Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

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jpbte63
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par jpbte63 »

Bonjour à toutes et à tous,

Les deux audiences du mois de novembre 1914. A noter que sur quelques affaires que le nom de "l'inculpé" n'est pas cité, uniquement prénom et initiale (la vraie?).

Audience du mardi 17 novembre
Pour ne pas partir au feu :
Quatre soldats du 86° régiment d'infanterie au Puy, afin de ne pas être envoyés au feu avec le prochain convoi, se sont fait aux jambes, avec une plante vésicante, des plaies qui les ont rendus inaptes à être embarqués.
Ce sont les nommés Louis-Baptiste Pailhè, né en 1884 à La Chapelle-Graihouse (Ardèche) ; Paul-François
Forestier, né en 1880 à Barges (Haute-Loire) ; Germain-Emmanuel Boyer, né en 1880 à St-Germain-Laprade , et Baptiste Chaussinaud, né en 1880 à Saint-Martin-de-Fugères (Haute-Loire).
Tous les quatre sont poursuivis sous l'inculpation de refus d’obéissance en temps de siège. Mais le conseil écarte cette dernière circonstance qui aggraveraient singulièrement leur cas et les condamne seulement à 2 ans de prison chacun. Les quatre prévenus étaient défendus par M° Antier, du barreau du Puy.
Usage de faux :
Pierre R ..., du 101° territorial, maire d ’une petite commune de la Haute-Loire, s’est signé des certificats de vie constatant qu’il avait six enfants vivants et s'est fait ainsi verser dans 1a réserve de l’armée territoriale, conformément à la loi du 21 mars 1905. Mais on s’est aperçu que l’un de ses fils était mort depuis longtemps, il n’en a en réalité que cinq. Il va être, il est vrai, père d’un sixième très prochainement.Mais le délit de faux et usage de faux en écritures publiques n’en existe pas moins.Le conseil cependant ne retient que l’inculpation d’usage de faux et condamne R. à 5 ans de prison et 100 francs d’amende, mais avec sursis pour les deux peines.
Vols :
Gabriel-Annet Carton , du 298° d’infanterie, originaire de Saint-Romain-d’Urfé (Loire), a volé 5 francs à son voisin, le soldat Rochet, le 28 septembre dernier. Il est condamné à 3 ans de prison.
Un ouvrier civil des Gravanches qui a pris trois chargeurs allemands et trois étuis de cartouches française, et qui a détérioré un étui en cuir d’instrument de musique, est condamné à un an de prison avec sursis.
Insoumis :
Le territorial Léon Pradier, de la classe 1898, originaire de Saint-André-en-Chalençon (Haute-Loire) qui ne s’est pas conformé à son fascicule de mobilisation , et a été arrêté par la gendarmerie de Firminy, est condamné à 3 ans de prison.

Audience du 24 mardi novembre
Une petite fête qui coûte cher :
Le 4 octobre dernier, les soldats Pierre Goutorbe, du 158° régiment d’infanterie, Thorat Claude, du 98° d’infanterie, en compagnie d’un jeune homme de 19 ans, Marius Lechère, comptable, se réunissaient, à Roanne, pour faire une « petite fête » en l’honneur du soldat Thorat qui, blessé à Sarrebourg et guéri, était venu en convalescence à Roanne. La fête se prolongea quelque temps, et les trois camarades sortirent un peu ivres. Comme les soldats se promenaient dans une tenue débraillée, le sergent Vizier, du 298°, les invita à se boutonner et à avoir une tenue correcte. Les militaires prirent mal l’observation, injurièrent le sergent et même le frappèrent. Le jeune Lechère se mit de la partie : « Je suis de la classe 15, dit-il au sergent, et je t’aurai ! » Les deux soldats sont donc poursuivis pour outrages et voies de fait envers un supérieur pendant le service, et le civil pour outrages envers un agent de la force publique.
A l'audience, les trois prévenus, sur lesquels il n'est pas fourni de mauvais renseignements et que seul l'ivresse semble avoir poussé à l'acte qu'on leur reproche, manifestent un profond repentir.
Le commissaire du gouvernement demande au conseil d'écarter la circonstance aggravante d’outrages « pendant le service », qui entraînerait la peine de mort. Les trois juges font droit à cette demande.
En conséquence, Thorat et Goutorbe sont condamnés à dix ans de travaux publics et à la dégradation militaire, pour outrages et voies de fait, et à un mois de prison, pour ivresse.
Lechère est condamné à trois ans de prison et à 500 francs d'amende.
Vol :
Le soldat Alphonse-Louis Denis, du 14° dragons, originaire de Roanne, a volé le porte-monnaie du soldat Boumet, le 31 octobre dernier ; il est condamné à trois ans de prison.
Gabriel Hautréaut, de la 5° section de commis et ouvriers d’administration, et également condamné à trois ans de prison, pour avoir volé 61 francs au réserviste Lizet.
Abandon de poste :
Alfred D..., du 36° d’artillerie à Moulins, originaire de Feurs (Loire), a abandonné son poste pendant quelques instants, alors qu’il était de garde : 4 mois de prison.
Le sergent François Chanal, du 102° territorial, de Saint-Étienne, s ’étant trouvé malade, le 17 septembre dernier, ne s’est pas embarqué avec le détachement auquel il était affecté. Le médecin-major ayant dit qu'il pouvait s'embarquer, Chanal est poursuivi pour refus d'obéissance et condamné à deux ans de prison.

