Bonjour à tous,
CAP BRETON
Armateur, Chargeurs Français (Plisson)
Affréteurs Cie des Chemins de fer du midi.
Rapport du capitaine
Quitté Bayonne le 13 Juillet à 04h00 avec un chargement de 1900 t de poteaux de mine à destination de Barry, à ordres. Passé les jetées à 05h00 et fait route sur Saint Jean de Luz pour prendre le convoi du lendemain. Mouillé sur rade de Saint Jean de Luz à 21h30.
Parti le 14 à 09h00 en convoi pour La Pallice, escorté des patrouilleurs INES et FLAMANT, n° 1 du convoi, avec le pilote de la flotte POULOU Louis. Au sortir de la rade, fait route au N30E et navigué ensuite le plus près de terre possible. A 18h00, passé à ½ mille de la bouée d’observation de l’entrée d’Arcachon et fait route au Nord vrai pour passer dans l’Ouest des bancs d’entrée de la Gironde. Feu de poupe atténué et aucun autre feu visible de l’extérieur. Machines réglées pour la vitesse prescrite de 8 nœuds. A 22h30, passé le travers de Hourtin.
La lune était couchée depuis une heure, la nuit était bien noire et le ciel découvert, la mer et le temps calmes lorsqu’à 23h55, par 45°23 N et 01°20 W, le second étant de quart et moi-même dans la chambre de veille pour porter le point sur la carte, une violente explosion coupe le navire en deux par le travers des machines sur bâbord. En moins d’une minute, sans qu’il soit possible de faire quoi que ce soit, le navire disparaît et nous nous retrouvons parmi les épaves et les poteaux de mine. J’ai hélé et fait l’appel des hommes qui se trouvaient sur les épaves. Il en manquait 5.
Comme on ne venait pas à notre secours, à l’initiative du pilote, du second et du chef mécanicien, nous avons essayé de construire des dromes. Nous cramponnant aux épaves, nous avons réussi avec beaucoup de peine à regrouper des panneaux de cale, l’échelle de coupée et quelques poteaux que nous avons liés ensemble au moyen des fils de l’antenne TSF et d’une drisse de voile d’embarcation. Nous avons réussi à construire une espèce de radeau sur lequel, à 8 hommes, nous avons attendu le jour. Au jour, j’avais l’intention d’y regrouper tous les survivants et de gagner la côte avec deux avirons que nous avions sauvés.
Il a fallu trois heures pour confectionner le radeau et je tiens à signaler la conduite du pilote, du second et du chef mécanicien qui ont travaillé avec beaucoup d’énergie et de sang froid, et ont maintenu le moral de l’équipage à un niveau très élevé. Ont aussi travaillé avec énergie le QM canonnier Bouye, le matelot Vignec et les chauffeurs Alaizola et Ordoqui. Je signale aussi la conduite de nos hommes qui a aucun moment n’ont eu de défaillance.
Le jour s’est levé à 05h00 et nous avons aperçu le patrouilleur FLAMANT qui s’est dirigé vers nous. Arrivé à proximité, il a mis trois embarcations à la mer et nous a recueillis au nombre de 19. Après avoir exploré toutes les épaves, nous n’avons retrouvé aucun autre survivant. Je déplore la disparition du 2e mécanicien, du 3e mécanicien, de 2 matelots, du cuisinier et du mousse. D’après le lieutenant Hiribarren, le mousse s’est accroché à une épave pendant trois heures.
A bord du FLAMANT, nous avons reçu tous les soins que nécessitait notre état, soins au chef mécanicien, à un matelot, un canonnier et au télégraphiste, qui étaient blessés. On nous a donné effets de rechange et boissons chaudes. J’attire l’attention du commandant des patrouilleurs de La Pallice sur le dévouement du commandant du FLAMANT et de son équipage. Ils nous ont déposés à La Pallice à midi le 15.
Au moment de l’explosion la veille était assurée par le 2e capitaine (officier de quart), le pilote, un homme sur tribord, un homme sur bâbord, un canonnier (Paris) au canon sur l’arrière. Personne n’a rien aperçu. Mais je pense que nous avons été torpillés. Tous les papiers du bord ont été perdus dans le naufrage.
