Le rappeler à certains nouveaux participants est devenu un leitmotiv qu'on ne saurait perdre de vue : les munitions sont toujours dangereuses, mortelles. Plus encore même avec le temps. Mais déjà à l'époque, en plus d'être mortelle contre l'ennemi (c'est l'objectif initial), les grenades françaises furent un vrai problème pour les combattants. Voici quelques exemples :
- A l'entraînement :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html
Si l'un d'entre-vous possède le nom des deux chasseurs, ce serait une information supplémentaire. Ils n'apparaissent ni dans le JMO ni dans l'historique.28 avril 1916 :
(...)
10h Accident dans un exercice de grenades, tuant deux chasseurs, blessant un aspirant, un sergent, un caporal et deux chasseurs.
(...)
29 avril :
8h Enterrement des deux chasseurs tués accidentellement la veille.
- Pendant le transport en première ligne :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html
8 mars 1916, Verdun.
« A signaler vers 22 heures un accident de grenades assez grave. Une corvée du 149e RI apporte au PC du 3e Bataillon (pont de chemin de fer Nord de la Mare de Vaux) un approvisionnement de grenades disposées en vrac dans des sacs à terre. Un sac déposé à terre un peu trop brusquement fait explosion, une partie des autres sacs saute aussi, il y a une trentaine de blessés en majorité du 149e et du 409e. »
- Pendant le stockage au front :
En à peine 24 heures, deux accidents dus au même type de grenade, dangereuse à manipuler pour les soldats français, peu fiable dans son fonctionnement et à l'efficacité toute relative au combat...« 9 mars. A signaler vers 7 heures un nouvel accident de grenades. Dans la nuit des grenades en sac ont été apportées près de l'abri (70-3-33-6) vers 6 heures du matin, pour éviter qu'un éclat d'obus ne fasse exploser ces grenades, le Lt colonel Lecoanet donne l'ordre de les rentrer dans l'abri. Vers 7 heures un homme accroche avec un pied un sac de grenades qui fait explosion. Le lt colonel Lecoanet est blessé ainsi que le commandant Normand, le Capitaine de Cuverville et plusieurs sous-officiers et soldats. Le commandant Sermarse prend le commandement du régiment.
Les grenades cause des deux accidents sont du modèle P.I. 1915. Elles n'auraient jamais dû être transportées en vrac car le frottement des unes contre les autres a usé les ficelles qui se sont rompues et elles se sont armées toutes seules et au moindre choc ont fait explosion. Ces grenades doivent être transportées en caisse et calées avec du papier ou de la paille. »
Tout est dit dans ce JMO sur la dangerosité dès l'époque de leur fabrication de ces engins. Cette illustration extraite du site de Bernard Plumier montre la grenade PI 1915 et la fameuse ficelle.
http://www.passioncompassion1418.com/plateforme.html
- Mais aussi à l'arrière :
Le Figaro, 5 janvier 1916, page 5. Source : Gallica
Le sapeur 2e classe de la compagnie 20/1T, mort à 43 ans, n'a pas eu droit à la mention Mort pour la France.Tué par l'explosion d'une grenade.
Le soldat permissionnaire Louis Laroche du 20e bataillon du génie avait rapporté du front une grenade chargée et amorcée. Hier matin, comme il montrait cet engin à une voisine, Mme Augustine Leroy, à son domicile, 25 rue Myrrha, il en provoqua accidentellement l'explosion.
La malheureux soldat fut tué sur le coup. Mme Lery, très gravement blessée aux jambes, dut être hospitalisée d'urgence à l'hôpital Lariboisière.
A propos de cet accident, la Préfecture de police nous prie de rappeler au public que le Laboratoire municipal se charge de l'enlèvement de tout engin suspect qui lui est signalé.
Même après la guerre (logique puisqu'encore aujourd'hui il faut rappeler leur dangerosité) :
Le Petit Parisien, 2 février 1919, Source : Gallica
Un camion de grenades explose à Epinay
Les deux conducteurs sont tués, un passant grièvement blessé
La banlieue nord, une des plus éprouvées par la guerre, a vécu, hier matin, à nouveau, un moment d'intense émotion, par suite d'un accident grave, qui aurait pu prendre les proportions d'une véritable catastrophe.
