Les pertes françaises du 11 novembre 1918

air339
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par air339 »

Bonjour,


Sur cette carte du "reflux des armées allemandes" insérée dans "La grande guerre vécue, illustrée et racontée par les combattants", librairie Aristide Quillet, 1922, j'ai reporté l'emplacement et le nombre des tués au combat ("à l'ennemi") le 11 novembre, tels qu'identifés jusqu'à présent : 8 soldats, auxquels il faut ajouter un 9e à Fülleren en Alsace.

carte repli 1918 Quillet 006.JPG

6e Cuirassier : Adam
411e RI : Renalut
8e Cuirassier : Mériaux, Porcher, Savy, Thomassin
142e RI : Nicod
415e RI : Laurent


Carte provisoire, en attente d'autres identifications.


Cordialement,


Régis
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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

La lecture du très instructif ouvrage de Georges Guitton, "La Poursuite victorieuse", publié chez Payot dès 1919, nous mène vers de nouveaux questionnements (un très, très grand merci à l'âme charitable, au bienfaiteur, qui m'a fourni ces pages).

Concernant la journée du 10 novembre, nous y apprenons ceci :
« Entre le canal et la Meuse, au milieu de la longue bande de terrain qu’il faut remonter pour atteindre la deuxième passerelle, voici, hélas, le corps d’un camarade, tombé en avant sur les genoux, la tête touchant terre. Je me penche : c’est un mitrailleur du 3e bataillon, Jean Cloup, première victime de cette dure journée. »

Avant 10 heures, c’est le sous-lieutenant Dupin qui est abattu par un tir de mitrailleuse ; son corps est ramené par le sergent Giez, qui est tué à son tour peu après.

« C’est en dirigeant le repli de sa section, à la 9e, que l’aspirant Laurent fut frappé, aux côtés du sergent Brugneaux. »

« Cependant, à Dom-le-Mesnil, malgré la vaillance de nos téléphonistes qui risquaient à chaque instant leur vie pour aller sous la mitraille renouer les fils coupés – c’est dans ce va-et-vient que Charreton fut frappé mortellement […] »

« Quand Dubois a été tué, pas loin du lieutenant Froutet, c’était des ouragans [de balles]. »

« Caporal Beaufils, caporal Ducrocq, tombés héroïquement à leur poste de combat, en refusant de se rendre à l’ennemi qui les encerclait. »

« Devertu, caporal à la 3e section, est tué, dans la position à genoux, presque sur le coup. […] Caroy, qui s’était porté en avant de la maisonnette, est gravement atteint au-dessus du cœur. Charriez se précipite à son secours aux abords d’un tas de rails, et le trouve râlant. »

« Quand Grelier est tombé, de la 5e, Guérif, malgré son tof-tof (fusil-mitrailleur) qui l’embarrassait bien, est allé le chercher ; et Grelier est mort quasi dans ses bras. Frappés à mort aussi le sergent D’Hoker, de la 9e, le sergent Cally, de la 10e, le sergent Mainguet, de la 11e. »

L'évocation de ces noms permet à présent d'établir une liste plus fine des tués du 10 ou du 11 au sein du 415e RI, selon leur affectation et leur lieu d'inhumation originel, lorsqu'il est connu ("D-l-M" pour Dom-le-Mesnil, "V-M" pour Vrigne-Meuse) :
2e compagnie
(V-M) BETHUIZEAU Alfred
(V-M) DUBOIS Julien Ferdinand
(V-M) GUEDON Ernest (tué le 10, à 8 heures)

3e compagnie
(V-M) ACHILLE Julien
(V-M) DELMAS Paul
(V-M) JOUVE Noël Henri
(V-M) LACAPERE Gérard
(V-M) LAURENT Auguste, aspirant (tué le 10)

5e compagnie
(V-M) CARROY Léon (tué le 10)
(V-M) DEVERTU Paul (tué le 10)
(V-M) RENARD François

