COMAFRAN-I — Cargo charbonnier en ciment armé — Soc. Fontaine et Cie.

Rutilius
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COMAFRAN-I — Cargo charbonnier en ciment armé — Soc. Fontaine et Cie.

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,

Comafran-I — Cargo charbonnier en ciment armé lancé le 29 décembre 1918 à l’Île des Anglais, sise près du pont de Neuilly-sur-Seine (Seine — aujourd’hui Hauts-de-Seine), par la Compagnie maritime franco-anglaise [Société anonyme au capital de 600.000 fr. présidée par Paul FONTAINE ; siège social établi à Paris, au 8, rue Halévy (IXe Arr.). Déclarée en faillite par un jugement prononcé par le Tribunal de commerce de la Seine le 25 novembre 1927.] pour le compte de la Société Fontaine et Cie, établie à Troyes (Aube). Construit sur les plans de l’Entreprise générale d’études, sous la direction de Charles Auguste ROUX, ingénieur civil.

Caractéristiques — Jauge : 355 tx jb et 550 t pl. Déplacement : 920 t. Dimensions : 44,65 x 7,75 m ; tirant d’eau, 3,20 m. en charge. Propulsion : deux moteurs de 120 cv Panhard et Levassor, tournant à 4.200 tours-minute ; un réducteur à engrenages à chevrons ramenant la vitesse des hélices à 200 tours ; deux hélices. Vitesse : 7,5 nœuds.

Sister ship, Comafran-II.


Le Monde illustré, n° 3.185, Samedi 4 janvier 1919, p. 15.

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Le Pays de France, n° 221, 9 janvier 1919, p. 15.


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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Erlbon
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Re: COMAFRAN-I — Cargo charbonnier en ciment armé — Soc. Fontaine et Cie.

Message par Erlbon »

Je vous presente Comafran I, encore survivante a 2019.
Comafran I - Selva
Comafran I - Selva
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1921 - Vendu a Norvege.
1939 - Utilisee comme une jetée a Selva

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Memgam
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Re: COMAFRAN-I — Cargo charbonnier en ciment armé — Soc. Fontaine et Cie.

Message par Memgam »

Bonjour,

Merci à Erlbon de nous montrer cette antiquité, qui a dépassé le siècle d'existence et qui a subi quelques modifications.

Cordialement.
Memgam
Rutilius
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COMAFRAN-I — Cargo charbonnier en ciment armé — Soc. Fontaine et Cie.

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,

Bibliographie


M. FOURNIOLS : « La construction des chalands et des navires de mer en ciment armé », Revue générale des sciences pures et appliquées, T. 30, 1919, p. 617 à 623.
« [...] II. – Remorqueurs et cargo-boats.