Déposition du 2e capitaine LE BOURDAIS
La visibilité était de 1 mille et des jumelles étaient à la disposition des veilleurs. A 21h00, on avait fait une ronde pour s’assurer que tous les hublots étaient masqués. Le patrouilleur INES nous a demandé d’allumer le feu de poupe au pétrole qui était atténué, mèche baissée et secteur limité par de la peinture noire.
Au moment de l’explosion, j’ai tendu une ceinture de sauvetage au canonnier de veille sur la passerelle et donné l’ordre d’amener les embarcations. Mais le navire, coupé en deux, a coulé comme j’arrivais au canot bâbord.
Dans l’eau, j’ai sifflé avec mon sifflet de manœuvre pour attirer l’attention des patrouilleurs. Personne n’a répondu.
L’avis de guerre du 14 à 18h00 signalait la présence d’un sous-marin aux environs du cap Ferret dans la journée du 13. Vu le peu de différence de tirant d’eau, une mine aurait touché le navire plus en avant.
Déposition du maître pilote de la flotte POULOU
Convoi composé de CAP BRETON, VENDEE, MARIE THERESE, et un anglais, HALLGJERD, allant à Dunkerque..
Nous naviguions en ligne de file à 8 nœuds, à 400 m les uns des autres. Deux patrouilleurs côté du large à bâbord, INES par le travers du n° 1 et FLAMANT par le travers du n° 4. Bonne visibilité tant que la lune a été haute. Elle s’est couchée à 23h30 et la visibilité est tombée à 1000m. On voyait distinctement INES sur bâbord et VENDEE, matelot d’arrière. Pas de zigzags. Le navire a coulé immédiatement et je n’ai été sauvé que par mon gilet de kapok. Quelques minutes après l’explosion, nous en avons entendu une seconde et avons pensé qu’un autre navire avait été torpillé.
(Nota : il s’agissait de VENDEE). Une fois dans l’eau, nous avons aperçu l’anglais qui passait près de nous et mettait cap au large. Nous avons sifflé et notre bouée lumineuse a fonctionné pendant une heure. Nous sommes restés jusqu’ 05h00 sur un radeau que nous avions confectionné avec des panneaux de cale et des poteaux de mine. Le commandant du FLAMANT nous a dit n’avoir pu s’approcher plus tôt, craignant, de nuit, les mines et les épaves dont la mer était couverte.
Dépositions du chauffeur LARAIGTOT et du soutier CANO
Ils étaient dans la chaufferie lorsque l’explosion s’est produite. Tous les mécaniciens de quart dans la machine ont disparu. L’obscurité s’est faite immédiatement et le local a été envahi par la vapeur et la poussière de charbon. Ils se sont sauvés par une échelle et se sont retrouvés à la mer.
Rapport de l’EV1 GOBERT, commandant du FLAMANT
(Notons que l’aviso patrouilleur FLAMANT fut rebaptisé QUENTIN ROOSEVELT en Février 1920, en l’honneur d’un fils du Président Théodore Roosevelt, qui avait rejoint l’armée de l’air française et qui fut tué, hasard extraordinaire, ce même 14 Juillet 1918, jour du naufrage du CAP BRETON.Voir ce lien pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas)
Quitté Saint Jean de Luz le 14 Juillet à 09h00 avec 3 navires, CAP BRETON, VENDEE et MARIE THERESE. J’étais chef d’escorte sur FLAMANT, avec INES en adjoint. Un 4e navire, l’anglais HALLJERD nous a rejoints à 20h25 allant à Dunkerque. En cas d’attaque, INES avait consigne de poursuivre sa route avec le convoi, tandis que je prendrais en chasse le sous-marin et assurerais le sauvetage des naufragés. Convoi en ligne de fille avec distance de 400m. FLAMANT restait à gauche des bâtiments tant pour patrouiller du côté du large que pour faire grouper le convoi.
