Les condamnations des cours martiales américaines

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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

Après de fastidieuses recherches et avec l'aide de Pierre (merci pour le premier) et Christian (merci pour le huitième), voici enfin la liste des 11 exécutés (officiellement) américains :

1/ 5 novembre 1917 : exécution de C., Amérindien, du 26th Infantry regiment, à Givrauval (Meuse), pour le viol suivi de meurtre d’une fillette de 7 ans en octobre 1917.
2/ 13 juillet 1918 : exécution de C., Afro-Américain, du 301st Stevedore regiment, à Bazoilles-sur-Meuse (Vosges), pour un viol commis en avril 1918.
3/ 30 août 1918 : exécution de W., Afro-Américain, du 596th Engineers regiment, à Saint-Sulpice (Gironde), pour un viol commis au printemps 1918.
4/ 6 septembre 1918 : exécution de B., Afro-Américain, du 313th Labor battalion, près d'Arrentières (Aube), pour un viol commis en juillet 1918.
5/ 8 novembre 1918 : exécution de F., Afro-Américain, du 331st Labor battalion, à Belleville
(Meurthe-et-Moselle), pour un viol commis en septembre 1918.
6/ 24 janvier 1919 : exécution de J., Afro-Américain, du 508th Engineers regiment, à Bazoilles-sur-Meuse (Vosges), pour un viol commis en septembre 1918.
7/ 4 avril 1919 : exécution de C., Afro-Américain, du 321st Labor battalion, à Is-sur-Tille (Côte-d'Or), pour le meurtre d’un civil et la tentative de viol d’une jeune femme, en octobre 1918.
8/ 25 avril 1919 : exécution de B., Caucasien, du 822nd Aero squadron, à Is-sur-Tille (Côte-d'Or), pour le viol d’une fillette de 8 ans, en octobre 1918.
9/ 20 juin 1919 : exécution de W., Caucasien, du 16th Infantry regiment, à Gièvres (Loir-et-Cher), pour le meurtre d’un policier militaire, en janvier 1919.
10-11/ 20 juin 1919 : exécution de S. et H., Afro-Américains, du 808th Pioneer Infantry regiment, à Saint-Aignan (Loir-et-Cher), pour le viol d’une jeune fille et le meurtre de son père, en février 1919.

Il ne reste plus qu'à documenter chacun de ces cas, ce qui est à présent plus facile. A suivre, donc.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
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Eric Mansuy
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Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

Les années 1919 à 1922 sont, aux Etats-Unis, agitées par divers débats autour de la justice militaire et surtout, de la manière dont celle-ci a été appliquée durant le conflit, que ce soit sur le territoire national ou en Europe.

En 1919, Enoch H. Crowder, juge avocat général de l’armée depuis 1911, publie un article majeur, intitulé "Court-Martial Sentences During the War", dans lequel il détaille la sévérité des peines, leur variabilité, et des recommandations concernant la clémence. L’ensemble est extrêmement instructif, comme nous allons le voir.

En ce qui concerne la sévérité des peines, il expose lesquelles ont été infligées, pour quelles raisons, et les mesures prises en matière de clémence. Son étude porte sur la période courant d’octobre 1917 à septembre 1918, et sur les neuf principaux crimes et délits jugés : la désertion, l’absence illégale, le sommeil en faction, l’agression d’un officier supérieur, l’agression d’un sous-officier, la désobéissance à un sous-officier, la mutinerie, la désobéissance à un ordre, la désobéissance à un officier.

