LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

olivier 12
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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

LA EPOCA

Quatre-mâts de 4000 tpl
2432 tx jb

ex – uruguayen vendu à la France en 1917. N'avait pas encore changé de nom et d'équipage.

Note du Commissaire spécial de Bordeaux en date du 31 Octobre 1917

Ce soir sont arrivés à la gare du Médoc 27 marins formant l'équipage du quatre-mâts LA EPOCA, torpillé hier matin vers 09h00 à 10 milles de l'embouchure. (nota : on relève encore une fois l'utilisation impropre du mot torpillé...)

Ce navire avait quitté New York le 21 Septembre. Il transportait 4000 tonnes de marchandises diverses dont 1400 tonnes de tabac, de l'acier, et 1200 tonnes de rouleaux de papier pour le journal « La France du Sud-Ouest ».
L'équipage s'est sauvé au complet à l'aide des canots du bord que les pirates n'ont pas essayé de couler.
Les sous-marin mesurait 80 m de long et était peint en gris. Le commandant parlait un peu anglais.

Image

La perte de LA EPOCA

Rapport de l'officier enquêteur

LA EPOCA était encalminé à 40 milles dans le S 60 W de La Coubre. Il avait sondé dans la nuit et trouvé 62 brasses. Il cherchait à atterrir près d'Hourtin et voulait se rapprocher de terre dans l'espoir de trouver des patrouilleurs dans la zone littorale.

Le 29 à 08h50, une fumée est aperçue à 5 milles sur l'arrière. On pense tout d'abord à un torpilleur, mais un coup de canon est tiré, suivi de huit autres. C'est un sous-marin qui s'approche à grande vitesse.

Encalminé, le voilier ne peut faire aucune manoeuvre et le capitaine ordonne l'évacuation. Elle s'effectue dans les deux embarcations qui s'écartent du bord. Le sous-marin tire encore deux coups de canon, puis s'approche et demande au capitaine de venir à son bord.

Le commandant allemand parle mal l'anglais et le capitaine norvégien le comprend difficilement. Il demande :
« Nationalité du navire? « 
« Français », lui répond le capitaine Bernt. « Il a été vendu aux Français par une compagnie uruguayenne. »
« Chargement ? »
Le capitaine lui en donne le détail.
« Papiers?  »
Le capitaine lui donne alors le manifeste de cargaison, la liste des consignataires et l'acte de francisation. L'Allemand ne regarde pas les autres papiers qui sont dans la valise, ne gardant que ceux qu'on lui a donnés.

A ce moment, le matelot suisse Fritz Steiner, qui est dans le canot du capitaine, demande aux marins du submersible, en allemand, une cigarette. Un officier l'entend et le signale au commandant. Celui-ci lui ordonne alors « Viens à bord. Montre-moi tes papiers ».

Il examine longuement, pendant dix minutes, et avec le plus grand soin ses papiers. Puis il lui dit :

« Tu ne devrais pas naviguer sur des navires français en temps de guerre. Tu ferais beaucoup mieux de rester en Suisse, dans ton pays. ».
Steiner lui répond que, n'ayant plus de parents en Suisse, rien ne le retient dans ce pays. Il gagne sa vie en exerçant le métier de marin sur des navires américains, neutres, ou parfois alliés. Il a déjà fait escale deux fois en France, à Cette et à Marseille. Bordeaux est sa troisième escale dans ce pays depuis le début de la guerre.

Le commandant le laisse alors partir.

A l'officier enquêteur qui lui demande s'il a compris ce que disaient entre eux les Allemands, Fritz Steiner répond qu'il les comprenaient difficilement, car lui ne parle qu'un patois suisse.

Pendant ce temps, un officier et six marins se sont rendus sur le voilier avec le second canot. Ils ont pris du tabac, des vivres et des vêtements, le chronomètre et les revolvers. Puis, ils ont posé deux bombes qui explosent après leur retour sur le sous-marin. LA EPOCA coule en trois minutes.

Les baleinières font alors route au NE et atteignent la bouée d'entrée du Matelier où ils sont recueillis à 23h45.

