Capitaine Jamin au 294e R.I.

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Pax et labor 51
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Re: Capitaine Jamin au 294e R.I.

Message par Pax et labor 51 »

Et merci à fdanes pour la liste alphbétique des Tableaux d'Honneur de L'Illustration.
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Pax et labor 51
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Re: Capitaine Jamin au 294e R.I.

Message par Pax et labor 51 »

Voici le résumé des informations que j'ai compilées sur le Capitaine Jules Jamin, en particulier à partir des liens indiqués par thibval que je remercie encore.

LE CAPITAINE JULES JAMIN (1884-1954)

Sa fiche militaire donne le signalement suivant : cheveux bruns, sourcils châtains, yeux bruns, front ordinaire, nez et bouche moyens, menton rond, visage ovale. Taille 1,76 m.

Sur l’organigramme du J.M.O. du 294e R.I., au 9 août 1914, Jamin est sous-lieutenant dans la 22e Compagnie, au 6e Bataillon.

Au J.M.O. du 5 octobre 1914, il est noté que le Lieutenant Jamin a été blessé à Beuvraignes, le même jour où disparaît le Capitaine Salembier. Leurs deux noms sont inscrits dans la marge…

Différents documents officiels précisent ces informations : Jules André Auguste Jamin était Lieutenant réserviste depuis le 20 décembre 1913. Affecté au 294e R.I. il fut promu le 11 juin 1915 à titre temporaire et pour la durée de la guerre au grade de Capitaine, et à titre définitif le 15 avril 1916. Au cours du combat du Chemin des Dames du 25 mai 1917, il fut capturé par les Allemands, au nord d’Aizy (Aisne), aux Bovettes. D’abord prisonnier à Karlsruhe, il passe au camp de Nilwangen, avant d’être évacué le 21 février 1918 d’Ellvangen à Ingolstadt et rapatrié le 18 décembre 1918 par la Croix-Rouge de Dijon. Démobilisé le 20 mars 1919, il se retire à Paris (17e) au Square Monceau, 82 Boulevard des Batignolles. En 1935 il appartient à la même Société d’Anciens Combattants que le Général de Division Pougin.

Fiche militaire et citations


L’examen de la carrière militaire de Jamin permet de donner une image plus positive de l’officier que celle qu'en donne l'Aspirant Laby dans ses carnets. Que s'est-il vraiment passé entre eux ?

Jamin fut blessé dans la Somme le 3 octobre 1914 au combat de Beuvraignes, une plaie à la cuisse droite causée par un schrapnel, ce qui lui valut une citation à l’ordre du régiment le 15 mai 1915 : « Atteint d’un schrapnel le 3 octobre à Beuvraignes au cours d’une marche en avant sous le feu de l’artillerie et de l’infanterie a continué jusqu’à l’objet fixé et n’a quitté le commandement de la Compagnie que 3 heures après sa blessure, sa mission remplie et sur l’ordre de son chef de bataillon. »

Le 26 octobre 1915, après les combats de Souain en Champagne, il fut cité à l’Ordre de la Division : « Officier d’un sang-froid remarquable et d’un courage à toute épreuve a conduit brillamment sa compagnie à l’assaut des tranchées ennemies qu’il a réussi à dépasser. »

Le 27 mars 1916, il est cité à l’Ordre de la 4e Armée : « Désigné la veille du 15 mars [jour de l’attaque du Bec de Canard près de Suippes, en Champagne] pour exercer le commandement d’un Bataillon a fait preuve des plus belles qualités de décision de calme et de sang-froid, a réussi par son exemple à faire progresser son unité sous un tir de barrage des plus violents et la porter jusqu’aux tranchées ennemies. »

Le 20 juillet 1916, il fut cité à l’Ordre de l’Armée : « N’a cessé de se distinguer depuis le début de la campagne par ses brillantes qualités militaires, a pris le commandement de son Bataillon dans un moment difficile, l’a maintenu sur toutes ses positions et n’a cessé de donner l’exemple du courage, du sang-froid et de la décision ; déjà cité trois fois à l’ordre. »