Les constructeurs français et surtout étrangers se sont lancés dans la construction, bien plus intéressante encore que celle des simples chalands ou allèges, des remorqueurs et des cargos d’une certaine Importance.
Nous en citerons quelques exemples, en commentant par les petits cargos charbonniers que construit la Compagnie maritime franco-anglaise, dans son chantier de Neuilly-sur-Seine. Ces bâtiments, qui portent le nom de Comafran-I et Comafran-II, etc., n’ont que 45 mètres de longueur et 8 m. de largeur, avec 3 m. 20 de tirant d’eau en charge. Aussi, leur cargaison est-elle limitée à 500 tonnes de houille (ils sont spécialement destinés à faire le service entre Paris, Rouen, et les ports anglais.)
La coque, dont la figure 4 donne une élévation latérale schématique, est partagée en six compartiments par cinq cloisons étanches ; la chambre des moteurs est à l’arrière. L'épaisseur du hourdis est de 6 cm. seulement, mais l’ossature de la coque est constituée par de robustes nervures formant couples dans le sens transversal et lisses dans le sens longitudinal. La pression maximum prévue sur cet ensemble est de 4 tonnes par mètre carré ; les calculs de résistance ont été faits en prévision, soit de la charge complète, soit au contraire de l’échouage au bassin, la quille supportant tout le poids du bateau, soit enfin du cas où le navire est porté, soit par une seule lame, soit par deux lames avec le vide entre les deux, sous la quille.
La construction de la coque se fait à terre, dans un vaste moule en bois dont les éléments démontables permettent de démouler après la prise du béton, puis de remettre en forme pour la construction d’une autre coque, après lancement de la première. Il entre 45 tonnes d’armatures en aciers ronds dans cette coque ; les diamètres de ces armatures sont en petit nombre, de façon à simplifier les approvision-nements et le travail de " ferraillage ".
Les superstructures sont également en ciment armé, et ne font qu’un avec la coque ; les emménagements du pont et la passerelle sont seuls en bois.
Nous avons dit que la coque est divisée, dans sa longueur, en six compartiments. Après les deux grandes cales à marchandises viennent la chambre des moteurs et les réservoirs d’huile et de carburant. En effet, les moteurs sont à essence, du type Panhard et Levassor (usines d’Ivry, près Paris) ; il y en a deux, qui actionnent chacun une hélice. Ces moteurs de 120 chevaux tournent à 4.200 tours-minute, mais un réducteur à engrenages à chevrons en acier taillé ramène la vitesse de l’hélice à 200 tours.
Les paliers sont munis de roulements à billes, et, autre dispositif également destiné à donner toute sécurité, les réservoirs d’essence (9 mètres cubes) sont munis du système Rolland-MaucIère, c’est-à-dire que l’essence est déplacée par pression d'un gaz inerte qui empêche éventuellement toute propagation d’incendie et inflammation du contenu des réservoirs.
Le lancement s’effectue par l’arrière, tandis que, pour les chalands de mêmes dimensions, on l’effectue souvent par glissement latéral, ou bien on soulève le chaland avec une machine semblable à une bigue, et on le descend dans l’eau.
[...] » (op.cit., p. 621).


Le Monde illustré, n° 3.185, 4 janvier 1919, p. 15.

Gallica —> https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... 2/f22.item


□ Célestin DROUHARD : « Neuilly possède un chantier de construction navale », La Science et la Vie, T. XV, Févr.~Mars 1919, p. 301 à 308.

Gallica —> https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... nglaise%22



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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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COMAFRAN-I — Cargo charbonnier en ciment armé — Soc. Fontaine et Cie.

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Bonsoir à tous,


Sur l’état de navigabilité du cargo Comafran-I


• Tribunal de commerce du Havre. — 17 janvier 1921 — Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union c./ Simon Smits et Cie, le capitaine Allie et la Compagnie des Abeilles (intervenante).

(Recueil de jurisprudence commerciale et maritime du Havre, T. 64, 1921, p. 59 à 71)

NAVIRE. Innavigabilité. Preuve positive exigée. Cote du Bureau Veritas. Présomption de
navigabilité. Avaries subies au cours d’un précédent voyage. Impossibilité par le chargeur de faire assurer sa marchandise. Réparations nécessitées postérieurement au retirement de la marchandise. Preuves insuffisantes.
Constitue une présomption de bon état de navigabilité, le fait, par un navire, d’être inscrit en première cote au Bureau Veritas, la classification des navires par ledit bureau ayant un caractère quasi officiel.
Et pour détruire cette présomption et avoir déclaré, à bon droit, fait le retirement de la marchandise, il appartient à ceux qui entendent contester l’état de navigabilité de rapporter la preuve positive et irréfragable que le navire était hors d’état de naviguer au moment où il devait entreprendre son voyage.
Et le Tribunal ne saurait trouver celle preuve : 1°) ni dans le fait qu’au cours d’un voyage précédent ledit navire a subi des avaries dont le gros temps seul a été la cause, alors que ledit navire a pu, après certaines réparations, effectuer par ses propres moyens le voyage de retour, et a, après essais conservé la première cote au Bureau Veritas ; 2°) ni dans le fait que le chargeur n’a pu faire assurer sa marchandise embarquée sur le navire ; 3°) ni dans le fait que, postérieurement à la date du retirement de la marchandise, certaines réparations de moteurs furent nécessitées, alors que la cote du Bureau Veritas fut confirmée, que les essais faits en présence d’experts n’ont pas démontré l’innavigabilité du navire.


Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union
c/. Simon Smits et Cie, le capitaine Allie et la Compagnie des Abeilles
(intervenante).


JUGEMENT

Le Tribunal,

Attendu que, par exploit en date du 22 décembre 1919, la Société des Entrepôts frigorifiques de l’Union, dont le siège est au Havre, 5, rue de Mulhouse, a fait assigner le capitaine Allie, commandant le vapeur français Comafran-Ier, d’une part, Simon Smits et Cie, d’autre part, en résiliation du contrat de transport du Havre à Rotterdam qu’elle avait passé avec Simon Smits et Cie, relatif à un chargement d’environ 240 tonnes salaisons d’une valeur approximative de 1.500.000 fr. et ce, à raison de l’innavigabilité du steamer Comafran-Ier ;
Attendu que, par jugement en date du 22 décembre 1919, le Tribunal, en donnant acte, à Simon Smits et Cie du dépôt de ses conclusions, et au capitaine Allie de ses protestations a, statuant au provisoire et avant faire droit, tous moyens tenant état, nommé Bernier Louis et Rhireau, experts, avec la mission de voir et visiter le steamer Comafran-Ier, actuellement dans le port du Havre, décrire son état, rechercher et dire si antérieurement aux avaries subies au cours de sa sortie du port, le navire ne se trouvait pas en état de pouvoir avec sécurité affronter les risques de la navigation du Havre à Rotterdam ; rechercher et dire en l’examinant, en second lieu, en son état d’avarie actuellement, et par suite de cette avarie et de son état même une fois réparé, s’il est en état de pouvoir affronter avec sécurité les risques de cette navigation ;
Que, par ce même jugement, le Tribunal nommait en outre les mêmes experts, arbitres, avec la mission ordinaire à l’effet de s’entourer de tous renseignements utiles, notamment en ce qui concernait les incidents de navigation antérieurs du Comafran-Ier ;
Qu’il résultait de cette double mission que les experts et arbitres devaient uniquement faire porter leur instruction sur les faits antérieurs au 18 décembre 1919, date des avaries du Comafran-Ier ;
Attendu que les experts et arbitres ont déposé leur rapport et concluent à l’innavigabilité du steamer Comafran-Ier ;
Attendu que la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union conclut à l’entérinement des rapports d’expertise et d’arbitre, et en conséquence, qu’il plaise au Tribunal dire que le navire Comafran-Ier n’était pas en état d’entreprendre avec sécurité le voyage du Havre à Rotterdam ; que, par suite, la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union était en droit de rompre le voyage et de faire procéder au débarquement de sa marchandise et à son réembarquement sur un navire capable d’effectuer le transport ;
Qu’elle demande contre Simon Smits et Cie la condamnation au paiement de la somme de 3.502 fr. 95 pour réparation du préjudice subi, et ce, non compris les frais de commission et autres, à établir par état, et qui seront réglés ou à régler aux banquiers par la caution fournie, et ce, jusqu’à libération de la caution, à établir par état ;
Attendu que Simon Smits et Cie, sans prendre parti dans le débat qui s’agite entre la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union et le capitaine Allie, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal, au cas d’innaviga-bilité du Comafran-Ier, de débouter l’armateur et le capitaine de leur demande reconventionnelle et les condamner solidairement à leur payer : l°) 1.900 fr. pour bénéfice normal ; 2°) 7.760 fr. 90 pour frais occasionnés par l’embarquement, le débarquement et accessoires, les condamner sous la même solidarité à les garantir de toute condamnation prononcée au profit des Entrepôts Frigorifiques de l’Union, et pour le cas où le Tribunal dirait le Comafran-Ier navigable, débouter les Entrepôts Frigorifiques de l’Union de leur demande et les condamner reconventionnellement à leur payer la somme de 22.010 fr. 05 pour frais de débarquement et autres occasionnés par la rupture du voyage, et à les garantir de toute condamnation pouvant intervenir contre eux au profit des armateurs et du capitaine du Comafran-Ier ;
Attendu que, de son côté, le capitaine Allie demande au Tribunal de rejeter les demandes de la Société des Entrepôts Frigorifiques de l'Union et de Simon Smits et Cie, et se porte reconventionnellement demandeur contre Simon Smits et Cie en paiement des sommes suivantes :