6e compagnie
(D-l-M) DUPIN Charles Alexandre, sous-lieutenant (tué le 10, à 9 heures)
(D-l-M) GARREAU Julien (tué le 10, à 10 heures)
(D-l-M) GIEZ Just (tué le 10)
(V-M) GRELIER André (tué le 10)
(D-l-M) MARDUEL Jean Louis
(D-l-M) NICOLAÏ Sébastien (tué le 10, à 8 heures)

7e compagnie
(V-M) FABRE Léon
(V-M) LEMAITRE Edouard Marcel

9e compagnie
(V-M) COSTE Roger
(V-M) D’HOKER Marius (tué le 10)
(V-M) TREBUCHON Augustin
(V-M) WUILLAUME Henri

10e compagnie
BACON Roger (tué le 10, à 14 heures)
(V-M) BEAUFILS Narcisse (tué le 10)
(D-l-M) CALLY Théodore (tué le 10)
(V-M) GACHET Jean

11e compagnie
(V-M) BALLARIN Blaise
(D-l-M) MAINGUET Samuel, sergent (tué le 10)
(V-M) MONTAGNE Adolphe (tué le 10, à midi)
(V-M) RIBO Henri

CM1
(V-M) REYNAUD Henri
(V-M) SICARD Thomas

CM2
(D-l-M) SOUCAZE Thomas

CM3
(D-l-M) CLOUP Jean (tué le 10)
(V-M) CORS Henri
(V-M) HOUIS Emile
(V-M) JAMOT Emile

CHR
(D-l-M) CHARRETON Louis (tué le 10)

1er bataillon
(V-M) IMBAULT Raymond

3e bataillon
(V-M) SALUT Victor

Affectation inconnue
(V-M) BOURROUILH Jean Pascal
(V-M) DUCROCQ Julien Emile (tué le 10)
(D-l-M) DUPOUY Adrien
HARNICHARD Louis
MICHELAND Louis
(V-M) PRORIOL Jean
(V-M) VIGROUX Camille

--------------------

Le 11 novembre, Guitton note : « 10 h. 45. Une salve de 150 s’abat sur Dom-le-Mesnil. 10 h. 57. Les mitrailleuses tirent des deux côtés. » Le 12, Dupin et Charreton ont déjà été inhumés à Dom-le-Mesnil. Il ajoute : « Dans la soirée du 11 et la matinée du lendemain, on rapporta dans ce même village encore une dizaine de corps. Mais pourquoi ramener en-deçà de la Meuse ceux qui avaient eu le cœur de la franchir ? Ne serait-il pas plus glorieux pour eux de reposer là où ils étaient tombés ? On fixa donc aux brancardiers comme point de rassemblement le cimetière de Vrignes-Meuse. […] Le mardi soir, trente-trois corps étaient alignés dans l’église de Vrignes. »

