JEANNE Goélette Armement Leconte

olivier 12
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Re: JEANNE Goélette Armement Leconte

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Goélette équipée d’un moteur
145 tx Construite en 1892 au chantier Sevestre de Nantes
Armateur Ernest Leconte
Affréteur Allaire
Effectue une traversée Marseille – Oran

Liste d’équipage

HELEUX Alexandre Capitaine St Brieuc 9 rue Moustier MARSEILLE
MEVEL Yves Mtre équip. Paimpol Kermanach Plouezel PAIMPOL
BEGHI Paul Chauffeur Bastia 6 bd StJoseph BelledeMai MARSEILLE
BRIANT Théophile Matelot Vannes Ile aux Moines VANNES
HERVEIC Yves Matelot Paimpol Ragueau Quemper Guezennec
LE DANTEC Paul Matelot Le Havre Port Blanc Penvenan TREGUIER
LE NORMAND Charles Mousse Auray Larmor Baden AURAY

Rapport du capitaine

Quitté Marseille le 13 Mars 1918 à 09h30 avec 165 tonnes de tuiles et 103 futs vides à destination d’Oran. Horizon brumeux, mer belle.

Le 14 Mars vers 08h30, la brise mollit et le vent refuse. Mis le moteur en marche et gouverné au plus près pour rallier la terre que l’on voit sur l’avant à un quart tribord et que je ne peux reconnaître à cause du brouillard, mais que je suppose être le cap Béar.
A 09h35, aperçu un sous-marin se dirigeant vers nous. Il tire un coup de canon puis, comme je ne casse pas l’ère du navire assez vite, un deuxième coup qui nous brise la corne de la misaine goélette.

Fait stopper le moteur et laissé couler à la cale l’essence des réservoirs. Mis l’embarcation à l’eau et embarqué en ordre tandis que le sous-marin nous fait signe de venir l’accoster. Pendant le trajet, jeté à la mer la serviette contenant les documents du bord, lestée d’un morceau de fer pour la faire couler plus sûrement.
Le commandant du sous-marin me fait monter à son bord avec le maître d’équipage, le mécanicien et le mousse, sous la garde d’un matelot allemand révolver au poing.
Les trois matelots restant et trois allemands retournent sur la goélette. Après visite minutieuse du voilier, les Allemands font signe à leur commandant de venir accoster. Le sous-marin s’amarre le long du bord et le commandant nous donne l’ordre de nous éloigner le plus loin possible. Le navire est pillé. A 12h10 le sous-marin s’éloigne et à 12h12 une gerbe de fumée s’échappe de l’arrière de Jeanne qui coule à 12h15.

Fait de vains efforts pour rallier la terre, mais les vents sont contraires et frais. Nous dérivons beaucoup. Ce n’est que le lendemain 15 Mars, à 11h45, que nous entrons dans le canal de Gruissan. Nous sommes mis à la disposition du Syndic des Gens de Mer. Le maire de Gruissan nous a procuré tout ce dont nous avions besoin.

Description du sous-marin et de son équipage


Le capitaine a été interrogé par le commandant du sous-marin.
- « Êtes vous Français ? »
- « Oui »
- « Donnez vos papiers »
- « Je n’ai pas de papiers. Je les envoie directement par chemin de fer et paquebot »
- « Ah ! Vous les envoyez par paquebot ! Nature du chargement ?»
- « Tuiles et futs vides »
Le commandant parlait très correctement le français avec peu d’accent. Mais il cherchait un peu ses mots. Le capitaine lui a demandé à retourner sur la goélette pour aller chercher quelques vêtements. Il a répondu :
- « Vous êtes bien habillés comme cela ».

Le commandant était blond avec des yeux bleus. Il portait une casquette et, selon le mousse, un cache nez et des bottes en caoutchouc. Il mesurait environ 1,65m. Il donnait une impression de fatigue et semblait ne s’être ni lavé ni rasé depuis plusieurs jours.
Un autre officier, roux, observait en permanence l’horizon, mais n’a pas dit un mot. Ces officiers semblaient avoir passé un long séjour à la mer.

Le sous-marin mesurait environ 60 m.
Une passerelle, peu élevée au dessus de la coque, allait du kiosque à l’arrière, montée sur des cornières. Gaillard surélevé. Canon d’environ 140 mm dans un creux sur l’avant du kiosque. Deux tubes lance-torpilles sur l’avant. Peinture grise sale, mais pas écaillée.
La silhouette se rapproche le plus de celle du sous-marin n°4 figurant sur la planche IV des silhouettes de sous-marins du 1er Octobre 1917, soit du type UC 16 à 79.

Voici les silhouettes dessinées par les hommes de JEANNE.

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Rapport de la Commission d’enquête

Il reprend tous les éléments du rapport du capitaine. L’officier enquêteur ajoute :

« Les matelots allemands sont montés sur la goélette avec une boite arrondie de 20 cm de diamètre munie d’une mèche et peinte en blanc. Le matelot Le Dantec a déjà vu ce genre de boite, utilisée pour faire sauter l’EVELIN, alors qu’il revenait d’Arkangelsk. Le matelot qui portait la bombe s’est dirigé vers l’arrière de la goélette.
Le commandant allemand a interrogé seulement le capitaine et n’a fait fouiller personne. »

La commission conclue :

La conduite du capitaine et de l’équipage a été ce qu’elle devait être en pareille circonstance. Grand sang froid, exécution ponctuelles des ordres reçus, navire abandonné que contraints et forcés.
Le capitaine ne mérite que des éloges. On doit lui conserver la faculté de commander et cette faculté doit lui être rendue dans les plus brefs délais pour prendre un nouveau bâtiment, comme il en a manifesté l’intention.

Note au Vice Amiral commandant en chef la 1ère armée navale

Le capitaine au cabotage HELEUX Alexandre Léon, inscrit à Saint Brieuc n° 122, s’est fait remarqué par son sang froid. Il a fait vider l’essence dans la cale, a fait disparaître habilement les documents confidentiels et a noté avec calme et précision l’heure des différents évènements.
J’ai l’honneur de demander qu’il lui soit adressé des félicitations.
Signé : le CA Délégué Général des Routes en Méditerranée. A bord de l’ATMAH 18 Avril 1918.

Le sous-marin attaquant

C’était l’UC 67 du KL Karl NEUMANN. Ce commandant venait d’être élevé au grade de Lieutenant de Vaisseau le 15 Février précédent.

Cdlt
olivier
Rutilius
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Re: JEANNE Goélette Armement Leconte

Message par Rutilius »


Bonsoir à tous,


■ Le capitaine du trois-mâts goélette Jeanne lors de la perte de ce bâtiment.

— HÉLEUX Alexandre Léon, capitaine de la Marine marchande de 1re classe. Brevet conféré par une décision du Ministre de la Marine en date du 16 avril 1895 (J.O. 21 avr. 1895, p. 2.282) à la suite d’une session d’examens tenue à Saint-Nazaire. En 1917, capitaine au cabotage inscrit à Saint-Brieuc, n° 122. Médaille d’honneur des marins du commerce (Déc. du Sous-secrétaire d’État chargé des Ports, de la Marine marchande et des Pêches en date du 2 janv. 1926, J.O. 8 janv. 1926, p. 348).
Bien amicalement à vous,
Daniel.
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