Les pertes françaises du 11 novembre 1918

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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

Les pertes du 33e RI le 11 novembre 1918 sont évoquées dans au moins deux sources.
La première se trouve sur le riche site Histoire-Généalogie, à travers l'évocation des souvenirs de Marcel Marandeau, blessé ce matin-là :
https://www.histoire-genealogie.com/La- ... -1914-1918

Extrait : "Pendant toute la nuit, le bataillon essaye de franchir la rivière mais ce n’est que vers 4 heures, le 11 novembre, que les éléments du bataillon atteignent le 2e pont d’Eppe-Sauvage qui saute un instant après que les troupes l’aient franchi. Le village est traversé et nos soldats continuant leur progression sont arrêtés par un autre ruisseau à l’est du village. Afin de le franchir, des passerelles de fortune sont construites à la hâte par les sapeurs accompagnant le bataillon. Marcel et 3 camarades sont désignés pour aller reconnaître une de ces passerelles. À peine engagés, ils sont pris sous le feu d’une mitrailleuse, tuant sur le coup le soldat se tenant à côté de notre Poilu. Ce dernier étant lui-même touché à la cuisse droite, et ses deux autres camarades, blessés également."

La seconde figure dans En ce temps-là... un gamin d'Eppe-Sauvage, d’Auguste Hanon, publié en 1983 :
"Quelques instants après, une compagnie du 33e RI débouchait du "Grand Sarti". Enfin les libérateurs. Une autre compagnie de ce régiment délivrait le village même, mais hélas un soldat fut tué par un Allemand caché dans le clocher. Mourir à quelques heures du cessez-le-feu… Triste destin. Cet infortuné était de Valenciennes. Son corps fut longtemps honoré dans le petit cimetière du village. Il n’y est plus de nos jours, mais sa croix de bois est toujours là. Trois autres soldats furent tués à l’endroit que l’on appelle aujourd’hui la "croix du soldat"."

Il reste à explorer bien d'autres sources de "mémoire locale", et bien d'autres carnets et / ou correspondances, pour relever des traces de pertes de ce dernier jour sur le front belge, franco-belge ou français.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

Mon intervention initiale de cette discussion (ou si peu), en juin 2016, contenait des erreurs ou des manques, qu'il m'est à présent possible de corriger ou de combler.

A la VIe Armée :
6e RC : Paul Jean Pierre ADAM, tué à Cloître. Sa fiche MdH indique « tué à l’ennemi / 11 novembre 1918 », ce que confirme son RM : « tué à l’ennemi le 11 novembre 1918 par balle à Cloître ».

A la Ire Armée :
411e RI : Auguste Joseph RENAULT, tué à Robéchies. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 11 novembre 1918 », et confirmation, à présent bien connue, de son RM : « tué à l’ennemi le 11 novembre 1918 à 10 h 58 à Robechie (Belgique) ».
33e RI : Elie ESTADIEU, tué à Eppe-Sauvage. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 10 novembre 1918 » ; RM : « tué à l’ennemi dans les combats du 11 novembre 1918 à Hippe Sauvage Moustier en Fagne ».
S'ajoutent à cet homme :
Rémy BONTOUX, tué à Eppe-Sauvage. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 10 novembre 1918 » ; RM : « tué le 11 novembre 1918 à Heppe Sauvage ».
Pierre LAFARGUE, tué près de la Croix du soldat, forêt de Trélon. Sur sa fiche MdH : « tué à l’ennemi / du 10 au 11 novembre 1918 » ; sur son RM : « mort pour la France le 11 novembre 1918 ».
Le cas de Lucien Charles Louis DECROCQ reste nébuleux. Né le 8 novembre 1898, sa fiche MdH l'incorpore à la classe 1918 de Lille (/ Dunkerque), sous les matricules 13869 au recrutement, 13869 au corps ! Je n'ai trouvé le RM de ce soldat ni dans les registres de Lille, ni dans ceux de Dunkerque.

