Bonjour à tous,
DANUBE
Rencontre avec des sous-marins. Juin - Juillet 1917
Rapport du capitaine
Nota : ce rapport assez long dépasse le seul cadre de la rencontre avec des sous-marins et raconte tout un voyage du DANUBE en 1917. Il est intéressant, donnant une bonne idée des navigations effectuées par ces transports.
Voyage n° 12. Transport auxiliaire DANUBE. Rapport à Monsieur l’Amiral commandant la Marine à Marseille sur le voyage que DANUBE vient d’effectuer à Salonique.
Appareillé de Marseille le 1er Juin à 17h30, par très beau temps et mouillé à l’Estaque à 18h15. Chargement composé de 1850 tonnes de matériel de guerre dans les cales et 4 aéroplanes sur le pont. Pris dix convoyeurs passagers dont 3 sous-officiers.
Le 2 Juin à 08h00 appareillé de l’Estaque très doucement pour attendre le GUERIGNY qui doit naviguer en convoi avec nous. Le convoi ne peut se former qu’à 10h15 à cause de la faible vitesse du GUERIGNY qui rallie difficilement le point de départ.
A midi 45, la canonnière ANTARES, de patrouille, signale au convoi de rentrer à Toulon pour prendre de nouveaux ordres. Entré à Toulon à 14h30, pour repartir à 22h00 avec le GUERIGNY. DANUBE, en tête de convoi, fait une route de jour en zigzags jusqu’à Bône. Le 3 à 05h00, une canonnière française nous accompagne, puis quitte le convoi à 07h00.
Le 4 à 13h00, un patrouilleur signale : « Faites demi tour et marchez au Nord pendant une demi heure de façon à perdre une heure. » A 16h15, la canonnière ANTARES reprend l’escorte et donne la route à suivre pour rallier l’itinéraire recommandé pour se rendre à Bône. Le déroutement est dû à la présence d’un sous-marin dans les parages.
Le 5 Juin à 03h00, la canonnière quitte le convoi. A 05h00, le cap de Fer est doublé à la distance de 6 milles. De 08h30 à 09h30, un chalutier de patrouille accompagne le convoi et signale de faire route pour rentrer au port à 10h00. Le pilote conduit le navire dans le port où il s’amarre à la digue de la grande darse.
DANUBE appareille de Bône le même jour à 16h00 et fait route en suivant les instructions jusqu’à Bizerte où il entre le 6 Juin à 06h15. DANUBE, ANNAM et AMIRAL CHARNER en convoi étaient escortés par les torpilleurs ARC et FRONDE.
Dès la sortie de Bizerte, le convoi, sous la direction d’ARC se dirige vers le détroit de Messine en longeant les côtes à moyenne distance.
Le 7 Juin à O7h00, ARC signale : « Route en zigzags ». Ils sont interrompus à 09h20 à cause de brume qui dure jusqu’à midi. Brume légère pendant le reste de la journée.
Le 8 Juin à 08h45, DANUBE contourne le Faro pour entrer dans le détroit et arrive sur rade de Messine où le pilote monte à bord pour le faire mouiller dans l’avant port à 06h40. Le même jour à 20h30, le convoi appareille de Messine en ligne de file pour prendre une formation de peloton sur la côte calabraise longée à une distance de 2 milles jusqu’au cap Spartivento.
Le 9 Juin à 05h50, ARC signale « Route en zigzags ». Elles sont continuées pendant tout le jour et ne cessent qu’à la nuit. Le temps reste calme jusqu’à la nuit, puis fraîchit légèrement de l’ENE vers 05h00, avec petit clapotis.
Le 10 Juin, par 36°46 N et 21°21 E, le convoi en formation de peloton fait route au S76E lorsqu’à 05h55 précise une grande gerbe d’eau est aperçue sur le côté bâbord de l’ANNAM qui venait sans doute d’être atteint par une torpille. La position du convoi à ce moment était la suivante : ANNAM au milieu est en tête, DANUBE sur l’arrière à 50 degrés à gauche à 700 ou 800 mètres, torpilleur FRONDE un peu sur l’arrière et à gauche de DANUBE, AMIRAL CHARNER à droite du convoi à la même distance de l’ANNAM et le torpilleur ARC tout près d’AMIRAL CHARNER.
