les "Joyeux"

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RIO Jean-Yves
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Re: les "Joyeux"

Message par RIO Jean-Yves »

Bonsoir à tous. :jap:

Merci Jérôme pour la complainte des Joyeux :D .

Stéphane, j'ai vérifié : trajet effectivement en train de Tunis à Gabès, comme J.Dimier... mais pas de trace à priori du boucher nantais. Pour info, il y avait par ailleurs un convoi de ravitaillement vers Dehibat tous les 15 jours (dixit le GP).

Daghbagi : tout d'abord bienvenu sur le forum (et vu votre message en MP - j'y répondrai) ; pour confirmer le charmant caractère du coin : un court extrait de ce qu'écrit le GP sur ces conditions extrèmes :

"......Situé sur le 32e degré de latitude nord, le poste de DEHIBAT jouit d’une température tropicale d’Avril à Octobre. Le thermomètre du bordj marquait fréquemment 50 degrés à l’ombre, parfois 70 au soleil ; une telle chaleur dans nos régions tempérées ne serait pas supportable. A DEHIBAT, l’air est tellement sec que c’est à peine si l’on a la peau moite. L’active évaporation de la transpiration maintient facilement le corps à sa température normale. C’est pénible certes, mais on ne souffre pas plus de 50 degrés ici que de 35 à GABES où l’on cuit littéralement dans son jus. Plus de saisons de pluies, si courtes soient-elles : durant les sept mois que je passai à DEHIBAT, le sol ne reçut pas une seule goutte d’eau. C’est en un mot le domaine silencieux et désolé des dunes de sable, des plateaux pierreux, des vents brûlants, le Simoun, le Sirocco. Rien d’aussi subit qu’un coup de sirocco. Autour de vous c’est le calme absolu. Tout à coup vous entendez une rumeur sourde rouler au loin dans la dune. Le bruit grandit, se précise, c’est une rafale qui vient vers vous avec un train d’enfer. La vague d’air brutale, irrésistible, fait irruption avec un nuage de sable dans la cour du Bordj. En quelques instants le ciel est tout jaune. Le soleil s’estompe comme dans un brouillard, les murs disparaissent derrière le sable soulevé. Disparus également les quelques palmiers de l’oasis qui abritent le puits. C’est en hâte, suffoqué par l’haleine brûlante de ce vent, que l’on regagne sa rhorfa. Une heure après c’est le calme absolu....".

Cordialement.
Jean-Yves :hello:
(qui est en train de poursuivre au même moment le décryptage et la mise au net des mémoires du J-M Rio... enfin la seconde version la plus lisible, car la 1ère, le brouillon, est en pattes de mouches :D :???: :sweat: :pt1cable:)


Et un petit rajout à propos des scorpions
(je m'éloigne de + en + de 14-18 :non: - pardon pour cette digression :D . Pour me racheter je mettrai les qques éléments trouvés aussi sur la période entre 1915 et 1918)

"... La région frontière est par excellence la patrie des scorpions. On peut dire sans exagération que chaque pierre en abrite. Ils peuplent la toiture des bâtiments et il arrive fréquemment qu’ils se laissent choir, la nuit, sur les dormeurs. Il est recommandé, avant de chausser ses brodequins, de s’assurer que quelque insecte ne s’y soit pas aventuré au cours de la nuit. Cette mesure d’élémentaire prudence n’est pas inutile. A Dehibat l’on rencontre des scorpions noirs et des scorpions jaunes verdâtres. Les indigènes redoutent la piqûre des premiers qui, paraît-il, est mortelle. Les seconds sont moins venimeux, c’est pourquoi les chasseurs ont recours à ceux-ci.
Dans « La mort du scorpion », Alfred de Vigny nous décrit une scène dans laquelle un scorpion déposé au centre d’un cercle de chardons ardents, après avoir vainement tenté de se frayer un passage à travers ces charbons retourne contre lui-même son dard empoisonné.
Au cours de mon séjour à Dehibat, j’ai, à différentes reprises, tenté la dite expérience. Je dois vous avouer que parmi les scorpions que j’ai pris comme sujets, je n’ai pas découvert un seul partisan du suicide. Il est vrai qu’habitant une contrée soumises aux préceptes du Coran ces scorpions sont peut-être fatalistes !! et préfèrent le martyre au suicide...
"