Le 11 août 1916 il fut inscrit au tableau spécial de la Légion d’honneur pour le grade de chevalier dans les termes suivants : « N’a cessé de se distinguer depuis le début de la campagne, par ses brillantes qualités militaires. Au cours des combats du 22 au 24 mai 1916 [il s’agit de l’attaque du Fort de Douaumont], a pris le commandement de son bataillon dans un moment difficile, l’a maintenu sur toutes ses positions et n’a cessé de donner l’exemple du courage, du sang-froid et de la décision. Déjà trois fois cité à l’ordre. »

Il reçut aussi la Croix de Guerre avec palmes.

Passé au 97e R.I., le 19 mai 1917, il fut cité à l’Ordre de la Division : « Officier d’une bravoure hors de pair et d’un zèle éprouvé, après avoir remarquablement secondé son Chef de Bataillon dans la préparation de l’attaque du 5 mai 1917, s’est dépensé sans compter pour veiller à sa bonne exécution parcourant sans souci du danger un terrain incessamment battu par des rafales d’artillerie et des feux de mitrailleuses et mettant tout en œuvre pour renseigner le commandement et assurer le succès. »

Une lettre à Octave Noir, en convalescence à Paris après les blessures reçues le 15 mars 1916 au Bec-de-Canard à côté de Suippes, montre son souci de réconforter son destinataire et d’adoucir son regard exigeant sur lui-même et sur ses hommes. Écrite agréablement, cette lettre laisse paraître aménité et modération : « Il ne nous est demandé compte que de ce qui était en nous. »

Lettre à Octave Noir du 24 mars 1916 :

24 mars 1916

Permettez, mon cher ami, à un vieux fantassin, qui a pour vous la plus grande affection, de vous dire un peu vos vérités, dussent-elles être désagréables à votre modestie. C’est un travers humain que de juger son prochain d’après soi-même, vous avez pris un étalon de mesure trop grand, et la valeur morale de vos hommes vous a paru toute petite. Non, le colonel n’est pas outré et de la conduite de la 17e, bien au contraire. Tous ceux qui l’ont vu se jeter sur les boches, l’ont admirée et si votre œil de commandant de compagnie a aperçu quelques défaillances, elles se sont noyées, pour le commandement dans l’élan de l’ensemble. Ne gardez que cette impression et écoutez le résultat. Vous êtes proposé pour Chevalier de la légion d’Honneur, Delinier, Scauff sont cités à la Brigade, Auvrain vraiment très chic et très dévoué est cité au régiment. On ne connaît pas encore toutes les récompenses, je demanderai à Delfosse de vous envoyer copie du tout ce qui paraîtra pour la 17e. Et si vous aviez entendu, le 17, le Colonel, le Général Hellot, le Général Paulinier lui- même, venant me féliciter de l’œuvre accomplie, de la vigueur et de la ténacité de nos troupes, tant d’officiers d’E.M. venus tous près de nous dans le même but, vous en retireriez cette impression que l’on ne nous avait pas cru capables de ce que nous avons fait. Il ne nous est demandé compte que de ce qui était en nous. Ce sentiment est d’une douceur telle, que je voudrais vous la faire partager. Ne le détruisez pas par le regret de tout ce qui n’a pas été fait, et restez, je vous en prie, sur cette impression.
Pour moi, je suis un peu honteux, pour être constamment resté dans mon PC, assez bombardé d’ailleurs, de tous les éloges, dont je fais hommage au Bataillon et de toutes les récompenses dont je suis menacé. Le commandant Anirepoque ayant été légèrement blessé à l’œil, j’ai été aussitôt promu adjudant Major du 6°, avec commandement provisoire du bataillon. Je suis proposé pour la même chose que vous, je crois que j’aurai tout au plus une palme, n’étant pas blessé. Voyez-vous, par ces détails, que vous êtes un juge plus sévère que nos juges ?

