Au détour d'un JMO (20) - Le BM des GVC relevés du 44e RIT de Verdun

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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour d'un JMO (20) - Le BM des GVC relevés du 44e RIT de Verdun

Message par Arnaud Carobbi »

Bonjour à tous,

On a déjà vu titre plus accrocheur sur le forum !
Il y a bien longtemps que je ne m'étais pas lancé dans une petite présentation sur l'étude d'un aspect de la guerre au travers des JMO. Un dicton dit « l'occasion fait le larron ». Enlevons à cette expression sa vision négative. L'occasion, c'est une question de Fabrice sur le bataillon de marche des GVC relevés qui m'a conduit à chercher le sens du mot « relevé ». Et de fil en aiguille à m'intéresser à sa formation et son parcours. En effet, ce bataillon permet d'aborder un type d'unité spécifique lié à une situation particulière et un travail sur une source qu'il convient de croiser pour ne pas faire une erreur importante d'interprétation.
  • Retour en août 1914 :
Voici une nouvelle abréviation à ajouter à la longue liste de celles qui ont été utilisées par l'armée pendant le conflit. Bataillon de Marche des Gardes de Voies de Communication Relevés. Cette unité est probablement unique. Un bataillon de circonstance de GVC. Et relevés ? Il s'agit en fait ici d'un adjectif lié à GVC.

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Les GVC sont des hommes de la Réserve de l'Armée Territoriale, les plus âgés mobilisés, des classes 1887 à 1892 (en 1914). Il faut toutefois y ajouter les hommes ayant 4 ou 5 enfants, rattachés aux classes mobilisées les plus anciennes. Chargés de surveiller les ponts, routes et autres lieux sensibles, ils étaient généralement affectés dans une zone proche de leur lieu d'habitation. Dans la subdivision de Verdun, ces GVC sont rattachés au dépôt du 44e RIT.

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Un premier changement important a lieu suite de la publication d'une instruction du ministère de la guerre du 17 février 1915 : elle remplace tous les GVC des classes les plus jeunes par des GVC de la classe 1889. Les hommes qui étaient GVC à partir de la classe 1890 et plus jeunes rejoignent donc leur dépôt. Dans la subdivision de Verdun, une fois remplacés, les hommes ont droit à 8 jours de permission et doivent ensuite rejoindre le dépôt du 44e Régiment d'infanterie territoriale à Verdun. Au contraire de ce qui va se passer dans les autres départements, les hommes ne vont pas seulement être envoyés vers des RIT et autres unités qui ont besoin d'hommes : une partie des GVC relevés va donner naissance à un bataillon de marche particulier.
  • Un nouveau bataillon de marche :
Verdun est un secteur différent du reste du front. Son organisation est particulière : c'est celle d'une place forte, divisé en plusieurs secteurs. Le gouverneur de cette zone fortifiée dispose de troupes pour la défendre, notamment les 164 et 364e RI, ainsi que les 166e et 366e RI et le 44e RIT. Le dépôt de ces unités a créé en 1914/1915 des bataillons de marche, un pour le 164/364e RI, notamment avec les hommes de la classe 1914. Même dispositif pour le 166e/366e RI. Au 44e RIT également, on utilise les hommes du dépôt dès la fin août 1914 dans deux compagnies de marche qui occupent le 3e secteur en remplacement d'un bataillon du 45e RIT. Un bataillon de marche appelé « bataillon de marche du dépôt du 44e RIT » est aussi crée, mais il n'a aucune existence officielle ; il semble occuper les forts du 2e secteur début 1915.
Ces bataillons de marche sont des unités de circonstances. Il en sera de même pour le BMGVCR qui n'a rien à voir a priori avec le Bataillon de marche du dépôt du 44e RIT.
  • Les GVC de la subdivision de Verdun :
L'instruction du 17 février 1915 libère environ 3300 des 4500 GVC de la subdivision de Verdun d'après les premières estimations de mars 1915 . Il n'est pas question de les libérer : ils vont devoir suivre des cours pour soldats territoriaux avant d'être envoyés vers de nouvelles missions.

