Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

ALVF
Messages : 7124
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par ALVF »

Bonjour,

Le martyre de Dunkerque a commencé dès le 15 octobre 1914 lorsqu'un avion allemand lâche 2 bombes sur la ville et se termine le 15 octobre 1918 quand le dernier projectile de 38-cm est tiré sur la cité de Jean-Bart.
Durant cette période, la ville a connu tous les types d'attaques causant de très grandes pertes, surtout à la population civile:

-les attaques aériennes du 15 octobre 1914 au 21 septembre 1918 tuent 444 personnes et en blessent 882.
-les quatre bombardements de la cité de Jean-Bart par des destroyers allemands entre le 26 mars 1917 et le 21 mars 1918 tuent 7 personnes et en blessent 30.
-le bombardement par Zeppelin du 2 avril 1916 tue 3 personnes et en blesse 9.
-les bombardements par canons de 38-cm en batterie à Predikboom (119 obus de 38-cm tirés entre le 28 avril et le 9 août 1915) puis à Leugenboom (326 obus tirés entre le 27 juin 1917 et le 15 octobre 1918) tuent 121 personnes et en blessent 180.

La pièce de Predikboom, placée très près des lignes, a dû se replier après une contrebatterie très efficace de canons français de 240 mm et de 16 cm et son emplacement a été entièrement bouleversé par des tirs d'écrasement.
La pièce de Leugenboom, placée beaucoup plus en arrière, pourtant soumise à de nombreux tirs de l'ALVF française et à des bombardements aériens des aviations alliées, n'a pu être neutralisée.En effet, le canon de 38-cm SKL/45 de Leugenboom tire à plus de 44.000 mètres de distance sur la ville de Dunkerque et les tirs de contrebatterie sont effectués par les pièces françaises de 305 mm de l'ALVF à plus de 26.000 mètres.
Les lois de la dispersion expliquent facilement l'invulnérabilité de la position allemande car si, à 44.000 m, presque tous les coups tirés par les allemands sur une grande ville atteignent leur cible malgré une dispersion qui peut atteindre de 400 à 1.000 mètres, il en est tout autrement pour atteindre une position qui ne mesure guère plus de 30 m sur 15 m.Dans ces conditions pour atteindre une si petite cible, alors que la dispersion atteint 300 à 600 m (pour un tir bien réglé!), il serait nécessaire de tirer au moins un millier de coups, mais il faut savoir qu'un tube de marine s'use au bout de 300 coups.Voilà pourquoi la pièce de Leugenboom a pu tirer sur Dunkerque jusqu'à la veille de sa capture par l'Armée belge.
La pièce de Leugenboom a été abondamment photographiée après la guerre et a été conservée par le gouvernement belge comme vestige de guerre.Les allemands ont ensuite détruit la position pendant la période d'occupation.

Les photographies prises du côté allemand sont plus rares, voici donc cinq documents illustrant le canon de Leugenboom et ses servants appartenant au corps de l'Artillerie de Marine:
Image
Construction de la batterie "Pommern" au début de 1917.
Image
Photo traditionnelle d'un marin dans la bouche du canon de 38-cm SKL/45.
Image
L'équipage des marins de la Batterie Pommern.
Image
Obus explosif à fausse ogive de 38-cm.
Image
La douille et la gargousse de poudre RPC/12 permettant le tir jusqu'à 44.000 mètres.

Les chiffres de projectiles et le nombre des victimes sont tirés du livre d'Albert Chatelle "Dunkerque pendant la guerre 1914-1918" Picart-1925.
Il y a des variantes minimes selon les sources consultées.
Cordialement,
Guy François.
Avatar de l’utilisateur
HT62
Messages : 5037
Inscription : lun. oct. 18, 2004 2:00 am
Localisation : Hauts de France

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par HT62 »

Bonsoir Guy,

Effectivement, ces magnifiques photos font plaisir pour un gars du Nord !
Cordialement, Hervé.
Les régiments de Béthune et Saint-Omer : les Poilus du Pas de Calais et d'ailleurs :

http://bethune73ri.canalblog.com/

http://saintomer8ri.canalblog.com/

NOUVEAU : http://dunkerque110eri.canalblog.com/

Recensement des Poilus des 16e et 56e BCP
MONCEY
Messages : 362
Inscription : mar. juin 21, 2011 2:00 am

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par MONCEY »

Bonjour ALVF et merci de votre précision.Mon GP maternel,repose dans
la NN de DUNKERQUE depuis le 23/03/1918,date à laquelle il a été mortel
lement blessé alors qu'il portait secours à des blessés.Il faisait parti d'un
régiment territorial.
Résidant dans le Dunkerquois,je vais très souvent lui dire bonjour,et j'en
profite pour saluer mes frères d'arme.