Cordialement
Jean-Pierre
Quand on ne fait pas tout pour être le premier, le devenir ou le rester, on ne demeure pas le deuxième. On tombe fatalement le dernier.
Louis Hubert Lyautey
air339
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par air339 »

Bonjour,


Merci Jean-Pierre de poursuivre le sujet.

Les peines sont celles d'une époque sévère, qui connaissait encore le bagne et les maisons de correction. Et pour ce qu'il est advenu de ces hommes jetés dans la fournaise... On sait par exemple que Gabriel Annet C., condamné pour le vol de 5 fr le 17 novembre 1914, est passé par les armes le 5 septembre 1915 à 4h30, au cimetière de Jouy sous les Côtes.
Quelle époque ? la fin de la "Belle Epoque" !


Cordialement,

Régis
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jpbte63
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par jpbte63 »

Bonjour
Trois ans de prison pour avoir volé à un autre soldat une trousse à barbe et un nécessaire de couture.
Le temps de quelques recherches sur actes d'Etat-civil et fiche RM aux AD43.

Il bénéficie d'une remise de peine par décret du 7 juillet 1916. Il passe au 99°RI le 16 juillet de la même année.Blessé le 20/11/1916 au genou droit et à la jambe gauche. Pension de retraite de 6°classe en juin 1919. Amnistié par la loi du 29/04/1921.
Condamné en mars 36 pour mendicité à 8 jours de prison.
En avril 36, certificat provisoire Carte Combattant.
Condamné en août 37 pour outrage public à la pudeur à 3 mois de prison.

Je n'ai pas trouvé d'autres informations.

Cordialement
Quand on ne fait pas tout pour être le premier, le devenir ou le rester, on ne demeure pas le deuxième. On tombe fatalement le dernier.
Louis Hubert Lyautey
pierreth1
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par pierreth1 »

air339 a écrit : mer. août 22, 2018 10:00 pm Bonjour,


Merci Jean-Pierre de poursuivre le sujet.

Les peines sont celles d'une époque sévère, qui connaissait encore le bagne et les maisons de correction. Et pour ce qu'il est advenu de ces hommes jetés dans la fournaise... On sait par exemple que Gabriel Annet C., condamné pour le vol de 5 fr le 17 novembre 1914, est passé par les armes le 5 septembre 1915 à 4h30, au cimetière de Jouy sous les Côtes.
Quelle époque ? la fin de la "Belle Epoque" !


Cordialement,

Régis
Bonjour,

A la lecture de ce post je note un manque de précisions en effet on peut lors d'une lecture rapide croire qu'il y a une relation entre l'execution du 5 septembre et la condamnation pour vol de novembre 1914
en réalité ce soldat a été execute le 5 septembre 1915 apres avoir été condamné par un conseil de guerre le 4 septembre pour tentative de désertion face à l'ennemi
La peine de 3 ans prononcée à son encontre avait fait l'objet d'un sursis pour la durée de la guerre. par contre et là on retrouve toute la subtilité de nos administrations, la peine étant amnistiée on ne peut plus en faire état normalement, l'amnistie découlant de son décès.....
Donc il n'y a strictement aucune relation de cause à effet entre la condamnation pour vol et l'execution, qu'ensuite éventuellement des antécédents de condamnations aient pesés dans la décision des juges c'est possible

Cordialement

Pierre
pierre
air339
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par air339 »

Bonjour Pierre,


Tout à fait, il n'y a pas de rapport entre la condamnation pour vol et le passage par les armes 1 an plus tard ; merci d'avoir rectifié, s'il y avait une assimilation possible.
Le propos était de montrer que l'on peut savoir ce qu'il est advenu de certains condamnés par le CG de la 13e Région.
Il ne faudrait pas conclure non plus que tous les condamnés étaient des multi-récidivistes, appelés un jour ou l'autre à finir au poteau ou sous la guillotine, selon les théories du "criminel né" de Lombroso, en vogue à l'époque !

Ceci dit, la récidive de crime ou délit entraîne une aggravation des peines (jusqu'au doublement de la peine maximum, cf. chap. IV du livre 1er du CP en vigueur) , et dans le cas d'un condamné pour travaux forcés à perpétuité, la récidive entraînant la même peine conduisait à l'échafaud. Dura lex, sed lex.


Cordialement,

Régis
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Eric Mansuy
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

Une recherche effectuée en janvier 2015 sur les condamnations antérieures des fusillés, bien lacunaire par rapport à ce qui peut (voire devrait) être trouvé à présent en ligne (les RM des intéressés, surtout), portant sur un échantillon de cas, donnait les résultats suivants :

Sources : registres matricules ; dossiers de justice militaire (N.B. : par souci de simplification, pour les condamnés l’étant au titre de plusieurs articles, dont le 213, c’est cet article qui a été retenu dans les statistiques).