Pour ce qui est de la désertion, Crowder entame son propos par un exposé dans lequel il rappelle les réflexions du général Oakes, remontant à la Guerre de Sécession : "C’est un mal incalculable qui a résulté de la clémence du gouvernement envers les déserteurs. A l’aide d’une sévérité impitoyable dès le début de la guerre, la malice eût été tuée dans l’œuf, et le crime de désertion n’aurait jamais pu prendre les titanesques proportions atteintes à la fin du conflit. Tous affichaient alors une ardente et enthousiaste loyauté, et auraient témoigné un assentiment franc et cordial à toute mesure nécessaire à assurer la force et l’intégrité de l’armée. Ils avaient connaissance des « règles et articles de guerre », et étaient totalement préparés à voir les déserteurs de l’armée dûment arrêtés, jugés par une cour martiale, et, en cas de culpabilité, être fusillés à mort par le mousquet. Telle était, sans nul doute, à la quasi unanimité, l’opinion publique à l’entame des hostilités, et ces justes attentes du peuple n’auraient pas dû être déçues. L’arrestation, le jugement, et l’exécution auraient dû être le sort le plus direct réservé aux premiers déserteurs. Le gouvernement était bien éloigné du peuple en la matière, et continua de l’être, jusqu’à ce qu’une longue et criante impunité ait à ce point peuplé chaque Etat d’une telle masse de déserteurs et de desperados qu’il soit trop tard pour éviter un tel désastre. Je fais état de cela afin que, si une nouvelle guerre doit avoir lieu, le gouvernement ne manque pas de mettre immédiatement à mort les déserteurs, applique les lois militaires, frappe fort dès le début, dynamise promptement l’esprit national dans l’idée que la guerre est la guerre, et fasse en sorte que cette politique soit approuvée et soutenue par le peuple. Il existe d’autres suggestions qui puissent être émises au sujet des déserteurs, mais celle que j’ai déjà présentée – l’absence d’application des peines du code militaire quant au crime de désertion, en particulier au début de son apparition – est, hors de toute autre considération, la cause majeure, fondamentale, de l’expansion inégalée de ce crime, et de l’incapacité des marshals à débarrasser le pays des déserteurs en dépit de l’énergie déployée par leur personnel."

Pourtant, selon Crowder, ce qui prévaut, lors de l’entrée en guerre des Etats-Unis, n’est autre que "la foi dans le peuple américain", et "la confiance en la loyauté et le dévouement envers le devoir" caractérisant l’écrasante majorité de la jeunesse américaine. Aussi "le sort le plus direct réservé aux premiers déserteurs" ne tendra plus à être l’exécution, mais une peine d’emprisonnement. Concrètement, l’article concernant la désertion stipule : "Article 58. Désertion. Toute personne soumise aux lois militaires, qui déserte ou tente de déserter le service armé des Etats-Unis, sera, si le délit est commis en temps de guerre, punie de mort ou de toute autre peine décidée par la cour martiale. Si le délit est commis hors du temps de guerre, il sera puni de toute peine à la discrétion de la cour martiale, à l’exception de la mort."
Enoch H. Crowder indique qu’entre octobre 1917 et septembre 1918, ce sont 2.025 cas de désertion sur lesquels une cour martiale statue. Seules 24 condamnations à mort sont décidées, qui sont toutes suivies de commutation ou de remise de peine. Dans le détail, la peine infligée au condamné pour désertion a été d’une durée moyenne de 7,58 années d’emprisonnement. Près de 24% des condamnations ont été un emprisonnement de moins de 2 ans, 64% des condamnations ont été un emprisonnement de moins de 10 ans, 35,9% des condamnations ont été un emprisonnement de plus de 10 ans.

Ses conclusions sont les suivantes. L’article 58 permettant de décider que la peine de mort sanctionnera la désertion, les faits montrent que les cours martiales n’ont pas fait preuve d’une extrême sévérité, loin s’en faut. S’il est vrai que certaines ont condamné des coupables à 25 années d’emprisonnement, il faut ne pas faire abstraction du fait que les verdicts n’ont pas été invalidés par le juge avocat général, que la durée de l’emprisonnement ne doit pas faire oublier la commission de la désertion, et que la section chargée de la clémence au sein du département de la justice militaire n’a pas trouvé à y redire. En un mot comme en cent, "ce que montrent les chiffres ci-dessus, c’est l’application de peines relativement modérées au regard de ce que la loi permettait, qui était bien plus sévère."

A suivre, avec l’absence illégale...

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

...

Crowder s’attèle ensuite aux cas d’absence illégale, laquelle, bien souvent, "est un délit qui n’est autre qu’une désertion". Il précise que les déplacements des unités sont la cause de la difficulté à prouver que le déserteur a bel et bien déserté, et n’est plus alors poursuivi que pour "absence illégale". Et de conclure : "il est donc évident, en ces circonstances, que le délit d’absence illégale mérite une peine extrêmement sévère, similaire à celle de la désertion. En temps de guerre, cette peine est de tout ordre à l’exception de la mort ; en temps de paix, un ordre du président la limite à un maximum de 6 mois d’emprisonnement." En l’occurrence, Crowder ne dit rien de différent de ce qui figure dans le contenu de l’article 61 des "Articles of War".
Entre octobre 1917 et septembre 1918, sont jugés 3.362 cas d’absence illégale. La peine moyenne infligée a été d’une durée de 1,59 année d’emprisonnement – soit, écrit Crowder, "seulement trois fois la faible peine maximale autorisée en temps de paix". 11% des condamnés n’ont pas été frappés d’une peine d’emprisonnement, 67% des condamnations ont été un emprisonnement de moins de 2 ans, 22% des condamnations ont été un emprisonnement de plus de 2 ans. Là encore, à la lumière de ces éléments statistiques, Enoch H. Crowder concluait que les allégations de sévérité des cours martiales dans leur traitement de ces cas étaient infondées.