A 22h45, le chef de quart m’avertit qu’il venait de voir un nuage de fumée sur le bâtiment de tête et qu’il avait entendu une explosion. Aucun indice ne me permettait de dire si CAP BRETON ou VENDEE avaient été attaqués à la torpille et touchés. FLAMENT s’est rapproché d’INES pour se rendre compte de ce qui s’était passé à l’avant du convoi. Voyant qu’INES ne manœuvrait d’aucune façon et que les bâtiments venaient tous sur tribord, je ne doutai pas qu’un accident était arrivé à CAP BRETON. Mis aux postes de combat et fait route sur le lieu de l’explosion. INES m’indiqua par fanal : « Les bâtiments de tête viennent d’être torpillés ». Envoyé aussitôt SOS au Cap Ferret. Je ne pensais pas que VENDEE eût été torpillé car j’avais compté trois silhouettes de navires.
Resté dans les environs du lieu de l’accident pour tenter de trouver un sous-marin. Patrouillé jusqu’à 03h45 quand la vigie m’a signalé une grosse masse noire. Fait route dessus et aperçu de nombreux débris et une forte agglomération de poteaux de mine sur laquelle s’agitait une masse compacte. Je répondis par quelques coups de sifflet aux clameurs des rescapés. Télégraphié à Rochefort que j’avais trouvé épave du CAP BRETON et recueilli des survivants. Mis à l’eu les embarcations et récupéré les survivants à 05h00. 19 naufragés furent embarqués et des soins leur furent donnés.
Des épaves appartenant à VENDEE ont aussi été recueillies parmi celles de CAP BRETON. Il n’y avait pas de survivants de VENDEE.
L’INES, que j’ai rencontré en ralliant La Pallice m’a informé que MARIE THERESE et HALLGJERD étaient entrés en Gironde.
Je signale l’attitude énergique et le sang froid de l’équipage pendant les recherches et le sauvetage. Une mention spéciale est à faire aux gradés qui ont facilité ma tâche par leur dévouement. Tous ont accompli leur devoir avec la plus grande abnégation et sans défaillance.
Rapport du CV SOULEZ, chef de division des patrouilleurs au VA Préfet Maritime de Rochefort
Torpillage probable, bien que l’hypothèse d’une mine ne puisse être écartée.
Rien n’a été vu, malgré une bonne veille sur CAP BRETON.
La formation du convoi était correcte, mais la faible vitesse du dernier bâtiment rendait la ligne trop longue, obligeant FLAMANT à se tenir loin de la tête, ce qui a retardé son intervention.
FLAMANT, chef d’escorte a bien conduit son convoi et a pris les mesures judicieuses appropriées.
INES a fait preuve d’inertie et d’indécision. Je remplace le maître de manœuvre CAPENNE dans son commandement car il est trop mou. Il a en effet agi avec mollesse dans la recherche du sous-marin et a perdu le reste du convoi, n’ayant pas modifié sa route. Les deux bâtiments rescapés sont arrivés en Gironde sans qu’il en eût connaissance.
Conduite du maître pilote POULOU et du capitaine LAURENT digne d’éloges. Ils se sont montrés énergiques. Leur attitude et les mesures qu’ils ont prises ont assuré le salut des survivants.
FLAMANT n’a rien vu de VENDEE et n’a appris sa perte que par les rescapés de CAP BRETON.
Récompenses proposées
Témoignage de satisfaction
LAURENT Adolphe Capitaine
LE BOURDAIS Théophile 2e capitaine
POULOU Pilote de la flotte
JEAN-BAPTISTE Paul Chef mécanicien
BOUYE Edouard QM canonnier
ALAIZOLA Saturnin Chauffeur
ORDOQUI Martin Chauffeur
VIGNEC Jean Baptiste Matelot
Cramponnés à des épaves pendant une nuit obscure, ont travaillé avec énergie à la construction d’un radeau de fortune.
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’UB 103 du Kptlt Paul Hundius, qui devait disparaître un mois plus tard avec tout son équipage au large des Flandres.
Cdlt