Au détour d'un JMO (6) - DRH au 3e BCP en 1916

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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour d'un JMO (6) - DRH au 3e BCP en 1916

Message par Arnaud Carobbi »

Bonjour à tous,

Les passionnés par un régiment se le disent certainement : "que c'est difficile !" Recouper, fouiller, feuilleter, passer des heures parfois pour un seul nom, un seul lieu. Le plaisir du résultat est là pour rappeler que tout cela est aussi plaisant à faire, quand on en a le temps. Parfois, il y a des perles, dans le sens de merveilles. Le JMO du 3e BCP en est une. Uniquement pour 1916, mais c'est déjà tellement. Un rédacteur méticuleux et probablement amateur de statistiques a tout simplement noté quotidiennement les effectifs, les arrivées, les départs. Nominatifs pour les officiers, quantitatif pour les autres, mais c'est beaucoup. Associé avec des cartes et des annexes présentes dans le volume, suivre son parcours est aisé. Il n'y a toutefois pas tout : pas de liste nominative des pertes. Et la présence de données dépend du rédacteur du JMO. Les détails ont varié au cours de l'année. Simple bilan des effectifs avec permissionnaires en début d'année, il a été complété peu à peu avec les évacués, les détachés et le nombre de présents. Avant de passer à un bilan des effectifs hebdomadaire dès janvier 1917.

Exemple pour le 29 avril, page 62.
Image

La gestion d'un effectif. Exercice difficile. Ici, il s'agit d'un bataillon de chasseurs. Le 3e. Dans son JMO, le détail des effectifs est quotidien, même si on peut soupçonner qu'en quelques circonstances, le détail n'ait pas été fait avec la même rigueur que les autres jours : même suite de données pendant plusieurs jours fin janvier par exemple. Et il y a quatre jours oubliés.
A la vue des courbes, plus parlantes que le tableau statistique, on constate la fluctuation permanente des effectifs. Imprécis au départ, le détail de l'année 1916 s'enrichit rapidement des causes quotidiennes de ces fluctuations : mutations ou stages pour les officiers, maladie, blessures; décès pour tous. Nominations de sous-officiers, ces statistiques montrent bien la difficulté de gérer l'encadrement de ces hommes en période normale et plus encore après les hémorragies en effectifs que représentent les périodes au front et plus encore les périodes de combat.
Finalement, l'information sur les permissions est éclairante : à la fois par le pourcentage des troupes en permission à une date donnée (qui fluctue de plus de 10% en période de repos à 0% en période d'offensive pour être autour de 5% à d'autres moments).

La curiosité m'a poussée à saisir les données pour 1916.
Des statistiques seules, cela n'est pas toujours parlant. Alors j'ai saisi ces données pour en faire des graphiques. Mais des graphiques seuls, cela ne veut pas dire grand chose, alors passons aux explications.
  • Petit rappel avant lecture :
Effectifs théoriques d'un BCP : 30 officiers et 1700 chasseurs et sous officiers (source : http://www.pages14-18.com/C_PAGES_DOCUM ... 914.htm#BC ).
  • Présentation des données :
Les officiers sont séparés des autres et les détails donnés sont complets : qui est en permission ou en revient, qui est évacué ou revient, qui est détaché pour suivre une formation. Ensuite, les sous-officiers font l'objet d'une sous-catégorie parmi les chasseurs. Lors de pertes, ils sont souvent nommés. Finalement les caporaux et chasseurs.
Dans ces statistiques, le rédacteur a précisé systématiquement les pertes (par évacuation suite à maladie, blessure, tué). Une dernière catégorie apparaît au cours de l'année : les détachés. Il s'agit d'hommes envoyés en formation soit dans une autre régiment (au 149e RI pour la formation sur canon de 37), soit à la division soit au corps d'armée.

Effectifs : nombres d'hommes qui dépendent du bataillon. Ce chiffre est global et prend en compte à la fois les présents et les absents (évacués malades, en permission, détaché pour formation). Les blessés sont automatiquement enlevés des effectifs dès l'instant qu'ils quittent le front.
Pertes : Tués, blessés, disparus, évacués (malades).
Absents : l'absence de données a déjà été expliquée.
Retour et renforts : cette catégorie n'a pas fait l'objet d'une courbe. Les données des renforts sont précis, mais pas les informations sur le retour des « éclopés ». Ces retours d'éclopés, parfois nombreux, expliquent certaines différences entre les données disponibles et l'effectif global.

