— René DUFOUR de la THUILLERIE, Commissaire en chef de la Marine : « De Salonique à Constantinople. Souvenirs de la division navale d’Orient. 1916~1919 », lettre-préface de Mgr Alfred BAUDRILLARD, de l’Académie française, Recteur de l’Institut catholique de Paris, éd. J. de Gigord, Paris, ca. 1921, p. 1 à 3.
« A bord du Mustapha II. — De Marseille à Salonique. Arrivée à Salonique. — 22~29 novembre 1916.
L’appareillage a lieu au petit jour. Notre-Dame-de-la-Garde apparaît embrumée et comme mystérieuse, encadrée dans une lueur orange, entre deux pannes de nuages. Ave Maris Stella !... Et adieu à la terre de France, si chère et que l'on sent être encore plus aimée parce qu’on s'en éloigne. N’est-ce pas souvent la privation d’une jouissance qui nous en révèle le prix ?
En cette saison, la Méditerranée est souvent assez dure et elle le fera voir durant une traversée, dont les incidents ne méritent cependant pas mention. L’itinéraire n'a rien de "commercial ", car les sous-marins nous guettent et le gibier averti cherche à dépister le chasseur. Il est convenable de prendre un vrai chemin des écoliers, de faire des crochets, d’éviter les endroits suspects. C’est au service des routes de régler tout cela savamment. La veille est renforcée, les pièces sont armées ; la nuit, les sabords sont clos, on navigue les feux éteints, et aucune lueur, aucune lumière ne doivent apparaître.
Le Mustapha transporte un bataillon d’infanterie coloniale. La tenue à la mer des troupes passagères est toujours curieuse ; et, avec le mauvais temps, le comique devient vite héroï-comique.
Nos " coloniaux " sont en réalité, un mélange de gens de tout âge, provenant en majeure partie des cam-pagnes du Sud-Ouest et n’ayant jamais vu la mer. D’anciens " marsouins " — il en existe encore — servent de mentors et inculquent l’esprit de corps à ces nouveaux, après tout assez fiers de n’être pas des " biffins " ordinaires. Puis, il y a de tout, à bord : des créoles, des nègres, des " récupérés ", plus ou moins dignes d’intérêt, et même d’ex-condamnés ayant à se réhabiliter " au front ". Parmi les soldats brancardiers, le curé d’une petite paroisse du Tarn-et-Garonne voisine avec un directeur de cirque, du doux nom de Beppino.
Un coup de siroco dans la mer Ionienne valut au commandant une nuit pénible, arracha un radeau de sauvetage et démolit une partie des bastingages. Avec ce temps, impossible de travailler, de lire ou d’écrire pour occuper ses loisirs. Mais un échange mystérieux de pensées et une émission de rayons, invisibles unit les cœurs séparés pour leur procurer douceur et réconfort...
En cette saison, la Méditerranée est souvent assez dure et elle le fera voir durant une traversée, dont les incidents ne méritent cependant pas mention. L’itinéraire n'a rien de "commercial ", car les sous-marins nous guettent et le gibier averti cherche à dépister le chasseur. Il est convenable de prendre un vrai chemin des écoliers, de faire des crochets, d’éviter les endroits suspects. C’est au service des routes de régler tout cela savamment. La veille est renforcée, les pièces sont armées ; la nuit, les sabords sont clos, on navigue les feux éteints, et aucune lueur, aucune lumière ne doivent apparaître.
Le Mustapha transporte un bataillon d’infanterie coloniale. La tenue à la mer des troupes passagères est toujours curieuse ; et, avec le mauvais temps, le comique devient vite héroï-comique.
Nos " coloniaux " sont en réalité, un mélange de gens de tout âge, provenant en majeure partie des cam-pagnes du Sud-Ouest et n’ayant jamais vu la mer. D’anciens " marsouins " — il en existe encore — servent de mentors et inculquent l’esprit de corps à ces nouveaux, après tout assez fiers de n’être pas des " biffins " ordinaires. Puis, il y a de tout, à bord : des créoles, des nègres, des " récupérés ", plus ou moins dignes d’intérêt, et même d’ex-condamnés ayant à se réhabiliter " au front ". Parmi les soldats brancardiers, le curé d’une petite paroisse du Tarn-et-Garonne voisine avec un directeur de cirque, du doux nom de Beppino.
Un coup de siroco dans la mer Ionienne valut au commandant une nuit pénible, arracha un radeau de sauvetage et démolit une partie des bastingages. Avec ce temps, impossible de travailler, de lire ou d’écrire pour occuper ses loisirs. Mais un échange mystérieux de pensées et une émission de rayons, invisibles unit les cœurs séparés pour leur procurer douceur et réconfort...
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L’arrivée dans le golfe de Salonique, puis l’entrée en rade m'avaient été vantées. Le dernier réveil de la traversée eut lieu au pied du célèbre Mont-Olympe, couvert de neige et dominant une imposante ceinture de montagnes et de nuages... Mais, pour contempler un spectacle merveilleux, il eût fallu une vue claire... Or, un temps gris et pluvieux remplaçait le soleil légendaire.
Après une série de jours gris, venteux et pluvieux, il a enfin lui, et d’un éclat tout resplendissant. La vue de Salonique, éclairée le jour par ce brillant soleil, la nuit par un éclatant clair de lune, est attrayante. Une ligne de montagnes aux cimes neigeuses s’étend du Sud au Nord, en passant par l'ouest. Et la rade, pleine de grands navires, charme par son mouvement et ses aspects changeants.
Du Saint-Louis, je puis contempler un site grandiose dans un cadre imposant. [...] »
Après une série de jours gris, venteux et pluvieux, il a enfin lui, et d’un éclat tout resplendissant. La vue de Salonique, éclairée le jour par ce brillant soleil, la nuit par un éclatant clair de lune, est attrayante. Une ligne de montagnes aux cimes neigeuses s’étend du Sud au Nord, en passant par l'ouest. Et la rade, pleine de grands navires, charme par son mouvement et ses aspects changeants.
Du Saint-Louis, je puis contempler un site grandiose dans un cadre imposant. [...] »