Merci de votre lettre, pleine de détails, que je conserve, et qui me permet de faire réparer certaines omissions. Votre compagnie est commandée provisoirement par Picot, elle est en bonnes mains. Maintenant, je ne veux pas disputer avec vous sur les détails, nous en parlerons quand vous nous vous reviendrez, je suis si heureux que vous vous en soyiez tiré.

Nous avons eu ce matin, par M. l’aumônier de D(artein) un service pour nos camarades touchés le 15. Combien il y en a-t-il que nous ne reverrons jamais ! 13 officiers nous ont quittés, blessés, tués ou disparus : vous me savez assez respectueux de la discipline pour comprendre pourquoi je ne cite pas les noms. J’y perds plusieurs bons camarades, et, en la personne du Cdt de la 24 un ami.

Le 5° Btn a, depuis quelques jours, un Cap.Adjt Major en la personne du Cap. Braque, venant du 411, et, depuis ce soir, un commandant qui fait bonne impression, le chef de Btn Seura (?) Nous faisons du jardinage, rappelez-vous où était le 6° le 12 Février, nous transformons les cloaques en parcs, les fondrières en chemins et les trous à immondices en parterres. Le Colonel est satisfait de nous et le dit tout haut.

Vos camarades Picot, Maitre, Blaché, Druvaux et Humbert, gardent de vous le plus beau souvenir et vous envoient toute leur amitié. De Varine, Rogé, Fenaux, Lafaye et les trois officiers de la 23e y joignent la leur, et je prie l’officier que vous avez su être de croire à ma très vive et très sincère amitié.


Et dans la vie civile ?

Jules André Auguste Jamin était le fils d’un artiste peintre, Paul Jamin (1853-1903), dont Gustave Boulanger était le maître et l’ami. Il appartenait donc à l’école académique, qui poursuivait la tradition de la peinture de représentation, goûtée par les élites bourgeoises qui appréciaient la perfection du dessin et la netteté de la réalisation.

Extrait de Nos peintres dessinés par eux-mêmes (texte trouvé sur Geneanet) :

Paul-Joseph Jamin est né à Paris le 9 février 1853. Visage particulièrement sympathique, homme aimable, Parisien pur sang quant à l’esprit, légionnaire de Paris quant au tempérament.

Il a fait ses études à Louis-le-Grand, passa avec succès ses deux baccalauréats après avoir perdu un temps précieux à faire des mathématiques spéciales, ce qu’il regrette de grand cœur aujourd’hui, car il n’a pu entrer qu’à vingt- deux ans à l’atelier de Jules Lefebvre et Boulanger, qu’il voudrait bien avoir connus plus tôt et cela encore après un an de volontariat où il a rendu à sa patrie de grands services sans doute, mais dont il n’y a pas lieu d’exagérer l’importance.

Il ne savait rien, bien entendu, en entrant à l’atelier, bien qu’il ait eu un nombre de prix de dessin au lycée et les mêmes prix au concours général. Une fois débrouillé, il a fait les concours de l’École des Beaux-Arts, entre autres les concours de Rome en 1877, 1878 et 1880. A partir de cette époque, il quitta l’École et se rendit en Italie à ses frais.

Il exposa pour la première fois, en 1879, une Étude de jeune homme ; l’année suivante, un grand tableau intitulé Une scène du déluge ; en 1882, une Figure du Général Hoche, enfant, qui fut récompensée d’une mention honorable.

Cette année, il a envoyé au Salon Une scène de la prise de la Bastille.


Vous pouvez consulter la notice Wikipédia pour de plus amples informations à son sujet, et surtout voir le type de tableaux qu'il peignait, entre vulgarisation scientifique et fantasme érotique, ce qui plaisait beaucoup à sa clientèle !

