Les condamnations des cours martiales américaines

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Piou-Piou
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Piou-Piou »

Merci Eric pour ce complément d'informations, ce fil vaut la peine d'être suivis pour connaitre les arcannes de la justice militaire U.S .
Cordialement.
Phil.
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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir à tous,

Finalement, après les interventions initiales du sénateur Thomas E. Watson, de Géorgie, une commission du Sénat est nommée le 4 novembre 1921, dont l'existence est entérinée par la résolution n°166, en vue d'enquêter sur les allégations dudit sénateur concernant l'exécution extra-judiciaire de membres du corps expéditionnaire américain. Des auditions poussées suivront, entre le 8 décembre 1921 et le 8 février 1922.

Le 9 décembre 1921, 64 cas sont présentés à la commission, qui peuvent être plus ou moins documentés par des témoins. Cette liste de cas, dont certains exemples peuvent laisser dubitatif avant qu'ils ne soient approfondis, laisse tout de même songeur quant à l'étendue de certaines pratiques, et pas uniquement dans le cadre d'exécutions, qu'elles soient avérées ou non. Cette liste, la voici :

"1. Une pendaison (un homme sous le commandement du général Bullard) a lieu en France, en 1917 ; un soldat absent de l’exercice deux jours consécutifs, est condamné par un commandant de compagnie à être jeté dans les latrines.
2. Deux hommes sont exécutés au Camp Wilson, à Is-sur-Tille, sous la direction de la police militaire de la 28th division [leurs noms sont donnés et correspondent à la réalité].
3. Une pendaison a lieu à Abainville, selon le bouche-à-oreille : un homme a disparu de sa compagnie, et ses camarades ne l’ont plus jamais revu.
4. Négligence des malades de la part de médecins et d’infirmières.
5. Pendaison de deux hommes, dont un drapé du drapeau américain.
6. Sur ordre du colonel O.G. Collins, commandant du dépôt de l’intendance de Gièvres, les hommes se faisant porter malades mais n’étant pas reconnus tels sont condamnés à travailler à la corvée de charbon, de nuit, ce qui entraîne de nombreux décès.
7. Pendaisons en masse sur le continent.
8. Deux exécutions ont lieu à Is-sur-Tille. Preuves photographiques.
9. Un soldat est frappé à coups de baïonnette, puis battu à mort à coups de crosse.
10. Deux photographies de pendaison à Bazoilles-sur-Meuse en juin 1918.
11. Ordre est donné par le commandement du camp à assister à la pendaison d’un Afro-Américain à Bazoilles-sur-Meuse en juin ou juillet 1918 (« sans doute le même cas que le n°10 ») [exécution avérée, le 13 juillet 1918].
12. Le capitaine Harding, de l’Ohio, a pour habitude de condamner à 20 ans de travaux forcés, quelle que soit la gravité des faits ayant amené des poursuites.
13. Deux photographies de pendaison à Is-sur-Tille ; les noms des pendus sont inconnus.
14. Deux pendaisons ont lieu au Camp Wilson [Is-sur-Tille].
15. Un témoin de la 3rd division a vu des hommes abattus par leurs officiers.
16. Un soldat en absence illégale est arrêté par la police militaire puis jeté dans un bac à eau ; il lui est interdit de changer de vêtements, il est forcé à dormir sur un sol trempé, et il meurt le lendemain.
17. Des pendaisons n’ayant pas été précédées de procédures au sein du 605th engineers.
18. Au sein du 108th field artillery, le colonel Greble frappe un homme dont les pieds sont liés, et force les hommes à se laver les dents au savon. En juillet 1918, un artilleur de ce régiment, sans être passé en cour martiale, est ficelé à un arbre, ses orteils seuls touchant le sol, et reste dans cette position de 19 heures à 2 heures.
19. Alors qu’un homme, blessé au flanc par un éclat d’obus, est évacué vers le poste de secours, un officier s’écrie : « laissez-le par terre, ce sera moins coûteux de le laisser mourir ! »
20. Un homme est tué par balle au Camp Wheeler. Voulant être porté malade, il avait été reconnu apte au service ; à son retour à son unité, un caporal lui ordonne une tâche qu’il refuse d’effectuer : le caporal lui assène un coup de poing, puis tire sur lui un coup de Colt 45, qui le tue. Le caporal est acquitté.
21. Pendaison de quatre hommes à Bazoilles-sur-Meuse.
22. Mauvais traitements infligés à des infirmières quand celles-ci refusent de céder aux avances de certains officiers.
23. En mai 1920, W.W. Larsen, membre du Congrès, attire l’attention du président sur le fait que selon des règlements adoptés par le Département de la Guerre, un officier a le droit de condamner à mort « tout soldat désobéissant aux ordres de son officier supérieur. »
24. Deux pendaisons à « Java », France [a priori, Gièvres].
