Le concept de la tombe individuelle .

Avatar de l’utilisateur
Gardiendelombre
Messages : 390
Inscription : mer. nov. 16, 2011 1:00 am

Re: Le concept de la tombe individuelle .

Message par Gardiendelombre »

Bonjour à tous,

Quelques questions sur le concept même de la tombe individuelle .
(j'ai cherché,j'ai pas trouvé de fil là dessus)

A ma connaissance c'est la première fois que des soldats ont droit à une tombe individuelle,
antérieurement c'était la fosse commune et parfois (pas toujours) un monument sur le tout .
Seuls les officiers avaient parfois (et avec vraisemblablement les finances familiales),droit à une tombe individuelle .

Pour avoir une tombe individuelle,la première chose à avoir est un bracelet d'identification .
Mais le bracelet d'identification en lui même,n'implique pas nécessairement la tombe individuelle;
elle peut par exemple servir à établir uniquement un acte de décès ,et ensuite,c'est "la fosse commune" .

Quand est née l'idée de la tombe individuelle ?
Déjà "avant" 14,ou après les premiers mois de "14" ?

Qui a commencé les tombes individuelles ; les allemands,les français,les anglais ?
J'ai déjà lu plusieurs livres où on parle d'allemands reprenant les corps allemands dans une période pourtant de calme
pour en faire des bûchers et non des fosses communes .
On est loin de la tombe individuelle là ...,et les circonstances (trêve,etc...)n'impliquaient pas d'avoir recours à ce système "expéditif" ...

Point de vue politique ,il était clair qu'on était dès le départ parti pour des pertes qui allaient se chiffrer en dizaines de milliers,donc les frais ,même unitairement réduits de sépulture,allaient au final coûter une fortune .Il a donc fallu une décision politique pour cela.

Comme toujours ,je suis preneur pour toute idée et tout lien,et je remercie tout le monde .
Avatar de l’utilisateur
Eric Mansuy
Messages : 4988
Inscription : mer. oct. 27, 2004 2:00 am

Re: Le concept de la tombe individuelle .

Message par Eric Mansuy »

Bonjour,

Le sujet a été abordé ici : pages1418/photos-14-18/divers/cercueils ... 1675_1.htm

Un copié-collé de ma réponse du 7 avril dernier :
Une légende tenace tend à faire croire que seuls les officiers ont reçu une sépulture individuelle en 1870-1871. Mais non. Certes, ils ont été majoritaires, mais n'ont pas été les seuls. Quelques exemples, à la volée, ne serait-ce qu'en Alsace :
- à Wissembourg, les tombes du sergent-major Curtelin, du caporal Schneider (74e RI), du soldat Rompteau (8e BCP), du tirailleur Ben Mansour (2e tirailleurs) ;
- les tombes de fantassins et tirailleurs des cimetières de Forstheim, Griesbach, Gundershoffen, Hegeney, Lembach, Merzwiller, Niederbronn (Pagnier, premier tué français du conflit), Bouxwiller, Brumath, Haguenau, Hatte, Herlisheim, Hochfelden, Ingwiller, Oberbetschdorf, Oberbronn, Oswald, Pfaffenhofen, Roeschwoog, Rothbach, Saint-Louis, Schiltigheim, Schwabwiller, Soufflenheim, Zinswiller.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Avatar de l’utilisateur
Gardiendelombre
Messages : 390
Inscription : mer. nov. 16, 2011 1:00 am

Re: Le concept de la tombe individuelle .

Message par Gardiendelombre »

Bonjour Eric Mansnuy,

Merci pour le lien .

Mais si on parle effectivement du même sujet ,on ne parle pas de la même chose ...

Je suis tout à fait d'accord qu'avant 14,parfois il y avait des tombes individuelles de soldat,mais pas systématiquement et dans l'ensemble ,"rarement"

En "14" (sans plus de précision si il s'agit de 14,15 ou 16...) il y avait "généralement" des tombes individuelles .

Entre les 2 il y a bien du y avoir une décision ministérielle transformant l'exception en règle ....

C'est surtout de ça que je voudrais entendre parler .