C'est le 13 novembre que le plus surprenant reste à lire, avec la découverte des corps de Trébuchon et Coste :
« Vers 7 heures, tandis que le régiment s’ébranlait, on vint me signaler encore deux cadavres qui n’avaient pu être relevés, dans les bois, à quinze cents mètres au Nord de la fabrique de phosphates. Comment les transporter ? Les sapeurs étant déjà partis pour Vrignes, je résolus de faire appel à la population civile de Dom-le-Mesnil. A la messe de huit heures et demie, j’exposai mon embarras et demandai s’il n’y aurait pas, dans le village, des hommes robustes qui accepteraient de venir m’aider. De toutes parts, je vis de suite des têtes faisant signe que oui. « Et s’il y a aussi, ajoutai-je, des jeunes gens ou des enfants qui veulent se joindre à nous, ils pourraient battre les taillis et les ravins, pour bien s’assurer que nous ne laissons personne sans sépulture… » Toutes les têtes des enfants de chœur s’inclinèrent d’un seul coup et des oui, oui, montèrent vers l’autel. Voyant cet empressement, je poursuivis : « S’il y a même d’autres personnes du village qui désirent nous accompagner, elles seront les bienvenues ; on n’est jamais trop, quand il s’agit de faire cortège à nos Morts et de prier pour eux. » Je donnai rendez-vous à tout le monde devant l’église pour 11 heures.
Quand, à l’heure dite, j’arrivai sur le perron du presbytère, je trouvai bien là tous les éléments valides de Dom-le-Mesnil : porteurs de brancards, enfants de chœur au complet avec la croix de procession, chantres, femmes et jeunes filles, dont plusieurs avaient le chapelet en main, vieux et vieilles, quelques-uns marchant avec deux bâtons – « Quoi ? Grand-mère, vous aussi ! – Je crois bien : on me donnerait cent francs pour ne pas y aller que je les voudrais pas ! »
Et je partis de l’avant pour cacher mon émotion. D’emblée, je venais d’acquérir la conviction que nos braves enfants du 415e ne seraient pas oubliés. J’allai tout d’une traite jusque de l’autre côté des passerelles. Là, on fit halte, pour attendre les retardataires, sur le tertre qui avait, dimanche matin, abrité le P.C. du 1er bataillon. De cette élévation, comme d’une pointe d’éventail, l’œil, par ce temps radieux, embrassait tout le vaste hémicycle où s’était déroulée la bataille, les collines boisées au Nord, et à droite les pentes dénudées de la cote 249 ; il fut facile de retracer les principales phases du combat. Mais pendant tout ce récit, quelle flamme dans les yeux qui se fixaient sur moi ! Les fronts – surtout des jeunes gens – étaient plissés, les regards tendus. Manifestement, tous faisaient effort pour graver en leur mémoire les épisodes racontés et les noms de ceux qui avaient dirigé la lutte.
Puis on se remit en marche, lentement, à cause des barbelés où les robes s’accrochaient. On contempla longuement le talus du chemin de fer, avec ses niches individuelles creusées tout du long à un mètre l’une de l’autre : c’est là qu’ils s’étaient repliés, là qu’ils avaient tenu tout un jour, là qu’ils avaient dormi, là que plusieurs avaient été tués. C’est derrière une de ces mottes de gazon que tu t’étais mis à l’abri, pauvre ami N*** [ce doit être Sébastien Nicolaï], croyant être en sécurité. Mais tu commis l’imprudence de lever la tête, une demi-seconde seulement ; c’en fut assez : un d’en face t’avait aperçu. Il braqua sa mitrailleuse sur ton frêle rempart ; il le laboura du sillon de ses balles, il le faucha rageusement, faisant voleter la terre autour de ta tête, il le rasa… et ton casque ne fut pas assez fort… Nous récitâmes une prière pour toi, pour les autres, et l’on passa.
A la fabrique de phosphates, la colonne se scinda, les uns montant à gauche, à pic, par les clairières, les autres suivant le creux du ravin par lequel dimanche, entre 9 et 10 heures, s’était glissé le gros de l’infiltration allemande. On fouillait avec soin tous les taillis, tous les fourrés, où un de nos braves aurait pu se traîner pour mourir. Il y eut près d’une demi-heure de recherches, dans un silence émouvant : l’œil cherchait à voir, mais redoutait encore plus de trop trouver… Puis soudain, en haut, vers la droite, des clameurs ; des enfants accourent à bout de souffle, en faisant de grands signes. Ils avaient trouvé Trébuchon ; Coste était à une centaine de mètres plus au Nord dans le coin d’une clairière… Tandis que les plus vaillants continuaient à battre les bois en avant, les deux cadavres avaient été rapprochés ; et les enfants, les femmes, les vieux s’étaient massés tout autour, pleurant et priant. Aussitôt, les chants liturgiques commencèrent. Je ne crois pas que jamais levée de corps fut plus touchante. Les assistants sentaient si bien qu’ils avaient ici la mission de remplacer les familles absentes, qui ne savaient rien encore de la triste vérité, et qui peut-être, à la suite de l’armistice, étaient en train d’écrire à leurs enfants des lettres de joie sur leur prochain retour !
On se mit en procession, la croix en tête ; et le cortège se dirigea lentement, à mi-pente de la cote 249, droit en direction du clocher de Vrignes-Meuse. Tout le long du trajet, la psalmodie alterna avec les prières. […] »