25. Un Afro-Américain, traduit devant une cour martiale à Neufchâteau, est pendu près du Base Hospital proche [à Bazoilles-sur-Meuse, donc].
26. Des hommes sont tués par des officiers, sans avoir été traduits en cour martiale, à Shells [sic] et rue Sainte-Anne.
27. Une sentinelle, arrivée à son poste de guet avec cinq minutes de retard, est mise aux arrêts, placée tout habillée sous un robinet d’eau froide durant 20 minutes. L’homme, une fois trempé, est battu à mort par six gardes, et sera plus tard enterré avec les honneurs militaires.
28. Des officiers cassent les dents de leurs hommes à coups de poing, et pendent certains d’entre eux par les pouces à la suite de manquements mineurs.
29. Edwin C. George témoigne que le président Wilson, en 1918, retire au général Pershing l’autorité d’infliger la peine de mort alors que les exécutions ont, en France, atteint des proportions effarantes.
30. Un soldat témoigne avoir dû porter des chaînes aux chevilles, qui lui ont causé de sérieuses blessures, et que le colonel Faltz l’a mis au pain et à l’eau durant neuf jours.
31. Un soldat a été pendu à Bar-sur-Aube, sans avoir été jugé.
32. Les officiers peuvent utiliser des canots de sauvetage quand leurs hommes n’ont droit qu’à des bouées.
33. Un soldat témoigne qu’il a vu des hommes souffrir au point de réclamer la mort.
34. Un soldat est pendu non loin de Metz pour avoir, paraît-il, heurté la sensibilité d’un officier.
35. Un soldat est tué à la baïonnette pour ne pas avoir voulu exécuter un ordre de son commandant de compagnie.
36. Les hommes trouvés endormis en faction sont dépouillés de leurs armes et équipements, envoyés par leur lieutenant dans le no man’s land, et reçoivent l’ordre d’en revenir s’ils le peuvent.
37. Un soldat témoigne qu’il a vu pendre un Afro-Américain à l’aube, et qu’il a assisté à des comportements déplacés impliquant des officiers et des infirmières.
38. Deux hommes disent avoir été témoins de 21 exécutions en France.
39. Un soldat a été tué car il était objecteur de conscience.
40. Un soldat témoigne qu’il a vu des hommes tenir la tranchée, de la boue jusqu’aux genoux, et qu’ils en sont morts.
41. Un soldat dit avoir été présent à une pendaison et avoir participé à de nombreuses cours martiales en France.
42. Un soldat de la 27th ou de la 30th division, dont le comportement a déplu à un commandant, est lié à une croix, ses orteils seuls touchant le sol.
43. Un Afro-Américain est pendu à Belleville [fait avéré : exécution du 8 novembre 1918].
44. Deux soldats sont pendus après l’armistice, un Caucasien et un Afro-Américain. Concernant le premier, il s’est avéré qu’il s’agissait d’une erreur.
45. Deux hommes sont pendus sans avoir été jugés.
46. Un Afro-Américain est pendu au Base Hospital 18 en juillet 1918 [à Bazoilles-sur-Meuse, le 13, fait avéré].
47. Un soldat est condamné à rester pendu par les mains, tout en portant un licou, durant 10 jours ; un commandant modifie la sanction et lui inflige deux semaines dans une porcherie, sur le sol de laquelle il doit dormir, son régime étant réduit au pain et à l’eau.
48. Un sergent est pendu par les pouces à une branche d’arbre durant plus d’une demi-heure.
49. William H. Hayward [ancien chef de corps du 369th infantry] témoigne que l’un de ses officiers a abattu un soldat en août 1918.
50. Royal Johnson, membre du Congrès, déclare que "les faibles d’esprit, les traîtres, les lâches", étaient abattus au front.
51. John Lewis, ancien officier ayant passé 18 mois en France, déclare qu’il peut fournir des preuves de mauvais traitements infligés à des soldats.
52. Un soldat est abattu à Fort Oglethorpe (Géorgie) sur l’ordre du colonel Jackson, sans jugement.
53. Un marin témoigne avoir vu, sur un navire faisant route vers la France, 14 hommes jetés par-dessus bord; le bouche-à-oreille fait état de 80 hommes ayant subi ce sort.
54. Un soldat témoigne qu’il était fréquent de voir des officiers traiter des soldats avec brutalité hors d’un cadre légal.
55. Madame Wolf, de Brooklyn, déclare que son fils a été abattu sans jugement.
56. Un soldat affirme que plus de 600 hommes ont été abattus en France par des officiers ou la police militaire.
57. Un soldat affirme que des hommes ont été pendus sans voir été jugés, aux Etats-Unis et en France.
58. Le soldat Frye – objecteur de conscience – a été exécuté en France sans jugement [fait avéré].
59. Un soldat a été exécuté sans jugement, sur l’ordre d’un commandant.
60. Des soldats ont été pendus pour avoir fréquenté le « quartier chaud » de Paris.
60 a. Des prisonniers ont été maltraités à Saint-Aignan.
61. Un Afro-Américain est exécuté sans jugement à Saint-Aignan ; il appartient aux Marines de la 2nd division.
62. Un officier frappe un soldat au visage à coups de fouet à Saint-Aignan.
62 a. Quatre hommes sont pendus sans avoir été jugés."

