Bonsoir à toutes et à tous,
Bonsoir Stéphane,
Un bouquin tout récent (fin 2007) donne le témoignage de René Germain, sous-officier au 5e RIC, puis aspirant, au RICM à partir du 28 mai 1917, date de son affectation dans cette unité. Il fut affecté à la 2e compagnie du 8e bataillon... même bataillon que votre arrière grand-oncle
J'ai fait l'acquisition de cet ouvrage dernièrement et suis en train justement de le lire. Je vous avoue que j'apprécie beaucoup le récit de cet homme et je le recommande fortement à celles et ceux qui ne l'auraient pas eu sous le sapin.
Petite parenthèse, j'ai acheté celui-ci avec le témoignage de Camille Arthur Augustin Rouvière paru il y a peu également. Deux hommes, deux destins, même Guerre, mais deux visions, deux témoignages avec un regard différent sur les évènements, bien dans l'air du temps des débats qui secouent le monde des historiens spécialisés sur la Première Guerre mondiale. Je me suis dit en voyant ces deux livres sur les rayons de mon libraire, qu'il serait intéressant de les lire l'un à la suite de l'autre. J'ai bien entamé le premier, le second suivra...
Mais revenons à nos moutons... Je me permets de retranscrire les quelques lignes qui peuvent vous intéresser Stéphane (p 134 et 135) Ce livre étant récent, j'espère que son petit-fils, Pascal Besnier, auteur de la préface ne m'en voudra pas trop, d'autant plus que je suis persuadé que ce petit récit donnera envie à certains d'entre vous d'avoir cet ouvrage dans leur bibliothèque.
Le grand-père de Mr Besnier et votre arrière grand-oncle ont vécu tout les deux ces évènements, avec une issue différente... C'est quand même bien émouvant...
"[...] La journée du 7 juin 1917 fut relativement calme ainsi que le début de la nuit mais le 8 juin à 4 heures du matin un violent bombardement nous mit sur pied, alors que de grosses torpilles s'abattaient à grand fracas sur nos lignes. Je fis mettre mes hommes en armes et leur fis donner leur provision de grenades, car je sentais que l'affaire serait chaude.
En avant de nous, les fusées rouges montaient lentement, piquant la nuit de lueurs sanglantes, les éclatements de grenades se multipliaient, et les mitrailleurs ne tardèrent pas à entrer en action : l'attaque se précisait. Nos batteries ripostaient maintenant avec vigueur, et les obus de 75 sifflaient au-dessus de nos têtes. Des blessés parurent, je les interpellai :
- Que se passe-t-il ?
Les premiers ne répondirent pas, ils fuyaient ces lieux maudits sans rien entendre, tenaillés par une peur animale ; je saisis un homme par le bras et répétai ma question, mais ne pu saisir que quelques bribes de sa réponse :
- Les Boches avancent... ont pris le saillant...
Mon coeur se serra... Et toujours pas d'ordres ! J'envoyai vers le commandant de compagnie un homme qui revint peu après avec un coureur tout ensanglanté, porteur de l'ordre d'occuper immédiatement la tranchée du chef du 1er bataillon et de me mettre à sa disposition.
Nous partîmes dans la nuit, en file indienne, bousculés par les blessés qui filaient sur l'arrière, et nous parvînmes à rejoindre le commandant Fillaudeau qui me mit rapidement au courant de la situation : l'ennemi s'était emparé de tout le saillant et de la tranchée de soutien ; les tranchées Iglau et Deimling devenaient donc nos premières lignes, d'où une contre-attaque forte de deux sections allait partir immédiatement. Si elle échouait, c'était ma section qui devait continuer le mouvement et reprendre le terrain perdu.
Le jour se levait sur un léger brouillard : on allait enfin y voir clair ! Je fis déployer mes hommes dans la tranchée par petits groupes espacés d'une dizaine de mètres, après avoir expliqué ce qu'on attendait d'eux : à mon signal nous devions partir droit dans le bled, sans même passer par les boyaux qui n'offraient aucune garantie et auraient plutôt retardé notre marche, les marmites s'abattaient maintenant par groupes de six avec une régularité d'horloge. Je ne tardai pas à avoir trois blessés, et nous étions couverts de terre.
Puis ce fut l'heure de la première contre-attaque et je montait sur un banc de tir pour voir comment les choses allaient tourner. Et je vois... les nôtres surgir d'un seul mouvement, à quinze mètres devant nous. Soudain, l'horreur du combat recule devant la beauté du spectacle ! Nos poilus sont en vareuse, le pistolet à la ceinture, une musette de grenade pend à leur flanc... Un feu de mitrailleuses les accueille et quelques-uns tombent. Alors, résolument, les Boches sortent à leur tour et c'est la lutte d'homme à homme.
Les grenades éclatent de tous, côtés, enveloppant les combattants d'un épais nuage de fumée, et de cette ouate mortelle on voit surgir de vrais démons, balançant leurs engins d'un geste faucheur ; quelques-uns n'ont plus de munitions et se battent avec leur pistolet. Un de nos soldat, debout sur un tertre, plein de sang, la vareuse arrachée, tient tête à plusieurs Boches, s'écroule, se soulève encore pour jeter une dernière grenade, puis retombe enfin : C'est Gauchois, un homme bien connu de tout le régiment. Soudain une fusée verte jaillit, haute et claire : la position est reconquise !
Les pertes de la journée avaient été sensibles, et je reçus l'ordre de rester dans la position que j'occupais afin d'être prêt à contre-attaquer immédiatement s'il en était besoin [...]"
Stéphane, j'espère que ces quelques lignes vous apporteront quelques informations, et j'en suis sûr, vous donneront l'envie d'en savoir plus sur cette unité, le RICM.
René Germain,
"Il revint immortel de la grande bataille - carnets de guerre 1914-1919", Triel-sur-Seine, Editions Italiques, 2007, 311 p.
Et voici les références de l'autre ouvrage dont je faisais allusion ci-dessus. (pas sur le RICM, je précise...)
Camille Arthur Augustin Rouvière,
"Journal de guerre d'un combattant pacifiste", Biaritz, Atlantica, 2007, 333 p.
Bien cordialement à toutes et à tous,
Guilhem LAURENT