SAINT GEORGES Liste équipage

Télégramme confidentiel Le Havre à Marine Paris 22 Juillet 1918 13h20
ST GEORGES, vapeur français 633 t torpillé et coulé.
Non affrété, allait de Cardiff à Rouen chargé de charbon, isolé et sans escorte. Clapotis et très bonne visibilité.
13 noyés et un décédé après sauvetage. 9 rescapés. Noms vous seront communiqués.
Sous-marin pas aperçu.
Une torpille tirée a frappé à hauteur de la chaudière qui a fait explosion et le bâtiment a coulé en 30 secondes.
Rapport du capitaine
Vapeur SAINT GEORGES armé à Brest par 23 hommes d’équipage. Armateur D. Hyaffil, 5 rue Taitbout Paris.
Quitté Penarth le 17 Juillet 1918 à 01h30 avec un complet chargement de charbon à destination de Rouen. Débarqué pilote sur rade de Barry à 02h00. Passé Bull Point à 04h50. Doublé Hartland à 08h00 du matin. Beau temps. Fait route en suivant la côte, en zigzaguant, plusieurs vapeurs étant devant nous.
A 10h00, rattrapé un grand navire que je suppose anglais. A 10h20, j’arrive à 400 m de lui quand j’entends une violente explosion suivie d’un nuage de fumée. Mis aux postes de combat et fait route en zigzag vers le large.
Nota : il s’agissait du vapeur anglais HALSEYWOOD, 2701 t, qui allait de Penarth à Saint Nazaire. Endommagé, il sera échoué sur une plage, mais pourra être renfloué. Finalement, il sautera sur une mine à l’embouchure de l’Elbe le 12 Août 1944).
Dix minutes plus tard, SAINT GEORGES est torpillé par tribord, sur l’arrière de la machine. Toutes les embarcations sont brisées par la violence de l’explosion et plusieurs hommes sont projetés à la mer. SAINT GEORGES coule en 30 secondes à 1,5 milles de terre, entraînant avec lui tout le reste de l’équipage. Quand l’eau est à hauteur de la passerelle, il s’enfonce à pic et je suis entraîné par le remous. A deux reprises je parviens à me dégager des cordages qui m’entraînaient vers le fond et revenu à la surface, je saisis un panneau. Plusieurs hommes étaient autour de moi et je les aidai à se maintenir à flot en leur passant quelques épaves que je pus saisir. Nous flottâmes ainsi de 10h40 à 13h00. Plusieurs navires passèrent près de nous, mais aucun ne nous porta secours, malgré nos appels. Vers 13h00, le vapeur norvégien DANA nous recueillit, exténués de fatigue. Dix minutes après le sauvetage, un matelot mourut. (Nota : le matelot Lambert Genestin, le seul qui soit porté ainsi dans la liste établie à Falmouth, dans le rapport du capitaine et dans celui de la commission d’enquête. Le radio-télégraphiste Joseph Trinquart ne semble pas être décédé sur le vapeur norvégien). Cela porta à 14 le nombre des victimes.
Nous avons été débarqués à Falmouth le 18 Juillet à 10h00.
Rapport de la commission d’enquête
Elle reprend les données du rapport du capitaine et précise :
SAINT GEORGES disposait de deux baleinières, d’un youyou et d’un radeau de 8 futs.
En voyant l’explosion du navire anglais, le capitaine a donné au télégraphiste la position exacte pour que le torpillage soit signalé, puis a mis le cap vers le large. Cette manœuvre l’a malheureusement rapproché du sous-marin. Le télégraphiste n’a pas eu le temps d’envoyer l’alerte car dix minutes plus tard la torpille l’a frappé. La chaudière a explosé, faisant sauter le pont, détruisant les embarcations et projetant le radeau à une distance telle qu’aucun naufragé n’a pu l’atteindre. Le bâtiment a disparu en 30 secondes.
Sur les 23 hommes d’équipage, une quinzaine se sont retrouvés à l’eau, au milieu des débris. Ils se prêtèrent avec dévouement une aide réciproque, mais n’étaient plus que 10 quand le DANA les a recueillis vers 13h00. L’un d’eux a succombé dix minutes après avoir été repêché.
A aucun moment le sous-marin n’a été aperçu. Mais quand il était dans l’eau, le capitaine a soudain vu la mer déferler comme sur un rocher sur une cinquantaine de mètres. C’était sans doute le sous-marin.
Le premier bâtiment touché n’a pas coulé et a pu s’échouer sur la côte. Tous les autres vapeurs en vue se dispersèrent vers le large et aucun ne se soucia des naufragés, bien que le capitaine agitât un mouchoir blanc fixé sur un espar.
L’équipage du SAINT GEORGES n’a qu’à se louer des soins reçus sur le DANA.
En conclusion, la conduite du capitaine et de l’équipage ne peut être critiquée. On peut toutefois regretter que le capitaine n’ait pas rendu compte plus rapidement de la position du sous-marin qui venait de mener une attaque.
SAINT GEORGES avait déjà canonné un sous-marin entre Hartland et Trévose le 25 Mai précédent. Le capitaine s’était présenté devant les autorités maritimes de Rouen qui avaient jugé inutile de l’interroger.
Rapport de l’AMBC
Navire équipé d’un canon de 90 mm à l’arrière.
La plus grande partie de l’équipage a été projetée à la mer par l’explosion. Quand ils revinrent à la surface, le bâtiment avait disparu. Le tout avait duré 30 secondes. Les survivants ont cru voir un sillage tourner autour d’eux quand ils étaient dans l’eau.
Veille bien exercée. Un homme à la passerelle. Priol en vigie et tous les canonniers à leur poste à la pièce. Rôles affichés dans les postes et exercices exécutés.
Critique : le fait d’appeler aux postes de combat a diminué l’efficacité de la veille.
Note de l’Attaché naval à Christiania et du sous-secrétaire d’Etat de la Marine de Guerre au Ministre de la Marine
L’examen du dossier SAINT GEORGES montre que le capitaine R. Aarboe , du vapeur norvégien DANA s’est spontanément porté au secours des naufragés qu’il a recueillis, soignés et débarqués à Falmouth.
Je vous prie de bien vouloir faire parvenir au capitaine Aarboe et à tout le personnel du DANA les remerciements de la Marine pour leur dévouement vis-à-vis de cet équipage, dévouement qui n’est pas sans mérite dans les circonstances actuelles.
Signé : Jules CELS Sous-secrétaire d’Etat
Récompenses
Sont signalées dans les posts ci-dessus. (Médaille militaire pour les disparus)
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’U 60 du Kptlt Franz GRÜNERT
Cdlt