Dès que la gerbe d’eau a été aperçue du DANUBE, venu immédiatement toute à gauche et mis cap au Nord à toute vitesse pour m’écarter au plus vite de l’endroit où la présence du sous-marin en plongée venait d’être révélée. A 06h20, le torpilleur FRONDE, qui continuait l’escorte, signale de rentrer dans la baie de Navarin. Fait route aussitôt en zigzags jusqu’au barrage atteint à 08h30. Aucun indice, ni avant, ni après l’évènement, indiquant la présence d’un sous-marin dans les parages n’a été remarqué par le personnel de veille sur DANUBE, qui était au complet à ce moment.
Sur rade de Navarin, 87 rescapés de l’ANNAM, recueillis par ARC ont embarqué sur DANUBE pour être conduits à Milo.
Le 10 Juin à 08h00, le convoi quitte Navarin en reprenant la formation de peloton dès la sortie du barrage, AMIRAL CHARNER devenant le guide, DANUBE à 500 m sur sa gauche et les torpilleurs de chaque côté du convoi. Le canal de Cervi a été franchi de 05h00 à 07h25 et les routes en zigzags ont été reprises aussitôt et continuées jusqu’au barrage d sécurité qui mène au barrage de Milo.
Le convoi est arrivé à Milo dans la soirée du 11 Juin et DANUBE a mouillé sur rade à 16h45. Etant à 25 milles dans le Sud d’Anti-Milo, le torpilleur ARC a quitté brusquement le convoi pour se diriger à toute vitesse dans le Sud Ouest.
Dans la soirée du 12, l’équipage de l’ANNAM est transbordé sur le vapeur SAINT LOUIS, et les autres passagers rescapés, au nombre de 16, restent sur DANUBE pour aller à Salonique. Sur rade de Milo, FOUDRE a embarqué sur DANUBE cent colis divers pesant trois tonnes à destination de Salonique.
Départ de Milo le 12 Juin à 15h00 en continuant de naviguer en formation de peloton et en routes sinueuses jusque dans le golfe de Salonique qui a été franchi en ligne de file. Le convoi est arrivé au barrage le 14 Juin à 02h20 et DANUBE a mouillé sur rade à 03h40. Le débarquement de la cargaison a commencé le 21 à 07h00 pour être terminé le 28 à 16h00.
Le 29 Juin, DANUBE reçoit l’ordre d’appareiller à 11h00 et de faire route sur Stratoni, baie d’Erisso, où il doit prendre un complet chargement de pyrite. Arrivé à Stratoni le 30 Juin à 08h00 escorté par le torpilleur 353. DANUBE n’a pu commencer son embarquement que le lendemain, à cause de la mise en pression à l’usine qui a duré 24 heures. Les opérations ont commencé le 1er Juillet au matin et se sont terminées le 3 au soir.
Nota : Stratoni est un petit port minéralier situé en Chalcidique, entre Thessalonique et Kavala. Voici son terminal aujourd’hui, très contesté car il semble être une source de pollution.
Pendant son séjour à Stratoni, DANUBE a embarque 1958 tonnes de pyrite à destination de Marseille. Le départ de Danube pour la France a eu lieu seulement le 5 Juillet à 21h00 escorté par le chalutier anglais ERMINE, n° 1776, qui n’avait pu rejoindre Stratoni avant le 5 Juillet dans la matinée. La traversée jusqu’à Milo s’st effectuée en routes diverses pendant le jour et en ligne de file pendant la nuit. DANUBE est arrivé à Milo le 7 Juillet à 05h00 et a séjourné sur rade jusqu’au 8 pour attendre le vapeur anglais HUANCHACO avec lequel il devait se rendre à Bizerte.
Voici le HUANCHACO qui se perdra en Février 1941 du côté d’Emden.
DANUBE et HUANCHACO ont appareillé de Milo le 8 Juillet à 14h00 escortés par le torpilleur d’escadre PISTOLET. La traversée de la mer Ionienne s’est effectuée par très beau temps, presque calme, et mer très belle. Le convoi a fait escale à Marsa Sirocco dans la matinée du 11 pour appareiller à midi sur ordre du convoyeur.
Le 12 Juillet à 14h25, à 20 milles du cap Farina, par 37°24 N et 10°35 E, le convoi en formation de peloton faisant route au N65W DANUBE en tête lorsqu’au moment de venir sur la droite pour suivre l’itinéraire recommandé, un périscope est signalé à 15 degrés tribord par le canonnier de veille à la pièce avant.