Tout cela est passionnant à plus d'un titre. L'on y trouve tout à la fois des approximations ou des erreurs flagrantes (le nombre d'exécutions à Is-sur-Tille et à Bazoilles-sur-Meuse, qui a été au coeur des débats, que ce soit en séance plénière du Sénat ou devant la commission ad hoc, varie grandement pour se révéler finalement de deux exécutés "seulement" sur chaque site), des affabulations pures et simples, des juxtapositions de faits en réalité disjoints, etc., mais également la révélation de pratiques du commandement qui se révèlent au final bel et bien telles, la chasse aux maladies vénériennes devenues une forme d'abandon de poste par provocation de maladie, le harcèlement sexuel subi par certaines infirmières, un mode de commandement souvent brutal à l'extrême (lequel ne manque pas de se retrouver d'ailleurs au détour de certains témoignages de combattants américains lors des combats de Saint-Mihiel ou de l'offensive Meuse-Argonne).

Il reste à explorer tout cela, mais une telle découverte est encourageante.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Piou-Piou
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Piou-Piou »

Bonsoir ou bonjour Eric,

Certains fait sont avérés, l'horreur d'une justice expéditive de l'armée américaine en son temps, justice expéditive pas si lointaine tout compte fait je sort du contexte et rend hommage aux Indiens d'Amérique.

Cordialement.
Phil.
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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Bonjour Phil, et merci de me lire.

Le 10 décembre 1921, devant la commission, la litanie des cas continue :

