Un cas bizarre

Parcours individuels & récits de combattants
Atlante
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Re: Un cas bizarre

Message par Atlante »

Toujours dans le cadre du recensement des soldats Morts Pour la France en Loir-et-Cher, nous sommes tombés sur un cas très bizarre, qui ne nécessite pas de recherches à proprement parler mais sur lequel je souhaiterais avoir vos avis éclairés.

Voici les faits : sur le monument aux morts de Fontaines-en-Sologne, dans la liste des noms, apparaît celui d'Emile BESCOT, patronyme qui, d'emblée, ne fait pas très "local". Sa fiche sur Mémoire des Hommes le fait naître à Bracieux (tout près de Fontaines), idem pour son registre matricule à Blois. A Bracieux, dans l'état civil, rien à cette date. Dans le livre d'or de Fontaines, rien non plus. Nous l'avons donc mis de côté pour de plus amples recherches.

Quelques temps plus tard, il est réapparu dans la liste des MPF de Saint-Loup, assez loin de là, sur les bords du Cher. Cette fois, sur le livre d'or de la commune, figurait son véritable lieu de naissance : Paris (sans précision d'arrondissement). Il n'était donc pas difficile de supputer qu'il s'agissait d'un enfant des Hospices de la Seine confié à différentes familles du Loir-et-Cher (un véritable business à cette époque, notamment pour les familles pauvres de Sologne). Quelqu'un s'est chargé d'explorer systématiquement les tables décennales parisiennes et a fini par le retrouver, à la date indiquée, dans le Xe arrondissement. Comme nous l'avions supposé, il s'agissait bien d'un enfant naturel, reconnu par sa mère à St Denis deux ou trois mois plus tard. Sauf qu'un os de taille figurait en marge de cet acte de naissance : une mention de décès en... 1948 à Igny (91) !

Ma partenaire parisienne, qui habite précisément dans cette ville, s'est fait un plaisir de se transporter dans la mairie de sa commune pour jeter un œil à l'acte correspondant : Emile Bescot est bel et bien mort à Igny en 1948 et, parmi les témoins, figure d'ailleurs sa fille, née au début des années 20.

Quelque peu perplexes, nous avons alors décidé de chercher un éventuel dossier d'enfant assisté... et nous l'avons trouvé. Emile BESCOT né le 20/05/1893 à Paris Xe, a été abandonné par sa mère à l'âge de cinq ans et confié ensuite... à diverses familles nourricières en Sologne. Nous n'avons donc pas fait d'erreur concernant la personne inscrite sur les monuments de Fontaines-en-Sologne et de Saint-Loup, d'autant qu'à sa "mort" réelle ou supposée, l'État a récupéré le maigre pécule amassé sur son livret.

Mais alors quid de la personne décédée à Igny en 1948 ? Nous n'avons pas trop creusé le sujet, en cherchant des descendants par exemple, la chose nous paraissant un peu délicate à traiter. Mais nous avons émis deux hypothèses :

- Hypothèse 1 : une usurpation d'identité. Quelqu'un, connaissant ce soldat et souhaitant échapper à... quoi ?, a pris son identité pour couler des jours paisibles en région parisienne jusqu'à la fin de sa vie.

- Hypothèse 2 : Emile BESCOT n'est pas mort à la guerre. Il a échangé sa plaque avec celle d'un autre afin de se faire passer pour mort et échapper ainsi aux horreurs du front. Ou à d'autres choses indéterminées (sa fiche matricule ne mentionne rien de spécial).

L'hypothèse 2 semble peut-être plus plausible dans la mesure où usurper l'identité d'un soldat Mort Pour la France ne semble pas très futé (remarque d'un ami). Par ailleurs, il aurait fallu que l'usurpateur soit quand même très bien informé quant aux origines de ce soldat issu des hospices qui, visiblement, au moment de son service militaire en tout cas, n'a pas su indiquer précisément où il était né. La fiche matricule indique qu'il a été blessé en avant de Verdun "sans autres précisions" le 24 octobre 1916 et qu'il est décédé le 2 novembre sans indication de lieu, la fiche de Mémoire des Hommes qu'il a été "mortellement blessé" au fort de Vaux. Il aurait été inhumé à Osche, dans la Meuse.

Qu'en pensez-vous ? Existe-t-il d'autres cas similaires ?
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FAB1
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Re: Un cas bizarre

Message par FAB1 »

Bonjour
Peut être une possibilité qu'il y ait eu 2 Emile Bescot, celui de la fiche MDH a le matricule 13754 du 133e RI. Sur le journal officiel du 29/09/19 page 10660 on trouve un Emile Bescot blessé à Fort de Vaux le 24/10/16, du 333e RI matricule 13303, et sa tombe sur le relevé de la Nécropole Nationale de Rembercourt aux Pots.
Matricules différents, 2 hommes, mélange de fiches ?
Cordialement
FABRICE
Atlante
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Re: Un cas bizarre

Message par Atlante »

Wow... un joli sac de nœuds à démêler !

Il y a deux fiches BESCOT sur Mémoire des Hommes, mais la seconde comporte des prénoms radicalement différents.