Mis aussitôt aux postes de combat en prévenant le convoyeur par un coup de sifflet prolongé conventionnel signalant qu’un sous-marin vient d’être aperçu par tribord. Pendant l’alerte, le périscope n’a pas reparu mais le canonnier assure avoir aperçu à deux fois différentes, à la jumelle, à une minute d’intervalle environ et à la distance moyenne de 3000 mètres, une hampe surmontée d’un point noir, sortant de l’eau à 1 m au dessus des lames. Le canonnier, qui avait l’ordre de tirer, n’a pas pu pointer sa pièce à cause du champ de tir qui était masqué du côté tribord par la grue des ancres. Dès que la possibilité d’un sous-marin à 3000 m du bord m’a paru évidente, je suis venu à gauche toute en mettant la machine à toute vitesse pour m’écarter le plus vite possible de son gisement. Le convoi est venu aussitôt, sur l’ordre du torpilleur, au S60W pour revenir graduellement au Nord, de manière à se maintenir dans la limite des grands fonds situés entre les bancs des Esquerquis. J’ai envoyé à 15h00 un allo au poste TSF de Bizerte qui a été répété immédiatement par les postes du Cap Bon, de Malte et de Capo Sperone.
J’ai maintenu l’équipage aux postes de combat jusqu’à 16h00, estimant qu’à ce moment là tout danger était conjuré.
Sans l’alerte donnée par le canonnier Bruxelles, de veille à l’avant, la route nouvelle allait faire passer le guide à la distance de 2 à 300 mètres de l’endroit où se trouvait le sous-marin. La vigie du nid de pie, bien qu’étant également munie de jumelles, n’a rien aperçu. Il est fort probable que sans l’attention portée à la veille par ce marin d l’Etat, DANUBE aurait été torpillé. Je demande pour BRUXELLES Pierre, canonnier breveté de 1ère classe, Calais 1750, à titre de stimulant pour le service de veille, une récompense. Les services de ce canonnier sont parfaits.
Continué ensuite la route sur les instructions du convoyeur pour atteindre le chenal de sécurité qui conduit à Bizerte.
DANUBE a franchi le goulet à 21h00 pour mouiller sur la rade de Sidi Abdallah à 22h10.
Appareillé de Bizerte le 14 Juillet à 16h00 pour se rendre à Bône, suivi du vapeur italien GIOVE, escorté par les torpilleurs 356 et 264 jusqu’à la nuit. Arrivé à Bône le 15 Juillet à 04h55. Quitté Bône le même jour à 16h00 et fait route suivant les instructions pour atteindre Marseille. Pendant la journée du 16, DANUBE a été escorté par des patrouilleurs de 07h00 du matin jusqu’à la tombée du jour. Routes en zigzags jusqu’à la limite des grands fonds situés à l’approche du phare du Planier. DANUBE est arrivé au poste d’arraisonnement à 10h15 et est rentré dans le port de Marseille à 11h30 pour s’amarrer à la traverse des abattoirs côté Sud.
Avons besoin de 625 tonnes de charbon et de 350 tonnes d’eau douce. La provision d’obus est à compléter de 2 pour le 75 et de 3 pour le 90, ces obus ayant été tirés pour essai des pièces qui ont très bien fonctionné.
Enfin, le 28 Juin, étant sur rade de Salonique, le canonnier Blanchetière Maurice, 58543.5, a été débarqué suite à un rapport que j’ai adressé à l’Amiral commandant la Division Navale d’Orient, pour délits commis contre la discipline. Il a été remplacé le 29 par le canonnier Pierre Bruxelles, 1750 Calais, qui rallie Toulon pour être mis à la disposition des autorités maritimes du 5e dépôt.
Voici la signature du capitaine
Les sous-marins rencontrés
Le 10 Juin, c’était l’UC 35 de l’Oblt z/s Ernst VON VOIGT. (Voir récit du torpillage de l’ANNAM)
Pour le 12 Juillet, le sous-marin n’est pas identifié. Mais à proximité de Bizerte se trouvait alors l’UC 67 du Kptlt z/s Karl NEUMANN. On pourrait penser à lui.
Récompenses
Attribution de 20 points exceptionnels
BRUXELLES Pierre Canonnier breveté Calais 1750
Par sa veille attentive a décelé la présence d’un sous-marin qui se préparait à attaquer son bâtiment.
Cdlt