Nombre de cas : 346
Cas aux antécédents inconnus : 58
Nombre de cas entrant dans les statistiques : 288

Condamnés au titre de l’article 208 (« provocation de passage à l’ennemi ou de rébellion ») : 2, soit 0,7% de l’ensemble
Condamnés au titre de l’article 208 ayant des antécédents : 2 (100%)

Condamnés au titre de l’article 210 (« capitulation en rase campagne ») : 1, soit 0,34% de l’ensemble
Condamnés au titre de l’article 210 n’ayant pas d’antécédents : 1

Condamnés au titre de l’article 213 (« abandon de poste en présence de l’ennemi ») : 194, soit 67,3% de l’ensemble
Condamnés au titre de l’article 213 ayant des antécédents : 101/194 (52%)
Condamnés au titre de l’article 213 n’ayant pas d’antécédents : 93/194 (48%)

Condamnés au titre de l’article 217 (« révolte ») : 10, soit 3,5% de l’ensemble
Condamnés au titre de l’article 217 ayant des antécédents : 5/10 (50%)
Condamnés au titre de l’article 217 n’ayant pas d’antécédents : 5/10 (50%)

Condamnés au titre de l’article 218 (« refus d’obéissance en présence de l’ennemi ») : 37, soit 12,8% de l’ensemble
Condamnés au titre de l’article 218 ayant des antécédents : 19/37 (51,4%)
Condamnés au titre de l’article 218 n’ayant pas d’antécédents : 18/37 (48,6%)

Condamnés au titre des articles 217, 218 : 2, soit 0,7% de l’ensemble
Condamné au titre des articles 217, 218 ayant des antécédents : 1
Condamné au titre des articles 217, 218 n’ayant pas d’antécédents : 1

Condamnés au titre de l’article 223 (« voies de fait envers son supérieur pendant le service ») : 24, soit 8,3% de l’ensemble
Condamnés au titre de l’article 223 ayant des antécédents : 18/24 (75%)
Condamnés au titre de l’article 223 n’ayant pas d’antécédents : 6/24 (25%)

Condamnés au titre de l’article 238 (« désertion à l’ennemi ») : 2, soit 0,7% de l’ensemble
Condamné au titre de l’article 238 ayant des antécédents : 1 (50%)

Condamnés pour meurtre, tentative de meurtre, homicide, ou assassinat : 16, soit 5,6% de l’ensemble
Condamnés ayant des antécédents : 10/16 (62,5%)
Condamnés n’ayant pas d’antécédents : 6/16 (37,5%)

Total :
Condamnés à mort, fusillés, ayant des antécédents : 157/288 (54,5%)
Condamnés à mort, fusillés, n’ayant pas d’antécédents : 131/288 (45,5%)

-----

Condamnés comptant 5 condamnations ou plus antérieurement à leur condamnation à mort : 30, soit 10,4% de l’ensemble

-----

Condamnés au titre de l’article 208 (« provocation de passage à l’ennemi ou de rébellion ») : 2
Condamnés au titre de l’article 208 ayant des antécédents dans le civil : 2 (100% des article 208)

Condamné au titre de l’article 210 (« capitulation en rase campagne ») : 1, n’ayant pas d’antécédents

Condamnés au titre de l’article 213 (« abandon de poste en présence de l’ennemi ») : 187
Condamnés au titre de l’article 213 ayant des antécédents : 100
Condamnés au titre de l’article 213 ayant des antécédents dans le civil ou au cours de leur service militaire : 36 (19,2% des article 213)
Condamnés au titre de l’article 213 ayant des antécédents à l’armée, en temps de guerre : 34 (18,1% des article 213)
Condamnés au titre de l’article 213 ayant des antécédents dans le civil et à l’armée, en temps de guerre : 30 (16% des article 213)

Condamnés au titre de l’article 217 (« révolte ») : 9
Condamnés au titre de l’article 217 ayant des antécédents : 5
Condamnés au titre de l’article 217 ayant des antécédents dans le civil et à l’armée, en temps de guerre : 5 (55,5% des article 217)

Condamnés au titre de l’article 218 (« refus d’obéissance en présence de l’ennemi ») : 34
Condamnés au titre de l’article 218 ayant des antécédents : 17
Condamnés au titre de l’article 218 ayant des antécédents dans le civil : 10 (29,5% des article 218)
Condamnés au titre de l’article 218 ayant des antécédents à l’armée, en temps de guerre : 3 (8,8% des article 218)
Condamnés au titre de l’article 218 ayant des antécédents dans le civil et à l’armée, en temps de guerre : 4 (11,7% des article 218)

Condamnés au titre des articles 217, 218 : 2
Condamné au titre des articles 217, 218 ayant des antécédents : 1
Condamnés au titre des articles 217, 218 ayant des antécédents à l’armée, en temps de guerre : 1 (50% des articles 217, 218)

Condamnés au titre de l’article 223 (« voies de fait envers son supérieur pendant le service ») : 24
Condamnés au titre de l’article 223 ayant des antécédents : 18
Condamnés au titre de l’article 223 ayant des antécédents dans le civil : 15 (83,3% des article 223)
Condamnés au titre de l’article 223 ayant des antécédents à l’armée, en temps de guerre : 1 (5,5% des article 223)
Condamnés au titre de l’article 223 ayant des antécédents dans le civil et à l’armée, en temps de guerre : 2 (11,2% des article 223)

Condamné au titre de l’article 238 (« désertion à l’ennemi ») : 1
Condamné au titre de l’article 238 ayant des antécédents : 1
Condamnés au titre de l’article 238 ayant des antécédents à l’armée, en temps de guerre : 1 (100% des article 238)