Le lieu où les fractions se sont séparées pour partir à la recherche de corps est "la Carcanerie" chez Grasset :

Image

Chez Guitton, il s'agit donc de "la fabrique de phosphates" :

Image

Ce lieu est à présent "L'Equarrissage" :

Image

La portion encadrée en rouge me semble correspondre au secteur où les corps de Trébuchon et Coste auraient été retrouvés, avant que la procession ne parte vers Vrigne-Meuse (flèche bleue), à "mi-pente" vers le clocher du village. L'on est loin d'un talus de voie de chemin de fer où le corps de Trébuchon est censé avoir été retrouvé par Gazareth :
http://www.leparisien.fr/espace-premium ... 302379.php

L'on est également loin de la formule "Où est donc passé Trébuchon ? [...] On ne cherche pas bien longtemps."
https://books.google.fr/books?id=uIthDw ... er&f=false

De quoi soulever bien des questions, dont celle-ci : pourquoi le témoignage de Gazareth est-il uniquement - ou presque, à très peu de choses près - celui sur lequel s'appuie l'histoire de Trébuchon telle que racontée, reprise, relayée depuis près de 20 ans, en faisant fi de celui de Guitton ?

Bien cordialement,
Eric Mansuy
Dernière modification par Eric Mansuy le ven. oct. 29, 2021 2:14 pm, modifié 1 fois.
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air339
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par air339 »

Bonjour Eric,



Voilà qui semble clore le débat sur les circonstances de la mort de ces deux hommes, le lieu de découverte des corps étant celui des combats de la matinée du 10, évacué vers 13h 11h pour se replier derrière la voie ferrée.

Le témoignage du capitaine Bonneval, recueilli par Jacques Meyer dans les années 60, indiquait, pour "le dernier des derniers", un agent de liaison de la classe 16, ce qui excluait Augustin Trébuchon, l'Historique du 415e place le décès de ce dernier à la date juste, la fiche du ministère des Pensions n'est pas falsifiée.


Ce qui interroge dans la narration moderne du "dernier tué", c'est comment on est arrivé à désigner un homme sans aucune source à l'appui, puis comment on a pu échafauder la thèse des états-civils falsifiés.


Merci Eric pour le partage de ce précieux témoignage, merci à celui qui l'a communiqué !


Bien cordialement,


Régis
Dernière modification par air339 le dim. nov. 25, 2018 4:08 pm, modifié 1 fois.
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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonjour Régis,
Bonjour à tous,

Dans un nombre de cas non négligeable, bien difficile de savoir "qui" a été tué "quand" et plus ou moins précisément "où", même en confrontant de rares témoignages. Deux exemples :

- selon Georges Guitton (1919), Louis Charreton est tué le 10 : « Cependant, à Dom-le-Mesnil, malgré la vaillance de nos téléphonistes qui risquaient à chaque instant leur vie pour aller sous la mitraille renouer les fils coupés – c’est dans ce va-et-vient que Charreton fut frappé mortellement […] » ; les faits qu'il cite ont lieu le 10 novembre, avant 13 heures.
Selon Albert Burner (1968), Charreton meurt le 11 : « Pendant l’office, deux cercueils contenant les restes du sous-lieutenant Dupin, de la 7e Cie, tué le 10, et du téléphoniste Charreton de la C.H.R. tombé aux premières heures du 11 furent amenés. »