++++++++++++++++++++++++

Par ailleurs et toujours sur le même sujet ,en rentrant du travail,j'ai pensé à qq chose: bon nombre de soldats ont du être enterrés plusieurs fois :

a) une première fois par "les copains"(avec probablement un nom "qq part" (plaque d'identification ou bouteille avec message) ou autour du
poste de secours qu'il n'était pas possible d'évacuer (là je pencherais pour la fosse commune) .

b) avant 15,à mon avis on devait enterrer en partie du moins dans des cimetières civils ,et ces cadavres ont dus être sans doute redéplacés ensuite peut être même,mais je suis loin d'en être sur ,durant la guerre .

c) il devait y avoir des cimetières militaires très vraisemblablement autour des hôpitaux voire même des ambulances . De là aussi ils ont dû être transféré dans un cimetière plus vaste et peut être même ensuite dans une nécropole ce qui implique 3 ou 4 ensevelissement successifs,et une multitude de raisons de perdre les identifications ou de mélanger les corps ...
Avatar de l’utilisateur
Eric Mansuy
Messages : 4988
Inscription : mer. oct. 27, 2004 2:00 am

Re: Le concept de la tombe individuelle .

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir,

Concernant votre premier questionnement, sur « une décision ministérielle transformant l'exception en règle », ce passage tiré de l’excellent article de Jean-Charles Jauffret, « La question du transfert des corps : 1915-1934 » :

« Au début de la Grande Guerre, la tombe individuelle est le propre de l’armée allemande qui, lorsqu’elle le peut, dresse les tombes des officiers français tombés dans ses lignes. […] En revanche, l’attitude du commandement français reste officiellement inchangée. Par l’instruction du Grand Quartier Général du 19 juillet 1915, Joffre prescrit encore le creusement de fosses communes d’une centaine de cadavres chacune pour les hommes du rang. Mais le courant individualiste de la société illustré par la multiplication des caveaux familiaux depuis le XIXe siècle et l’ampleur du sacrifice ne peuvent tolérer plus longtemps d’archaïques pratiques. Maurice Genevoix décrit de façon saisissante les tombes hâtives de la Marne aux petites croix frustes qui presque toutes gardent accroché un képi rouge. N’est d’abord indiqué que le jour où le combattant est tombé ; puis, comme aux Eparges, ce sont les poilus eux-mêmes qui prennent l’initiative de tombes individuelles décorées de la cocarde tricolore, du nom, du grade et de l’unité. »

Ensuite, pour répondre très partiellement à vos diverses interrogations, la première inhumation a pu être faite de bien des manières : des Allemands ont pu le faire (bien souvent, en prenant soin de l’identité du mort), des civils réquisitionnés par les Allemands ont pu le faire (l’expérience prouve que souvent, hélas, dans ce cas, l’identité du mort disparaît), des Français ont pu le faire (troupes combattantes, membres du service de santé ou du train des équipages, territoriaux, voire chasseurs forestiers, et j’en oublie sans doute). En revanche, qui dit "tombe commune" ou "fosse commune" ne dit pas forcément "inconnus" : plusieurs identifiés peuvent reposer en tombe commune quand un inconnu repose dans une tombe individuelle…
Les lieux d’inhumation ont évidemment été très variables. Vous mentionnez 1915. De nombreux paramètres entrent en ligne de compte pour savoir si un combattant s’est d’abord trouvé dans un cimetière provisoire, un cimetière militaire déjà constitué, un cimetière communal (dans un carré militaire, voire un caveau de famille accueillant provisoirement des tués, cela s’est fait).

Une très saine lecture sur le sujet, que je recommande aussi souvent que je le peux : Le Chemin des Dames, du champ d’honneur… au champ des morts, de Guy Flucher.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Avatar de l’utilisateur
Gardiendelombre
Messages : 390
Inscription : mer. nov. 16, 2011 1:00 am

Re: Le concept de la tombe individuelle .

Message par Gardiendelombre »

Merci beaucoup .
Ca avance sérieusement .
On est pas arrivé au bout,mais ça avance sérieusement .

Je note donc "initiative de la troupe" ...

