arriver au nombre d'un millier après le 6 avril. Notre classe 15 irait après Pâques à Castelnaudary et serait envoyée, par détachements plus ou moins conséquents, sur le front et se fondrait avec les anciens.
3 avril 1915
--- A moins d’imprévu, je reste avec mes camarades pour instruire la classe 16. Si on réduit le nombre des sergents, c'est que les bleus aussi ne seront pas nombreux : 700 au lieu de 1200. Et l'on a besoin de sergents à Castelnaudary pour encadrer la classe 15, qui va partir dans quelques jours, et pour former les nouveaux régiments.
6 avril 1915
--- À onze heures nous allons faire nos adieux à nos petits bleus qui vont commencer à nous quitter. Il y a un départ de 200, 50 par compagnie, pour Castelnaudary. Les autres départs vont se succéder pour faire place aux nouveaux.
10 avril 1915
--- Toujours du changement et des notes nouvelles au dépôt. Un sergent de la 27° nommé vaguemestre est remplacé par un de ceux qui ont été désignés à ma place pour partir.
--- Quatre sous-officiers, par compagnie, rejoindront lundi Castelnaudary pour instruire la classe 16 en caserne et la ramener à Villemoustaussou dans un mois. Ont été désignés 4 inaptes, par suite de blessures, à faire campagne. Le sergent Ducloux fera fonction d'adjudant. Quel honneur ! Maintenant, qu'allons-nous devenir? Il reste ici cent bleus par compagnie qui rejoindront par petits détachements Castel, au fur et à mesure des besoins. Nous continuons donc à les instruire.
--- Un délégué du ministre est venu et a obligé à recevoir les bleus à Castel.
23 avril 1915
--- Les sergents qui sont partis, il y a quelques jours, n'ont pas moisi au dépôt ; les uns sont au 346, d'autres au 146, d'autres enfin encadrent un bataillon de marche, le 420, qui va aller au Camp de Mailly.
--- Il nous reste ici 50 poilus, ce sera pour le prochain départ.
9 mai 1915
--- L'ordre vient d'arriver de préparer un départ de bleus pour le 146° ; vingt par compagnie. Cela va me donner aussi une certaine occupation et une certaine distraction : les réunir, les armer et les équiper.
--- Ils nous quitteront demain à six heures pour Castelnaudary et ensuite Arras, où se trouve actuellement le 146° de retour d'Ypres. Et maintenant ce sera la tristesse dans ma compagnie et surtout dans ma section. Il ne m'en reste plus que quarante, les retardataires et les malades. On va préparer le déménagement pour Alzonne ; le départ est toujours fixé au 15 mai. Après le cantonnement préparé, on regagnera la caserne bien triste de Castelnaudary.
Castelnaudary, 25 mai 1915
--- Aujourd'hui, la compagnie a subi un profond remaniement ; nous avons reçu tous les anciens de la classe 15. Je reste avec mes chers petits bleus de la 28°.
--- On annonce, un départ pour le 346°, dont je serai sans doute. Je te confirmerai la nouvelle quand le sergent-major sera revenu de la salle des rapports. Me voici avec 4 sergents sous mes ordres, dont un vieux briscard de 42 ans, territorial de Marseille. Les autres sont parisiens. Ils sont contents eux aussi et se déchargent sur moi de la besogne et du commandement.
Laroche (Yonne) Mardi 1er juin 1915, 10 heures
--- Alors que nous croyions gagner Paris sans arrêt prolongé, on nous a arrêté à Laroche, gare importante du P.L.M., gare de triage et de rassemblement, à cinq heures du matin. Nous faisons le café et la soupe, et nous ne repartons qu'à midi pour le Bourget puis Arras où nous n'arriverons que demain matin. Les trains amenant des troupes de toutes armes, Sénégalais ou Hindous, se succèdent. On forme un groupage pour nous cet après-midi avec des détachements d'autres régiments ; beaucoup d'artillerie également. Tout cela gagne le Pas-de-Calais.
--- Je m'en vais en toute tranquillité retrouver mes camarades du 146° et, comme eux, faire mon possible pour travailler à la cause commune.
--- Nos petits bleus sont enthousiasmés. Plus de 500 hommes du 160° viennent de se joindre à nous. Nous ne formons qu'un seul train.
En chemin de fer, Mercredi 2 juin 1915
--- Un mot griffonné comme je puis, en chemin de fer. Nous n'avons pas quitté nos wagons depuis Laroche. Arrivés en pleine nuit dans la gare de triage du Bourget, nous y sommes demeurés deux heures et maintenant en route pour le Nord. Le paysage change et puis nous entrons dans la zone des armées. À 8 heures nous étions à Montdidier, maintenant nous approchons d'Amiens. Tout va bien. Les bleus sont contents des acclamations qu'ils ont suscitées hier, dans la banlieue parisienne. Aujourd'hui ils sont un peu plus calmes. Fatigués de chanter.
G. Ducloux, Sergent au 146° Régt. d'Inf., Détachement de renfort.
Pour terminer, je me permets de remettre sur ce fil ceci :
De Stephan@gosto
On se prépare à faire son p'tit enregistrer sous... tranquille, pour ceux qui n'auraient pas profité, en son temps, de ce document transmis par Hervé.
Amicalement, Stéphan.

Je ne peux pas vous l'afficher en grand, mais vous retrouverez cette photo (très intéressante) dans les archives.
Amicalement
Mounette.