A la IIIe Armée :
106e RIT : Michel ALLANDRIEU, tué à Belval-Givet. C'est une erreur, puisque sa fiche MdH le donne « mort pour la France / 11 novembre 1918 », son RM, « fait prisonnier à Malencourt le 20 mars 1916. Disparu depuis le 2 novembre 1918. N’a pas été rapatrié. Décès fixé au 11 novembre 1918 par jugement déclaratif » ; enfin, sa fiche du CICR indique : « prisonnier depuis le 20 mars 16. Interné à Friedrichsfeld, n°84604, baraque 22 B. Sans nouvelles depuis le 2 novembre 18. »

A la Ve Armée :
329e RI : Demêtre Marie LE MOAL, tué à Charroué. Selon sa fiche MdH : « tué à l’ennemi / 10 novembre 1918 » ; RM : « mort au champ d’honneur le 10 novembre 1918 au combat de Charroué (Ardennes) ».
20e BCP : Thimothée Alexandre BRUVIER, tué à Bélair. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 10 novembre 1918 » ; RM vierge.

A la IVe Armée :
8e RC : Julien Baptiste PORCHER. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 11 novembre 1918 » ; RM : « tué par éclat d’obus à la poitrine, près de Mézières, le 11 novembre 1918 ».
Eugène Léon THOMASSIN, tués près de Mézières. Fiche MdH : « tué par éclats d’obus / 11 novembre 1918 » ; RM : « tué par éclat d’obus près de Mézières, à 1 h. le 11 novembre 1918 ».
251e RI : Louis WILLAINE, tué à Torcy. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 10 11 novembre 1918 » ; RM : « tué à l’ennemi à Torcy (Ardennes) ».
161e RI : Jean Baptiste ROUXEL, tué près de Vouziers. Erreur, là aussi. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 11 novembre 1918 » ; RM : « disparu le 1er novembre 1918. […] Décès fixé au 1er novembre 1918 par jugement déclaratif ».
142e RI : Maurice Louis Fernand NICOD, tué entre Flize et Nouvion. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 11 novembre 1918 » ; RM : « tué à l’ennemi le 10 novembre 1918 au cours de la progression de Voncq à Flize (Ardennes). Rayé des contrôles le 11 novembre 1918 ».

2e CAC / 15e DIC :
5e RIC : Aristide ANDRÉ, mortellement blessé à Beaulieu. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 11 novembre 1918 » ; RM : « décès constaté le 12 novembre 1918. Décédé le 11 novembre 1918 à Verdun (avis de la mairie) ».
Joannès Philibert DURET, tué à Peuvillers. Fiche MdH : « tué à l’ennemi / 11 novembre 1918 » ; RM : « tué à l’ennemi le 11 novembre 1918 à Peuvillers » ; acte de décès : « décédé à Peuvillers le onze novembre mil neuf cent dix-huit, tué à l’ennemi ».

Quelques cas en moins, quelques cas en plus : tout cela ne nous permet pas d'atteindre le fameux chiffrage de "88 tués" de la période du 11 au 15 novembre 1918. Il me fallait néanmoins corriger les erreurs commises.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir à tous,

La lecture de l'article du lieutenant-colonel Grasset, "Le dernier combat du communiqué", publié dans le numéro 4495 de L’Illustration, en date du 27 avril 1929, permet de mieux comprendre, pour ne pas dire de comprendre "enfin", la raison de cette focalisation sur les combats de Nouvion et Vrigne-Meuse, et le délaissement des combats livrés en d'autres points du front le 11 novembre 1918. Son introduction - la toute fin de celle-ci surtout - laisse songeur :