La peine sanctionnant le sommeil en faction est présentée en ces termes dans les "Articles of War" : "Article 86. Inconduite d’une sentinelle. Toute sentinelle trouvée ivre ou endormie à son poste, ou quittant son poste avant d’en être règlementairement relevée, sera, si le délit est commis en temps de guerre, punie de mort ou de tout autre peine décidée par la cour martiale ; si le délit est commis en temps de paix, elle sera punie de toute peine décidée par la cour martiale, à l'exception de la mort." Crowder rappelle que deux peines de mort ont été décidées en France dans des cas de sommeil en faction dans la zone des opérations, en première ligne : elles concernaient les soldats de deuxième classe Jeff Cook et Forest D. Sebastian, de la compagnie G du 16e régiment d’infanterie (qui ont finalement échappé à la peine de mort). Ce sont, en tout, 609 cas qui ont été soumis à des cours martiales entre octobre 1917 et septembre 1918. Sur ces 609 cas, 575 ont été enregistrés sur le territoire américain : ils se sont soldés par une seule et unique condamnation à plus de 15 ans d’emprisonnement, et quatre condamnations à plus de 10 ans d’emprisonnement. Pour l’ensemble, 10% des condamnés n’ont été visés par aucune peine de prison, 62,4% ont été condamnés à moins de 2 ans d’emprisonnement, 27,42% ont été condamnés à plus de 2 ans d’emprisonnement. Des chiffres qui permettent à Crowder, cette fois encore, d’insister sur l’absence de dureté des peines prononcées.

Vient ensuite l’agression d’un officier supérieur. Selon l’article 64 des "Articles of War", concernant une "Agression ou désobéissance envers un officier supérieur", "Toute personne soumise aux lois militaires qui, sous quelque prétexte que ce soit, frappe son officier supérieur, dégaine une arme contre lui, lève une arme contre lui, ou fait montre de quelque violence que ce soit à son encontre, dans l’exercice du service, ou désobéit de son plein gré à un ordre légitime de son officier supérieur, sera punie de mort ou de toute autre peine décidée par la cour martiale." Le contenu de cet article vaut pour le temps de paix comme pour le temps de guerre. Seuls 31 cas ont été instruits par une cour martiale entre octobre 1917 et septembre 1918. Là non plus, la sévérité n’a pas été de mise, à en croire Crowder, puisque la mort n’a été décidée en aucun cas et que la peine moyenne infligée a été de 4,1 années d’emprisonnement, près de 50% des condamnations se soldant par une peine d’emprisonnement de moins de 2 ans.

Toujours dans le domaine des agressions, celle visant un sous-officier – laquelle est sanctionnée de toute peine à la discrétion de la cour martiale, à l’exception de la mort, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre – a été peu fréquente durant la période étudiée : les cours martiales ont statué sur 132 cas. Les condamnations ont débouché sur des peines d’une durée moyenne de 2,36 années d’emprisonnement, avec plus de 6% des condamnations sans emprisonnement, 57% des condamnations à une peine d’emprisonnement de moins de 2 ans, six condamnations à 10 années d’emprisonnement. Crowder en concluait au manque de sévérité des verdicts au regard de ce que permettait le contenu des "Articles of War", ce qui ne manquera pas de paraître cette fois tendancieux, la peine devant rester "à la discrétion de la cour martiale". En outre, le juge avocat général se garde bien de détailler, certes dans un propos qui se veut synthétique, les raisons pour lesquelles les peines auraient pu ou dû être plus lourdes…

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

...

La désobéissance à un ordre donné par un sous-officier est, selon les "Articles of War", sanctionnée de la manière suivante : la cour martiale a toute latitude, si ce n’est de demander la peine de mort. Ce sont 411 condamnations qui ont été décidées par des cours martiales pour la période concernée, avec à la clef des peines d’une durée moyenne de 3 années d’emprisonnement ; 8,27% des condamnations n’ont pas amené d’emprisonnement, 50% des condamnations l’ont été à une peine d’emprisonnement de moins de 2 ans. Enoch H. Crowder s’étonne, en l’espèce, de ce que la durée moyenne d’emprisonnement à l’issue de condamnations pour désobéissance (3 ans) ait été supérieure à celle correspondant à une condamnation pour agression (2,36 ans), fait autrement plus grave. Ainsi explique-t-il ce qu’il qualifie d’anomalie : la désobéissance à un sous-officier est souvent commise de manière délibérée, ce qui en aggrave le caractère, alors que l’agression d’un sous-officier est souvent due à une réaction impulsive dénuée d’intention affichée de s’opposer à une autorité.