Evacués (se trouvant dans les unités sanitaires probablement), détachés (suivant ou donnant une instruction, prisonnier en attente de jugement), en permission.
Deux statistiques complémentaires ont été tirées de ces données : le pourcentage de permissionnaires par rapport à l'effectif global et le pourcentage de présents dans l'unité.
  • Présentation des graphiques :
La présentation pourra surprendre les puristes. Pour plus de lisibilité, j'ai superposé les graphiques en les alignant au niveau des dates, mais en prenant des échelles différentes. Pour les échelles, je n'ai fait ressortir que quelques valeurs sur la version réduite ; ce n'est pas le cas sur le fichier pdf. De même, j'ai fait apparaître les valeurs des deux côtés des graphiques pour une lisibilité plus facile ; présentation identique pour la chronologie où j'ai séparé par un trait jaune chaque moi et où le mois apparaît en haut et en bas de la page.

Graphique 1 : les effectifs.
- Effectif global
- Effectifs présent
Le JMO fait apparaître les deux données à la mi-avril, auparavant, il n'y a que l'effectif global.

Graphique 2 : composition des effectifs globaux (graphique cumulatif, l'addition des trois donnant aussi pour chaque jour l'effectif global)
- Officiers
- Sergents
- Chasseurs et caporaux

Graphique 3 : les pertes
- Tués
- Blessés
- Disparus
Une période de combats a été globalisée dans le JMO et n'a donc pas pu être intégrée dans le graphique. Il y aurait eu un pic.

Graphique 4 : Motif des absences
- Evacués (malades, blessés)
- Détachés (instruction, prison....)
- En permission

Graphique 5 :
- Pourcentage de permissionnaires par rapport à l'effectif global.

Pour ce dernier graphique, et uniquement pour celui-ci, les données absentes ont été intégrées à la courbe car le résultat visuel n'était pas bon et parce que cette information ne connaît pas à ces quatre périodes de fluctuation importante du jour au lendemain.

Image
  • Ce que nous montrent les graphiques :
La vie d'un bataillon est faite de périodes au front, en ligne, et de périodes de repos. C'est sous cet aspect que je propose une petite étude de cette année 1916 du 3e BCP.

- Périodes au front :
Globalement, on compte 12 périodes au front. Cependant cette seule information n'est pas parlante, car on parle d'un bataillon au complet : toutes les compagnies n'étaient pas en première ligne en même temps par exemple.

Au niveau du temps passé en ligne, il y a deux cas : d'une semaine à dix jours le plus souvent et parfois de toutes petites périodes. Les petites périodes s'expliquent à chaque fois par un départ vers un nouveau secteur (période 1 vers Abbeville, période 13 vers la Champagne).
Les périodes de combat au sens sortir de la tranchée pour attaquer ou subir une attaque allemande ont été au nombre de 5 : 2 à Verdun (3 et 5) et 3 dans la Somme (17, 19 et 21). Deux de ces actions ont été particulièrement meurtrières : le combat de défense autour de Vaux en mars et l'attaque de septembre à Vermandovillers. Les combats n'ont pas duré qu'une journée ; leur intensité explique l'absence de données quotidienne en septembre dans la Somme.
Cette période fut aussi celle où il y eu le plus grand écart entre les effectifs théoriques et les effectifs réels, tombés à 800.
Ces deux périodes sont celles où le nombre de permissionnaires tombe à zéro. Avant les combats dans la Somme, le 29 août le JMO indique que les permissions sont suspendues. Pour Verdun, même si la date de suspension n'est pas donnée, il en est de même et elles ne sont rétablies que le 19 avril.

On constate facilement que si l'information des périodes au front n'était pas donnée, il serait difficile de savoir en observant les graphiques à quelle période le bataillon était en première ligne : d'abord parce que la période de combats la plus intense n'a pas de données ; ensuite parce qu'être au front ne veut pas dire être en permanence sous la menace d'une attaque ou d'attaquer. Après son passage à Verdun, le bataillon va rapidement prendre en charge un secteur en Champagne. Les pertes, bien qu'en première ligne de manière régulière, sont faibles pour le bataillon.