Face aux difficultés pour encadrer ce grand nombre d'hommes avec un nombre d'officiers notoirement très insuffisant, il est proposé de créer deux bataillons de GVC en mars et de donner une existence légale au bataillon de marche du dépôt du 44e RIT qui, en avril 1915, occupe les forts dans le 2e secteur. Cela permettrait de faire nommer des officiers dans ces unités plus facilement que pour encadrer les hommes d'un dépôt. Cette proposition ne semble pas avoir été suivie, à part la création d'un bataillon de marche de GVC.

Le 4 avril, 230 GVC du sud de la subdivision partent en permission et doivent arriver à Verdun le 12 avril suivant. Ils forment le premier contingent ; le suivant arrivera beaucoup plus tard. Le gros des GVC ne doit d'abord arriver fin avril et porter à 3800 le nombre de GVC présents. Les difficultés pour organiser leur accueil est flagrant : on prévoit trois bâtiments de l'hôpital de Verdun inachevés pour en loger environ 850. Pour l'armement, le problème se pose aussi : il faut des fusils pour l'instruction de la classe 1916. Pourquoi ne pas prendre ceux qui ont été réservés pour les GVC et les remplacer par des modèles 1874 ? C'est ce qui est fait. 

Ce n'est finalement que fin mai que les GVC arrivent. Ils ont été relevés de leur poste, d'où la désignation de GVC « relevés ». On trouve aussi la formule « GVC rappelés », mais est-ce pour qualifier les mêmes hommes (page 57 du JMO de la place de Verdun) ? Des GVC de la 13e région militaire, classe 1889, en plus de GVC de la 6e région militaire, les remplacent.
Ils doivent arriver à Verdun entre le 17 et le 26 mai. Ils doivent être habillés, vaccinés et faire quelques tirs afin d'être « partiellement utilisables » à partir du 1er juin. Dès le 10 mai, le problème de l'armement pour ces GVC se pose pour la raison évoquée plus haut.
Le 17 mai, le 45e RIT fournit au dépôt le capitaine Pied et les lieutenants Castelbon et Martineau pour l'encadrement des GVC. Les problèmes sont réglés les uns après les autres.

Elément important, le JMO de la place de Verdun nous apprend que ce sont des hommes des classes 1890 à 1892 (RAT) mais aussi des classes 1893 à 1899 (armée territoriale) qui arrivent.
Tout reste à faire pour, à partir des 3927 GVC comptabilisés. Ils doivent uniquement être instruits sur 3 situations : en marche, en station, au combat. L'instruction individuelle se réduit à l'instruction des tireurs, des exercices de tir et l'utilisation de l'outil portatif. Au niveau du groupe, on travaille surtout la formation de la section, le service en campagne, le feu collectif et les travaux de campagne. Pour le service intérieur, seules les marques extérieures de respect, la tenue, l'hygiène et les bases de la discipline seront revues. Il n'y a qu'une semaine tout au plus entre l'arrivée et le départ des premiers renforts au front !