"Dimanche dernier, 21 avril, les anciens de la 163e division, en présence du général Gouraud, gouverneur de Paris, ancien commandant de la 4e armée, et du général Boichut, gouverneur de Strasbourg, ancien commandant de la 163e division, se groupaient pieusement autour d’un monument élevé au nord de Vrigne-Meuse, sur le mamelon dit du Signal de l’Epine, à ceux de leurs camarades tombés là, les 10 et 11 novembre 1918, quelques heures avant la fin de la guerre. Vraiment, ceux-là, qui, après avoir souffert et échappé à la mort pendant plus de quatre années, ont achevé leur carrière avec, au cœur, l’espérance des très prochains revoirs, sont bien, entre tous nos chers morts, les plus dignes de pitié ! Et voilà pourquoi il nous a paru bon de gravir, nous aussi, ce mamelon, pour nous recueillir un instant devant le marbre glorieux et communier, avec les camarades de la 163e division, dans le souvenir de nos héros.
Un lieu historique, aussi bien : un lieu de triste pèlerinage. Jetez un coup d’œil vers l’Est. A 6 kilomètres, vous devinez Sedan, c’est-à-dire Bazeilles, Givonne, le calvaire d’Illy, la charge de la division Margueritte, la Maison des dernières cartouches… Là, à vos pieds, Donchery, où passa le IIe corps prussien ; Vrigne-Meuse, par où déferla le 5e corps, tous les deux se hâtant vers le Nord pour encercler l’armée française pelotonnée à Sedan, autour de Mac-Mahon blessé… Là, à côté, la presqu’île d’Iges, le camp de la misère, cette boucle de la Meuse où tant de nos malheureux soldats, parqués comme du bétail, sont morts de faim sous l’œil des sentinelles allemandes.
Or, c’est justement à côté de ces lieux où agonisa l’armée impériale française, trahie par la fortune, que nos poilus ont tiré les derniers coups de fusil victorieux de la grande guerre. Et le souvenir radieux de ceci atténuera désormais la sombre tristesse de cela. Le destin, qui se plaît à ces coïncidences, l’a voulu ainsi."

Peut-être aurait-il été concevable de lire de telles phrases en 1919, mais il est étrange qu'un tel éclairage ait été porté sur les faits une décennie plus tard. Alors c'était donc ça ? Il fallait laver l'affront de 1870 sur les mêmes lieux, en 1918 ? Que des combats aient été livrés en se portant là-haut, vers Charleroi (où le sort des armes françaises n'avaient pas été meilleur dans un passé plus récent...), ou sur des champs de bataille qui ne nous avaient pas souri non plus en 1792 ou en 1815, tel n'était pas le sujet : c'est bien la sacro-sainte "guerre de 70" qui hantait encore l'histoire militaire... et l'historien militaire. Mais le fait est, il y a parfois chez Grasset une propension à faire prendre des libertés à sa vision des choses ; ainsi, dans son ouvrage intitulé "Passage de la Meuse par la 163e division", qui fait suite à son article de L'Illustration, il va jusqu'à écrire dans son avant-propos : "Or, le 9 novembre, à la nuit tombée, l'ordre arrive, formel, de franchir la Meuse, au plus vite, dans la nuit du 9 au 10 ; de la franchir n'importe où, n'importe comment, au besoin "sur les voitures des trains régimentaires, mises en travers du fleuve..." Cela, parce qu'il faut agir sur le moral de l'ennemi. Mais rien n'est prêt. Ni le corps d'armée, ni la division n'ont encore groupé leurs moyens [...]." Cet ordre de franchissement, qui serait "tombé" sur la 163e DI, et tout particulièrement sur le 415e RI, le 9 novembre au soir, a fait florès. Et pourtant, il est écrit en toutes lettres, dans le JMO de la 163e DI, en date du 8 novembre : "D'après l'ordre général n°456 (14e CA - 7 nov.), la DI doit achever de nettoyer la rive gauche de la Meuse, puis se borner à s'assurer de la possession immédiate des passages, pour déboucher sur la rive Nord dès que l'ordre en sera donné." Nouvelle mention le 9 novembre : "Celui-ci [l'ennemi] occupe en force la rive droite de la Meuse, qui ne doit être franchie que lorsque l'ordre en sera donné."

Les deux points sont instructifs : le 8 novembre, il apparaît que c'est le corps d'armée, dans un ordre daté du 7, qui donne ses directives à la division en vue d'un franchissement prochain (l'on est loin, ici, d'un ordre brusque tombé du GQG sur la 163e DI le 9 au soir) ; le 9, la formulation adoptée dans le JMO laisse penser qu'il faut réfréner l'entrain de troupes prêtes à traverser.