- d'après Guitton, le sergent Mainguet est tué le 10 : « Quand Grelier est tombé, de la 5e, Guérif, malgré son tof-tof (fusil-mitrailleur) qui l’embarrassait bien, est allé le chercher ; et Grelier est mort quasi dans ses bras. Frappés à mort aussi le sergent D’Hoker, de la 9e, le sergent Cally, de la 10e, le sergent Mainguet, de la 11e. » ; la conversation qu'il rapporte a lieu au moment de la soupe, le 10 novembre au soir.
D'après le colonel Grasset (1938), Mainguet tombe le 11 : « D’ailleurs, quelques minutes après l’annonce de l’armistice pour 11 heures, à la compagnie Boyer (11e) du 415e, un chef de section, le sergent Mainguet, était frappé à mort d’une balle en plein front. »

Au passage, un inconnu reste au coeur de la seule source militaire de première main disponible en ligne, le JMO du service de santé du 415e RI : l'homme tué par un obus à "11 h. -5" près du poste de secours...

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Stephan @gosto
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Stephan @gosto »

Salut Eric,

Juste en passant, car je n'ai malheureusement que peu de temps actuellement : bravo ! et passionnant !
Il manquait un travail rigoureux sur la question et tu es en train de le réaliser.

Un bouquin dont je ne sais s'il fut signalé dans ce fil : Gérard Dardart, "Mourir un 11 novembre". Vrigne-Meuse, la dernière bataille", Les Cerises aux Loups, 1998. Préface de... Pierre Miquel... et les débuts de la gloire pour Trébuchon.

Amitiés.
Stéphan
ICI > LE 74e R.I.
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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

En accumulant et recoupant différentes sources - JMO et témoignages - il apparaît en outre dans cette affaire des combats de Nouvion, Dom-le-Mesnil, Vrigne-Meuse, que le chiffrage des pertes est une donnée complexe au sein de la 163e DI, et pour le 415e RI en particulier.

Voici ce qu'il en ressort :

1) JMO de la 163e DI :
10 novembre :
Pertes : 53e RI : néant
415e RI : 45 tués (dont Lt Dupin) – 89 blessés – 16 disparus
142e RI : – tués – 16 blessés (dont un Cdt de bataillon et 1 off.)
19e RI : 12 tués – 28 blessés (dont 1 officier)

11 novembre :
Pertes : 1 tué du 142e RI, à 10 h. 30

2) JMO de l’infanterie divisionnaire de la 163e DI :
10 novembre :
Pertes : 142e RI : 15 tués – 60 blessés
415e RI : 15 tués – 89 blessés – 19 disparus

3) JMO du service de santé du 415e RI :
11 novembre :
« Le 10 et le 11, 47 blessés par éclats d’obus et 96 par balles passent au P.S.C. »
« Les 10 et 11, le 415 a 47 tués sur la rive droite de la Meuse. »

13 novembre :
« Enterrement des morts : 35 à Vrigne-sur-Meuse, 11 à Dom-le-Mesnil, 1 dans les bois. »

4) Lieutenant André Bonneval (CM3 du 415e RI) :
« Lundi 11 novembre, 7 heures du matin… […] On dénombre déjà 37 tués et plus de 100 blessés. […]
On saura, quelques heures plus tard, que ces combats qui fournirent la matière des trois derniers communiqués de la guerre ont coûté :
- 415e R.M.I.A. : 58 tués, 92 blessés, dont 3 disparus récupérés le 11 novembre après-midi.
- 142e R.I. : 15 tués, 60 blessés.
- 19e R.I. (22e D.I.) : 12 tués, 28 blessés.
- Génie : 1 tué, 10 blessés.
Au total : 86 tués, 190 blessés dont les 3 disparus récupérés. »