Bien cordialement MONCEY
MONCEY1842
marpie
Messages : 1985
Inscription : lun. mars 22, 2010 1:00 am

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par marpie »

Bonsoir à tous

Juste pour " illustrer " :


Image
( L'Album de la Guerre 1914 1919 ,Tome1 )

Bien amicalement
Marpie
kazo
Messages : 6
Inscription : dim. déc. 08, 2013 1:00 am

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par kazo »

La bête vue du ciel en septembre 1917:

http://www.photos-images.fr/14-18/materiel_canon.htm
ALVF
Messages : 7124
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par ALVF »

Bonjour,

Malgré les quelques explications contenues un peu plus haut dans le sujet répondant à la question "Pourquoi les canons alliés n'ont pas pu neutraliser la pièce de Leugenboom?" (comme d'ailleurs de nombreuses autres pièces à longue portée), je constate que les "admirateurs inconditionnels de l'Armée allemande" (oui, il y en a beaucoup!) continuent sur des sites divers de railler les artilleurs français pour cette prétendue impuissance. Tout ceci prouve incidemment que la propagande allemande était déjà incomparablement supérieure à celle des alliés, même si elle n'atteignait pas encore le niveau de "perfection" qu'elle atteindra vingt années après la période qui nous occupe!
Je vais donc tenter, sans beaucoup croire à l'efficacité des explications, de faire le point de cette question sans entrer dans des débats trop compliqués ou trop techniques.
D'abord, un point d'ordre général: les canons à longue portée allemands, britanniques ou français présentent des caractéristiques presque semblables en ce qui concerne la précision. On pourra objecter que les poudres allemandes sont dans l'ensemble plus régulières que les poudres alliées mais les différences ne sont pas très sensibles.
En règle générale, ces canons présentent une dispersion proche en portée de 0,5% de la portée réalisée pour un canon neuf et de l'ordre de 1% pour une bouche à feu usée. Ce qui signifie en clair que pour un tir à 30.000 mètres de distance des impacts peuvent se situer à 150 mètres de distance les uns des autres pour des mêmes conditions de tir et même à 300 mètres pour des tubes usés.
On comprend mieux pourquoi il est facile d'atteindre une agglomération de la taille de Dunkerque (ou Nancy, Belfort, etc...) où tous les coups portent. Encore qu'il faille nuancer puisque certains tirs allemands sur Belfort sont tombés en avant de la ville de Belfort de plus de 2 km car les chiffres cités plus haut s'appliquent à un tir réglé ce qui n'est pas toujours le cas pour bien des raisons (conditions différentes de température, de pression, de la force du vent, de la variation des lots de poudre, et de bien d'autres facteurs...).
Si les pièces à longue portée allemandes ont pour mission de porter la terreur sur les grandes villes françaises (tout autre considération étant accessoire), force est de constater que l'objectif est atteint car comment manquer une cible de la dimension d'une ville?
La mission attribuée par les gouvernants à l'artillerie alliée est d'ordre différent: il convient de détruire ou de neutraliser un emplacement de pièce d'artillerie allemande tenant dans une surface de 15 x 15 m ce qui est plus compliqué que d'atteindre une agglomération dont les dimensions se comptent en kilomètres.
Les artilleurs ne se font guère d'illusion car si on peut expédier avec une grande précision un obus très lourd tiré à faible initiale à une portée moyenne (par exemple un obus de 400 de 900 kg à 14.000 mètres tiré à la faible vitesse initiale de 465 m/s, donc avec une très grande régularité, comme sur le Tunnel du Mont Cornillet), il est très difficile de tirer à grande distance un obus de 305 mm pesant 350 kg animé d'une très grande vitesse initiale supérieure à 850 m/s pour atteindre un objectif situé à 27.000 mètres. A ces grandes vitesses, la régularité des coups n'est pas constante et la dispersion s'accroît.
Toutefois, l'opinion publique et donc les dirigeants du pays exigent des ripostes que les artilleurs doivent donc improviser.
Avant d'entrer dans quelques considérations techniques, il faut savoir qu'un canon tirant à très grande vitesse initiale s'use très vite. On estime ainsi qu'un canon de 305 mm modèle 1893-96 est usé après le tir de 300 coups seulement.
Examinons le problème posé par l'emploi d'un canon de 305 mm modèle 1893-96 de Marine pour atteindre une cible de 15 x 15 mètres à 26.000 mètres de distance.
Pour un tir à cet distance, l'écart probable en portée (e.p.p) est de 93 mètres et l'écart probable en direction (e.p.d) est de 8 mètres.
On appelle "écart probable en portée" la longueur de la zone des impacts contenant la meilleure moitié des coups courts et la meilleure moitié des coups longs.
De même, on appelle "écart probable en direction" la largeur de la zone où se trouve la meilleure moitié des coups à droite et la moitié des coups à gauche par rapport à l'axe de tir.
De tout ceci on déduit que 25% des impacts répartis de façon homogène autour du point moyen du tir sont situés dans un rectangle de 2 e.p.p sur 2 e.p.d, c'est à dire que 25% des obus de 305 sont situés dans un rectangle de 186 m x 16 mètres pour un tir parfaitement réglé effectué à 26.000 mètres.
La tâche est donc à peu près insurmontable si on ne dispose pas de 600 à 1000 coups à tirer, ce qui représenterait l'usure complète de 3 canons de 305 mm dont il n'existe que 8 exemplaires dont beaucoup ont déjà tiré plus de 150 coups sur le front.
Dans ces conditions, seul un coup heureux aurait pu atteindre la position de Leugenboom. Voilà pourquoi les tentatives des 305 de l'ALVF française et de deux canons de marine anglais en position fixe n'ont pu réussir à museler le canon de 38 cm SKL/45 de Leugenboom dont la position en profondeur, loin des lignes, assurait la meilleure protection tant contre les tentatives de l'artillerie que de l'aviation alliée. Ce dangereux canon a donc pu continuer à tirer sur Dunkerque jusqu'à la veille de la prise de la position en octobre 1918.
Cordialement,
Guy François.