1°) Fret du Comafran-Ier .................................. : Fr. 14.400
2°) Pour-saisie injustifiée du navire ...................... : 19.200
3°) Frais de sortie en mer .................................. : 5.000
4°) Dommages-intérêts ..................................... : 20.000

Au total : Fr. 58.600

Attendu, enfin, que la Compagnie des Abeilles est intervenue au procès pour demander contre chacune des parties en cause, selon la décision du Tribunal, condamnation au payement de la somme de 3.236 fr. 40 pour frais de sortie en mer, lors des essais du Comafran-Ier, essais auxquels il a été procédé par les experts ;
Attendu que cette intervention de la Compagnie des Abeilles ne fait l’objet en la forme d’aucune contestation ;
Qu’il convient de statuer sur icelle, ainsi que sur toutes les autres demandes des parties en cause, par un seul et même jugement ;
Vu les rapports d’expertise et d’arbitrage ;
Attendu que la question qui domine tout le procès est celle de savoir si le Comafran-Ier était ou non navigable au moment où il se préparait à quitter le port du Havre, le 18 décembre 1919, emportant une cargaison de 240 tonnes salaisons à destination de Rotterdam ;
Attendu que, pour résoudre cette question, il importe de rechercher ce qu’est le Comafran-Ier et ce qu'il faut entendre par l'état de navigabilité d'un navire ;
Attendu que le Comafran-Ier fut construit, à Neuilly, en 1918 ;
Que ce navire, en ciment armé, muni de deux moteurs à essence de 120 HP chacun, est descendu, en mars 1919, à Rouen, où il fut armé aux Chantiers de Normandie ;
Qu’il vint ensuite au Havre par le Canal de Tancarville pour compléter son armement et faire ses essais ;
Attendu qu’après avoir fait ses essais, il obtint son permis de navigation et fut inscrit en première cote au Bureau Veritas pour le grand cabotage, tant pour ses moteurs que pour sa coque ;
Attendu que le Bureau Veritas est le registre de classification des navires le plus consulté du monde entier ;
Qu’il constitue un grand office de renseignements sur la navigation maritime, et donne à la classification des navires un caractère quasi-officiel ;
Attendu que le Tribunal ne peut pas ne pas tenir compte des avis et des certificats délivrés par un organisme de cette importance et de cette valeur ;
Que, d'autre part, il est constant que le Comafran-Ier répondait à toutes les conditions de navigabilité exigées par la loi des 17 et 20 avril 1907, sur la sécurité de la navigation ;
Attendu qu’il ne saurait être contesté, en droit, que lorsqu'un navire est inscrit en première cote au Bureau Veritas, il y a, en sa faveur, une présomption de bon état de navigabilité qui ne peut être détruite que par la preuve contraire, positive et irréfragable ;
Qu’il appartient donc à ceux qui entendent contester l’état de navigabilité de rapporter la preuve positive que le navire était hors d'état de naviguer au moment où il entreprenait son voyage (Cour d'Aix, 8 juin 1908 ; Tribunal du Havre, 4 juillet 1909) ;
Que ces principes, consacrés par la jurisprudence, ne sont d'ailleurs que l’application de l’article 297 du Code de commerce ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède, que pour réussir dans leur action, les Entrepôts Frigorifiques de l’Union doivent, par une preuve positive, détruire la présomption de navigabilité dont bénéficie le Comafran-Ier ;
Attendu que les Entrepôts Frigorifiques de l’Union, prétendent faire cette preuve en s’appuyant sur les rapports d’expertise et d’arbitrage ;
Attendu que, pour conclure à l’innavigabilité du navire, les experts et arbitres s’appuient : l°) sur le premier voyage du Comafran-Ier en Angleterre ; 2°) sur les conditions dans lesquelles les marchandises n'ont pu être assurées ; 3°) sur ce que les moteurs sont insuffisants pour entreprendre le voyage du Havre à Rotterdam ;