5) Colonel Grasset :
« On saura demain que, dans ce dernier combat de la guerre, la 163e D.I. a perdu :
Du 415e : 45 tués, 89 blessés, 16 disparus ;
Du 142e : 15 tués, 60 blessés ;
Du 19e : 12 tués, 28 blessés ;
Du génie, pertes inconnues, mais au moins 1 mort, le sergent Rollot, et une dizaine de blessés.
Soit, au total, 73 tués, environ 190 blessés et 16 disparus. »

6) Jacques Meyer (à partir de renseignements fournis par André Bonneval) :
« Dans les combats des 10 et 11 novembre, le 415e eut 92 blessés et perdit 52 morts. »

7) R.G. Nobécourt :
(10 novembre) « Le 415e a perdu 176 hommes dont 84 tués, le 142e, 75 hommes dont 15 tués […]. »

8) Georges Guitton :
« A la gloire de nos Morts, il faut espérer que, sur les onze tombes de Dom-le-Mesnil et les trente-cinq de Vrignes-Meuse, on élèvera sans tarder, pour consacrer leur souvenir et celui du 415e, un monument définitif dans la pierre ou le marbre. »

En tablant sur le contenu du JMO du service de santé du 415e RI, qui est la seule source dont les pertes ("47 tués") sont localisées ("sur la rive droite de la Meuse"), l'exercice le plus hypothétique consisterait à trouver combien, parmi ces "47", ont été tués durant la matinée du 11. Cet extrait de l'ouvrage de Georges Guitton montre toute la complexité de la chose :
« Dans la soirée du 11 et la matinée du lendemain, on rapporta dans ce même village [Dom-le-Mesnil] encore une dizaine de corps. Mais pourquoi ramener en-deçà de la Meuse ceux qui avaient eu le cœur de la franchir ? Ne serait-il pas plus glorieux pour eux de reposer là où ils étaient tombés ? On fixa donc aux brancardiers comme point de rassemblement le cimetière de Vrignes-Meuse. […] Le mardi soir, trente-trois corps étaient alignés dans l’église de Vrignes. »

Conclusion : les tués de la rive gauche n'ont pas été les seuls à être inhumés à Dom-le-Mesnil, et il n'est donc pas impossible que des tués du 11 se trouvent dans ce cimetière ; le cimetière de Vrigne-Meuse rassemble des tués du 10 et du 11. C'est ici que le témoignage d'André Bonneval est instructif : « Lundi 11 novembre, 7 heures du matin… […] On dénombre déjà 37 tués et plus de 100 blessés. […]. » Si le nombre de tués dans les rangs du 415e a effectivement été de 47, 10 l'auraient donc été le 11 au matin.

En l'état, les archives et sources disponibles en ligne ne semblent pas permettre d'en savoir beaucoup plus.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par air339 »

Bonjour Eric,



Au 415e RI on dénombre donc entre 15 et 84 tués selon les sources, avec la question récurrente du périmètre retenu :
- tous les décès du 415e des 10 et 11 quelque soit le lieu ?
- tous les décès autour de la Meuse, uniquement les 10 et 11 ?
- tous les décès liés au franchissement de la Meuse y compris ceux survenus des suites de blessures ?


Sur ce tableau, un croisement des données avec MdH comme source des lieux et dates :

pertes 415e RI 1.jpg
pertes 415e RI 2.jpg


Le lieu de décès d'Adrien Dupouy n'est pas identifié : "Hourssin" ? = Nouvion, de même pour Henry Chapuy à "Souzières" = Vouziers dans les Ardennes.


Les 37 tués indiqués par André Bonneval sont-ils seulement ceux connus, les 10 autres n'ayant pas eu de témoins et étant considérés comme "disparus" ?


Bien cordialement,


Régis
Dernière modification par air339 le jeu. févr. 21, 2019 10:35 am, modifié 1 fois.
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Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir à tous,
Bonsoir Régis,

Tant que ce sont des sources en ligne, seules, sur lesquelles nous nous appuyons, il reste de quoi s'interroger...

