Je rejoins votre analyse, qui me parait pertinente, sous les réserves suivantes :
1/ "
Au plan pratique, il est évident que c'est le commandant en chef qui prenait la décision" : oui certainement.
2/ "
par citation à l'ordre du GQG, que le ministre avalisait ensuite. Ce qui explique que les arrêtés font souvent référence à des prises de rang antérieures à celle de l'arrêté"
Je n'en suis pas sûr, les citations à l'ordre du GQG sont très minoritaires, la plupart des MM sont attribuées par la voie "règlementaire" de l'inscription préalable aux tableaux spéciaux.
Reste à comprendre ce qui motive un grand chef à décorer un soldat de la MM par cette voie "exceptionnelle", régularisée ensuite par l'inscription aux tableaux spéciaux.
3/ "
Normalement, l'attribution de la LH ou de la médaille militaire "au feu", pour action d'éclat, s'accompagne d'une citation à l'ordre de l'armée et entraîne l'attribution de la croix de guerre avec palme"
Pas exactement (à mon avis). L'attribution de la LH ou de la MM s'accompagne :
(i) d'un "exposé sommaire des services" inséré au JO (loi du 25 juillet 1873)
(ii) de l'attribution d'une CG avec palme, "lorsque les motifs sont équivalents à une citation à l'ordre de l'armée" (décret du 23 avril 1915).
Dans les faits, la majorité des motifs ont été jugés équivalents à une citation à l'ordre de l'armée, de sorte que les LH et MM décernées ont été accompagnées d'une CG avec palme. Mais il arrive que ce ne soit pas le cas, dans ce cas l'arrêté d'inscription aux tableaux spéciaux (ou le décret présidentiel) précise que la concession ne comporte pas l’attribution de la Croix de guerre.
En tout état de cause, ce n'est pas une "citation" (à proprement parler) qui accompagne l'attribution de la LH ou de la MM, mais l'"exposé des services" visé par la loi du 25 juillet 1873.
C'est à mon avis toute l'ambiguité de la "citation à l'ordre du GQG" : s'agit-il
(i) d'une citation à l'ordre ?
(ii) ou bien de l'exposé des services qui accompagne la MM ?
4/ Eugène n’a pas été décoré « au feu » puisqu’il l’a été le 27 mars 1919.
Il ne fait d’ailleurs plus partie de l’armée active puisqu’il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite par DM du 16 mars 1918.
5/ L'attribution de la MM à Eugène a fait l'objet d'un arrêté ministériel (inscription aux tableaux) en date du 14 mai 1919, publié au JO du 16 mai 1919 (p. 5042).
- JO 16.05.1919 (p. 5042) - Copie.jpg (65.79 Kio) Consulté 2822 fois
On relève que l'exposé des services reprend mot pour mot la "citation à l'ordre du GQG".
Mais il est précisé qu'elle
ne comporte pas l'attribution de la CG (p. 5043).
En conclusion:
Je pense que votre analyse est la bonne : la prétendue "citation à l'ordre du GQG" est en fait "l'exposé des services" qui accompagne l'attribution de la MM par voie extraordinaire, c'est à dire hors tableaux spéciaux.
En atteste le fait que la "ratification" par arrêté ministériel en reprend les termes mot pour mot.
Reste à déterminer
(i) quelle (haute) autorité militaire s’est sentie investie du pouvoir de décorer Eugène, alors en retraite, sans passer par la procédure d’inscription aux tableau spéciaux.
(ii) pourquoi cette attribution de la MM ne s'accompagne pas de l'attribution de la CG.
Pardonnez-moi ce long développement. Je trouve la question intéressante, je serais heureux de contribuer à l'éclaircissement de cette notion de "citation à l'ordre du GQG".
Cordialement
Antoine