Une fois encore, il y a là des choses qui ne cadrent pas avec une histoire racontée depuis plusieurs années.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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air339
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par air339 »

Bonjour,


Les ordres pour les dernières salves, causant a mort du soldat Renault, 411e RI, quelques minutes avant l'armistice, se retrouvent dans une lecture attentive des JMO des unités dépendant du 15e CA.

A la 51e DI, les chefs d'unités sont réunis vers 8h, ordre est donné de pousser le plus loin possible au-delà de la frontière qui est sur le point d'être franchie.

A partir de 10h55 les canons accompagnant les bataillons d'avant-garde tireront une salve toutes les minutes.

jmo 73e RI 11 novembre 1918.jpg
JMO 73e RI, 11 novembre 1918


Le 411e RI franchit la frontière belge, dépassé ensuite par le 6e RI. Mais un bataillon du 411e obtient de continuer sa progression face à Robechies. Le 3e groupe du 58e RAC tire la première salve à 10h55, qui s'abat près des soldats. Des fusées sont lancées, la seconde salve s'abat encore trop près et tue le soldat Renault, dont le décès est fixé à 10h58.


Cordialement,


Régis
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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir à tous,

"La Fin du cauchemar. 11 novembre 1918", de Rémy Cazals, contient deux témoignages intéressant la discussion menée ici.

Le premier est celui de Camille Rouvière, du 411e RI : "11 heures moins cinq. Nos 75 tapent encore. Plus rien ne manquera désormais à la Passion du fantassin : par-delà Wallers et ses drapeaux, à l'heure H de l'armistice, deux camarades du 411e ont été massacrés par les dernières salves de nos 75." Si l'un de ces deux hommes était Auguste Renault, qui était le second ? Deux hommes ont-ils bel et bien été tués, ou l'un a été tué, et l'autre blessé ? La question reste entière.

Le second est celui de Gaston Mourlot, du 1er génie : "Le plus triste du lieu [près de Flize] était que sur la plaine, de notre côté, il y avait pas mal de poilus étendus sur le terrain ; douze types du 19e avaient été butés la nuit précédente, et un caporal à 10 heures et demie ce matin." Le JMO de la compagnie 4/62 du 1er génie indique en date du 11 novembre : "La 2e section est chargée de la garde de la passerelle en terminant le garde-corps. Le caporal Cholley est grièvement blessé par une balle en exécutant une réparation." Etait-ce le caporal mentionné par Mourlot, mais qui ne semble pourtant pas avoir été tué, en se fiant à la base collaborative de MdH ? Là aussi, cela reste à éclaircir.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
Dernière modification par Eric Mansuy le ven. oct. 29, 2021 2:30 pm, modifié 1 fois.
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air339
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par air339 »

Bonjour,


Dans les dernières victimes inconnues :

R Henault comp.jpg
Plaque en vente il y a peu, pour plus de 170 euros. On remarquera son remarquable état de fraîcheur, le nom R. + Henault = Renault ?
Cet homme est introuvable sur MdH, Genweb, Grand Mémorial, de même que Marcel Mandart...


Cordialement,

Régis
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gizmo02
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par gizmo02 »

Bonjour

les portraits sont inversés, le soldat du 89 RI (fiche matricule) est bien Mandard
tous deux de Molineuf (41)

HENAULT Pascal sergent au 20e R.C.C.
http://memorialgenweb.org/memorial3/htm ... &id=812277

MANDARD Marcel soldat au 156ème RI, 89 RI premier régiment
http://memorialgenweb.org/memorial3/htm ... &id=812269

Cordialement
air339
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par air339 »

Bonjour,


Merci Gizmo02 pour cette recherche poussée. Donc Mandard (avec un D) et Henault Pascal, ce dernier décédé en formation sanitaire le 18 novembre 1918,de maladie contractée en service.
J'en étais arrivé à avoir un doute sur cette plaque.

Bien cordialement,


Régis
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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir à tous,

En parallèle avec le sujet consacré aux pertes américaines du 11 novembre 1918, et à la part prise par l'artillerie américaine (qui sera bientôt complété ; viewtopic.php?f=4&t=11016#p518028 ), quelques autres extraits issus de "La Fin du cauchemar. 11 novembre 1918", de Rémy Cazals.