Attendu sur le premier point, que le 23 juillet 1919, le Comafran-Ier partit du Havre à destination de Llanelly par mer agitée, ayant beaucoup de difficultés à gouverner ;
Qu'il dut, par suite du mauvais temps, faire relâche à Cherbourg, d'où il se rendit à Llanelly, non sans avoir, en cours de route, éprouvé certaines avaries de moteurs ; que, de même, son retour de Llanelly au Havre ne se fit pas sans certains incidents ;
Qu'il dut, notamment, changer de moteur à Falmouth ; mais attendu qu’il n’en est pas moins vrai qu’il put résister au mauvais temps et à la tempête et qu’il effectua son voyage de retour ;
Attendu que si, après ce premier voyage, le Comafran-Ier avait été considéré comme innavigable, le Bureau Veritas n’aurait pas manqué de suspendre sa cote et de lui faire retirer son permis de navigation ;
Attendu que, tout au contraire, après les essais faits par les experts en rade du Havre, en Janvier 1920, le Comafran-Ier conserva sa première cote au Bureau Veritas ;
Qu’il suit de là, incontestablement, que c’est à tort que les experts et arbitres ont fait état de ce, premier voyage du Comafran-Ier pour conclure à son innavigabilité ;
Attendu, en second lieu, que, pour étayer leurs conclusions, les arbitres se basent sur les conditions dans lesquelles les marchandises n’ont pas été assurées ;
Attendu que le Tribunal estime que ce point tout spécial est tout à fait étranger à l’état de navigabilité du navire ;
Que si la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union n’a pu assurer sa marchandise avant le départ du navire, il semble qu’elle n’a qu’à s’en prendre à elle-même ; que la négligence dont elle a fait preuve en la circonstance n’incombe qu’à elle seule ;
Que cette question d’assurance de la marchandise, en effet, qui aurait dû être traitée avant la signature des connaissements, n’intéresse nullement l’armateur du Comafran-Ier et que les nombreux détails relatés par les arbitres, dans leur rapport, sont sans intérêt pour solutionner le point de savoir si le Comafran-Ier était ou non navigable à la date du 18 décembre 1919, les compagnies d’assurances étant libres d'agir comme bon leur semblait ;
Attendu, en troisième lieu, que les experts estiment que les moteurs du Comafran-Ier étaient insuffisants pour entreprendre le voyage du Havre à Rotterdam ;
Attendu qu’au cours des essais qui ont eu lieu en rade du Havre, le 17 janvier 1920, les experts n’ont constaté rien d’anormal dans la coque rigide de construction ;
Qu’ils ajoutent eux-mêmes que, pendant la durée du voyage tant à l’aller qu’au retour, les moteurs ont fonctionné sans à coups, mais répandant un bruit fatiguant ;
Que, d’autre part, à son retour au bassin de la Barre, le Comafran-Ier a accosté à quai en faisant manœuvrer les moteurs plusieurs fois sur les marches avant et arrière dont le fonctionnement, pendant les manœuvres, a été normal, ainsi que les experts le relèvent eux-mêmes ;
Attendu que ces constatations matérielles se suffisent à elles mêmes et sont de nature à établir que les moteurs étaient suffisants pour assurer le bon état de navigabilité du Comafran-Ier, alors surtout que les essais avaient lieu en plein hiver, par mer clapoteuse ;
Attendu que les conjectures auxquelles font allusion les experts constituent des probabilités qui ne peuvent retenir l’attention du Tribunal ;
Que, par suite, le Tribunal ne saurait suivre la voie des experts qui estiment que « leur expérience de la mer leur fait un devoir de considérer que le Comafran-Ier ne pouvait, tout au moins l’hiver, affronter tous les risques de la navigation » ;
