Déplacement de foule

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Titeuil
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Re: Déplacement de foule

Message par Titeuil »

Bonjour à tous,

Voici le témoignage d'un soldat versé dans l'auxiliaire au début de son parcours, qui a assité au passage (ou à l'arrivée) d'un convoi "humanitaire" de Lorrains en gare du Puy-en-Velay.

Le Puy, le 30 mars 1915

"Avant-hier dimanche la soirée il est venue au Puy tout un train de prisonniers civils venant du département de Meurthe et Moselle. Ils étaient passés par la Suisse, tout le monde au Puy était aller pour les voir passer depuis la gare jusqu’à l’Hôtel de ville. La rue était bondée, jamais je n’avais tant vu de peuple. C’était vraiment triste de voir arriver tous ces pauvres malheureux ce n’était que des vieillards aussi bien les femmes, les jeunes, les Allemands les garde et ils envoie les vieux et les enfants. Leur mère les Allemands l’on gardé et le père les Allemands l’on tué ou bien il est prisonnier. C’est triste pour ces familles d’être tous séparés et de ne pouvoir s’écrire des uns aux autres. Quand ils sont partis de la gare et qu’ils ont vu toute cette foule qui les attendait et qui les acclamait tout le long de leur route, ces pauvres malheureux pleurait tous car ils en ont enduré de toutes les couleurs depuis que les Allemands sont chez eux. Ils envoie à présent toutes les bouches qui ne peuve pas leur être utile car la famine commence à se faire sentir chez eux."

Que savez-vous sur ce genre de déplacement de foule ? Combien de Français ont ainsi été "déportés" ?
A quelle époque essentiellement ? Que penser de l'interprétation du soldat à propos de leur sort et de la situation en Lorraine ?

Merci pour votre aide éventuelle

Bien à vous tous, :hello:

Christophe
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stcypre
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Re: Déplacement de foule

Message par stcypre »

Bonjour Christophe,

Effectivement des français (des 10 regions occupées en 14-18) ont été déportées vers la France par la Suisse.
Leur nombre est difficile à chiffrer, mais à Schaffhouse on parle de trains de plus de 400 personnes et ce depuis le début de l'année 1915.
C'etaient les fameuses "bouches inutiles" qui avant de péntrer en Suisse étaient stationnées dans un des camps de transit allemands en quarantaine. Il ne fallait pas qu'elles puissent raconter ce qu'elles avaient vu dans leur région...
Ces gens rapatriès en France (centre et sud est) furent affublés de l'affreux terme de "boches du nord"!!!
Enfin ces personnes ne furent pas les plus malheureuses... car les déportations dans les camps d'Allemagne (et oui cela a existé) furent autrement plus atroce... et je ne parle pas des otages civils envoyé dans le 1er camp d'extermination de 14-18 à Sedan...
Ce thème fera l'objet de mon prochain livre....
Cordialement. J.Claude
la vérité appartient à ceux qui la recherchent et non à ceux qui croient la détenir.
bernard berthion
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Re: Déplacement de foule

Message par bernard berthion »

Bonjour,
En août 1914, ma grande-mère Germaine Fromentin âgée de 14 ans était en vacances chez sa grand-mère Germaine Latour née Gaucher à 08 Vaux-Champagne.
Le village fut occupé par les Allemands le 31/08 ou le 01/09/14, surtout des colonnes de munitions pour le Front de Champagne et par un service médical car l'église fut transformée en Feldlazaret. Ma grand-mère se retrouva bloquée chez sa grand-mère loin de ses parents et de sa sœur aînée dont elle ne reçut aucune nouvelle. La maison fut occupée par les Allemands qui ne leur laissèrent qu'une chambre et leur demandèrent de faire cuisine et ménage.
Le 16/11/17, elles furent expulsées à 08 Dom le Mesnil car un Général allemand réquisitionna la totalité de la maison.
Le 11/09/18, suite à une maladie, la Grande-mère de ma Grande-mère fut mise dans un convoi de rapatriement vers la France tandis que ma grand-mère restait en zone occupée puisque obligée de faire des travaux de culture (de mai à octobre 18).

J'ai lu que ces convois de rapatriés passaient en Belgique et rejoignaient la France à Annemasse ou Evian via Strasbourg et la Suisse..... Peut-être auriez-vous des informations plus complémentaires sur ces convois et ces trajets ?

A leur arrivée, l'administration française devait sûrement les recenser et les interroger. Y aurait-il des archives sur ces recensements et ses interrogatoires ?