Il y a encore le volet parlementaire...
Avec les débats parlementaires ...
Parce qu'une tombe de 100 c'est bien moins cher que 100 tombes de 1 ...

Mais on avance sérieusement et je vous en remercie grandement .
Avatar de l’utilisateur
Eric Mansuy
Messages : 4988
Inscription : mer. oct. 27, 2004 2:00 am

Re: Le concept de la tombe individuelle .

Message par Eric Mansuy »

Sauf erreur d'appréciation de ma part, tout me porte à croire qu'il faut nettement distinguer ce qui a eu lieu pendant la guerre de ce qui a eu cours après.
Des considérations qui prévalaient lors des premières grandes offensives par exemple, liées aux nécessités d'assainissement et de désinfection des champs de bataille, différaient déjà quelque peu de ce qui a existé ensuite, entre 1915 et 1918, et je doute que des impératifs financiers aient prédominé. En outre, pour l'écrire très brutalement - je force le trait à dessein - pourquoi creuser 100 tombes individuelles pour des inconnus, au lieu d'aligner ces 100 inconnus dans une tombe commune ?
En revanche, après guerre, il en va tout autrement. Concrètement, à titre d'exemple, en 1920, pour le transfert des "corps des militaires et des victimes civiles de la guerre", les crédits alloués à l'Etat ont été de 10 millions de francs ; en 1921, le gouvernement demandait 100 millions, les députés en votaient 75, et la commission des finances en proposait 65. En effet, le prix moyen de transfert d'un corps se montait à 500 francs, et il était estimé que 135.000 à 140.000 corps au maximum pourraient être transférés durant l'année 1921. Faites le calcul, les 65 millions sont déjà dépassés. Et encore, je ne parle pas du montant de l'entretien des cimetières en cours de constitution...

C'est un autre débat, cela étant.

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
RobertBFR
Messages : 1115
Inscription : lun. août 20, 2012 2:00 am

Re: Le concept de la tombe individuelle .

Message par RobertBFR »

Bonjour à Toutes et Tous,

Pour complément au propos de Eric :
Au début de la Grande Guerre, la tombe individuelle est le propre de l’armée allemande qui, lorsqu’elle le peut, dresse les tombes des officiers français tombés dans ses lignes.

Au cours de mes recherches, j'ai pu obtenir une copie d'un carnet allemand retrouvé à la Mairie de Cosnes-et-Romain avec une liste 171 noms :
- utilisation de 5 tombes collectives à Romain pour 138 corps dont 1 Lieutenant 9 Sergents.
- utilisation de tombes individuelles à Cosnes pour 6 corps dont
Soldat
Caporal
Sergent
Lieutenant
Caporal-Fourier
Lieutenant

J'ai pu aussi faire un travail similaire sur Signeulx, les corps ont été inhumés plusieurs fois, et dans le Cimetière de Signeulx les Ofiiciers ont été regroupé dans une Crique au fond du Cimetière.

En résumé nous y trouvons trace de plusieurs exhumations :
1- fin août 1914 inhumation dans les fosses creusées dans un champ face à l'établissement horticole crée par Louis SCHREDER.
2- 1917 les corps furent exhumés et ré-inhumés dans un cimetière provisoire à Baranzy
3- puis, ré-inhumé dans le cimetière de Signeulx
4- en août 1919, il y a des exhumations de reconnaissance de corps.
5- en 1922 il y a exhumation et transfert

1eme témoignage

Le Commandant Joseph MAUGIS, officier de carrière au 113ème.

Dans la famille Maugis, tout espoir de revoir le commandant s’est évanoui dès septembre 1916.
Reste à découvrir la tombe du disparu.
Il faudra attendre la victoire des alliés (11-11-1918) pour commencer les recherches que Anne RICOUR, veuve MAUGIS, confie à son frère André RICOUR.
Celui-ci entreprend une enquête qui le mena jusqu’en Allemagne et dont voici la synthèse :

« Fin août 1914, les combats terminés, les corps des militaires morts sur le champ de bataille entre Signeulx et Baranzy, furent enterrés à la hâte dans des fosses communes creusées dans un champ face à l’établissement horticole créé par Louis SCHREDER (le terrain fut occupé plus tard par une exploitation agricole).