:D :sol:
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daghbagi
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Re: les "Joyeux"

Message par daghbagi »

Bonsoir à tous. :jap:

Stéphane, j'ai vérifié : trajet effectivement en train de Tunis à Gabès, comme J.Dimier... mais pas de trace à priori du boucher nantais. Pour info, il y avait par ailleurs un convoi de ravitaillement vers Dehibat tous les 15 jours (dixit le GP).
Bonjour,

Je ne crois pas qu'il soit possible vu que la ligne de chemin de fer ne mène pas jusqu'à Gabès à cette période ?
Peut être que je me trompe, je ne suis pas très sûr, mais j'ai cru savoir que la ligne ferrée Sfax Gabès fut élaborée en 1942 et pas avant ?

Cordialement,
Daghbagi.
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RIO Jean-Yves
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Re: les "Joyeux"

Message par RIO Jean-Yves »

Bonsoir à tous,
bonsoir Daghbagi :jap:

Je confirme pour la voie ferrée (enfin plûtot le GP :D )... : ci-joint ses 2 versions (je ne garantie pas l'orthographe des lieux, que j'ai du décrypter pour certains, et ne les ayant pas encore en plus vérifiés sur ma carte) .

Version des feuillets :
"........A mesure que l’on s’éloigne de SFAX, les nouvelles plantations des colons diminuent de taille progressivement et finissent par disparaître.
De SFAX à MAHARES la voie suit la mer à quelque distance parallèlement à la route de GABES ; cette région littorale est coupée de landes et de friches. Sur la droite vers l’Ouest et le Nord-Ouest les olivettes apparaissent continues. Le train s’arrête à GAFFAR ( ?) ; on est en plein sable. MAHARES a un terrain d’aviation à proximité de la gare. Entre MAHARES et GRAÏBA le pays à peu près vide d’habitants et dépourvu de végétation prend une apparence désertique. On est en plein sable. A GRAÏBA la voie bifurque sur GABES et pénètre dans une steppe de terres rougeâtres ; elle franchit successivement l’oued CHERITA, l’oued SAID , l’oued REMEL, l’oued AKARIT et l’oued MELAH sur un certain nombre de ponts. Nous admirons au passage les oasis d’AOUINET, de OUDREF, de METOUIA et de BOU-CHIMA. En avant se profile la longue ligne des palmeraies de GABES
...."

Version du cahier :
"....A GRAïBA la voie bifurque sur GABES et pénètre dans une zone de steppe de terres rougeâtres. Nous franchissons un pont de 120 m de long en 8 travées sur l’oued CHERITA. Le pays plat est monotone. Après La SKHIRRIA terrain d’aviation ; un deuxième pont de 45 m (3 travées) sur l’oued BOU SAID, suivi d’un troisième de 20 m sur l’oued REMEL, pont de 40 m d’une seule travée sur l’oued AKARIT – 75 m (5 travées) sur l’oued MELAH. Cette région est riche en eaux artésiennes, plusieurs puits de 60 à 90 m de profondeur – oliviers et palmiers. C’est ensuite l’oasis d’AOUINET, de METOUIA, d’OUDREF, de CHENOUD ( ?), de BOU-CHIMA. En avant se profile la longue ligne des palmeraies de GABES où nous arrivons à une heure avancée...."
Cordialement. :hello:
Jean-Yves
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daghbagi
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Re: les "Joyeux"

Message par daghbagi »

Bonjour Jean-Yves,

Bonjour Mes dames, messieurs, mes demoiselles,

Je confirme effectivement la construction de la ligne SFAX GABES en 1916 :

voir l'historique de Chemins de fer en tunisie : http://encyclopedie.pieds-noirs.info/in ... ins_de_fer.

Franchement, je commence à m'attacher à votre GP, jean-yves, il me fait revivre des moments de bonheur de ma vie ou je prenait le même train pour
me rendre de Gabès à Tunis ou l'inverse il y a 20 ans de là...

Cordialement,
Daghbagi.
daghbagi
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Re: les "Joyeux"

Message par daghbagi »

Désolé pour le lien celui là devra marcher :
http://encyclopedie.pieds-noirs.info/in ... ins_de_fer

daghbagi
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Re: les "Joyeux"

Message par daghbagi »

Bonjour,

j'ai une question : pourquoi on les appeles les joyeux ?
Est il vrai ce qui se raconte sur les moeurses de ces soldats ?