Il était sept heures et demie environ. Un convoi, composé de quatre camions militaires, traversait Epinay, en suivant la rue de Paris, lorsqu'une formidable explosion se produisit, ébranlant les maisons, broyant les vitres et mettant en sursaut la ville et le voisinage. C'était un des camions, disait-on, qui, chargé de grenades – toujours les grenades ! - venait de sauter en pleine rue ; il y avait des morts et des blessés. Cette nouvelle, lancée en un clin d'œil par toute la ville, était exacte, malheureusement : car si l'on ne se trouvait pas en présence d'un de ces coups d'épouvante dont on avait gardé le souvenir, l'accident n'en avait pas moins fait trois victimes dont deux morts.
Ces malheureux – les deux conducteurs – avaient été littéralement mis en pièces. On en retrouva, ci et là, les débris informes, projetés jusque dans la boutique voisine.. Quant au camion, il n'était plus qu'un amas de ferrailles, où par instants des explosions partielles crépitaient encore. Alentour, toutes les maisons avaient été touchées assez profondément pour la plupart, notamment les immeubles portant les numéros 13, 17, 19, 23, 16, 18 et 20 ; un magasin, celui des établissements économiques de Reims, était presque entièrement détruit.
Le premier moment d'émotion passé, on s'occupa d'identifier les victimes. C'étaient d'abord les deux conducteurs appartenant tous deux au 117e d'artillerie lourde ; Ernest Carlin, vingt-sept ans, domicilié 16, rue Berzélins, à Paris, et l'Algérien Thomas Riéra, vingt-deux ans, engagé volontaire. On comptait, outre un blessé – très grièvement – un pharmacien militaire, René Peltan, vingt-quatre ans, de la 22e section des infirmiers militaires, demeurant à Paris, boulevard Pereire. Le malheureux passait dans la rue au moment où l'explosion se produisit. Un éclat lui enleva la moitié de la face, lui arrachant en outre l'œil gauche. Relevé sans connaissance, il fut transporté à l'hôpital mixte de Saint-Denis.
Quelques instants auparavant, les enfants d'une école voisine avaient traversé la chaussée !...
Il est à remarquer encore que, par suite sans doute de l'intervalle – quarante mètres – qui séparait les voitures, les autres camions n'ont pas été impressionnés par le choc de la déflagration et n'ont pas explosé. Mais les deux conducteurs, affolés au bruit des déflagrations, ayant sauté à terre, laissèrent abandonnée à elle-même leur voiture qui alla défoncer la porte du restaurant de l'hôtel de France, Pecqueur, 5, rue de Paris.
En ce qui touche les causes de l'accident, diverses hypothèses ont été examinées. C'est ainsi qu'on avait cru trouver dans l'échauffement présumé du moteur de la voiture le facteur déterminant. Mais l'enquête menée par l'autorité militaire semble avoir mis définitivement les choses au point, et le fait serait imputable à une négligence. Des renseignements recueillis, il résulte, en effet, qu'au moment du chargement, au dépôt de Sannois, des caisses de grenades sur le camion, on avait pu constater le mauvais état de certains couvercles de ces caisses ; plusieurs, dit-on,étaient défoncés. Ne se trouvant plus, par cela même, exactement maintenues, ayant, comme on dit, du jeu, les grenades, non démunies de leur détonateur, s'étaient choquées... C'est simple, mais c'est très grave.
Un autre article, du Petit journal (même provenance) cette fois-ci, précise que le convoi de quatre camion se dirigeait vers Villers-Cotterets pour que les engins soient explosés. Le camion détruit portait le numéro 17. Les grenades continuèrent d'exploser pendant une trentaine de minutes et la voiture qui défonça la devanture de l'Hôtel de France était en fait le premier camion du convoi !
Les deux soldats ont eu droit à la mention morts pour la France suite à un accident en service commandé. Tout comme le soldat grièvement blessé, décédé 5 jours plus tard.
Ces histoires tragiques de grenades sont nombreuses. Les hommes tués par l'explosion de leur grenade au cours du combat aussi, bien que je n'en ai pas noté dans les JMO lors de mes dernières lectures. Si vous avez d'autres exemples liés à la dangerosité des grenades (en particulier des PI 1915), n'hésitez pas.
A la semaine prochaine,
Arnaud