Les groupes sont constitués au fur-et-à-mesure des arrivées :
1er groupe, Hôpital militaire, 980 hommes encadrés par le capitaine Gavard  ;
2e groupe, Quartier Troeuil de Beaulieu, 1200 hommes encadrés par le lieutenant Haudidier (directeur : commandant Basse) ;
3e groupe, caserne de Jardin Fontaine, 1000 hommes encadrés par le lieutenant Tribout (directeur : commandant de Méloizes du 166e RI) ;
4e groupe, caserne Niel (Thierville), 800 hommes non encadrés au moment de leur arrivée.
  • La création du BMGVCR :
Le 17 juin est décidée la création d'un bataillon de marche des GVC relevés. Il n'a donc finalement rien à voir avec le bataillon de marche du dépôt du 44e RIT ou toute structure préexistence. Il existe à partir du 18 et est en ordre de marche le 20. Il compte 1000 hommes (4 compagnies de 250 hommes), tous équipés et avec l'uniforme « bleu clair », 4 voitures de services fournies par le 26e compagnie du 6e ETEM ainsi qu'une voiture médicale. A partir du 22 juin, le BMGVCR est rattaché au 45e RIT, en tant que 3e bataillon, tout en gardant son identification liée au 44e RIT. Le 23 juin, le bataillon doit se rendre aux casernes Marceau où se trouve le 45e RIT. Ses effectifs sont de 14 officiers, 54 sous-officiers 58 caporaux et 890 hommes. L'organigramme du bataillon est détaillé page 13 du JMO du 45e RIT.
  • En ligne...
Le 1er juillet, le commandant part en reconnaissance dans le secteur que le bataillon doit occuper : le JMO de la place de Verdun reprenant les notes échangées, rien sur ce qu'il fait pendant cette période. Il occupe le secteur autour des Hautes Carrières, Fremizey et le Bois de Braut avec les deux autres bataillons du 45e RIT. C'est dans ce secteur que le bataillon a ses premières pertes le 8 juillet. A 23h00, alors qu'ils creusent un boyau qui va de l'Est du village de Dieppe au bois de Braut, des hommes de la 23e compagnies sont bombardés : 4 morts et 9 blessés.
Grâce au JMO du 45e RIT, on apprend aussi que les relèves s'enchaînent jusqu'au 23 août. Par exemple, le 6e bataillon du 45e RIT est relevé le 28 juillet dans le 1er secteur par le bataillon des GVC ; ce dernier y reste jusqu'à sa relève par le 6e bataillon du 45e RIT le 5 août. Mention suivante, le 19 août pour une relève du 6e bataillon par les GVC. On apprend à cette occasion que le capitaine Magnenot passe commandant de bataillon à titre temporaire à partir du 15 août.
La décision de créer la Région fortifiée de Verdun le 8 août 1915 va nous permettre de mieux suivre le parcours du bataillon. En effet, suite à cette création, toutes les troupes territoriales sont réparties entre la 72e DI et la 132e DI. Désormais, le BMGVCR intègre la 72e DI et apparaît dans son JMO.

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  • Le BMGVCR à la 212e brigade, 72e DI
Il faut toutefois attendre les 18 et 19 août pour qu'une décision de la RFV nos apprenne que le bataillon, associé à 2 bataillons du 45e RIT, prend position dans le sous-secteur nord-est de la Brigade de Marche : Mogeville, Maucourt, bois de Maucourt, ouvrage 242, les Caurrières et Bezonvaux (page 103). C'est chose faite à partir de 21h00, le 23 août pour les GVC. La disposition des compagnies est indiquées dans le JMO du 45e RIT : 1 compagnie tient le secteur nord, les trois autres compagnies sont à Bezonvaux et dans le bois de Charmence (?). Les compagnies du bataillons se relèvent mutuellement. Ainsi, le 28 août, la 25e compagnie relève la 22e à la cote 242 et au petit bois de Maucourt.
Le 18 août, au cours d'une patrouille franche, Charles Paul de la 22e compagnie de GVC est tué par méprise par un des caporaux du groupe à 21h00. Je n'ai pas trouvé trace de cet homme dans les fiches MDH. C'est en tout cas un preuve que si le bataillon travaille activement, il participe aussi à la défense du secteur, mettant en place des reconnaissances.
  • Le BMGVCR change de rattachement.
Le 22 août, la moitié du bataillon est relevée des avants-postes de Bezonvaux par un bataillon du 36e RIT et va cantonner aux baraquements de Souville. L'autre partie l'est le lendemain matin.
Suite à une réorganisation des brigades composant le 72e DI, le Bataillon est affecté au 2e régiment de marche composé de trois bataillons du 44e RIT et donc de notre bataillon. Le bataillon ne doit plus aller aux avant-postes du sous-secteur sud-est et reste en réserve à Souville. Il passe de la 212e brigade d'infanterie à la 143e. Le bataillon va à Vachérauville et est à la disposition de la brigade à partir du 27 septembre. Ce changement explique aussi pourquoi le bataillon a un JMO à partir du 1er octobre : à cette date, il s'administre seul, il n'est plus rattaché à une autre unité. A cette date, le bataillon compte 12 officiers et 839 hommes de troupe.