Cordialement,

Daghbagi
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RIO Jean-Yves
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Re: les "Joyeux"

Message par RIO Jean-Yves »

Bonsoir à tous.

Petits morceaux choisis du GP sur les "Joyeux" à l'intention plus particulière de Mireille et de Daghbagi ;)
A DEGUSTER :D :

".... Le Joyeux est buveur. Sans avoir, cependant, comme le légionnaire, la passion de l’alcool, il sait profiter de toutes les occasions qui lui sont données de s’enivrer. La distribution journalière du vin en est une, car outre la ration à laquelle il a droit, le malabar se fait remettre la leur par ceux qu’il a assujettis . Dès la veille on joue aux cartes le quart du lendemain.
A mon arrivée à DEHIBAT de nombreuses punitions pour ivresse étaient infligées aux chasseurs . Cela paraissait d’autant plus anormal que le chef de Bataillon avait interdit la consommation des boissons alcooliques pour tout le monde: sous-officiers compris. Seules étaient autorisées la vente du vin et des sirops pour ces derniers.....
Pour remédier à cet état de choses, le chef de corps décida, qu’à l’avenir, les chasseurs seraient conduits en colonne par un au lieu de distribution et seraient astreints à boire leur vin en présence du gradé chargé de la distribution.
Cette mesure ne produisit pas les résultats escomptés. Les Joyeux trouvèrent un autre moyen de s’enivrer. Ils se procurèrent au Souk de l’alcool de menthe et de l’eau de Cologne, en firent un mélange qui, paraît-il, flatte assez agréablement la palais, mais à l’inconvénient d’échauffer la bile à ceux qui en font usage. Aussi le commandant dût-il interdire la vente de ces produits aux chasseurs...
."

" ... Le Joyeux est menteur. On peut affirmer que le chasseur qu’on interroge ment quatre vingt dix neuf fois sur cent. Il ment, d’abord pour se défendre, pour défendre ses amis, puis pour nuire à ses ennemis. S’il n’a aucun intérêt à trouver, il ment tout de même parce que c’est moins compromettant de mentir que de dire la vérité. Il ment pour embrouiller le gradé. Il ment enfin pour mentir, par et pour amour de l’art...".

"...Le Cafard est amoureux. Il pousse au viol et parfois au meurtre...
Le 24 avril deux hommes de la 4e compagnie se présentent à la visite le corps couvert d’ecchymoses et essaient, mais en vain, de raconter une histoire de brigands ! Une rapide enquête révèle que la veille, les deux Joyeux, profitant de l’absence des goumiers, ont pénétré dans un gourbi et tenté d’abuser des femmes. Malheureusement pour eux, les cris poussés par ces dernières ont attiré l’attention des voisins qui les ont roués de coups et renvoyés en piteux état !..
."

"....Lors de l’occupation de Déhibat, une matrone était venue s’installer à proximité du poste. Un jour deux Joyeux s’entretuèrent sous les yeux des pensionnaires affolées. Prise de frayeur la matrone ferma son établissement et regagna Tatahouine...".

"....Le Cafard est jaloux..... Le 22 juillet un Joyeux était trouvé à proximité du Bordj, le cœur transpercé d’un stylet. Le meurtrier fut découvert le jour même : on sut lors de l’interrogatoire que la victime et lui courtisant, comment dirais-je ? la même femme, puisqu’il m’est permis d’employer ici le langage des Joyeux, avaient décidé d’un commun accord de se battre en duel pour trancher leur différend...".

"...Le Cafard est coquet. La propreté est l’une des rares qualités du Joyeux, mais c’en est une. C’est pour lui une question d’amour propre, la crainte de quelque sanction n’y est pour rien...".

"...Il m’en souvient qu’un chasseur obtint ainsi une permission pour Gabès, je crois, mais il oublia de rejoindre son corps à l’expiration de celle-ci. Des bulletins de recherche ayant été lancés dans toutes les directions, on finit par apprendre qu’il avait été écroué à la prison militaire d’Alger sous le pseudonyme de l’ « Espagnolet » et qu’il avait à répondre de six assassinats...".