Le père de Paul, Jules Célestin Jamin (1818-1886), était un notable, un éminent savant, Professeur de physique et mathématiques à l’Ecole Polytechnique, à la Faculté des Sciences de Paris et au Collège Louis-le-Grand.C'est l'un des 72 savants dont le nom est inscrit sur la tour Eiffel, côté Est. Sa page Wikipédia recense ses apports scientifiques.

Le nom de ce Jules Jamin a été donné à un boulevard de Reims.

Sa fille, Lucie, fut la première épouse du physicien Henri Becquerel. Le physicien Jean Becquerel est son petit-fils, donc le cousin germain du Capitaine Jules Jamin.

Jules André Auguste Jamin est né à Paris le 26 décembre 1884, le deuxième d’une fratrie de quatre enfants, il est de la même génération qu’Octave Noir, et comme lui de religion catholique. C’est sans doute son grand-père qui fut son parrain, puisqu’il porte le même prénom que lui. Jules Célestin Jamin, alors secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences et Commandeur de la Légion d’Honneur, a d’ailleurs signé la déclaration de naissance comme témoin.

Comme s’il devait accomplir ce que son père n’avait pas voulu accomplir, le jeune Jules fait des études scientifiques, et se forme comme ingénieur électricien à l’Ecole Supérieure d’Electricité, fondée en 1894, la future Supélec. Il travaille donc dans un domaine technologique de pointe. Le fait qu’il dispose d’un Permis pour véhicules automobiles, comme il est noté sur sa fiche militaire, est un signe supplémentaire de son adéquation à la modernité. Sans doute a-t-il hérité de la confiance dans la science et la technique, caractéristique du XIXe siècle, qui fait du savant et de l’ingénieur les héros de l’époque, comme en témoignent les romans de Jules Verne. Avait-il aussi la fibre artistique, comme son père et son grand-père ?

Jules Jamin resta célibataire. Que ce soit en 1919, 1937, ou le jour de sa mort le 22 mai 1954, son adresse reste la même : Square Monceau 82 Boulevard des Batignolles Paris XVIIe.

Son père Paul Jamin y avait emménagé avec sa famille entre 1886 et 1896. Il y meurt en 1903, sa veuve en 1933, Jules en 1954.

La fiche militaire de Jules Jamin porte la mention Bon, dispensé art. 21 Fils aîné de veuve le 11.2.28

Jules n’avait que 19 ans quand son père est mort, en juillet 1903. Sa sœur Lucie avait 21 ans, son frère Henri 17 ans, et Marguerite, la petite dernière, 7 ans.

S’est-il consacré à sa famille aux dépens de sa vie personnelle ? Lucie ne s’est mariée qu’en 1910, Marguerite en 1920. Comme leur mère, elles étaient sans profession…

Et pour finir la photo de Jules Jamin en civil, datant de 1915,qui se trouve dans une pièce de son dossier sur Leonore :
1935-Jules-Jamin_photo_Leonore.jpeg
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Sources
J.M.O. du 294e R.I. : https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/
FM (Jamin Jules André Auguste Matricule 1965, cl 04, Seine 6e bureau) :
http://archives.paris.fr/arkotheque/vis ... m_zoom=134
Dossier LH : https://www.leonore.archives-nationales ... ice/193126
CICR : https://grandeguerre.icrc.org/fr/File/D ... 07427/6/2/
Archives familiales : http://onvaessayer.org/Royat/archives/indexDocs.htm
Wikipédia, articles Paul Jamin, Jules Jamin, Ecole Supérieure d’Electricité https://www.merveilles-du-monde.com/Tou ... -Jamin.php
https://www.cairn.info/revue-parlements ... ge-151.htm
Geneanet
Les Carnets de l’aspirant Laby Médecin dans les tranchées, Bayard 2001
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Pax et labor 51
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Re: Capitaine Jamin au 294e R.I.

Message par Pax et labor 51 »

Erratum : La photo de Jamin en civil date de 1935.
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