bonsoir,
je découvre le site pour la première fois, et je suis admiratif devant la somme d'expériences qu'on peut y trouver. Je suis à la recherche d'informations sur mes grands-parents et ceux de ma femme qui ont combattu en 14-18 (1 tué, 1 gazé, 2 blessés graves).
Je vous remercie sur ce sujet à propos du général Ganeval qui m'a été extrèmement utile... le tué, c'était lui. Eh oui, les généraux aussi laissent des orphelins en mourant. Dont mon arrière-grand-mère qui avait une vingtaine d'année à l'époque. Jeune mariée de 1914, son mari avait déjà été grièvement blessé dans les Vosges à Badonvilliers pendant les premières semaines de la guerre (10 août 14, au 20e BCP) et était prisonnier en Allemagne.
Pour en revenir à Gabriel Ganeval, la mémoire familiale n'avait pas gardé le souvenir de l'affaire de la 62e DI, dont personne n'a dû se vanter. C'est seulement de sa mort aux Dardanelles que j'avais entendu parler. A ce sujet, si cela vous intéresse, voici la version privée de cette mort - sous toutes réserves, c'est de la tradition orale.
Ayant reçu des ordres en vue d'une attaque d'envergure sur les tranchées turques, il doutait de l'efficacité de la préparation d'artillerie. Il ne voulait pas envoyer ses hommes au casse-pipe sur des défenses intactes. Pour s'assurer personnellement qu'elle soit bien faite, il s'est rendu en première ligne pour observer au plus près l'état des lignes adverses. On lui a signalé qu'un créneau de la tranchée était repéré par les tireurs d'élite turcs, mais il a tenu à regarder quand même avec ses jumelles. Il a aussitôt reçu une balle en plein front et est mort sur le coup (un de mes oncles conserve toujours cette paire de jumelles, encore tachée de sang séché).
De tous les éléments que j'ai pu trouver, ce récit "colle" assez bien : il y a effectivement eu une offensive majeure une dizaine de jours plus tard (19-20 juin), l'activité de snipers dans les deux camps est avérée, et il a bien été tué d'une balle dans la tête, en 1ère ligne, pendant une inspection de tirs de réglage. Et si c'était dans le secteur anglais, c'était juste en bordure de son propre secteur (voir l'indication sur la carte jointe, que j'ai trouvée sur le site "mémoire des hommes").
Et que penser de son désir d'épargner le sang de ses hommes, rapporté par la version familiale ?
Evidemment, on peut croire que c'est de la pure invention, et qu'on réécrit l'histoire pour faire un héros d'une baderne sanguinaire. En se référant à la désastreuse histoire de la 62e DI comme preuve...
On peut aussi croire que, justement, les drames d'août et septembre 14 l'avaient fait réfléchir sur l'idiotie des théories militaires "pantalon rouge-baïonette-clairon" qui l'avaient conditionné pendant 30 ans. Et qu'il ne voulait à aucun prix voir se reproduire ces erreurs tragiques. Après tout, sur les centaines de généraux de l'armée française en 14/18, il y en a quand même assez peu qui sont allés atrapper une balle en première ligne...
En tout cas si j'ai l'occasion d'aller en Turquie je pense que je ferai le voyage de Seddul Bahr pour me rendre sur sa tombe, merci à Gérard d'avoir indiqué l'endroit, que j'ignorais