Dans les Ardennes :
André Aribaud, du 273e RAC (2e DCP) :
« Le 11 novembre, de grand matin, nous mettons en batterie sur une falaise dominant la Meuse, à droite de La Francheville, à six kilomètres environ de Charleville-Mézières qui est sérieusement bombardée par l’artillerie allemande (obus à gaz et explosifs). Ceci jusqu’à 9 heures. Nous exécutons un dernier tir très violent, avec comme objectif les rives de la Meuse, toujours tenues par les Allemands. Vers 10 heures, un planton à cheval vient annoncer au capitaine que l’armistice est prévu pour 11 heures. Nous arrêtons le tir à l’heure fixée. » (op. cit., page 54)

Hippolyte Davat, du 206e RAC (RGA) :
« Le 11 novembre, dans un verger en haut d’Omicourt. J’ai entendu la canonnade cette nuit et, ma foi, elle tonnait encore assez. Sur le matin, j’entends siffler et craquer de nombreux zinzins, encore éloignés devant nous. Il fait froid, du brouillard épais. Des rumeurs, puis on apprend que ça finit à 11 heures ! Est-ce que cela pourrait être vrai ? Mais on entend toujours le canon et aucun de nous veut croire que cela finit ce matin. » (op. cit., page 66)

Près de Guise :
Marius Hourtal, du 256e RAC (47e DI) :
« Le 10 novembre, on tira quelques coups de semonce, pour les avertir que nous étions toujours là, et le 11, le lieutenant Mauclair et le sous-lieutenant Georges vinrent nous dire qu’à 11 heures on devait cesser le feu. Je ne l’ai pas cru tout d’abord. Les canons étaient chargés. Il n’y avait qu’à rabattre la poignée de la culasse et tirer la ficelle, le coup partait. Et moi, n’y tenant plus à la pensée qu’il fallait retirer cet obus, je m’assois à la place du tireur, je donne de la hausse au cadran et je tire la ficelle. Le lieutenant, qui était sous sa tente car depuis quatre à cinq jours il bruinait nuit et jour, et il s’était mis un peu à l’abri, sort et demande à la première pièce : « Qui a tiré ? » Les copains répondent : « La quatrième ! » « Cela ne m’étonne pas, dit le lieutenant. Hourtal n’en rate aucune ! » Il vint pour me réprimander. Je lui fis voir la hausse et je lui dis : « Un de plus ou un de moins, ils le digèreront, et moi j’ai mon canon nettoyé, l’obus est parti à cinq ou six kilomètres des lignes allemandes. » L’incident fut clos. Moi, je regagnai ma guitoune, j’étais trempé, et le lieutenant aussi. Ce fut le dernier coup de la batterie, et peut-être de la guerre ! » (op. cit., page 63)

Les JMO, çà et là, corroborent cette activité de l'artillerie, parfois jusqu'à un moment très proche des 11 heures fatidiques. Ainsi à la Ire Armée :
- « 11 novembre. Tandis que la division avançait vers la frontière belge en repoussant le boche, le général commandant la division réunit à 8 heures du matin à la maison Herman située dans le bois, tous les chefs de corps et leur annonça qu’à 11 heures précises cesseraient les hostilités. A cet effet, il prononça qu’il désirait que l’infanterie s’efforce de pousser en avant le plus loin possible afin de ne s’arrêter qu’en Belgique. De plus, il donne l’ordre à l’artillerie d’avant-garde de tirer jusqu’à la dernière minute et recommande même un tir nourri de 10 h. 55 à 11 heures. A 11 heures précises, dit-il, les troupes s’arrêteront sur leurs positions. Les musiques joueront la Marseillaise et les clairons battront aux champs. Dans la matinée de cette journée, le 1er groupe fit mouvement et s’arrêta dans le bois de Trelon où il attendit l’heure de l’armistice. A 11 heures ½, il part pour Eppe Sauvage où il cantonne. Les pièces sont mises en batterie par ordre du général. » (1er groupe du 215e RAC (51e DI))
- « 11 novembre. A 7 heures, mise en batterie de 2 pièces aux Haies de Macon. A 11 heures, cessation du feu en raison de la mise en vigueur de l’armistice. 1 pièce détachée met en batterie à l’Est de Chimay à 8 heures, appui d’avant-garde du 401e RI. A 13 heures, reconnaissance. A 15 heures, mise en batterie à Sainte-Geneviève. » (45e batterie du 265e RAC (133e DI)).