Chez R.G. Nobécourt ("L'Année du 11 novembre 1918"), voici ce que l'on découvre : "Le soldat Viellet, vers 4 heures du matin, trouve son copain Liset écrabouillé par un 77 à quelques mètres de lui. Les hommes s'enfoncent dans le remblai du chemin de fer." Aucune fiche de décès ne correspond à cet homme. En revanche, Jean Marie Emile Lezé, du 415e RI, a été tué à l'ennemi le "5 novembre 1918" à... "Vrignes-sur-Meuse" [rédigé en lieu et place de "Champagne"]. C'est difficilement concevable (même si son registre matricule porte la même date de décès).

Un tué du 11 novembre au matin au sein du 415e ? D'autres restent-ils à trouver dans des fiches de décès non indexées ? Il reste de quoi faire, une fois encore...

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

Pour en revenir aux quelques noms cités par R.G. Nobécourt, il y a là encore plus de questionnements que de réponses. Deux cas connus, en revanche, et ce dès 1968, à savoir les tués du 20e BCP et du 411e RI.

Au 20e BCP :
« L’un des derniers morts sera, en ce coin-là, le chasseur Timothée Brussière, domestique de culture, tué d’une balle à la tête sur la butte d’Etion. »
Thimothée Alexandre Bruvier, du 20e bataillon de chasseurs à pied, a déjà été cité ici, sa fiche indiquant qu’il a été « tué à Bélair (Ardennes) », mais le 10 novembre, et non le 11. Une fiche du CICR porte la mention « Disparu le 10.11.1918 » ; son RM de la Somme est vierge.

Au 411e RI :
« Le 411e RI franchit tôt la frontière et arrive à Bailièvre dont les habitants ont préparé des seaux de lait sur le bord du chemin. Les soldats y puisent avec leurs quarts sans s’arrêter. Le second village belge, Robechies, est à trois kilomètres. On voudrait bien l’avoir libéré avant 11 heures, dans cinquante-cinq minutes. La 5e compagnie l’atteint à 10 h 50 et en expulse quelques traînards. Alors s’abat, à 200 mètres derrière elle, une rafale de 75. Le lieutenant Porst lance une fusée à six étoiles afin de faire du moins allonger le tir. Une seconde rafale arrive : elle tue Auguste Renault aux dernières minutes de la guerre dont il avait connu les premières, au même régiment. Le commandant, inconscient, de la batterie coupable, prétendra qu’il s’agissait d’une salve d’honneur. »
Les circonstances de la mort de Renault sont maintenant bien connues, son RM portant les mots « Tué à l’ennemi le 11 novembre 1918 à 10 h 58 à Robechie [sic] (Belgique). »

Au 5e RIC :
« Le 1er bataillon du 5e régiment d’infanterie coloniale quitte ses sapes du bois d’Ecurey à 6 heures du matin pour attaquer à 8, à partir de la voie ferrée Verdun-Montmédy au-delà de laquelle l’ennemi s’est retranché et qu’il arrose d’obus. Le capitaine Muller a un bras arraché et va mourir au poste de secours.

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Le caporal Sauzé est tué. […] »

Point de « Sauzé » dans les fiches de décès, mais Clément Amable Sauzedde, caporal du 5e RIC, tué à Bréhéville le 8 novembre 1918, ce que confirme son RM du Puy-de-Dôme. Soit la date de décès ne « colle » pas, soit, cette fois aussi, elle a été sciemment modifiée, du 11 au 8.