Condamnés pour meurtre, ou tentative de meurtre, ou assassinat : 13 14
Condamnés pour meurtre, ou tentative de meurtre, ou assassinat ayant des antécédents : 8
Condamnés pour meurtre, ou tentative de meurtre, ou assassinat ayant des antécédents dans le civil : 3 (23%)
Condamnés pour meurtre, ou tentative de meurtre, ou assassinat ayant des antécédents à l’armée, en temps de guerre : 3 (23%)
Condamnés pour meurtre, ou tentative de meurtre, ou assassinat ayant des antécédents dans le civil et à l’armée, en temps de guerre : 2 (15,3%)

_________________________________________

Cela vaut ce que cela vaut, et dormait sur mon ordinateur. Si vous pouvez, les uns et les autres, en faire quelque chose (en dehors de la pure et simple critique, peut-être), ce sera tant mieux.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
air339
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par air339 »

Bonjour Eric,



Merci pour le partage de cette recherche qui, je pense, à dû prendre du temps ! Je vais la lire avec attention (peut-être la reprendre sous forme d'histogramme, auquel cas je le mettrai en ligne).


Bien cordialement,

Régis
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jpbte63
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par jpbte63 »

Bonjour,

En décembre, le Conseil de Guerre a siégé quatre fois.
Audience du mercredi 2 décembre
Abandon de poste :
Claude-Jean Long, du 102° territorial, originaire de Saint-Chamond (Loire), avait été préposé, le 19 octobre dernier, à la garde d’un dépôt de pommes de terre, à Saint-Genès-Lerp. Il quitta son poste sans autorisation , et fut arrêté la nuit suivante par la police. Poursuivi pour abandon de poste, il est condamné à 2 ans de prison.
Antoine Palut, du 139° d'infanterie, originaire de Champs (Cantal), était de garde, le 29 octobre, à La Meuse, à Aurillac, pour surveiller les prisonniers allemands. Ayant eu soif, il s’absenta pendant quelques heures et rentra ivre ; le conseil lui inflige 6 mois de prison pour avoir abandonné son poste.
C’est encore pour abandon de poste qu’est poursuivi le soldat Félix-Louis Mounier, du 102° territorial, originaire de Saint-Martin-de-Valamas (Ardèche). Alors qu’il était de garde au barrage des routes, à la
Digonnière (Loire), il s'absenta pendant trois heures. Le conseil lui inflige 6 mois de prison.
Enfin Guillaume-Emile Reymond, du 139° d’infanterie, qui, le 29 octobre, a quitté également son poste sans autorisation , et dont les antécédents militaires sont mauvais, il a été condamné-pour désertion, est condamné à 3 ans de prison.
Déserteurs :
Jean-Léon Troncy, du 104° régiment territorial d’infanterie, originaire de Saint-Vincent-de-Talamas (Rhône), était évacué, le 10 octobre, de Lyon sur le dépôt de son corps, à Roanne. Mais en cours de route, il quittait le détachement, à Amplepuis, et ne rentrait que le 13 au dépôt. Il était déjà porté déserteur depuis vingt-quatre heures. Le conseil le condamne à 3 ans de travaux publics.
Pétrus Maurin, du 38° régiment d’infanterie, originaire de Saint-Didier-la-Séauve (Haute-I.oire), a déjà été au feu. Blessé à Ecouvillon (Oise), il a été, après guérison, renvoyé à son dépôt à Saint-Étienne. Mais ignorant qu’en temps de guerre les délais pour qu’il y ait désertion sont réduits dès deux tiers, il s’absenta du 25 au 28 octobre, pensant n’encourir pour cette absence qu’une légère punition. Mais le conseil se montre sévère à son égard et le condamne à 3 ans de travaux publics.
Un autre soldat du 38° d’infanterie, Antoine Garret, poursuivi pour désertion en temps de paix, est acquitté.
Le réserviste Pierre Guillaume, de Saint-Étienne, du 38° régiment d’infanterie également, s’est absenté de son corps sans permission, du 25 au 28 octobre et y est revenu volontairement. Le conseil lui inflige, pour désertion, 2 ans de travaux publics.
Une rixe entre sous-officier et soldat :
Le sergent Jacques Sanvoisin, du 121° régiment d’infanterie, et le soldat Léonard Joanny, clairon réserviste au 53° bataillon de chasseurs, ont eu une discussion dan une rue de Montluçon et ont échangé des coups. Les témoins entendus ne peuvent indiquer d’une façon précise qui a commencé la rixe. Le conseil, après plaidoiries de M° Planche pour Joanny, e t de M° Monanges, du barreau de Montluçon, pour Sanvoisin, condamne le sous-officier à deux mois de prison et le soldat à deux ans de la même peine.
Une mauvaise tête :
Paul-Jean Mathieu , 38 ans, exclu de l'armée, a été condamné, le 23 mai 1896, par contumace, à la peine de mort pour désertion et voies de fait envers un supérieur. A jourd'hui,il est poursuivi pour refus d’obéissance. Le 8 novembre, il a refusé de suivre aux locaux disciplinaires de la prison militaire de Clermont l’adjudant Cazes, agent principal de la prison. Il est condamné à un an de prison.
Voies de fait envers les agents :
François Colard, du 38° d’infanterie, de retour du front, après avoir été blessé, s’est rendu chez sa belle-mère, à Saint-Étienne, a fracturé la porte qu’on refusait de lui ouvrir et a fait tant et si bien que les agents sont intervenus. Mais Colard les a injuriés et frappé, ce qui lui vaut un an de prison.