Il monte immédiatement en ligne, à savoir deux compagnies au bois d'Haumont et deux compagnies au bois de Consenvoye (JMO de la 143e BI, page 66). A partir du 8 octobre, le BMGVCR a trois compagnies dans le bois de Consenvoye et une compagnie à Brabant, avec d'autres unités de la brigade. Le JMO de la brigade ne donne pas d'indications de changements de secteurs jusqu'au 13 février 1916, ce qui n'est pas le cas du JMO du bataillon qui permet de suivre avec précision les relèves, les zones occupées par chaque compagnie. Le 13 février, toute la brigade a une rectification de ses positions qui ne change rien aux sous-secteurs occupés par le BMGVCR. A partir du 15, les unités sont en alerte.

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  • Verdun, 21 février 1916 :
A 7h00, le bataillon a une compagnie à Brabant et une et demi en ligne au bois de Consenvoye, la dernière et demi étant en réserve. Grâce au JMO du bataillon, il est possible de suivre avec assez de précision le parcours des quatre compagnies, sous les bombardements et la pression des attaques allemandes. Il est difficile de dire quel fut le rôle du régiment au combat. Les citations données à certains soldats indiquent des transports de ravitaillement en première ligne, des soins et des transports de blessés. Les JMO font état de travaux mais aussi de tenir certains positions, sans qu'il soit clairement dit que des hommes aient activement combattu. Toutefois, vu certaines positions, le nombre de tués et surtout de disparus, il est peu probable que certains pelotons ne se soient pas retrouvés face aux assaillants.

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Le 25 février, la brigade est regroupée à la ferme de Choisel et compte ses hommes. Au BMGVCR, 10 officiers et 459 hommes (plus 42 chevaux). Il est réorganisé en deux compagnies de marche :
1ère avec les 22e et 24e compagnies, aux ordres du capitaine Pied ;
La 2e avec les 23e et 25e compagnies, aux ordres du capitaine Latrage.
Le bataillon suit la 143e brigade qui quitte le front pour se reconstituer.

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  • La dissolution du bataillon :
La décision est prise le 11 mars, connue au bataillon le 15 : le BMGVCR va être dissous au 31 mars et reste rattaché à la 143e brigade jusqu'à cette date. Quelques renforts arrivent malgré tout, mais dès le 20 mars, les officiers sont affectés à divers régiments (de réserve) de la division, 70 hommes de la classes 1896 et postérieures sont versés au 362e RI.

« A la date du 11 mars 1916, sous le n° 7647, le général en chef a décidé que le bataillon des GVC repliés (sic) (44e régiment territorial d'infanterie), rattaché à la 72e DI, sera dissous et que les hommes des classes 1896 à 1897 incluses qui en font partie seront affectés à des corps territoriaux de l'avant de la VIIe Armée. En conséquence, le général commandant la VIIe armée a décidé que les militaires susvisés seront affectés ainsi qu'il suit, à la date du 5 avril 1916 :
1° Ceux des 22e et 23e compagnies : au 250e RIT. Ils rejoindront par la gare de ravitaillement de Valdieu.
2° Ceux de la 24e compagnie : aux 51e et 115e régiment territorial (la moitié de l'effectif à chaque régiment). Ils rejoindront par la gare de ravitaillement de Corcieux.
3° Ceux de la 25e compagnie : au 284e RIT. Ils rejoindront par la gare de ravitaillement de Belfort
 ». Page 23 du JMO de la 143e BI.
Les hommes appartenant à la RAT sont versés au 96e RIT (page 80 du JMO de la 72e DI).
  • En guise de conclusion :
Au 1er avril, les GVC partent. Fin du périple de ce bataillon au parcours unique. Unique par sa destinée : mis en place dans des circonstances particulières, cette unité composées d'hommes normalement chargés de surveiller des routes à l'arrière va se retrouver en première ligne ou non loin, au début de l'attaque allemande à Verdun, le 21 février 1916.
Des hommes au parcours qui n'est pas achevé, bien loin en tout cas de celui que connurent la très grande majorité des GVC. La grande majorité ne retournera pas au front dans une unité combattante : à part les officiers et les plus jeunes, la plupart vont se retrouver dans des RIT chargé de travailler plus que de combattre.