- Les périodes de repos
Les graphiques montrent d'une manière surprenante que le bataillon a passé plus de temps au repos qu'au front.
On peut différencier deux types de périodes de repos : les périodes courtes (une semaine à dix jours en général) et les périodes longues (un mois, exceptionnellement deux mois).
Les périodes courtes succèdent aux séjours en ligne : pour faire simple, une semaine au front, une semaine au repos. C'est ce qui apparaît dans ce cas spécifique, ce qui ne veut pas dire que ces durées aient été uniformes dans toutes les unités, à toutes les périodes.
Les périodes plus longues succèdent à une période de durs combats ou à la préparation d'une opération.
Les périodes 6, 18 et 22 suivent cette logique : après la première participation aux combats de Verdun et les deux assauts dans la Somme, le bataillon bénéficie d'un repos d'un mois. Un peu moins d'un mois lui est attribuée avant l'attaque dans la Somme ; deux mois lui ont été attribuées début 1916.
Ce dernier cas est exceptionnel. Il s'agissait probablement de préparer une opération offensive car pendant plusieurs jours toute la division a participé à d'importantes manœuvres non loin d'Abbeville (après des manœuvres de bataillon et de brigade). L'offensive sur Verdun a probablement contrecarré le projet.

Période de repos ne veut pas dire vacances de la vie militaire, loin de là. Il s'agit avant tout de compléter les effectifs (ce qui est fait généralement très vite, quelques jours au plus après les pertes à l'exception notable de Verdun où les renforts sont rares et où il faudra attendre début mai pour voir les effectifs revenir à leur niveau d'avant mars), de rétablir l'esprit de corps par des entraînements quotidiens couplés à quelques loisirs et de permettre aux hommes de souffler en allant en permission. En période de repos, le taux de permissionnaires monte régulièrement à 10%, jusqu'à plus de 20% à l'automne après les attaques dans la Somme (le JMO parle de monter le taux de 25 à 40% pour un départ, je n'ai pas compris le sens de cette formulation) contre 5% en temps normal.

Outre les entraînements, c'est aussi l'occasion d'appliquer correctement une réorganisation du bataillon et d'instruire les troupes, plus particulièrement pour les nouveaux équipements arrivés au cours de l'année 1916.
L'armée française de 1918 n'est plus celle de 1914. Outre le changement d'uniforme, c'est l'organisation même des unités qui a été modifiée. L'année 1916 va être centrale et on le voit bien avec le 3e BCP.
Après les exercices pour former des grenadiers en début d'année, le bataillon détache un groupe de chasseurs pour apprendre à manier le lance-grenades Vivien Buissière. Une fois de retour, chaque compagnie est réorganisée pour prendre en compte ce nouvel équipement. Le scénario se reproduit une nouvelle fois un peu plus tard avec l'introduction du fusil mitrailleur Chauchat, dont 9 sont fournis au bataillon après la formation de chasseurs à ce qui est appelé une « spécialité ». Les 6 exemplaires par compagnies arrivent en août, tout comme la compagnie de 2 canons de 37mm qui achève cette réorganisation (formation à partir du 8 août, arrivée des pièces le 20).
Autre changement dans l'organisation, au niveau du bataillon cette fois-ci. Il perdit une de ses 6 compagnies afin de créer un dépôt divisionnaire le 3 juillet. Cela explique la chute visible des effectifs au début de la période 11.

Reste à expliquer la brusque baisse des effectifs en octobre 1916 : plus de 350 chasseurs en moins en une journée. Il ne s'agit pas de pertes à proprement parler. En observant la courbe des évacués, on constate que le nombre d'évacué a atteint un sommet : ces hommes, malades ou blessés, comptent toujours à l'effectif du bataillon bien que n'y étant plus. Cela provoque une grande différence entre l'effectif réel et l'effectif total. Pour remédier à ce problème et recevoir les renforts nécessaires, les évacués furent plusieurs fois transférés au dépôt divisionnaire avant leur retour. Cette opération est renouvelée en décembre, dans une proportion moindre.
  • Conclusion :
Par leur lisibilité, les graphiques sont un outil utile pour visualiser des évolutions, plus encore quand il s'agit d'effectifs. En eux mêmes, les graphiques ne peuvent pas tout dire, mais associés aux données fournies par les historiques et les JMO, ils permettent une lecture thématique ou périodique plus aisée que le simple texte.
  • Bonus :
Vous pouvez télécharger le tableau et la page de graphiques au format pdf ici : téléchargement du pdf
(Attention : afin que le tableau tienne en une seule page, le format est très grand ; j'ai donc désactivé la fonction impression car cela ferait plusieurs dizaines de feuilles ; la fonction de copie des données n'est pas désactivée ; le tableau original est disponible sur simple demande en MP. Même chose pour la page de graphiques).

Tout ce qui a été écrit concerne un BCP. J'aimerai savoir s'il y avait une grande différence entre l'organisation des repos et des périodes au front avec les régiments d'infanterie ? Y a-t-il une spécificité dans l'utilisation des BCP par rapport aux RI, spécificité qui serait visible dans ces graphiques ?