Audience du mardi 8 décembre
Déserteurs :
Jean Tachon, du 86° d’infanterie au Puy, originaire de Saint-Rirand (Loire), s’est absenté de son corps du 23 octobre au 2 novembre et a été arrêté par la gendarmerie de Roanne. Inculpé de désertion en temps de guerre, il est condamné à 3 ans de travaux public.
Porchère Gabriel, territorial au 38° d’infanterie, originaire de Saint-Jean-Bonnefonds (Loire), a été blessé pendant les derniers combats. De retour à son dépôt, il a déserté du 13 au 17 novembre. Le conseil lui inflige, deux ans de travaux publics.
Insoumis :
Le territorial Michel Léonard, de la classe 1894, originaire de Saint-Étienne, ne s’est pas rendu le premier jour de la mobilisation à la caserne Romeuf au Puy, ainsi que l’indiquait son livret militaire ; il est condamné à 2 ans de prison pour insoumission.
Mathieu Bouthet, originaire de La Fouillouse (Loire), exclu de l'armée, ne s'est pas rendu, le dixième jour de la mobilisation, à la prison militaire de Clermont, comme l’indiquait son livret. Il donne pour excuse qu'il ne sait pas lire et qu'il n’osait, étant exclu, montrer son livret aux voisins. Le conseil le condamne néanmoins à deux ans de prison.
Abandon de poste :
Le soldat Mergoil Fortuné-Henri, du 53° d’artillerie, né à Thiers, a quitté, le 13 novembre, son détachement qui devait partir sur le front, il a été arrêté le 15, à Thiers. Le conseil lui inflige, pour avoir abandonné son poste, 3 ans de prison.
Le réserviste Gilbert Claudius, de la classe 1902, originaire de Grazac (Haute-Loire) ne s’est pas conformé non plus à son fascicule de mobilisation et ne s’est pas rendu, le deuxième jour de la mobilisation, à la caserne Romeuf, au Puy. Il est condamné à 3 ans de prison.
Le réserviste Charbormel Pierre, du 38° d'infanterie, originaire d’Herment, de garde à la gare de Châteauroux* (Loire), s'est absenté de son poste pendant trois quarts d’heure sans autorisation. Il est condamné à deux mois de prison.(*Certainement la gare de Châteaucreux.)
Outrages à un gendarme :
Le réserviste Antoine V…, au 286°d'infanterie, au Puy, était quelque peu gai, le 24 octobre dernier et faisait du tapage dans la rue. Le gendarme Guittard l'invita au silence.
Le réserviste adressa quelques paroles malsonnantes au gendarme et ajouta : « Tu n’es pas allé comme moi te faire crever la paillasse, tu ne me feras pas taire.»
V... est condamné à un mois de prison et 200 francs d’amende. Le conseil ajoute que l'amende sera changée en deux mois de prison.
Outrages envers un supérieur :
Le 9 novembre, le territorial Paul Godin, de la 5° section des commis et ouvriers d'administration, travaillait à la fabrication du pain, aux environs de Moulins. Le caporal Marion s’apercevant que le pain de Godin était mal cuit lui en fit la remarque.Le soldat boulanger, furieux, injuria le caporal, ce qui lui vaut d'être condamné à 3 ans de prison.
Fatale imprudence :
Roubin Alexis, auxiliaire au 38° régiment d’infanterie, à Saint-Etienne, originaire de Saint-Pal-de-Murs (Haute-Loire), est inculpé d’homicide par imprudence. Le 27 octobre dernier, il montrait, dans la cour de la caserne Rullière, un revolver à répétition à son camarade Soleilhac, à qui il voulait le vendre. Soudain un coup partit, blessant Soleilhac au ventre. Le malheureux soldat mourut le lendemain à l'infirmerie. Roubin est condamné à six mois de prison et 200 francs d’amende.
Coups et blessures :
Le réserviste Jacques Dupré, du 38° d’infanterie, est condamné à 6 mois de prison pour avoir frappé d’un coup de bouteille son camarade, le soldat Cissac, et lui avoir fait un assez grave blessure.
Commerçant peu consciencieux :
M. M..., marchand de charbon à Issoire avait été chargé de fournir 1.000 kilos de charbon à l’hôpital temporaire N°64, à Issoire. Il livrait d'abord 12 sacs, qui devaient pesé 500 kilos. Le médecin auxiliaire, qui assistait à la livraison, trouva que les sacs étaient quelque peu petit ; il alla donc demander au marchand sa facture, que celui-ci lui délivra en y indiquant bien 500 kilos. On pesa alors le charbon livré et on ne trouva que 370 kilos, soit une différence de 130 kilos entre la marchandise livrée et la marchandise indiquée sur la facture. Une plainte fut déposée : une enquête ouverte, et M. M... comparait devant le conseil de guerre sous l’inculpation de tromperie sur la quantité de la marchandise vendue.
Le négociant explique, pour sa défense, que les sacs de la première livraison étaient un peu plus petits ,en effet, que d'habitude ; mais que ceux dans lesquels il devait livrer la seconde moitié de la commande étaient beaucoup plus grands et étaient déjà remplis, d'ailleurs. Par suite, l’excédent de la seconde livraison aurait compensé le déficit de la première. Mais le conseil n’admet pas cette explication et, malgré une habile plaidoirie de M° André Talion, du barreau de Riom, M. M... est condamné à 3 ans de prison avec sursis et à 100 francs d’amende.