"63. Brutalités exercées au sein du Marine Corps.
64. Un soldat est exécuté sans avoir été jugé.
65. Un soldat est tué dans les baraquements disciplinaires de Poplar Bluff.
66. Exécutions extra-judiciaires perpétrées en France.
67. Pendaison d’un Afro-Américain, sans qu’il ait été jugé, en avril 1919 ; le condamné ignorait qu’il allait être pendu jusqu’au matin de l’exécution.
68. Le soldat Dan Greenway (compagnie F, 802nd pioneer infantry) est exécuté sans jugement.
69. Un soldat témoigne que de nombreux mauvais traitements ont été infligés en France.
70. Un soldat est incarcéré durant 42 jours sans avoir été jugé.
71. Un soldat témoigne que de nombreux mauvais traitements ont été infligés en France.
72. Mauvais traitements infligés aux hommes par leurs officiers dans des camps du Texas.
73. Mauvais traitements infligés aux hommes par des officiers dans des hôpitaux.
74. Des soldats ont été pendus en France ; le soldat susceptible d’en témoigner ignore s’ils avaient été jugés ou non.
75. Des soldats sont forcés par leurs officiers de consommer des rations immangeables, et reçoivent l’ordre de ne rien en dire au moment de leur démobilisation.
76. Des pendaisons ont eu lieu en France.
77. Mauvais traitements infligés aux soldats en France et en Allemagne.
78. Un soldat de la compagnie D, 306th engineers, est brutalisé ; à sa mort, son commandant de compagnie mentionne une « pneumonie » comme cause du décès.
79. Deux soldats ont été pendus sans jugement.
80. Un Marine est l’auteur de violences graves à Bordeaux.
81. C.R. Spencer souhaite témoigner devant la commission, et fournir des preuves de ce à quoi il a assisté.
82. Un capitaine du 352nd infantry maltraite ses hommes et leur refuse toute aide médicale.
83. Un Caucasien est exécuté en France.
84. Un soldat est exécuté à Gièvres, où la potence a amplement servi.
85. Mauvais traitements infligés à des hommes hospitalisés.
86. Un soldat est abattu par un officier ivre au camp de Bassens.
87. Un commandant abat l’un de ses hommes, épuisé, qui lui a dit ne plus pouvoir avancer.
88. Un soldat de Géorgie est pendu après avoir dû se tenir debout face à la potence durant une heure. Le bourreau doit s’y reprendre à trois fois.
89. Deux hommes sont abattus sans jugement.
90. Un soldat témoigne avoir vu deux hommes être pendus, et ajoute connaître 17 personnes pouvant témoigner dans le même sens.
91. La potence de Gièvres est située dans l’enceinte du camp ; le soldat chargé de sa garde affirme qu’elle a déjà servi une fois, et sera réutilisée le vendredi suivant.
92. De nombreuses pendaisons ont lieu à Gièvres. Le soldat Kendricks, d’abord porté malade, est déclaré apte au service et meurt la nuit suivante de pneumonie.
93. Deux pendaisons ont lieu à Bordeaux.
94. Le soldat Frye, du 109th infantry, objecteur de conscience, refuse de porter son sac ; un officier le fait tuer à coups de baïonnette.
95. Le soldat Jones, de la bakery company 321, mourant, est forcé à une corvée sous la pluie.
96. August Wolf a été abattu.
97. Un soldat a été exécuté à coups de baïonnette.
98. Un ancien capitaine du 142nd infantry affirme avoir embarqué sur un navire ramenant aux Etats-Unis, 50 femmes venues en France en tant qu’infirmières, et tombées enceinte. Deux d’entre elles, les sœurs Cromwell, sautent par-dessus bord.
99. Le 11 novembre 1918, durant les combats au nord de Ramange [sic], un capitaine demande des volontaires pour pénétrer dans un village sous le feu de l’artillerie. Le soldat Nuratto offre ses services. Le soldat Davis – prêt à en témoigner – se porte également volontaire, et est touché par un éclat d’obus aux intestins et à la vessie. Le capitaine ordonne au service de santé de laisser Davis marcher, ce que refusent les infirmières et médecins qui le prennent en charge.
100. Des hommes sont victimes de brutalités, et parfois poussés au suicide.
101. A Parris Island, un sergent frappe une recrue ayant fait une erreur de demi-tour, cette recrue étant souffrante, un bras en écharpe : il est frappé au visage jusqu’à ce qu’un dentiste doive le prendre en charge. Le même sergent s’en est pris à d’autres recrues.
102. Un soldat témoigne avoir vu des brutalités commises sur des hommes, ainsi que des exécutions sommaires, et avoir participé à l’érection d’une potence.
103. Une coupure de presse révèle que le secrétaire d’Etat Weeks a recommandé au président Harding de gracier cinq officiers, condamnés à la perpétuité, détenus à Fort Leavenworth, considérant qu’ils sont innocents.
104. Un soldat a été abattu sommairement.
105. Des pendaisons ont eu lieu à Gièvres.
106. Des pendaisons ont eu lieu en France, et les troupes cantonnées sur les lieux, dans les camps, avaient l’ordre d’y assister.
107. Des pendaisons ont eu lieu en France sans avoir été précédées de jugements.
108. Le colonel W.R. Sample, de la 81st division, reconnaît que trois Afro-Américains ont été exécutés en France sur son ordre.
109. Le docteur Thomas R. Roth affirme que 2.000 officiers du service de santé ont été regroupés et qu’il leur a été dit : "A présent, messieurs, rentrez chez vous, soyez unis, soyez soudés, et surtout, taisez-vous."
110. Le capitane A.D. Nicholson a pendu un Caucasien qui avait été condamné par une cour martiale.
111. Plusieurs exécutions ont eu lieu à Is-sur-Tille : deux Afro-Américains, un Caucasien. Ce dernier était originaire de l’Indiana. Un autre soldat, condamné plus tard, a avoué le crime imputé à ce Caucasien.
112. Un soldat est exécuté au Camp Wheeler pour avoir refusé de travailler le ventre vide."