A la semaine prochaine,
Arnaud

Sources :
JMO du 3e BCP du 1er janvier 1916 au 1er février : http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html
JMO du 3e BCP du 2 février au 31 décembre : http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html
denis33
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Re: Au détour d'un JMO (6) - DRH au 3e BCP en 1916

Message par denis33 »

Bonjour a toutes et à tous.
Bonjour Arnaud.

En un mot, "impressionnant". Encore un de tes travaux qui donne la mesure de l'ampleur de la tâche.

Quelques ouvrages sur le 3e B.C.P. :

" Impressions de guerre" (1914-1915) d'Henri MASSIS aux éditions Massis. 1916.

" Les clichés du 3e B.C.P. du capitaine DEFER (1915-1916), une quinzaine de pages, dans " Képis bleus de Lorraine" présenté par J. C. FOMBARON et Yann PROUILLET. Collection "Temps de guerre".2001.

" Récit de guerre d'un chasseur à pied" par Pierre COMBA dans la revue "La grande guerre" magazines n° 20, 21 et 22.

Je me doute bien que cette liste risque d'être complétée par les spécialistes du témoignage. ;)

Bonne journée.
Bien cordialement.
Denis





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Stephan @gosto
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Re: Au détour d'un JMO (6) - DRH au 3e BCP en 1916

Message par Stephan @gosto »

Bonjour,

Comme à l'habitude, bravo Arnaud pour cette étude précise et cette synthèse.

Petit ajout, à compléter certainement, à la liste de Denis.

Témoignages
  • P. Cabanel, Avec les Diables Bleus. I. L’Artois. Notre-Dame-de-Lorette. [ Carnet ] [ 17 Juin – 8 Juillet 1915 ]
Evocations
  • C. Appert, Jean Massin. 1896-1916. [ Evocation et lettres ] [ Mai 1915 ] [ Massin passera ensuite au 55e B.C.P. ]
Autres documents
  • Capitaine Defer, in Képis bleus de Lorraine. [ Photographies ] [ Mars 1915 – Mars 1916 ]
Bon dimanche.

Stéphan
ICI > LE 74e R.I.
Actuellement : Le Gardien de la Flamme

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marcel clement
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Re: Au détour d'un JMO (6) - DRH au 3e BCP en 1916

Message par marcel clement »

Bonjour à tous,

Superbe travail comme toujours .... Je me permets de poser ici une question de statistiques, qui n'est pas directement en rapport avec le sujet, mais qui me tarabuste depuis longtemps.
Connaissez-vous le pourcentage de soldats tués, disparus ou réformés définitifs avant la fin de leur première année de présence au front ?


Amicalement,

Alain MC
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Eric de Fleurian
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Re: Au détour d'un JMO (6) - DRH au 3e BCP en 1916

Message par Eric de Fleurian »

Tout ce qui a été écrit concerne un BCP. J'aimerai savoir s'il y avait une grande différence entre l'organisation des repos et des périodes au front avec les régiments d'infanterie ? Y a-t-il une spécificité dans l'utilisation des BCP par rapport aux RI, spécificité qui serait visible dans ces graphiques ?
Bonjour Arnaud

Bravo pour cette étude très intéressante.
Répondre à votre question finale est loin d'être simple tant les secteurs étaient différents : de très agités à agités, avant ou après une bataille importante, à très calmes.
Les temps de présence en secteur étaient déterminés par le commandement local (niveau division en général) ainsi que le découpage du secteur et cela évoluait au gré des moyens que l'on voulait y consacrer et de l'effet à obtenir (par exemple, l'engagement de la division marocaine dans le secteur de Flirey en janvier 1918 avec pour mission de réveiller ce secteur et d'obliger les Allemands à y consacrer des moyens supplémentaires - ce cas n'est pas isolé).
Il fallait donc que le commandement tienne compte de plusieurs paramètres évolutifs :
- les dimensions du front à tenir (il pouvait être très important en Lorraine ou en Alsace) ;
- le type de secteur : montagneux, boisé, ouvert ;
- les effectifs disponibles autres que ceux de la grande unité (certains secteurs ont vu une participation importante de territoriaux, d'autres de cavaliers à pied, etc..)
- la période de l'année qui influait sur les conditions de vie et les capacités à tenir (froid, boue, etc..)
- l'importance de la menace adverse, soit du fait de la proximité des lignes (coups de main, guerre des mines, etc..) soit parce que l'artillerie ennemie y était très présente avec plus ou moins toute la panoplie (lourd, campagne, mortiers, gaz, etc..).