Description du sous-marin

80 m de long. Kiosque court. 5 à 6 pieds de haut.
Deux canons, probablement de 5 pouces à l'avant et 3 pouces à l'arrière.
Un périscope.
Antenne basse allant de l'avant à l'arrière et passant au dessus du kiosque.
Peinture grise neuve.

Image

Commandant d'environ 40 ans, très grand et brun. Parle assez mal l'anglais.
Vu deux officiers très jeunes (20 à 25 ans) ainsi que six marins.

Le sous-marin attaquant


C'était l'U 93 du KL Helmut GERLACH.

Helmut Gerlach, né le 25 Mai 1885, disparaîtra avec tout son équipage de 43 hommes vers le 15 Janvier 1918, en Manche. L'épave de l'U 93 ne sera jamais retrouvée.

Les derniers à le voir vivant, lui et son équipage, seront le capitaine Bourge et les marins du trois-mâts français BABIN CHEVAYE qu'il avait coulé le 14 Janvier (voir fiche de ce navire).
Il avait aussi coulé le vapeur HENRI LECOUR le 6 Janvier.

Voici sa photo (source uboat.net)

Image

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Memgam
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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par Memgam »

La Epoca est l'ancien Corunna, construit à Glasgow par Henderson en 1893 , pour le capitaine John Hardie & Co. Quatre mâts barque en acier de 2432 tjb, 3800 tpl, 103,7 x 15,2 x 8,6 m.
Sous les commandements des capitaine Robson, Mac Millan, Mac Neil et Mason, il fit de belles traversées.
1893 Glasgow à Rio de Janeiro en 40 jours.
1894 Rio de Janeiro à Melbourne en 55 jours, Melbourne à Londres en 89 jours.
1895 San Francisco à Falmouth en 124 jours, après avoir partiellement démâté au nord de l'équateur.
1897, en mars, Corunna soutint une vitesse moyenne de 12 noeuds pendant une semaine dans les quarantièmes rugissants.
1903, Londres à Sydney en 100 jours.
1904, 30 août, capitaine Mason, s'échoue dans le brouillard à 3 miles à l'ouest de Miramar en Amérique du Sud. Abandonné par l'équipage le 2 septembre, un noyé. Corunna est remis à flot le 12 octobre, démâté et conservé comme ponton à charbon à Montevideo. Remis en état pendant la guerre de 1914.
Acheté pour 74 000 livres par la Société Boillard de Boisguibert (quarante fois sa valeur de 1913), armé par l'Oriental Navigation Corporation de New York, sous pavillon uruguayen.

Sources : Henri Picard, La fin des cap-horniers, Edita-Vilo, 1976.
Basil Lubbock, The last of the Windjammer, Brown, Son & Ferguson, 1929.
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olivier 12
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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Selon le rapport du capitaine Bernt et l'acte de francisation qui fut récupéré par le commandant du sous-marin, LA EPOCA n'était plus sous pavillon uruguayen en Octobre 1917, mais bien sous pavillon français.

L'acte de francisation, surtout, en est une preuve irréfutable.

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olivier
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markab
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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par markab »

Bonjour

Voici la fiche Miramar

Single Ship Report for "1102633"IDNo: 1102633 Year: 1893
Name: CORUNNA Keel:
Type: barque-4 Launch Date: 30.8.93
Flag: GBR Date of completion: 10.93

--------------------------------------------------------------------------------
Tons: 2268 Link: 1565
DWT: 0 Yard No: 369
Length overall: Ship Design:
LPP: 89.3 Country of build: GBR
Beam: 13.1 Builder: Henderson
Material of build: Location of yard: Meadowside
Number of
screws/Mchy/
Speed(kn): sail

--------------------------------------------------------------------------------
Naval or paramilitary marking :
A: *
End: 1917

--------------------------------------------------------------------------------
Subsequent History:
17 LA EPOCA

Disposal Data:
sm/x 30nm SW of the Gironde mouth 29.10.17


A bientot :hello:
Cordialement / Best regards
Marc.