J'espère que Fabrice y aura trouvé les réponses qu'il cherche, des détails qui l'aideront à mieux cerner le parcours de son arrière-arrière grand père dans une unité particulière. N'hésitez pas à lire les JMO des sources, les récits sont riches et mettent bien en évidence les changements d'affectation que pouvaient connaître certains hommes.
  • Pour poursuivre :
Malgré l'absence d'historique ou de liste de tués, il n'est pas très difficile d'en dresser une : en effet, théoriquement, tous les GVC venaient du département de la Meuse, quelques-uns d'autres département aussi. Il est donc possible sur le site MDH de trouver les fiches des hommes nés avant 1880, né en Meuse, morts alors qu'ils étaient au 44e RIT et dans le secteur du BMGVCR. En voici quelques-uns (Source : Site Mémoire des Hommes) dont la précision du lieu de décès permet de retrouver la compagnie à laquelle ils appartenaient.

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Si vous avez d'autres renseignements sur ce bataillon, n'hésitez pas !

Amicalement,
Arnaud

  • Sources :
JMO du BMGVCR du 44e RIT, SHD26N784/5, octobre 1915 au 31 mars 1916.
JMO du 45e RIT, SHD 26N784/7, mai 1915, février 1916.
JMO de la 143e BI, 26N533/11, août 1914 à février 1916,
JMO de la 143e BI, 26N533/12, février, décembre 1916,
JMO de la 212e brigade d'infanterie, SHD 26N545/1, septembre 1915, février 1916.
JMO de la 72e DI, août 1915, décembre 1916, SHD 26N397/2
JMO de la place de Verdun, SHD 26N67/10, Juillet 1914 à août 1915.

Edité pour ajouter une carte oubliée et le lien vers le JMO de la place de Verdun.
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Laurent59
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Re: Au détour d'un JMO (20) - Le BM des GVC relevés du 44e RIT de Verdun

Message par Laurent59 »

Bonjour Arnaud, intéressante étude sur un bataillon que je ne connaissais pas. "Master class" .

Laurent :hello:
Histoire du soldat François Louchart 72ème RI .
Pages du 72e et 272e RI [https://www.facebook.com/laurentsoyer59[/url].
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IM Louis Jean
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Re: Au détour d'un JMO (20) - Le BM des GVC relevés du 44e RIT de Verdun

Message par IM Louis Jean »

Bonjour à toutes et à tous,

Un grand merci pour cet éclairage magistralement réalisé sur ce BMGVCR ! Cet "Au détour d'un JMO (20)" va compléter avec bonheur le chapitre qui est consacré à ce thème sur le très très intéressant site Le parcours du combattant de 14-18.

Un petit complément trouvé dans la "Revue Militaire Française" sur Gallica qui n'apporte pas grand chose au remarquable fil de maître Carobbi mais colorie un peu l'image de ces GVCR :

<< Le bataillon du 44e régiment territorial avait été formé, le 18 juin 1915, avec des gardes-voies de communications relevées et était indépendant de son régiment. Ces hommes, très âgés, étaient de braves gens disciplinés, travaillant avec ardeur aux terrassements et capables de se battre dans des tranchées.