Les phases dites de "combat intense" durent en général peu de temps comme vous le signalez mais on constate parfois qu'après une bataille il y a derrière un temps d'occupation du secteur conquis (donc souvent bouleversé et mal équipé - les tranchées ne sont pas dans le bon sens) qui peut durer (on trouve cela à Verdun après les attaques du 24 octobre et du 15 décembre 1916 où certaines unités ayant participé à l'attaque ne sont relevées que 3 à 4 jours après en ayant subi finalement plus de pertes pendant la période post conquête que pendant l'attaque elle-même).

Les temps en secteurs sont pour le coup très variables et il faudrait conduire une étude division par division sur un secteur donné pour en tirer des conclusions partielles applicables à la zone étudiée.

Pour ma part je me suis livré à une étude sur la présence en secteur du 1er régiment de marche de tirailleurs (précédemment 2e régiment de tirailleurs de marche, puis 6e régiment de tirailleurs de marche) de la 45e DI en Artois du 4 octobre 1914 (on est en plein dans la 1ère bataille d'Artois) au 25 février 1915, soit 145 jours sur lesquels il compte 116 jours où il a au moins une unité dans les tranchées.

- Ces 116 jours de front mettent à contribution en instantané :
3 bataillons : 30 jours
2 bataillons : 48 jours
1 bataillon : 38 jours

- Pour les bataillons, le nombre de jours au front avec au moins une unité en 1ère ligne est le suivant :
Bataillon A : 89 jours
Bataillon B : 66 jours
Bataillon C : 68 jours

- Pendant les 116 jours de présence au front le volume moyen de compagnies en 1ère ligne s’établit à 3,75 alors que dans le même temps le régiment ne totalise en moyenne que de 10 compagnies réalisées (sur 12 théoriquement).
La présence de plus de 50% des unités réalisées du régiment en 1ère ligne a été effective 9 jours, dont 3 consécutifs du 4 au 6 octobre 1914, dont 2 consécutifs les 5 et 6 novembre 1914, et les 4, 12 et 15 janvier 1915, et le 18 février 1915.

- Pendant les 116 jours au front, les pertes cumulées s’élèvent à environ 2300 tués, blessés et disparus (le JMO du régiment en comptabilise 2258 et celui de la 45e DI 2348).
Dans la même période, le régiment aurait reçu un effectif global de renfort d’environ 1 700 à 1 800 hommes. Les pertes ne sont donc pas comblées même si un certain nombre de blessés rejoignent le régiment.

D'une manière plus globale je joins ce tableau récapitulatif de l'engagement de ce régiment par secteur pendant la durée de la guerre.
(me dire s'il n'est pas lisible, je peux envoyer le fichier en MP)

Image

Pour terminer, y-a-t'il une spécificité entre les RI et les bataillons de chasseurs ?
Hormis leur emploi massif dans les massifs des Vosges, il y aurait lieu de comparer ce qui est comparable : la brigade ou le groupe de chasseurs avec le régiment d'infanterie, le bataillon de chasseurs avec le bataillon d'infanterie mais mon sentiment est que dans l'emploi hors montagne il n'y avait guère de différence.

Je continue actuellement ce genre d'étude pour tous les régiments de tirailleurs mais je n'en suis qu'au début.
Ce n'est donc qu'une toute petite pierre à l'édifice.

Cordialement
Eric
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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour d'un JMO (6) - DRH au 3e BCP en 1916

Message par Arnaud Carobbi »

Bonjour à tous,

Merci pour vos commentaires. La multitude des objets d'étude en Histoire, même avec une seule source, montre l'étendue des possibilités. Alors si on y ajoute des sources telles que des témoignages, on arrive à une vision fine du rythme de vie des hommes.
Eric, vous apportez "une petite pierre à l'édifice". Mais quand il n'y en a pas beaucoup (rien de négatif ou de critique ici), chaque pierre a une valeur énorme. Grâce à vos commentaires et vos indications sur les relèves, je perçois mieux les critères à prendre en compte pour une telle étude. Je me suis borné à faire une simple étude des données sans jamais tenir compte de tous les facteurs (type de terrain, type de secteur, rotation réelle des compagnies...). Voilà qui donne des idées... pour le moment où j'aurai le temps !

Amicalement,
Arnaud
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armand
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Re: Au détour d'un JMO (6) - DRH au 3e BCP en 1916

Message par armand »

Bonjour

Merci pour ton étude. Une fois encore c'est super précis.
Amicalement
Armand
Sur les traces du 132ème RI " Un contre Huit " et du 294ème RI (le "29-4")
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