Audience du mardi 15 décembre
Tentative de meurtre :
Jacques Roure, du 38° régiment d’infanterie à Saint-Étienne, est inculpé de tentative de meurtre. Blessé le 20 août à Baccarat, Roure rejoignit son dépôt à Saint-Étienne à la fin d’octobre. Le 1er novembre, ayant bu quelques petits verres de trop, il fit, en rentrant à son domicile, un tel scandale que les agents durent intervenir. En voyant arriver les gardiens de la paix, le soldat braqua sur eux un revolver, en disant : « N’avancez pas ou je tire ». Et soudain, un coup de feu partit qui, heureusement, n ’atteignit personne. Jacques Roure, sur qui sont fournis de très mauvais renseignements, est condamné à 5 ans de travaux forcés, à la dégradation militaire et à dix ans d’interdiction de séjour.
Déserteur :
Claude-Marie Tremblay, originaire de Saint-Martin-la-Sauzeté (Loire), soldat au 121° d’infanterie, a déserté, le 26 avril 1908, et est venu se présenter volontairement à la gendarmerie de Roanne, le 12 octobre dernier. Le conseil le condamne, pour désertion en temps de paix, à deux ans de prison.
Abandon de poste :
Louis Bayet, né en 1875, à Lavaveix-les-Mines (Creuse), soldat au 100° territorial, était parti d’Aurillac avec un détachement, pour se rendre à Paray-le-Moinial. En arrivant à Saint-Germain-des-Fossés, il descendit pour acheter un litre de vin, et lorsqu’il revint, le train était parti. Le sous-chef de gare lui donna un billet, mais Bayet s’arrêta encore à Roanne, où il fut arrêté. Il est condamné à 3 ans de prison pour avoir abandonné son poste.
Insoumis :
Jean-Baptiste Chaize, de la classe 1896, de Saint-Sauveur (Loire), n’a pas rejoint le 102° territorial, le troisième jour de la mobilisation, ainsi que l’indiquait son livret.Il est condamné à 2 ans de prison.
Auguste Texier, né en 1878 à Marillet (Vendée), n’a pas rejoint, le dixième jour de la mobilisation ; mais, pris de remords, il s’est présenté volontairement, le 20 novembre, au bureau de recrutement de St-Etienne.
Le conseil lui inflige, pour insoumission, 3 ans de prison

Audience du mardi 29 décembre
Insoumis :
Le soldat Louis Leaumorte, originaire de l’arrondissement de Roanne, instituteur libre aux Etats-Unis, est parti pour la France dès qu’il a appris la mobilisation ; il est néanmoins arrivé trop tard et a été déclaré insoumis.
Le conseil prononce son acquittement.
Vols militaires :
Adrien Bretonneau, né en 1897, à Paris, soldat au 11° régiment de chasseurs, a volé, le 2 décembre, une somme de 101 francs à son camarade Malenfer. Il est condamné à un an de prison. Les soldats Duipuy Noël, né en 1893, à Saint-Prix (Allier), et Vaudeville Charles, né en 1894, à Chatel (Vosges), tous les deux du 14° dragons, ont dérobé, le 17 novembre, au cavalier Mouraux, deux paires de chaussettes, une flanelle, du tabac et des cigarettes. Ils sont condamnés à deux ans de prison chacun.
Déserteurs :
Jean-Marie Bletterie, né en 1879, à Saint-Nicolas-des-Biefs (Allier), soldat au 104° territorial, a quitte le 4 août son régiment cantonné au Côteau (Loire), et n'y est revenu que le 5 novembre. Il est condamné pour désertion à deux ans de travaux publics.
Philippe Escailte, né en 1875, à Montbrison, soldat au 103° territorial, s’est absenté de son corps du 14 au 17 novembre. Il est condamné, comme le précédent, pour désertion, à deux ans de travaux publics.
Violences envers un gendarme :
Le territorial Claude, Bourdeau, né an 1867, à Toulon-sur-Arroux (Saône-et-Loire), a frappé le gendarme Petitet, de Moulins, qui lui fais une observation. Le conseil le condamne à 3 mois de prison.

Articles hors audience
Conseil de révision de la justice militaire de Bordeaux
L'Avenir du Puy-de-Dôme et du Centre du Lundi 7 décembre 1914.
Dans sa séance du 4 décembre 1914, le conseil de révision de Bordeaux a rejeté les recours formés :
Par le sergent Cha(illisible) du 102° régiment territorial d'infanferie, condamné par le conseil de guerre de Clermont-Ferrand à deux ans de prison pour refus d'obéissance. (Sergent François Chanal, voir audience du 24 novembre)
Par les soldats Thorat, du 98°, et Goutorbe, du 158° régiment d’infanterie, et le nommé Lechère, condamnés par le même conseil du 13° corps, les deux premiers à dix ans de travaux publics et un mois de prison pour outrages et voies de fait envers un supérieur et ivresse, et le troisième à trois ans de prison et 500 francs d'amende pour violences et outrages envers un agent de la force publique. (voir audience du 24 novembre)