Attendu que le Tribunal estime qu’il n’a pas à tenir compte des constatations faites par les experts et les arbitres au cours du voyage du Comafran-Ier à Rotterdam ainsi que des incidents qui ont suivi ou accompagné ce voyage ;
Qu’il n’entrait pas dans leur mission de savoir dans quelles conditions le Comafran-Ier était allé du Havre à Rotterdam, et des incidents de sa navigation ;
Qu’au surplus, il est un fait certain, c’est que, alors qu’il était en réparation à Dunkerque, le certificat de classification du Comafran-Ier a été visé par le Bureau Veritas et où l’on lit la mention suivante : « Visé pour essais des deux moteurs après réparation, cote confirmée » ;
Qu’ainsi donc, à la date du 30 janvier 1920, après avoir été soumis à la visite du Veritas, celui-ci maintenait encore une fois la première cote ;
Qu’il est incontestable qu’à ce moment là, le Comafran-Ier remplissait toutes les conditions de navigabilité voulues ;
Attendu, d’autre part, qu’il est constant et reconnu même par les experts que les avaries survenues au navire, le 18 décembre 1919, sont les conséquences d’un incident ordinaire de la navigation ;
Attendu que, de tout ce qui précède, il résulte que la présomption de navigabilité, attachée au Comafran-Ier, n’a pas été détruite par une preuve positive indiscutable de l’innavigabilité de ce navire et, qu’en conséquence, l’action de la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union est mal fondée ;
Attendu que, par suite, la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union était sans droit à faire procéder au débarquement de sa marchandise comme elle l’a fait, pour la charger sur l’Ary-Scheffer et [le] Listrac ;
Qu’elle doit donc être condamnée à payer à Simon Smits et Cie la somme de 22.010 fr. 85 pour fret et frais d’embarquement et, que de même la demande reconventionnelle du capitaine Allie contre Simon Smits et Cie doit être accueillie ;
Attendu, par suite, que c’est à bon droit que le capitaine Allie réclame la somme de 14.400 fr., montant de son fret ;
Attendu que la saisie du navire par Simon Smits et Cie a causé au capitaine Allie un préjudice dont il lui est dû réparation ; qu’il convient, cependant, de remarquer que cette saisie a été levée quelques jours après les essais faits par les experts et qu’il est bien certain que, jusqu’à cette date, le Comafran-Ier se trouvait immobilisé dans le port du Havre ; qu’en fixant à 5.000 fr. le chiffre des dommages-intérêts dus de ce chef, il sera fait bonne et équitable justice ;
Attendu que Simon Smits et Cie ont été de bonne foi, mais qu’il n'en est pas moins vrai que la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union, en rompant comme elle l’a fait le contrat de transport maritime, a causé au capitaine Allie un certain préjudice dont Simon Smits et Cie sont responsables en tant qu’affréteurs du Comafran-Ier vis-à-vis de l’armateur ; qu’en fixant à 3.000 fr. la réparation de ce préjudice, il sera également fait bonne justice ;
Attendu que le capitaine Allie réclame, en outre, le remboursement de la somme de 5.000 fr. pour frais de sortie ; mais, attendu que cette somme doit être réduite à 3.236 fr. 40 réclamée par la Compagnie des Abeilles, et qu’il n’y a pas lieu de prononcer condamnation de cette somme au profit du capitaine Allie pour les raisons ci-après exposées ;
Attendu, en ce qui concerne l’intervention de la Compagnie des Abeilles, que celle-ci a, par exploit en date du 8 novembre 1920, assigné toutes les parties en cause : le capitaine Allie, Simon Smits et Cie, la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union en payement de la somme de 3.236 fr. 40 pour assistance du Comafran-Ier au cours de ses essais ;
Que cette somme, dont le montant n’est pas contesté, doit être payée par la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union qui succombe dans le procès ;