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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par markab »

Bonsoir

Une photographie du navire (sous le nom de CORUNNA)

Image

A bientot :hello:
Cordialement / Best regards
Marc.

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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par markab »

Bonjour à tous,

Selon le rapport du capitaine Bernt et l'acte de francisation qui fut récupéré par le commandant du sous-marin, LA EPOCA n'était plus sous pavillon uruguayen en Octobre 1917, mais bien sous pavillon français.

L'acte de francisation, surtout, en est une preuve irréfutable.

Cdlt
Bonsoir Olivier

L'armateur est-il nommé dans l'acte de francisation ??

A bientot :hello:
Cordialement / Best regards
Marc.

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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous, bonjour Marc,

L'acte de francisation a été donné au commandant Gerlach et aucune copie ne figure aux archives. J'ignore donc ce qui figurait dessus.
On peut penser que le navire avait été francisé juste avant le départ de New York. Les formalités administratives et la délivrance de cet acte avaient du s'effectuer au consulat de France comme c'est la coutume.
Cela expliquerait que l'équipage ait été encore composé en majorité de marins de pays neutres qui, a l'origine, avaient embarqué sur un navire uruguayen. Ils auraient certainement été remplacés à Bordeaux par des Français.

Gerlach fait remarquer au marin suisse qu'il n'aurait pas du être embarqué sur un navire français. Mais cela était aussi valable pour la plupart des autres (Norvégiens, Suédois, Finlandais...etc) Certains, comme les Russes ou l'Américain auraient même pu être gardés prisonniers, appartenant à des nations ennemies de l'Allemagne.

Voici une autre photo du LA EPOCA à l'époque où il s'appelait CORUNNA.

Image

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Memgam
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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par Memgam »

"Quoique n'ayant jamais battu pavillon français, La Epoca figure cependant sur la liste officielle de nos pertes de guerre.(document n° 634 de la Chambre des Députés, session 1920) avec la mention suivante : "Ce navire, bien que naviguant pour compte français, n'était pas encore francisé et battait pavillon uruguayen". Opus cité.
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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par Memgam »

Il doit peut-être rester trace de la soumission de françisation auprès du service des Douanes du port d'attache, document préalable à la délivrance du brevet de françisation.
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Re: LA EPOCA Quatre-mâts français ex-uruguayen

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Quelques précisions sur le naufrage de LA EPOCA

Le capitaine norvégien s'appelait Bernt William FABIASEN
Le second capitaine, de quart au moment de l'attaque s'appelait Edward Eriksen BUMTINEN

Le navire appartenait à la Société Boillard de Boisguilbert, de Paris, et était armé par Oriental Navigation Co.
Il transportait 3100 tonnes d'huiles minérales, clous, fil de fer, lames d'acier, tabac et papier.
L'attaque a eu lieu par 45°15 N et 02°00 W dans l'WSW de Cordouan. Profondeur 63 brasses d'eau.

Après l'attaque le sous-marin est resté en surface, en vue en plein soleil, à patrouiller jusqu'à 15h00.

Le commandant du sous-marin a dit au capitaine Fabiasen que sa place n'était pas sur des navires français en temps de guerre. Le capitaine lui a répondu qu'il ne faisait qu'exercer son métier et de gagner sa vie.

Vers minuit c'est un patrouilleur qui a recueilli les naufragés et les a débarqués au Verdon. Ils furent interrogés sur le patrouilleur, puis par le commissaire de police de la gare du Verdon. Ils ont ensuite pris le train pour Bordeaux où ils sont arrivés à 18h00 le 30.

Le capitaine Fabiasen précise qu'à New York les autorités américaines ont exercé une enquête minutieuse sur les hommes de l'équipage, sur leur identité et leur situation. Il tient à rassurer les autorités françaises sur ces hommes. Le marin suisse Fritz STEINER n'est monté que quelques instants sur le sous-marin, alors que lui-même était à l'intérieur du sous-marin, et à la demande des Allemands qui voulaient connaître sa nationalité car il parlait avec un bon accent allemand.

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