Reste à explorer les cas qui peuvent l'être...

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Piou-Piou
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Piou-Piou »

Bonjour Eric,

Cette longue liste, qui je pense n'est pas terminée, dépasse tout entendement de la part d'une nation qui se voulait exemplaire, les sauveurs du monde.
Je vais allez vite peut-être pour la suite, y à t-il eu des suites exemplaire dans des procès revisiter.
Je reste bouche bée devant le comportement de nombreux gradés, épisode qui m'était totalement inconnus de cette époque.

Cordialement.
Phil.
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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir à tous,
Bonsoir Phil,

Les suites données à certaines affaires ont été extrêmement variées, mais le contenu des différents cas nous est généralement inconnu. Deux exemples cependant, dans un premier temps :
- le 20 décembre 1917, William Fauntleroy, du 301st stevedore regiment, est abattu par un sergent du 5th Marines ; ce dernier, traduit devant une cour martiale générale pour violation de l'article 93, est acquitté ;
- le 11 octobre 1918, Edward Watkins, du 801st stevedore regiment, est abattu par un garde ; ce dernier, traduit devant une cour martiale générale pour violation de l'article 93, reconnu coupable d'homicide involontaire, est condamné à 7 ans de travaux forcés.

Il reste bien des cas à étudier, cependant, aux tournures très différentes, je le répète.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Piou-Piou
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Piou-Piou »

Bonjour Eric,

Deux exemples, ah oui violation du même article mais jugement bien différent, c'est pas croyable.
Jugement aux tournures bien différentes mais quel étaient les motivations ?, si cela se trouve.
Les jugement étaient rendus à des période différentes de la journée ?, si tel était le cas cela aurait-il pus influencer la cour voir l'état d'esprit.

Cordialement.
Phil.
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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Bonjour Phil,

Un cas pour lequel le soldat Taylor, de la 71st military police company, a témoigné, concernant les débats et l'exécution de B., poursuivi pour viol, et pendu à Is-sur-Tille, il y a un siècle, le 25 avril 1919.

L'audience de la cour martiale s'est tenue à Colombey-les-Belles, de 10 heures 30 à 14 heures 30 ou 14 heures 45 environ. Selon les déclarations de Taylor, étaient présents, une vingtaine d'officiers français, un capitaine américain (juge avocat, d'après lui), un interprète, le père et la mère de la victime. Au délibéré, Taylor et un gendarme escortent B. en cellule ; le 24 avril, à 6 heures, Taylor apprend que B. va être exécuté et l'en informe, puis B. reçoit la visite de l'aumônier qui passe 30 minutes avec lui.

J'ignore si d'autres circonstances de cours martiales sont à ce point détaillées. Cependant, et les membres du Sénat ayant entendu Taylor s'en sont fort justement étonnés, la composition de cette cour martiale a de quoi surprendre, comme si la justice y avait été rendue par des Français en écrasante majorité, dont ce n'était ni la place, ni le rôle.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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solcarlus
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par solcarlus »

Bonjour Eric.