Par ces motifs,

Le Tribunal,

Joint la demande principale de la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union et les demandes reconventionnelles de Simon Smits et Cie et du capitaine Allie ;
Déclare la Compagnie des Abeilles recevable en son intervention et, statuant sur le tout par un seul et même jugement en premier ressort ;
Dit et juge que la présomption de navigabilité du Comafran-Ier n’a pas été détruite par la preuve positive du contraire ;
Dit, en conséquence, que c’est à tort que la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union a retiré sa marchandise du Comafran-Ier après ses avaries du 18 décembre ;
Déboute la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union de toutes ses demandes fins et conclusions, tant contre Simon Smits et Cie, que contre le capitaine Allie ;
Dit la demande reconventionnelle de Simon Smits et Cie contre la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union bien fondée ;
Condamne, en conséquence, la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union à payer à Simon Smits et Cie la somme de 22.010 fr. 05 pour fret et frais d’embarquement et celle de 6.931 f. 05 pour voyage, avec intérêts à 6 %, à dater du 22 décembre 1919, date de l’assignation ;
Dit bien fondée la demande reconventionnelle du capitaine Allie contre Simon Smits et Cie ; condamne Simon Smits et Cie à lui payer le montant de son fret, soit la somme de 14.400 fr. avec intérêts à 6 % à dater du 14 mars 1920, date du dépôt du rapport des arbitres ;
Les condamne, en outre, à payer au capitaine Allie les sommes suivantes : l°) 5.000 fr. pour réparation du préjudice causé par la saisie du navire ; 2°) 3.000 fr. pour réparation du préjudice causé par la rupture injustifiée du contrat de transport ;
Accorde recours et récompenses à Simon Smits et Cie contre la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union, pour le remboursement de cette somme totale de 8.000 fr. ;
Rejette le surplus des demandes du capitaine Allie ;
Et statuant sur l'intervention de la Compagnie des Abeilles, laquelle est déclarée recevable en la forme et bien fondée ;
Condamne la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union à payer à la Compagnie des Abeilles la somme de 3.235 fr. 40 pour assistance du Comafran-Ier au cours de ses essais, avec intérêts de droit à dater du 8 novembre 1920, date de l’assignation délivrée par la Compagnie des Abeilles ;
Condamne la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union en tous les dépens.

Du 17 janvier 1921. — Présid. de M. André Guerrand. — Plaid. : Me Bodereau, pour la Société des Entrepôts Frigorifiques de l’Union ; Me H. de Grandmaison, pour Simon Smits et Cie et la Compagnie des Abeilles, et de Me Georges Martin, pour le capitaine Allie du Comafran-Ier.

Observations. — Sur l’autorité qui s’attache aux constatations du Bureau Veritas : V. Lyon-Caen et Renault, Traité de Droit Commercial, T. VI., n° 1.173 ; Thaller et Ripert, Traité de Droit Maritime, T. I., n°s 228, 271, 272, 273 et 274. — Jurisprudence : Cour de Rouen, 4 août 1897, CE Rec. 1897, II., 212. ; Cour d’Aix, 8 juin 1898, CE Rec. 1899, II., 47 ; Havre, 4 juillet 1899, CE Rec. 1899, I., 209.
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Voir aussi :

• Cour de cassation, Chambre civile, 3 février 1926 — Comafran-I.Compagnie maritime franco-anglaise c /. Société des entrepôts frigorifiques de l’Union et autres : Le Droit maritime français, 1926, Jur., p. 241.

—> https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... mage.r=241
Bien amicalement à vous,
Daniel.
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