Avec la mutinerie, c’est une autre affaire. La lecture de l’article 66 ("Mutinerie ou sédition") nous apprend ceci : "Toute personne soumise aux lois militaires qui tente d’initier, d’encourager, de causer, ou de s’associer à une mutinerie, ou à une action séditieuse en une quelconque compagnie ou un quelconque regroupement, dans quelque lieu ou camp, au sein de quelque détachement, garde, ou commandement que ce soit, sera punie de mort ou de toute autre peine décidée par la cour martiale." Peu de condamnations pour mutinerie ont eu lieu : 51 entre octobre 1917 et septembre 1918. Les peines, en revanche, ont été relativement lourdes : un emprisonnement de 7,93 ans en moyenne ; 27% des condamnés ont écopés d’une peine d’emprisonnement de 2 à 3 ans, 43% de 10 à 15 ans. Crowder souligne que 51 condamnations au sein d’un effectif d’environ 3 millions d’hommes, voilà qui est extrêmement faible. Il ajoute et précise que seules 43 condamnations sont survenues entre juin 1917 et juin 1918, alors que l’armée régulière et la garde nationale regroupaient 300.000 hommes, et que lorsque les forces armées ont atteint dix fois cet effectif, le nombre de cas n’a augmenté que d’un cinquième. En d’autres termes, quand la charge de mutinerie a été retenue contre un suspect, c’est qu’il devait en être ainsi, et que la hiérarchie militaire n’a pas cherché à trouver des coupables de mutinerie de manière indiscriminée.

Il convient que la désobéissance à un ordre soit sanctionnée d’une peine d’emprisonnement à la discrétion de la cour martiale. 208 hommes ont été condamnés dans ce cadre pour la période étudiée. Les condamnations ont débouché sur des peines d’une durée moyenne de 1,96 année d’emprisonnement, avec 12% des condamnations sans emprisonnement, 60,58% des condamnations à une peine d’emprisonnement de moins de 2 ans, 10,58% des condamnations de 5 à 10 années d’emprisonnement. Il n’y avait donc là, selon Crowder, pas de sévérité notoire.

Enfin vient la désobéissance à un officier. Selon l’article 64 ("Agression ou désobéissance envers un officier supérieur"), "Toute personne soumise aux lois militaires qui, sous quelque prétexte que ce soit, frappe son officier supérieur, dégaine une arme contre lui, lève une arme contre lui, ou fait montre de quelque violence que ce soit à son encontre, dans l’exercice du service, ou désobéit de son plein gré à un ordre légitime de son officier supérieur, sera punie de mort ou de toute autre peine décidée par la cour martiale." 785 condamnations ont sanctionné cette désobéissance. Les peines des condamnations ont été d’une durée moyenne de 4,34 années d’emprisonnement, avec 43,69% à une peine d’emprisonnement de moins de 2 ans, et un peu plus de 50% de condamnations de plus de 2 années d’emprisonnement, dont une peine de mort et 18 condamnations à 25 ans d’emprisonnement ou plus. La conclusion de Crowder était la suivante : la sévérité des cours martiales en la matière ne saurait être invoquée, dans la mesure où environ 50% des condamnations ont débouché sur des peines d’emprisonnement de moins de 2 ans. En outre, une telle atteinte est certainement la pire qui soit, puisque le fonctionnement même des forces armées a pour fondement l’obéissance aux ordres. Si cette obéissance commence à faire défaut, elle doit être un symptôme de délitement similaire aux premières marques d’un cancer susceptibles d’inquiéter un chirurgien.

Ainsi s’achevait la première partie du propos d’Enoch H. Crowder, sur les 9 crimes et délits majeurs sur lesquels des cours martiales avaient eu à statuer.

Une comparaison avec d’autres justices militaires reste donc à faire à partir de ces éléments, et c’est alors que je passe la main.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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alvin17
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par alvin17 »

Bonjour Eric

Un petit mot, sans intérêt, pour te dire que j'ai suivi tout ton travail et merci pour ces traductions.