Au 150e RI :
« Sortant des caves de Wadelincourt, les poilus se serraient les mains. Les canons ennemis tiraient encore. A 10 h 45, ils tuaient trois fantassins, dont l’un faisait la guerre depuis 1914. »
Là, les choses se compliquent.
L’indexation collaborative de Mémoire des Hommes, par essence incomplète et évolutive, ne donne le nom que d’un seul et unique mort au 150e RI le 11 novembre 1918 : Maurice Manière, mort de ses blessures à Charleville. Son RM indique qu’il a été porté disparu le 16 avril 1917, et est déclaré décédé le 11 novembre 1918.
En date du 10 novembre, deux fiches de décès : deux morts de maladie.
Le 9 novembre : un mort à Wadelincourt, de « blessures de guerre » (ce que confirme son RM de l’Ain) ; un mort par suicide en captivité ; un mort de maladie.
Pour tenter d’en savoir plus, prenons le JMO du 150e RI : les pertes du 1er au 11 novembre 1918 ont été de 12 tués et 2 disparus, 50 blessés. Or, la « Liste des Morts du 150e RI » (bibliothèque du SHD, A2g2607 bis), pour la « bataille des Ardennes », du 1er au 11 novembre 1918, porte 19 noms (1 officier, 2 sous-officiers, 16 caporaux et soldats) ; MémorialGenWeb en cite 13 ; les fiches MdH sont au nombre de 36 (mais incluent des morts en captivité), et la majeure partie d’entre eux a trouvé la mort le 3 ou le 4 novembre.

De toute évidence, à en juger par ce qui est écrit dans sa bibliographie, Nobécourt a obtenu ces noms d’anciens combattants, par « des témoignages directs », ajoutant : « Nous ne pouvons citer tous ces témoins qui ont bien voulu rafraîchir leurs souvenirs, nous communiquer des carnets et des papiers soigneusement gardés depuis cinquante ans. » Au final, outre les noms, qu’ils aient été mal orthographiés ou incorrectement mémorisés, et sans doute certaines dates mélangées dans les mémoires cinq décennies après les faits, son texte a le mérite de rappeler, une fois encore s’il en était besoin, ce qui a été vécu, au combat, en un nombre conséquent de points du front, et non en un seul, ce 11 novembre 1918.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
air339
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Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918

Message par air339 »

Bonjour,



A propos de cette invraisemblable salve d’honneur tuant le soldat A. Renault quelques minutes avant l’armistice, les JMO, malgré l’absence de celui du 411e , permettent de reconstituer son dernier jour de guerre :


Le 10 novembre, à 19h, le 15e CA donne l’ordre (n° 84) de continuer d’avancer le lendemain, à partir de 7h. Cet ordre est transmis à la 123e DI, et y devient son ordre n°111, transmis à ses régiments (6e, 12e, 411e).
A ce moment le 411e est en pointe, et doit être dépassé, le 11 novembre, par le 6e RI. Le JMO de ce dernier confirme l’attaque, préparée l e 11 novembre à 7h55, et dont l’exécution est prévue pour 10h45, avec accompagnement par 2 groupes d’artillerie.

Historique du 411e RI
Historique 411e RI.jpg

Bien que l’armistice soit connu dès 7h, l’ordre est maintenu de poursuivre l’avance.

JMO du 6 RI
JMO 6e RI au 11 novembre 1918.jpg

Il semble alors qu’il y ait eu une compétition pour être en tête au-delà de la frontière : la 123e DI note que le 411e RI n’a pas voulu se laisser dépasser.

L’artillerie d’accompagnement est le 1er groupe du 58e RAC, dont les JMO manquent. La 4e batterie (2e Groupe) relate sa propre mise en mouvement le 11 novembre à 5h du matin, pour se positionner dans les vergers de Wallers-Trelon.

JMO de la 4e batterie du 58e RAC
4e batt 58e RAC 11 novembre.jpg

On retrouve dans cette affaire des éléments déjà mentionnés : la volonté de ne pas se laisser distancer par l’adversaire tant que rien n’est officiel. Pas d’ordres introuvables, pas de listes de pertes escamotées.
Par contre, une fois connue l’heure, on peut s’interroger sur les motivations à avancer encore quelques heures, et sur la nécessité de tirer des salves d’obus sans visiblement connaître la situation des troupes.



Bien cordialement,


Régis
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