Fin 1917, les corps furent exhumés par les Allemands qui les inhumèrent provisoirement dans un cimetière militaire créé sous la direction de leurs propres architectes à Baranzy.

Puis, nouvelle inhumation dans le nouveau cimetière militaire de Signeulx, situé au nord du village sur la route de Mussy-la-Ville. Les officiers sont placés dans l’hémicycle au fond du cimetière.

Le vendredi 1er août 1919, André Ricour, aidé de Louis Schreder et de quelques ouvriers, procède à la reconnaissance du corps du Commandant Joseph Maugis, exhumé pour la circonstance, puis inhumé à nouveau dans un cercueil neuf.
Une courte cérémonie religieuse clôture l’opération.
Finalement, après une 5ème exhumation, le corps de Joseph Maugis sera rapatrié en 1922 et repose définitivement à BRAM (Aude).
Quant à la veuve, Anne Ricour, elle n’a pu supporter une succession d’espoirs et de cruelles déceptions : dès le mois d’octobre 1914 , la mauvaise nouvelle lui est communiquée officieusement, mais rien d’officiel encore, ce qui laisse un brin d’espoir.

En effet, la retraite du 113ème RIF a été tellement brusque, que les brancardiers n’ont pu relever ni les morts ni les blessés.
Joseph Maugis aurait pu n’être que blessé, prisonnier et soigné quelque part dans une « ambulance » par les médecins allemands comme cela s’est produit souvent.
Pour les familles, aux souffrances de la guerre s’ajoutait le calvaire de la recherche des disparus morts ou vifs et toujours en zone occupée.
En 1925 ? Madame Maugis, mère de trois enfants, meurt de chagrin. »

2eme témoignage
Pour confirmer les exhumation de 1917

La page du Journal de Guerre de Nestor OUTER

À la manière d'un reporter de guerre, l'aquarelliste virtonnais Nestor Outer (1865-1930) a fourni un témoignage bouleversant des événements d'août 1914 en Gaume.

1917 On déterre les morts du 22 août pour leur donner, dit-on une sépulture plus digne. On trouve plus dans les tombes hâtivement creusées que des ossements recouverts de boue et d'étoffes en loques. Parfois encore une montre, un canif, un porte-monnaie que l'on recueille et qui aideront peut-être à identifier les pauvres jeunes gens dont il ne reste que les squelettes à demi décharnés. Pauvres petits soldats de France ! Voilà donc ce qu'est devenue votre belle jeunesse, votre gaieté, votre courage : une boue malodorante dans le fond d'un trou béant !


Concernant Gorgy et Ville-Houdlémont :

Au lendemain des combats d'août 1914, les morts étaient enterrés par l'armée impériale allemande en fosses collectives. En 1921, le Services des Sépultures décida que la fosse commune de Cussigny serait un cimetière militaire de regroupement. Le ministre des Pensions, André MAGINOT, en accord avec le maréchal FOCH et son épouse, dont le fils Germain FOCH, aspirant au 113e R.I. reposait à Cussigny, approuva cette décision. La nécropole fut aménagée, trois ossuaires et 48 tombes individuelles. Les morts provenant de la fosse n°1 près de l'usine de Gorcy, de la fosse n°2 près des douane de Cussigny, y étaient regroupés avec 1000 inconnus exhumés en Belgique des cimetières de Signeulx et de Musson, ceci en mars 1921, plus un corps (capitaine du 51se R.I.) venu de Robelmont, Belgique. Les opérations étaient menés par la 6e région militaire de Metz.

Pendant ce temps, la fosse commune de Ville-Houdlémont fut aménagée en nécropole militaire nationale car la municipalité, en 1921, céda le terrain nécessaire à l'Etat, suite aussi à l'opposition des familles de voir leurs défunts exhumés et déplacés pour réinhumation dans le cimetière de regroupement de Gorcy

Infos reprisent de mon post :
pages1418/Pages-memoire-necropoles-MPLF ... 3990_2.htm

Cordialement
Robert B.
Répondre

Revenir à « Sujets généraux et MDH »