Quelques documents complémentaires concernant l’ATHOS.
Rapport de l’officier enquêteur
Celui-ci reprend dans les grandes lignes le récit du 2e capitaine en apportant les précisions suivantes :
En ce qui concerne les mécaniciens, l’officier de quart, Monsieur Donzel et le premier chauffeur, Monsieur Cipriani, se sont précipités sur les registres d’admission de vapeur situés sur l’avant du compartiment et sont parvenus à les fermer sans attendre l’ordre de la passerelle. Quelques secondes plus tard, il aurait été trop tard. Ensuite, fuyant les trombes d’eau qui les poursuivaient, ils sont parvenus à gagner la chaufferie milieu. Mais à ce moment précis, les portes étanches ont été fermées depuis la passerelle et ils se sont trouvés bloqués dans la chaufferie arrière d’où ils n’ont pu s’échapper. Ils ont été victimes de leur dévouement, dévouement grâce auquel la mise à l’eau des canots a pu être assurée.
Les lampes témoins des portes étanches des tunnels n’ont pas fonctionné lors de leur fermeture. Cela prouve qu’elles ont été faussées lors de l’explosion de la torpille. Il est certain que par les tunnels le vaste compartiment situé sous la cale 5 a été aussitôt envahi et noyé.
L’embarquement des femmes et des enfants s’est effectué dans un ordre parfait, sauf au canot 11 qui a été envahi et surchargé par des chauffeurs arabes et chinois dont ce n’était pas le poste d’abandon. Le second mécanicien Holstein a tenté de rétablir l’ordre, mais les balancines de l’embarcation ont finalement cassé et celle-ci a cabané, jetant à la mer tous ses occupants dont deux femmes et deux fillettes. Le canot est resté plaqué contre la muraille du navire et n’a pu être utilisé pour le sauvetage.
Grâce au 2e capitaine Rosoor, aux lieutenants Santi et Roubert, aux seconds mécaniciens Holstein et Brun, et au maître d’équipage Bastelica, tous les autres canots ont été amenés à l’eau sans dommage. L’embarquement des passagers désignés s’est effectué en quelques minutes, dans le calme et en bon ordre. Aucun officier ne s’est préoccupé de son salut personnel. Le canot 10, mal gouverné, a toutefois fini par chavirer.
Le maître d’équipage a réussi à libérer le canot 7, dangereusement engagé, et a failli être tué par la chute du mât arrière.
Les radeaux de l’arrière ont été jetés très rapidement à la mer, sur ordre du commandant. Mais à l’avant, malgré les efforts du capitaine Sylvestre et de l’Adjudant Poajetoux, tous les radeaux n’ont pu être mis à l’eau. Les Chinois sont tout d’abord restés inertes devant le danger. Puis ils se sont égaillés dans les cabines des passagers pour piller et ont ainsi perdu un temps précieux. Ensuite, ils se sont rués en masse sur l’avant et se sont battus pour accéder aux radeaux. Le résultat a été de retarder encore la mise à l’eau de ces radeaux et de multiplier le nombre de travailleurs chinois qui n’ont pu être sauvés.
A la dernière minute se tenaient sur la passerelle le commandant Dorise, le chef mécanicien Mignard, le 2e capitaine Rosoor et le contrôleur des postes Maurel. Sur la passerelle supérieure se trouvait le commandant Colonna d’Istria, accoudé à la rambarde, et qui n’a pas fait un geste pour se sauver.
La garde de police du 77e bataillon de tirailleurs sénégalais était au complet à son poste, baïonnette au canon, sous les ordres du capitaine Roy qui a fait ses adieux à son épouse embarquée dans le canot n°2. Il y avait aussi les 4 sous-lieutenants du bataillon.
Cette garde devait normalement partir dans les canots doublés, mais il était évident qu’ils ne pourraient être mis à l’eau car le bâtiment s’enfonçait de plus en plus vite. Aucun n’avait d’illusion sur son sort, mais tous, du simple tirailleur jusqu’au commandant du bataillon, esclaves de l’honneur et du devoir militaire, sont restés stoïquement à leur poste. Tous les officiers et les tirailleurs de la garde de police ont disparu.
Le chef mécanicien a été recueilli par le MAMELUCK. Le 2e capitaine et le TSF se sont réfugiés sur un radeau. Le second mécanicien Holstein, repoussé par les Chinois quand il a voulu monter sur un radeau, a pu s’accrocher à un caisson flottant. Il n’a été recueilli que vers 16h00 par le MAMELUCK. Le 2e capitaine a organisé le sauvetage des radeaux et n’a été recueilli qu’à 21h00 par le torpilleur BALISTE.
Conclusions de l’enquête
Commandement remarquable. Officiers et équipage d’un dévouement à toute épreuve. Tous ont droit à la reconnaissance de la nation, notamment le commandant Dorise, le second mécanicien Donzel et le 1er chauffeur Cipriani, les lieutenants Santi et Roubert et le commissaire Ramel, morts en service commandé.
- Calme parfait des passagers européens, sans oublier un américain.
- Attitude blâmable des passagers chinois.
- Exemple magnifique donné par la garde de police du 77e bataillon de tirailleurs sénégalais, officiers et commandant en tête, morts héroïquement à leur poste.
- Conduite remarquable du sergent Mougeot, mort en cherchant à sauver des prisonniers allemands confiés à sa garde.