Il en va de même à la Ve Armée :
« 11 novembre. La progression de l’infanterie reprend. Nous devons nous porter en avant dès que le 5e bataillon aura dépassé le bois d’Arreux. La batterie s’ébranle à 8 heures et arrive à Houldizy vers 9 heures. Le capitaine est parti avec le commandant d’infanterie du 5e bataillon, qui s’avance dans le brouillard sans rencontrer de résistance dans la direction de Monthermé par l’Arbre à la Vierge. Au moment où il rejoint le 6e bataillon qui s’avançait par une autre route, un planton apporte l’ordre de s’arrêter et d’éviter tout contact avec les Boches. La batterie s’arrête à Houldizy où elle cantonne vers 18 heures. » (6e batterie du 30e RAC (9e DI)).

Mais aussi dans la Meuse, au 2e CAC :
« 11 novembre. Ordre d’attaque pour 8 heures environ après une préparation d’artillerie des 3 groupes sur la lisière Ouest des bois des Montrus et de Damvillers. Préparation de 7 h. 30 à 8 h. 7 h. : avis reçu par TSF et par message de l’AD que l’armistice étant signé, les hostilités cesseront à 11 heures. L’attaque d’infanterie n’aura pas lieu mais les tirs de préparation seront exécutés néanmoins comme si elle avait lieu. De 7 h. 30 à 8 h., exécution des tirs prévus. Violente réaction ennemie à 10 h. dans la région d’Ecurey et aux abords de Réville. 10 h. : un éclatement prématuré d’une batterie de 75 américaine blesse 3 hommes à la 27e batterie. 11 h. : suspension des hostilités. Pertes : Le Bellégo J. Bte, MDL, 27e batterie, blessé (mort de suite) ; Renou Gustave, CSt, 27e batterie, blessé ; Coronat Honoré, CSt, 27e batterie, blessé ; 6 chevaux tués et 9 blessés à la 21e batterie. » (22e RACol (15e DIC)).

Quelles ont été les pertes causées par ces tirs (sans parler des pertes dues à des tirs "fratricides") ? Difficile d'en juger, mais le fait que ces bombardements aient généré des pertes est plausible. Encore une zone d'ombre, que les carences, dans les archives allemandes, ne permettront peut-être pas d'éclaircir.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir à tous,

Etrange découverte dans les pages de ce qui semble être un bulletin d’information de la SNCF, avec un court texte signé de Georges Gazareth, qui aurait retrouvé le corps de Trébuchon peu après la mort de ce dernier.

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Le nom de Trébuchon n’y apparaît pas.

Dans le n°121 de « La Fusée », en 1979, la découverte est mentionnée par André Bonneval, dans son article "L’armistice du 11 novembre 1918 en plein combat. La fin d’une légende" : « Delaluque est très ému, de même que Gazareth, tout pâle, car en rampant tout à l’heure, ils ont trouvé le corps, encore tout chaud et criblé de balles, de Trébuchon, agent de liaison (le dernier tué de la guerre, à 10 h. 50) »

C’est dans "L’Ardennais" des samedi 9 et dimanche 10 novembre 1968 que sont rapportés les souvenirs de Georges Gazareth : « La dernière attaque de la guerre avait fait 80 tués, environ 200 blessés et quelques disparus dont certains avaient dû se noyer en franchissant la passerelle verglacée. La dernière victime de la guerre tombée au feu fut le soldat Auguste Joseph Trébuchon, 25 ans, tué vers 10 h. 50. »

Pourquoi Gazareth, « l’homme par qui le nom de Trébuchon a émergé », si l’on peut dire, ne l’a-t-il pas cité dans un texte signé de sa main, et pourquoi ce nom n’a-t-il pas été cité avant 1968, si ce n’est dans le livre de Guitton ? L’interrogation reste entière.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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