Plutôt amateur du matériel USWWI, je suis :ouimaitre: devant cet exposé. Merci.

Sol.
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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Et merci encore de me lire.

L'audition du colonel Walter A. Bethel, juge avocat, le 8 décembre 1921, devant la commission, est extrêmement intéressante à plusieurs titres :

"Sénateur Shields - […] Vous avez évoqué le fait que vous êtes certain, en votre âme et conscience, ou que vous seriez prêt à faire le serment, que nul homme n’a été pendu ou abattu sans voir été jugé lors d’une procédure en bonne et due forme ?
Bethel - Oh non, pardonnez-moi, sénateur ; je ne dirais pas de manière définitive qu’un homme n’a pu être abattu – un soldat par un officier, ou un officier par un soldat, ou un soldat par un soldat – sur la ligne de front. Nul ne peut dire ce qui se passe sur la ligne de front.
- Donc je suppose que ce n’est pas ce que vous vouliez dire.
- Non, car je ne pense pas que quiconque puisse affirmer que rien ne s’y est passé.
- Et cela aurait pu se passer en d’autres lieux ?
- Je n’ai jamais entendu parler de quoi que ce soit de tel au sein des forces américaines en France.
- Des milliers d’hommes sont portés manquants, et l’armée ignore ce qu’il est advenu d’eux.
- Tout est possible sur la ligne de front.
- C’est donc possible, je suppose, ailleurs. […] Des hommes ont-ils été lynchés par des soldats au sein de l’armée ?
- Je n’ai rien entendu de tel.
- Aucun cas qui ait été porté à votre connaissance ?
- Une telle chose, je pense, aurait certainement été portée à ma connaissance, car elle aurait été rapportée."

Très clairement, même au détour de deux phrases, il apparaît que des exécutions sommaires ont vraisemblablement eu lieu, et que le juge avocat préfère se prémunir d'être trop affirmatif quant à l'impossibilité de leur survenue. Voilà qui ouvrira la porte à toute une série de cas...

Par la suite, le colonel Bethel, interrogé sur les modalités d'exécution, déclare :
"La coutume américaine, aussi longtemps que nous ayons eu à avoir une coutume pour ce triste type de pratique, consiste à fusiller des hommes pour des crimes d’ordre militaire ayant entraîné cette peine, et à procéder à la pendaison pour les autres crimes, c’est-à-dire des crimes de nature civile. Le meurtre et le viol étant des crimes dans le domaine civil, les hommes sont pendus pour ceux-ci."
Précisions d'autant plus intéressantes qu'elles font écho aux propos rapportés dans le cas n°50, ceux de Royal Johnson, membre du Congrès : ""les faibles d’esprit, les traîtres, les lâches", étaient abattus au front." En l'espèce, il apparaît comme plausible que des officiers - voire sous-officiers, dans certains cas - se soient exonérés de l'initiative d'une procédure en cour martiale, longue, fastidieuse, et peut-être insatisfaisante ; dans ce cas de figure, les articles du code militaire pour le temps de guerre ne manquaient pas, qui permettaient la répression, selon le bon vouloir d'une autorité, derechef et sur le terrain même, plutôt qu'a posteriori et devant une instance : la désertion (article 58), l'aide ou le conseil à un déserteur (art. 59), l'agression ou la désobéissance envers un officier supérieur (art. 64), la mutinerie ou la sédition (art. 66), l'incapacité à réprimer la mutinerie ou la sédition (art. 67), l'inconduite devant l’ennemi (art. 75), l'injonction de reddition d’un subordonné envers un supérieur (art. 76), l'inconduite d’une sentinelle (art. 86), pour ne citer que les crimes et délits d'ordre militaire. Dans l'un de ces cas, pourquoi s'embarrasser de la peine de réunir un peloton d'exécution (même si des témoignages en font état) ou de faire ériger une potence ? Les exemples d'insubordination punie sur le champ d'un coup de pistolet ou d'un coup de baïonnette ne manquent pas, hélas, pour étayer cette thèse. Et alors, entre morts "officiels" et morts "officieux", les chiffres, dans le camp américain, montent spectaculairement.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
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