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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

Bonjour Christian,

Grand merci à toi, je me sens moins seul (aussi ton intervention n'est-elle pas "sans intérêt", bien au contraire). La suite du texte de Crowder présente un autre éclairage, dont je ne suis pas sûr qu'il soit passionnant : la comparaison de la sévérité (ou prétendue telle) des cours martiales relativement à la sévérité des condamnations de la justice civile pour des cas similaires. Or, tu le sais au moins aussi bien que moi, ce qui est intéressant durant cette fameuse période de l'immédiat après-guerre, et dans les débats devant le Congrès, c'est la mise en exergue de cette "justice extra-judiciaire", celle qui a frappé des hommes sans que cela puisse se retrouver dans des archives - ou si peu : pendaisons passées sous silence, exécutions sommaires, mauvais traitements.

Il y aurait de quoi y consacrer des pages. Je doute que cela en vaille la peine si nous sommes si peu nombreux à nous y intéresser. Dans le même ordre d'idées, je dirais que l'on croise bien plus de lecteurs d'une histoire officielle des Etats-Unis que de lecteurs d'Howard Zinn. C'est dommage, mais c'est ainsi.

Amicalement,
Eric
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Piou-Piou »

Bonsoir Eric,

Qué nenni nin seul, je suis ce fil avec intérêt pour me coucher moins bête en tout cas.
Ma question va peut-être paraître déplacée mais je me lance, quel fut le mode d'exécution le plus employé ?, je suppose que le mode d'exécution devait jouer sur le psychique de la troupe et des questions, pendaisons, fusillés et ce qui détermine le mode d'exécution ce doit être capital également.

Cordialement.
Phil.
Phil.
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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Bonjour Phil,

Merci pour votre intérêt et votre question, loin d'être déplacée. La lecture de "Military Law and Precedents", du colonel William Winthrop, dans son édition augmentée de 1920, nous renseigne à ce sujet. Lorsque la peine de mort est décidée, aucune forme d'exécution n'est prescrite, et la seule obligation légale consiste à condamner à mort ; l'autorité en charge de la procédure décide alors du mode d'exécution, qui peut être par arme à feu ou pendaison. La tradition veut que soit punies par arme à feu, la désertion, la mutinerie, ou toute autre forme de crime ou délit d'ordre purement militaire ; sont sanctionnés par la pendaison, le meurtre, le viol, l'espionnage, ou tout autre crime ou délit d'ordre non militaire.

L'autorité compétente, après approbation de la sentence, fixe l'heure et le lieu de l'exécution au regard des avantages et intérêts de la bonne marche du service. Les détails pratiques incombent ensuite à l'officier commandant le poste, le régiment, la brigade, etc., où le prévenu est détenu ou affecté. A défaut d''un règlement fixant le déroulement de l'exécution, celui-ci peut varier à la discrétion de l'officier en charge, selon les exigences du service, mais ledit déroulement est généralement le plus simple possible.

Selon l'usage le plus courant, dans le cas d'une exécution par arme à feu, le détenu, accompagné d'un aumônier, est conduit par un détachement comprenant le peloton d'exécution et des porteurs de cercueil, mené par le grand prévôt ou tout autre officier, et la fanfare jouant la "Dead March", vers un espace ouvert sur trois côtés, où se placent les hommes, faces vers l'intérieur. Le détenu est installé, et l'acte d'accusation, les conclusions, la sentence, et les ordres sont lus à haute et intelligible voix. Le feu est commandé par l'officier. L'exécution achevée, le détachement rompt la formation et défile devant le corps.

Dans le cas d'une pendaison, le détachement se forme en carré autour de la potence, et après des préliminaires identiques, un bourreau, aux ordres de l'officier en charge, fait son office.

Je pense, et espère, avoir répondu à votre question. Je reviens vers vous avec d'autres éléments concernant le fait que "le mode d'exécution devait jouer sur le psychique de la troupe".

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Piou-Piou
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Piou-Piou »

Bonsoir Eric,

Moi qui pensait avoir posé une question qui dépasse tout entendement, merci pour la réponse qui répond à mon attente. Oui j'aimerais connaitre l'effet sur le psychique de la troupe.
A savoir que le mode d'exécution pour les motifs énoncé était toujours d'application pendant la WWII.
Au plaisir de suivre ce fil.
Cordialement.
Phil.
Phil.
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Eric Mansuy
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Re: Les condamnations des cours martiales américaines

Message par Eric Mansuy »

Bien, je poursuis...