Le pillard Liebender ne sera pas fusillé
L'Avenir du Puy-de-Dôme et du Centre du Mercredi 30 décembre 1914.
On se souvient que le conseil de guerre du 13° corps avait condamné à mort, pour actes de pillage commis à Anhée (Belgique), le soldat d'infanterie saxonne Kurt Liebender.
Le condamné s'était pourvu en révision, mais son pourvoi avait été rejeté. Par 1'intermédiaire de son avocat, M° Demai, le Saxon a alors demandé sa grâce au président de la République, et M. Poincaré, par décret rendu il y a quelques jours, a commué la peine de mort prononcée contre le pillard, en celle de vingt ans de travaux forcés Cette bonne nouvelle a été annoncée, hier matin, au début de la séance du conseil de guerre, au soldat du kaiser qui, lorsque l'interprète lui a traduit le texte du décret, a manifesté une joie bien légitime.(Je n'ai pas retrouvé trace de l'article de l'audience dans la presse, je l'ai peut-être raté, je continue sa recherche)

Cordialement
Jean-Pierre
Quand on ne fait pas tout pour être le premier, le devenir ou le rester, on ne demeure pas le deuxième. On tombe fatalement le dernier.
Louis Hubert Lyautey
air339
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par air339 »

Bonjour Jean-Pierre,



Merci pour cette nouvelle édition.
La liste s'allonge, les absences (désertions, insoumissions, abandon de poste) fournissent toujours le principal des condamnations ; l'alcool est fréquemment en cause pour l'ensemble des crimes ou délits.
On note que la responsabilité de garder des patates est plus grande que de garder des prisonniers !

Le décès du soldat Soleilhac, tué par accident et au dépôt, ne semble pas avoir donné lieu à l'établissement d'une fiche par le ministère des Pensions.

Enfin, la grâce présidentielle d'un prisonnier coupable de pillage peut surprendre. Peut-être pour éviter des représailles de l'autre côté de la frontière ?


Cordialement,


Régis
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jpbte63
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Re: Conseil de guerre de la 13°RM dans la presse

Message par jpbte63 »

Bonjour à toutes et à tous,

J'ai fini par trouvé l'audience du conseil de guerre, concernant le soldat allemand (voir en bas du post) gracié par le Président de la République, il y avait aussi lors de cette audience le jugement de trois soldats et d'un civil tous français.