Note du lieutenant de vaisseau LARGE, commandant du MAMELUCK, au capitaine de vaisseau délégué de la 1ère armée navale
Au cours du sauvetage des naufragés de l’ATHOS, j’ai été prévenu par un officier d’artillerie que deux prisonniers allemands détenus sur ce paquebot venaient d’être recueillis par le MAMELUCK.
Je les ai fait rechercher et mettre sous bonne garde dans une chaufferie.
On m’a aussi prévenu de la présence à mon bord du consul de Suède à Port Saïd et de son épouse. Celle-ci aurait eu une conduite scandaleuse lors du naufrage et se serait réjouie de la catastrophe. Son mari l’excuse en disant qu’elle est folle et a déjà été internée.
Je n’ai ni le temps, ni les moyens d’enquêter sur un pareil sujet. J’ai affecté deux officiers d’infanterie de marine à la surveillance de ces passagers étrangers.
Arrivés à Malte, les deux Allemands et les Suédois ont été envoyés à bord du KANARIS (nota : un ancien mouilleur de mines grec, nolisé à Malte) par le commandant de Meynard, chef de la 2e escadrille.
Les deux Allemands sont :
- Alfred Wendt, de Berlin, 2e capitaine du navire chinois KALIA
- Edouard Engels, officier mécanicien de la Marine Marchande, de Francfort sur Oder
Un autre prisonnier allemand, Thyssen, mécanicien originaire de Badstadt, a disparu.
Note du VA commandant la 1ère armée navale au CF chef d’Etat Major de la 2e division
Les obsèques du commandant de l’ATHOS auront lieu demain matin, 20 Février 1917, à 10h00 à l’hôpital de Bighi.
Vous enverrez une délégation de 60 hommes du JULES MICHELET sous le commandement d’un officier, à 09h45 à l’hôpital.
Le corps sera placé sur une prolonge d’artillerie traînée par 16 hommes pris dans la délégation du JULES MICHELET.
■ Récompenses : inscriptions à titre posthume au tableau spécial de la Légion d'honneur.
Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 22 octobre 1919 (J.O., 16 nov. 1919, p. 12.915), furent inscrits à titre posthume au tableau spécial de la Légion d’honneur :
— DORISE Eugène André, né le ... à ... (...). Capitaine au long-cours (J.O., 17 mars 1888, p. 1.178), inscrit à Saint-Nazaire, n° 207.
Médaille d’or de sauvetage de 2e classe pour le sauvetage, le 10 août 1902 sur les côtes du Portugal, des six hommes constituant l’équipage de la chaloupe portugaise Isaura, coulée à la suite de sa collision avec le paquebot Brésil(Déc. min. 29 oct. 1902, J.O. 5 nov. 1902, p. 7.136). Alors lieutenant à bord de ce bâtiment de la Compagnie des messageries maritime, renommé Dumbéa l’année suivante.
Cité à l’ordre de l’armée dans les termes suivants (J.O., 17 avr. 1917, p. 3.042) :
Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 22 octobre 1919 (J.O., 16 nov. 1919, p. 12.915), inscrit à titre posthume au tableau spécial de la Légion d’honneur dans les mêmes termes :
Voilà ce que dit André Ducasse dans son livre "Balkans 14/18" de l'intervention de l'officier mécanicien Holstein lors du torpillage:
" Le manque de canots provoque la panique. Jusqu'aux dernières secondes, l'Officier mécanicien Holstein court après de jeunes enfants, qui hurlent, et les jette à la mer, où ils ont quelque chance d'être recueillis. Ejecté par un hublot, alors que le navire s'enfonce, il s'évanouit et se retrouve, nu, sur une planche. Toute sa vie, il demeura hanté par cette vision: des centaines d'Annamites et de Sénégalais assommant des femmes, puis se poursuivant et se lardant, sans un cri, à coups de baïonnettes et de couteaux, pour la possession de deux ou trois chaloupes... "
■ Récompenses pour actes de courage et de dévouement attribuées par la Société centrale de sauvetage des naufragés.
• Société centrale de sauvetage des naufragés ― Annales du sauvetage maritime, 1er et 2e trim. 1918 : Contre-amiral Hallez, « Rapport sur les principaux sauvetages accomplis dans l’année », p. 38 et 39.
Bonjour,
■ 1e Régiment de tirailleurs tonkinois:
― SILVESTRE André Louis, né le 5 mars 1883 à Périgueux (Dordogne) et domicilié à Carcassonne (Aude), Capitaine, Matricule n° 2.446, classe 1913, n° 1.959 au recrutement du Mans (Jug. Trib. Marseille, 29 janv. 1919, transcrit à Marseille le jour même). Faisait partie de la mission Truptil pour le contrôle, le recrutement et l'embarquement des ouvriers chinois pour la France.
Cdlt
BB
Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - (Éditions des Indes Savantes) - "Le lieutenant de Mandchourie" (Éditions de L'Harmattan)
Deux autres photos du recrutement de travailleurs chinois en partance pour la France début 1918.
Celà se passe à Tsing-Tao et les travailleurs chinois sont recrutés par les japonais.
(L'Image)
Mais là le bateau n'est ni l'Athos ni l'Australien ... ????
Re: ATHOS - Compagnie des Messageries Maritimes
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