"...Le Cafard est fier, parfois héroïque. Lors de l’évacuation du poste de Déhibat un chasseur fit l’étape Fathnassia - OumSouigh (en fait l'inverse, puisqu'il s'agit du retour ) c’est-à-dire 30 kms les pieds en sang et ce sans qu’une plainte ne sortit de ses lèvres. Un autre fit la même étape avec deux fusils et deux sacs avec chargement de campagne. Il ne leur serait pas venu à l’esprit de demander au gradé l’autorisation d’utiliser un arabat...".

"...Par contre il est lâche parfois ! Veut-il éviter à tout prix d’exécuter un ordre qu’il lui déplait, il n’hésite pas à recourir à des procédés qui seront pour lui, il ne l’ignore pas, autant de cas de conseil de guerre : injection de pétrole, friction d’une plaie à la graisse d’armes, certains se transperçant le genou avec un crin de cheval, opération qui a pour effet de faire enfler considérablement le membre opéré ; d’autres vont jusqu’à se tirer une balle dans un pied, se font piquer par des scorpions...".

"...Les cas de désertion sont assez rares. Cela tient au fait suivant ; c’est que le Joyeux n’ignore nullement le sort qui l’attend au delà de la frontière si la fantaisie le prenait d’aller rendre visite aux Tripolitains...."

"... Le Cafard est vindicatif. Le gradé, voilà la bête noire du chasseur ; aussi il n’est pas de mauvais tours qu’il n’essaie de lui faire. Il est de bon ton, par exemple, la veille d’une revue d’armement, d’uriner dans le canon du fusil du « Caporal » . Parfois aussi le Sergent s’aperçoit au moment où il s’apprête à chausser ses brodequins que la semelle ne tient que par un lambeau de cuir. C’est là d’ailleurs le moins qui puisse échoir au gradé, car il arrive quelquefois qu’au paroxysme de la haine, la mort de ce dernier soit décidée. On joue aux cartes qui devra exécuter la sentence..."
(© Famille J.RIO - Vannes)

C'est tout pour ce soir. :lol:

Cordialement.
Jean-Yves

(PS : Il savait écrire, hein, le GP !! :D )
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daghbagi
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Re: les "Joyeux"

Message par daghbagi »

Bonjour,

Jean Yves, je vous remercie pour ce récit pitoresque sur les joyeux : ils ont vraiment une sale réputation à ce que je vois :) .

Au fait c'est pour quand la mise en ligne de tout le récit de votre GP ?

Cordialement,
Daghbagi
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mireille salvini
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Re: les "Joyeux"

Message par mireille salvini »

bonjour à toutes et à tous
bonjour Jean-Yves

merci beaucoup pour ce témoignage que je découvre,et qui correspond tout à fait à ce que je cherchais
comme dit mr Daghbagi (que je salue),c'est un portrait fort pittoresque..
si tous ces défauts et méfaits n'ont pas été le seul apanage de ces Joyeux,la concentration de beaucoup d'hommes de cette trempe au sein d'une même unité,n'obéissant qu'à la loi du plus fort finalement,ayant transposé des codes du "Milieu" entre eux,tout ceci fait que les officiers,sous-officiers les encadrant devaient avoir une forte personnalité,un peu trempée dans de l'acier...
en fait, ce récit m'a fait penser à un livre que j'ai lu il y a longtemps et qui s'appelait Papillon,du nom de cet homme envoyé au bagne de Cayenne,ça n'a rien à voir avec les Joyeux,mais je trouve des similitudes avec la personnalité de ces hommes,leurs rapports de force,leurs codes,leurs misères aussi

amicalement,
Mireille
Aucune justice n'est possible pour les morts… mais si nous ne pratiquons pas le devoir de mémoire, ils mourront une seconde fois.
(Elie Wiesel-prix Nobel de la Paix)
daghbagi
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Re: les "Joyeux"

Message par daghbagi »

Bonsoir,

je vien de recevoir Bat'D'Af la légende des mauvais garçons de "Feriel Ben Mahmoud".
à vrai dire, je suis un tout petit peu déçu par ce livre ? bon j'attend comme même que je le passe au peigne fin :)

Cordialement,
Daghbagi.
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