Audience du mercredi 11 novembre
A l’audience d’hier, mercredi, a comparu, devant, le conseil de guerre du 13° Corps, un soldat allemand blessé et fait prisonnier au cours de la victoire de la Marne, à Mourmelon, et qui, après sa capture, fut trouvé porteur de 325 francs en monnaie belge et française.
Cet argent ne pouvait qu'avoir été volé par le prisonnier et une information fut ouverte contre lui par les magistrats du Conseil de guerre de Clermont-Ferrand, où avait été évacué le soldat du Kaiser. Après quelques tergiversations, celui-ci finit par avouer le vol.
Le pillard est un nommé Kurth Liebender, âgé de 23 ans, du 106° régiment d’infanterie saxonne. Fils d’un économe d’une maison d’éducation, exerçant lui-même la profession de dessinateur et ayant reçu une éducation au-dessus de la moyenne, Liebender ne pouvait ignorer que le pillage est un crime et c’est ce qui aggrave encore sa responsabilité.
Il comparaît à l’audience, vêtu de son pantalon d’uniforme et d’un bourgeron gris. C’est un garçon de haute taille, très robuste, d’un blond rougeâtre, l’air plutôt timide ; il sanglote pendant la plus grande partie de l’audience.
Avec l’assistance d’un interprète militaire, il raconte son odyssée. Mobilisé dès le premier jour, il a été dirigé, avec son régiment sur la Belgique.
Le 22 août, il est arrivé au village d’Anhée, entre Narnur et Dinant. Les troupes françaises venaient de quitter le village et le régiment de Liebender fut chargé d’explorer les maisons, avec ordre de s’emparer des armes, des munitions et de l’essence qu’on pouvait trouver. D’après l’inculpé, le commandant saxon Schrœder, sous les ordres duquel il se trouvait, avait également autorisé ses soldats à prendre des provisions de bouche et tout ce qui pouvait servir à leurs besoins personnels. Liebender ne se fit pas faute de profiter de cette autorisation. Chargé, avec un de ses camarades, de visiter une maison, il ouvrit tous les meubles, sans rien fracturer prétend-il, et trouvai dans un tiroir une somme de 325 francs. Tout d'abord, explique-t-il, il ne prit pas cet argent. Mais soudain, une voix cria dans la rue : « Sortez, on brûle le village. » Sous le prétexte qu’on avait tiré par une fenêtre sur les soldats allemands les chefs venaient, en effet, comme d'habitude, d'ordonner l’incendie d’Anhée. Liebender avoue qu’il n’a ni vu ni entendu tirer. Mais, constatant que toutes les maisons étaient en flammes, il eut alors, explique-t-il, une bonne idée. Croyant bien faire, il rouvrit le tiroir où se trouvait l’argent et l'empocha, pour le sauver de l'incendie. « Je voulais, ajoute-t-il avec une inconscience qui dénote une singulière mentalité chez les soldats allemands, je voulais donner cet argent au capitaine pour indemniser les habitants. Mais je n’en ai pas eu l’occasion. » Dans une lettre adressée à son avocat, M° Demai, Liebender explique cette bizarre intention : « Lorsque nous arrivâmes au village, explique-t-il, le capitain nous dit : « Mes enfants prenez tout l'argent ; vous me le remettrez à la prochaine étape.Ce jour là il y aura des récompenses. »
Quelles récompenses ? La croix de fer, sans doute, qui devient ainsi une prime au pillage.
Mais il est à remarquer qu'au cours de l'instruction jamais l'inculpé n'a parlé d'une façon aussi explicite d'un ordre catégorique donné par ses chefs. En tout cas, Liedenber n'a pas exécuté cet ordre jusqu'au bout, puisqu'il a gardé l'argent pendant trois semaines, du 22 août au 13 septembre, jour où ila été fait prisonnier.
M. le colonel Coussaud-Dullié, qui préside, pose au pillard diverses questions.
Il lui demande notamment quelles instructions les soldats de son régiment avaient reçues au sujet des prisonniers. Liebender répond que lui et ses camarades ont gardé les prisonniers qu’ils ont fait et ne les ont pas maltraités.
Y avait-il une section d’incendiaires dans votre régiment ? demande encore le président.
Le prévenu répond qu'il ne le sait pas. On brûlait les villages, dit-il, chaque fois qu’un coup de feu était tiré sur les soldats, mais il ne sait pas comment on mettait le feu. En tous cas, affirme-t-il, il a toujours agi par ordre. M. le commandant Arsac, qui occupe le siège du commissaire du gouvernement, prononce un réquisitoire très serré. Il demande aux juges, s'ils ne croient pas devoir prononcer la peine de mort qui est applicable dans la circonstance puisqu’il y a pillage en bande et à main armée, de prononcer le maximum de 20 ans de travaux forcés, que le code militaire prévoit lorsqu’on fait bénéficier le pillard des circonstances atténuantes. M° Demai fait tous ses efforts pour chercher à sauver la tête de son client II montre que Liebender n’a fait que suivre l’exemple de ses chefs, dont les cambriolages ne comptent plus, et non illisible lui-même.
On demande à l’inculpé s’il à quelque chose à ajouter pour sa défense. Il répète encore qu’il a agi par ordre, et le Conseil se retire pour délibérer.
Les juges répondent oui à trois questions sur quatre et, à la majorité (de cinq voix contre deux, refusent à l'inculpé le bénéfice des circonstances atténuantes.
En conséquence, le soldat Liebender est condamné à la peine de mort. Liebender s’est pourvu en révision.
Un antimilitariste :
Antoine Delpuech, 56 ans, propriétaire à Saint-Jacques-des-Blats (Cantal), se trouvait, le 24 septembre dernier, dans un train transportant de nombreux soldats entre les gares de La Mïouze et des Roziers. Il se mit. alors à tenir des propos antimilitaristes contre les chefs de l’armée et le Président de la République. « Vous ne pouvez, pas vaincre, ajoutait-il, s'adressant aux soldats, levez la crosse en l’air. » Delpuech fut arrêté et mis en prévention de conseil de guerre, sous l’inculpation de provocation de militaires- à la- désobéissance. Le conseil le condamne à 5 ans de prison et à 500 francs d’amende.
Voies de fait envers des supérieurs :
Le 1er septembre dernier, le soldat; Emile Eyraud, du 139° d'infanterie, né en 1891 à Roche-la-Molière (Loire), était; ramené ivre à la caserne, à Aurillac. Conduit aux locaux disciplinaires, il frappait le caporal Pigot et menaçait de mort le sergent Arnal. Le conseil condamne Eyraud à 8 ans de travaux forcés.
Abandon de poste :
Le territorial Pierre Gibert, du 103°régiment, originaire de la Ricamarie, se rendait, le 16 octobre, de Montbrison à Besançon. En cours de route, il quittait son train pour aller voir ses parents et restait près de deux jours absent. Il est condamné, pour abandon de poste, à six mois de prison.
Insoumis :
Jean-Marie Chavanne, de Roanne, de la classe 1909, n’a pas rejoint son régiment à la date indiquée par son fascicule de mobilisation et a été arrêté le 18 octobre, au Perrier (Loire). Il est condamné à cinq ans de prison.

Et par la suite
Emile Eyraud sera en sursis pendant la durée de la guerre par décision du Général commandant le 13°CA. Il est porté disparu le 8 juin 1916 à Damloup.
Voir plus :
- Sa fiche RM AD 42 page 567 et 568 Montbrison classe 1911.
- Sa fiche MPLF
- Extrait du JMO du 321°RI en date du 8 juin 1916

Jean-Marie Chavanne sera en sursis pendant la durée de la guerre par décision du Général commandant le 13°CA. Il sera décoré de la Médaille Militaire, de la Croix de Guerre étoile de Bronze, de médaille de la Victoire et celle commémorative de la Grande Guerre.
- Sa fiche RM AD 42 page 815 à 817 Roanne classe 1909

Cordialement
Jean-Pierre
Quand on ne fait pas tout pour être le premier, le devenir ou le rester, on ne demeure pas le deuxième. On tombe fatalement le dernier.
Louis Hubert Lyautey
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