L’exécution, en novembre 1917, du premier Américain en France a été relatée par le menu, tant par la presse française que par la presse américaine. Les circonstances dans lesquelles il s’en est pris à une fillette de 7 ans, qu’il a violée puis assassinée, ayant été résumées, la presse française donne les détails suivants : "Le criminel, conduit en voiture les jours précédents dans les villages de Givrauval, Menaucourt, Boviolles, pour servir de leçon aux soldats, fut ramené, accompagné d’un aumônier, sur la place publique de Givrauval, où avait été dressée la veille une potence monumentale à un étage. Suivant le désir et l’invitation des officiers supérieurs, la place et les rues adjacentes étaient couvertes de monde : officiers et soldats, gens du pays, des villages voisins et surtout de Ligny, se pressaient pour assister à l’exécution." La presse américaine, qui précise que l’auteur des faits était sous l’emprise de l’alcool, ajoute que cet homme, sur la potence, a exprimé de profonds regrets ainsi que sa gratitude envers ses officiers pour leur considération ; cependant, s’il a été pendu, c’est parce que le fusiller aurait été trop bon pour lui (je cite)…
Plusieurs points sont ici intéressants : l’exhibition du condamné, livré d’une part à la vindicte populaire locale, d’autre part à l’exercice d’une pression par l’exemple venant du commandement américain ; en outre, la présentation du condamné à la population permet au corps expéditionnaire de faire montre de son efficacité dans la traque, l’interpellation, et la condamnation de l’auteur des faits, tout en faisant en quelque sorte amende honorable auprès de la population endeuillée, amende honorable renforcée par le souhait des officiers américains de voir une foule nombreuse assister à l’exécution, laquelle permet de ressouder l’amitié franco-américaine mise à mal par ce crime ; enfin, le condamné est définitivement exclu d’une communauté à laquelle il n’appartenait d’ailleurs qu’en apparence : il ne mérite pas d’être fusillé, et subit en revanche le déshonneur, la peine infamante, de la pendaison, qui le dépouille une fois pour toutes, en passant de vie à trépas, de son uniforme américain, rappelant ainsi que les Amérindiens ne deviendront citoyens américains qu’en juin 1924. En résumé, le fautif, à plus d’un titre, "n’était pas – vraiment – l’un des leurs".

Les témoignages relatifs aux pendaisons présentent quant à eux des thématiques variées. Concernant le pendu de Bazoilles-sur-Meuse, le 13 juillet 1918, un homme présent lors de l’événement, et en possession de deux photos, écrit au sénateur Watson, en novembre 1921 : "Je suis en mesure de prouver que cela s’est produit, non seulement grâce à ces photographies, mais aussi grâce à n’importe quel membre de l’hôpital d’évacuation n°6. Nous avons été "invités" à cette exécution, qui a eu lieu en juin ou juillet 1918, et malgré la rigoureuse interdiction d’y prendre des photos, quelques-uns ont pu en prendre. Autant que je sache, personne ne savait ou n’avait découvert d’après une source fiable, quelles étaient les charges retenues contre ce soldat. Je ne puis vous dire si d’autres exécutions ont eu lieu sur cette même potence, car nous sommes partis pour un autre secteur peu après. J’ai entendu dire plus tard, cependant, qu’elle avait à nouveau servi."
Cette fois, la presse locale publie : "Nos lecteurs se souviennent qu’un nègre américain avait violé une femme de Circourt-sur-Mouzon, qui revenait du bois avec un fagot. Il a été condamné, le 11 juillet, par le conseil de guerre, à être pendu : ce supplice était regardé par les nègres comme infamant. La potence fut dressée sur une hauteur dominant le village de B…, non loin du lieu du crime, et l’exécution eut lieu à 10 heures du matin, en présence de détachements des régiments voisins. Le patient s’était repenti de son crime et avait été baptisé la veille de l’exécution par l’aumônier catholique." Outre la terminologie d’usage désignant le coupable afro-américain, un fait étrange émerge : l’auteur des faits, sur la potence, devient "le patient"… Points communs avec l’exécution du soldat C., en novembre 1917 : la pendaison est vécue et véhiculée comme peine infamante, mais là encore, le coupable ne manque pas d’entrevoir le droit chemin avant que le bourreau n’ouvre la trappe (en novembre 1917, il exprime des regrets, en juillet 1918, l’on nous relate à la fois un repenti et un baptême !).

Il sera intéressant de glaner, et j’espère de trouver, d’autres témoignages sur le sujet, qui reste à documenter très amplement.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
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