Les unités alternaient tous les huit jours dans les tranchées de première ligne ou de soutien, dans les villages nègres du camp Roland, du camp Flamme ou dans les ruines souvent visitées par les « marmites » à 4 ou 5 km de la ligne de feu. Au cours des périodes de demi-relève, on exécutait quelques tirs dans le ravin de Louvemont mais l'importance des travaux de terrassement à exécuter ne laissait ni le temps, ni la possibilité de remettre la troupe à l'instruction, de sorte qu'officiers et soldats ignoraient à peu près tout de l'évolution des idées tactiques; ils en étaient encore aux méthodes de 1914.

Ces hommes, ainsi maintenus sans détente dans une existence misérable et très dure, n'entrevoyant aucun terme rapproché à cette situation, avaient du fatalisme dans l'esprit, et leur aspect, même celui des chasseurs, naturellement cocardiers, n'évoquait plus que de fort loin celui des soldats de 1914. C'étaient des vêtements sans couleur, élimés, troués ou grossièrement rapiécés, sous lesquels débordaient les manches et les cols d'épais gilets de laine, dons de particuliers ou de sociétés diverses. Peu de képis, à moins que d'informes, mais des polos, des bérets et d'énormes cache-nez entortillant la tête, et enfin recouvrant le tout, des couvertures sans teint et en loques, des tapis de table, des bâches de cuir ou des peaux de mouton trouvés dans les ruines. Le sac était monumental et les objets les plus imprévus y étaient arrimés avec des cordes. Brodequins et guêtres, lacés avec des ficelles, soigneusement graissée, ne connaissaient plus le cirage.
Mais la culasse du fusil était toujours enveloppée dans un mouchoir et le canon de l'arme muni d'un bouchon qui le protégeait contre la boue, car le fusil était l'objet des soins les plus attentifs.

La démarche était lourde et traînante, sauf quand retentissaient la Marche lorraine ou la Sidi Brahim qui, du coup, relevaient les têtes et redonnaient pour quelques minutes leur élasticité de vingt ans à ces hommes dont une bonne moitié étaient des quadragénaires. >>


J'édite pour ajouter cette carte, trouvée dans la "Revue Militaire Française" sur Gallica, sur laquelle figurent les camps Flamme et Roland (entre Vacherauville et Louvemont)
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Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Leon Florentin
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Re: Au détour d'un JMO (20) - Le BM des GVC relevés du 44e RIT de Verdun

Message par Leon Florentin »

Bonjour Arnaud, bonjour à tous,

plus qu'une réponse à ma simple question, une brillante démonstration sur la vie du BatOn. Merci beaucoup pour votre aide et pour la quantité d'information tout à fait conséquente que vous me (nous ?) fournissez.
J'ai commencé mes recherches sur mon AAGP il y a environ un mois en sachant simplement qu'il avait été sergent au 44eme RIT et maintenant, grâce en partie aux recherches effectuées de mon côtés mais aussi et surtout grâce au fameux "coup de main" que vous m'avez donné, je suis en mesure de retracer une grand partie de son service pendant la guerre jusqu'à sa blessure.

Pour la petite histoire, vous joignez à votre exposé la fiche concernant le Cdt Magnenot tué à l'ennemi. Et bien, mon AAGP se trouvait tout à côté de lui dans le poste de commandement du bataillon qui a été touché par des obus allemands tuant le Cdt et blessant gravement mon AAGP, entre autres.

Encore une fois, merci !

Bien cordialement
Léon Florentin, sergent R.A.T, 23ème Cie, Bataillon de Marche des GVC Relevés, 44ème RIT (service : 2 août 1914 - 22 février 1916, blessure à Verdun, réformé en 1917) - Croix de Guerre, Médaille Militaire, Commandeur de la Légion d'Honneur
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RADET Frederic
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Re: Au détour d'un JMO (20) - Le BM des GVC relevés du 44e RIT de Verdun

Message par RADET Frederic »

Bonjour Arnaud, bonjour à tous,

un grand merci pour ce travail. Bravo !