antimoine
Messages : 424
Inscription : mer. oct. 27, 2010 2:00 am

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par antimoine »

[quotemsg=15044,6,2547]Bonjour,

Malgré les quelques explications contenues un peu plus haut dans le sujet répondant à la question "Pourquoi les

Bonjour,

Est-ce que l'on peut dire qu'il s'agit du frère jumeau du canon de 38 cm SKL/45 Max du site de Duzey (55).

Cordialement
S.Bernard
ALVF
Messages : 7124
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par ALVF »

Bonjour,

Les canons en service à Leugenboom et au Bois de Warphemont présentent des différences, surtout au niveau de l'affût:

-le tube d'artillerie est le même: canon de marine de 38 cm SKL/45.

-l'affût du canon de Leugenboom peut pointer verticalement à 55° contre 45° pour celui de Duzey. La portée est donc supérieure car, en pointant à 55°, les projectiles atteignent plus vite les couches d'air raréfié de l'atmosphère (stratosphère) et les obus, rencontrant moins de résistance de l'air, atteignent des portées supérieures.

-le canon de Leugenboom est protégé par un masque blindé important (ce qui existe aussi sur un seul des quatre canons de la Batterie Deutschland de la côte belge).

-la cuve bétonnée de Leugenboom présente un champ de tir horizontal plus important que celle de Duzey (Bois de Warphemont).
Cordialement,
Guy François.
antimoine
Messages : 424
Inscription : mer. oct. 27, 2010 2:00 am

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par antimoine »

Bonjour,
Merci pour toutes ces précisions.

Cordialement
S.Bernard
Avatar de l’utilisateur
DIDIER14-18
Messages : 2231
Inscription : dim. avr. 03, 2011 2:00 am
Localisation : AISNE

Re: Le canon de Leugenboom, bourreau de Dunkerque.

Message par DIDIER14-18 »

Bonsoir ALVF
Les chiffres de projectiles et le nombre des victimes sont tirés du livre d'Albert Chatelle


Sur ce livre que tu mentionnes Il y aurai la liste des Morts pour la France de la ville de DUNKERQUE

ET cette liste M'intéresserai a savoir de tous ces Noms n'on pas put être gravés sur un monument

J'ai recherché ce livre en Bibliothèque sans Succès
si il pouvait que ce soit possible de me scaner cette liste et me la faire Parvenir

Amicalement
Didier

http://www.memorial-genweb.org/~memoria ... 3&table=00
DIDIER 14-18
Répondre

Revenir à « Uniformes & divers »