Cordialement BB
- Août 1914 dans le département des Ardennes : du début août avec l'arrivée et le passage des troupes se concentrant en se dirigeant vers la Belgique, au repli de fin août vers la Marne en résistant sur la Semoy, La Chiers, la Meuse, l'Aisne, la Retourne.
mouilly
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Re: Déplacement de foule

Message par mouilly »

Bonjour Christophe,

De mon côté, je vais vous conter le témoignage de ma grand-mère qui habitait au déclenchement de la Grande Guerre un village du Pays-Haut lorrain, l'histoire est parcellaire et peut-être comme tout souvenir plus ou moins distant d'autant déformée...
Après l'échec fin août 1914, le long de l'axe Longuyon/Longwy dans la vallée de la Chiers, de la reprise de la ville de Longwy, les troupes françaises battent en retraite dans le Pays-Haut lorrain. Les allemands occupent alors les uns après les autres les villages de ce secteur.
Arrivés dans le village de ma grand-mère alors âgée de 4 ans, où sa mère officie en tant qu'institutrice dans l'école située à l'entrée de la commune, un officier allemand entre dans cette dite école et ordonne à mon arrière-grand-mère d'aller chercher le maire. Dans la cour de l'école, les allemands entassent des tables et des chaises avant d'y mettre le feu, et, à ce moment un allemand arrache des mains la poupée que tenait ma grand-mère et la jette dans un feu.
Ma grand-mère vocifère après la bobine de ce soldat : "Méchant monsieur !... Méchant monsieur !" et fait mine de le taper, tandis qu'à la suite un officier pointe son pistolet sur la tête de mon arrière-grand-mère lui intimant l'ordre de la faire taire (le maire est-il présent à cet instant ?)... une amie de mon arrière-grand-mère, de la ferme voisine, la calmera...
(Au même moment, le village voisin distant de 2 km est incendié et une soixantaine de civils y sont massacrés...)
Les civils du village sont évacués de la zone de front, et, plus tard, ma grand-mère se souviendra de son transit par Bâle (Suisse) pour retourner en France où, dans la gare, une petite fille suisse poussée par ses parents lui offrit sa poupée avant de s'en retourner en larmes...
Ma grand-mère apprendra la mort de son père en décembre 1914, décédé au front... non sans verser une larme à cette triste remémoration.
Mon arrière-grand-mère et ma grand-mère conserveront toute leur vie durant un très bon souvenir des Suisses.

Cordialement.
bernard berthion
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Re: Déplacement de foule

Message par bernard berthion »

Bonjour,
merci pour ces intéressants historiques familiaux.

Ces réfugiés arrivaient donc en Suisse vers Bâle, devaient continuer vers Genève avant de passer en France vers Annemasse et/ou Evian....
Comment se passait le voyage?
Quel itinéraire suivaient ils entre leur départ du Nord, des Ardennes, de La Lorraine vers la Suisse ?
Combien de temps durait leur voyage ?
Comment étaient-ils accueillis à leur arrivée en France, contrôle, renseignements etc ?

Il semble y avoir de nombreuses interrogations sur ces rapatriement ?

Il devrait bien y avoir des archives sur ce sujet ?

Cordialement BB
- Août 1914 dans le département des Ardennes : du début août avec l'arrivée et le passage des troupes se concentrant en se dirigeant vers la Belgique, au repli de fin août vers la Marne en résistant sur la Semoy, La Chiers, la Meuse, l'Aisne, la Retourne.
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machault
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Re: Déplacement de foule

Message par machault »

Bonjour Bernard,

Mes arrières grands parents ont quitté, sous la contrainte, les Ardennes (Machault) le 6 juin 1917 et ont été dirigés (par étapes, passant d’abord par le nord des Ardennes) sur la Belgique (Amonines, province du Luxembourg, à 60 km au sud de Liège, non loin de La Roche en Ardennes) à 160 km de leur village natal.

Une lettre de mon grand-oncle, envoyée en mai 1918 à une cousine (réfugiée en Corrèze à Rilhac Xaintrie), relate brièvement son retour en France en passant par la Suisse, accompagné de son père, (les femmes demeurant en Belgique jusque la fin de la guerre). Dans ce courrier, il fait un rapide inventaire des événements survenus au village depuis le début de l’occupation (destructions, pillage, réquisitions, enlèvement des cloches, bombardements aériens par les avions français, population réduite à 125 personnes après l’exode devant l’ennemi alors qu’elle était de 550 au recensement de 1911)

Ils ont quitté la Belgique le 23 février 1918 et sont arrivés en France le 25 (sans autres précisions de temps ou de lieu). Relativement rapide pour l’époque et dans ces circonstances (ces trains ne devaient pas être prioritaires).

J’ai recueilli d’autres informations dans l’ouvrage d’Annette Becker « Les oubliés de la grande Guerre. Populations occupées, prisonniers » (Noésis éditeur 1998). Commencés courant 1916 et contre paiement de sommes conséquentes (qui vont aller en décroissant avec le temps), ces « transferts » ont été interrompus le 26 février 1918 (devinez pourquoi…) pour reprendre le 21 mai 1918.