A priori, il y a quand même des chances pour que le soldat de MDH et celui du journal officiel soient le même : la fiche matricule de "mon" Emile BESCOT indique comme dernier régiment le 333e. La fiche de MDH comporte sans doute une erreur, ce qui ne serait pas une première.
Atlante
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Re: Un cas bizarre

Message par Atlante »

Bonjour,

Nous avons poursuivi la recherche et les bizarreries s'accumulent.

Il y a déjà plus d'une erreur sur la fiche de Mémoire des Hommes. Emile BESCOT ne pouvait absolument pas être au 133e RI à l'époque de sa mort supposée car les JMO de ce régiment ne relatent aucun affrontement dans les dates incriminées (du 24 octobre au 2 novembre 1916). En revanche, ceux du 333e RI correspondent parfaitement. Et du reste, c'est ce qui est inscrit sur sa fiche matricule (Blois 1913/766).

Deuxième chose : aucune demande de carte d'ancien combattant n'a été faite à ce nom.

Troisième chose : Emile BESCOT n'est revenu en région parisienne, à côté d'Igny, qu'après la seconde guerre mondiale. Avant cela, il a vécu dans les Côtes d'Armor où il s'est marié en 1920 et eu au moins deux filles (la seconde étant décédée l'année dernière en région parisienne). Là où ça devient très étrange, c'est que le bled du 22 où il vivait se situe à 7 km de celui où est née sa mère naturelle, Tréphine "Marie" BESCOT, qui l'a reconnu (Saint-Denis-en-France, 1893) et a sans doute tenté de l'élever, avant de le confier à l'AP de la Seine à l'âge de cinq ans. Or, cette femme est décédée à Paris en 1917...

Je viens de lire le polar de Christian Carayon, Le Diable sur les Épaules, qui traite justement, en toile de fond, de ces questions d'identités et d'échanges possibles. A priori, c'était assez facile d'échanger plaques, documents divers, voire places de lit dans les hôpitaux situés près des zones de front. Et comme les mentions marginales de décès n'apparaissent qu'en 1945, je suppose que c'est assez simple de passer "sous le vent", pour peu de vivre une vie tranquille et sans histoires.

Je viens de demander au SAMHA le dossier médical de ce soldat pour avoir plus d'infos sur la nature de ses blessures et ses transferts éventuels entre le 24 octobre et le 2 novembre.

Savez-vous s'il est possible de retrouver des listes de patients des ambulances et de ces hôpitaux proches des zones de front ?

Il y a tout de même des chances que la personne inhumée dans la tombe 1969 de la nécropole nationale de Rembercourt-aux-Pots soit quelqu'un d'autre qui figure parmi les nombreux "disparus" de cette guerre...
CD9362
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Re: Un cas bizarre

Message par CD9362 »

c'est un vraie trame de roman que vous nous décrivez ...
Mais si vous aviez regardé tout de suite sa fiche matricule vous auriez bien vu qu'il était né de père et de mère non déclaré PND et MND , venant de l'assistance Publique de la Seine, sans précision du lieu de naissance , mais résidant à Fontaine en Sologne canton de Bracieux....
Cela dit , en effet cette fiche mentionne l’avis ministériel qui le déclare mort ... c'est cet avis qu'il faudrait retrouver pour savoir si il y a une "ambulance " mentionnée car il y a des registres ou apparaissent parfois les identités des DCD , c'est aux archives nationales à Pierrefitte.
l'état civil par régiment ou par ambulance : les inventaires sont en ligne mais les dossiers sont à consulter sur place et sont plus ou moins complet.
https://www.siv.archives-nationales.cul ... _IR_013925
333 e Régiment d'infanterie
https://www.siv.archives-nationales.cul ... _IR_013925


Il faut lire aussi le JMO des brancardier de la 74 e DI , il ya le descriptif des postes de secours, à voir si cela peut apporter un indice
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... ab6183a2ca
sachant que sur la fiche MPLF il est écrit "fort de Vaux" donc ça doit être dans le coin.
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... ab61848c36
et là on a un "poste de secours de la route de vaux"
-----je cherche un peu -----
lecture rapide ... dans le JMO au une piste le 31 oct le"GBD 24" est relevé par le "GBD 22"
donc je regarde sur le site
http://hopitauxmilitairesguerre1418.ove ... tre-v.html
http://data.over-blog-kiwi.com/0/27/40/ ... ettrev.pdf
je vois dans le secteur de Verdun à la date qui nous intéresse on trouve bien ces deux GBD (groupe brancardier divisionaire je croix) GBD 24 (12/04/16-22/11/16) la cote de son registre aux archives est GBD 24: 2830
https://www.siv.archives-nationales.cul ... _IR_013925
GBD 22(07/04/16-12/11/16): la cote de son registre aux archives est GBD 22 :4559

GBD 74 Vaux (28-30/10/16): 4957
https://www.siv.archives-nationales.cul ... ullText=ET
https://www.siv.archives-nationales.cul ... _IR_013925

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mais parfois les registres ne sont pas bien remplis...
cordialement
AD-Line
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