Cordialement,
Frédéric, arrière petit-fils de Gaston Radet (Classe 1892) sergent au 44e R.I.T.
Courage on les aura !
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rugby-pioneers
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Re: Au détour d'un JMO (20) - Le BM des GVC relevés du 44e RIT de Verdun

Message par rugby-pioneers »

Bonjour,

Merci de nous faire partager cette étude.

Sincèrement,
Wall55
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Re: Au détour d'un JMO (20) - Le BM des GVC relevés du 44e RIT de Verdun

Message par Wall55 »

Bonjour,

On ne peut que louer le magnifique travail d'Arnaud !!
Petit nouveau, ici, je souhaitais apporter une simple contribution sur ce bataillon éphémère, découvert lors de recherches généalogiques. A l'origine, trois frère prussiens arrivés en Meuse au milieu du XIXème siècle et dont les descendants ont combattus pour la France. L'un d'eux, Justin Wallesch, fût adjudant au BMGVC.

Ce bataillon s'est bien retrouvé en 1ère ligne, au contact de l'ennemi, notamment entre le 21 et le 25 février 1916 près de Verdun, théâtre d'une reddition ayant valut une condamnation à mort par contumace pour 70 militaires. Je vous laisse prendre connaissance d'un article de presse de L'Ouest-Eclair du 19.09.1919 relatant le passage du Capitaine Castelbou, commandant la 25e compagnie, devant le Conseil de Guerre : https://www.retronews.fr/journal/l-oues ... 7/142943/3
Le journal du Cher, daté du 09.10.1921, apporte des éléments supplémentaires sur la peine du Capitaine Castelbou et relate le procès en cassation pour les cinq "déserteurs" décédés en captivité (Masson, Fortin, Latourte, Malvoisin et Dabit) : https://www.retronews.fr/journal/journa ... /4314391/2

Le JMO du BMGVC mentionne bien la disparition d'un officier, 6 sous-officiers et 86 caporaux et soldats pour la 25ème compagnie entre le 21 et le 25 février 2021. Quant à la 22ème compagnie mentionnée dans l'article, le JMO annonce effectivement la disparition de 2 officiers, 10 sous-officiers et 101 caporaux et soldats.

On retrouve d'ailleurs la trace de 185 militaires (sur les 203 disparus non-officiers) du 44 au camp de prisonniers de Mannheim fin mars/début avril :
https://grandeguerre.icrc.org/en/List/4 ... 731/36493/ et pages suivantes ;
https://grandeguerre.icrc.org/en/List/4 ... 731/36502/ et pages précédente et suivantes ;
https://grandeguerre.icrc.org/en/List/4 ... 731/36671/ et pages suivante.

Outre le détail comptable, l'article de L'Ouest-Eclair précise bien l'état d'esprit de ces "anciens", vraisemblablement peu habitués aux contacts avec l'ennemi.

Sur les positions et le rôle joué en février 1916 (on notera que le nom du Cdt de la 25e Cie n'est pas cité) : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... w/f58.item

Concernant Justin Wallesch, il a été rapatrié d'Allemagne le 06.12.1918 puis acquitté du chef de désertion à l'ennemi par jugement contradictoire en janvier 1919. Ma dernière trace de sa captivité remonte au 16.08.1916 au camp de Tauberbischofsheim (évacué de Mannheim avant le 13.05.1916).
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Arnaud Carobbi
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Re: Au détour d'un JMO (20) - Le BM des GVC relevés du 44e RIT de Verdun

Message par Arnaud Carobbi »

Bonjour Wall55,

Merci beaucoup pour ce complément fort intéressant. Le "après" est souvent méconnu, merci de l'avoir remis en lumière dans ce cas.

Bien cordialement,
Arnaud
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