Pour tes autres questions, je suis sans ressources mais je crois que d’autres forumeurs vont venir à ton secours.

Bien cordialement.

Jean Luc Arnould
"Ceux de mon âge, avant d'avoir trente ans, s'ils cherchaient des yeux leurs compagnons de la veille ne voyaient plus guère que des morts." Maurice Genevoix. La mort de près.
mouilly
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Re: Déplacement de foule

Message par mouilly »

PS : En complément, mon arrière-grand-mère institutrice, sa fille (4 ans) et son fils (6 ans) sont rentrés en France par Annemasse (Haute-Savoie). Le train de réfugiés était attendu par le maire de cette ville qui a invité les passagers à une collation à la mairie en signe de bienvenue.
A leur retour au train, les convives ont eu la mauvaise surprise de voir leurs affaires entièrement pillées... Entre autres, mon grand-oncle (mobilisé et décédé pendant la Seconde Guerre mondiale) ses billes et ma grand-mère sa nouvelle poupée, elle a beaucoup pleuré...
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demonts
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Re: Déplacement de foule

Message par demonts »

Bonjour,
Voici une réponse trouvée sur le net d'après le livre :Les réfugiés de guerre dans la société française (1914-1946) de Philippe Nivet.

Les réfugiés de la Première Guerre mondiale
2
À la fin de la Grande Guerre, le directeur du département des affaires civiles de la Croix Rouge américaine en France, Homer Folks, pouvait écrire : « Il y avait des réfugiés dans toute l’Europe. Pendant cinq ans, c’est comme si presque tout le monde devait partir ou attendait de le faire »  [1]
[1]
Homer Folks, The Human Costs of War, New York et Londres,…
. La France n’a pas échappé au phénomène, avec l’accueil sur son territoire de réfugiés étrangers, essentiellement des Belges, et le déplacement de populations originaires des départements du Nord et de l’Est occupés par les Allemands ou militairement menacés  [2]
[2]
Philippe Nivet, « Les Boches du Nord », les réfugiés français…
.
3
Le nombre de ces réfugiés est difficile à établir, et les chiffres sont souvent contradictoires. Pour les Belges, une statistique fait état de 325 000 réfugiés belges en France au moment de l’armistice. Le nombre des réfugiés français atteindrait 2 millions à son point culminant, en 1918. La dernière année de la guerre est en effet celle où le nombre de réfugiés français est le plus important. Plusieurs vagues de « réfugiés » français se sont en effet superposées au cours de la guerre. Dès les premiers jours de la guerre, des habitants des départements du Nord et de l’Est de la France, effrayés par le récit des atrocités commises par les Allemands, notamment en Belgique, ou réellement confrontés aux pillages, incendies et viols, cherchent refuge à l’intérieur du pays. S’ajoutent ensuite les populations qui veulent échapper aux bombardements, par exemple les habitants de Reims, les « libérés » (notamment des Picards, après le repli allemand sur la ligne Hindenburg en 1917), les « rapatriés », renvoyés par les Allemands, notamment par la Suisse et Évian, après avoir subi l’occupation dans les dix départements envahis, et ceux qui, au printemps 1918, fuient la nouvelle offensive allemande.
4
Ces réfugiés sont répartis sur l’ensemble du territoire, même si on observe certaines concentrations. En 1917, les Belges sont particulièrement présents dans la Seine (93000), la Seine-Inférieure (35000), le Calvados (13000) et la Seine-et-Oise (12650). Leur présence en Normandie s’explique par l’installation à Sainte-Adresse, près du Havre, du gouvernement belge en exil. Les réfugiés français souhaitent ne pas s’éloigner de leurs domiciles d’origine, d’où leur grand nombre dans les parties non envahies des départements envahis (Nord, Pas-de-Calais). Mais les autorités, surtout les autorités militaires, ne partagent pas ce souhait et tentent de limiter la pression démographique dans les départements les plus proches du front en envoyant les réfugiés à l’intérieur, où ils sont répartis dans l’ensemble des communes.


Bonne journée.

François
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chevalier
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Re: Déplacement de foule

Message par chevalier »

Bonjour,

un peu de documentation, au hasard de G....le

sur Gallica : État faisant connaître la résidence actuelle des personnes évacuées un exemple https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k990928h/f2.image

un document du musée de Lyon et de la région Rhône-Alpes https://www.museemilitairelyon.com/spip.php?article220

Cordialement.
Cordialement.
Serge, recherche photos et documents sur 115 RI, 166 RI et 66 RI.
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