Transport de troupes en automobile

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Frederic Avenel
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Re: Transport de troupes en automobile

Message par Frederic Avenel »

Bonsoir à tous,

Ca fait bien logtemps que je ne vous ai parlé du service automobile !...

Les historiques régimentaires, JMO et parfois correspondances de soldats font souvent mention de trajets effectués en camions. Ce procédé de transport de troupes n'était en fait qu'ébauché lors de la déclaration de guerre (on réservait plutôt les automobiles à d'autres usages), mais on se rendit rapidement compte de leur utilité (Cf le célèbre épisode improvisé des taxis de la Marne ).
En octobre 1914, le G.Q.G. diffusa une instruction précisant les conditions pratiques d'organisation de tels transports. La voici !
(source: cours pour les élèves officiers du service automobile; école de Meaux, 1917)

Nota: jusqu'à 1917, les troupes étaient incomplétement transportées par le service automobile: les chevaux des officiers et mulets de la section de mitrailleuses devaient être transportés par un autre moyen, ce qui constituait une limite au transport de troupes par camion lorsque la ligne de front ou les unités étaient très mobiles. La guerre de positions offrit une solution à ce problème à partir de la fin 1914. A partir de 1917, des camions furent spécialement aménagés pour le transport des chevaux.

Bonne lecture !

Frédéric Avenel

D.A.
___
D.S.A.

CENTRE D’INSTRUCTION AUTOMOBILE DE MEAUX.
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N° 3
___


INSTRUCTIONS PROVISOIRES
au sujet des
TRANSPORTS DE TROUPE
en
AUTOMOBILE
- :- :- :- :-


L’expérience a montré qu’il y avait intérêt à suivre un certain nombre de règles pour assurer dans de bonnes conditions les transports de troupes par Automobiles. Ces règles portées à la connaissance des Etats-Majors et Corps de Troupes.

I – REGLES de PRINCIPE

I° - Les conditions spéciales de l’embarquement doivent toujours être réglées par les Quartiers Généraux d’Armée, en consultant le Directeur des Services Automobiles de l’Armée intéressée.
2° - Celui-ci sera toujours chargé de la Direction des opérations même de l’embarquement ; pour que cet Officier puisse organiser une opération de ce genre, il faut que le commandement le prévienne le plus tôt possible des mouvements de troupes en automobiles dont il prévoit l’éventualité. L’ordre ferme doit être donné en principe, au plus tard SIX heures avant les opérations de l’embarquement.
3° - On peut compter sur une vitesse de marche des convois Automobiles de 10 à 15 Kilom. A l’heure de moyenne par jour et par temps moyen. De nuit et sans lune et par brouillard, la vitesse peut descendre à 3 ou 4 Km. Dans ces conditions défavorables, il y a en plus à craindre une usure anormale du matériel, par suite d’accidents.

II – REGLES TECHNIQUES D’ORGANISATION DU TRANSPORT

I° - CAPACITE DU TRANSPORT – Pour que l’embarquement s’effectue sans perte de temps exagérée, il est essentiel que le nombre d’hommes à charger par voitures ne soit pas trop grand. La contenance d’un véhicule (pour une Section de transport de matériel elle doit être comptée à 20 hommes. La capacité d’une Section dont le nombre de véhicules utilisables est de 16 à 17, doit être comptée à 350 hommes – quelques places supplémentaires existent en effet, dans les voitures-ateliers, cuisine, etc… Les véhicules des Sections de transport de personnel ont une contenance variable de 10 à 25 hommes. Une Section de transport de personnel peut transporter de 250 à 300 hommes.)
Dans ces conditions il faut normalement :
Pour transporter un régiment de 2.000 hommes …… 2 Groupes
Pour transporter une Brigade ……………………… 4 Groupes
Pour transporter une Division ……………………… 9 Groupes
(à cause des troupes du Génie, des Services, etc.)
Pour transporter un Corps d’Armée ……………… 18 Groupes, soit 72 Sections, soit environ 1500 camions.
2° - PROCEDES DIVERS – Deux cas se présentent : ou bien la troupe est transportée en bloc, ou bien le transport se fait en deux fois (exceptionnellement en plus de deux fois) en faisant des va et vient.
Il ne faut pas perdre de vue que les transports de grandes Unités par automobiles ne sont avantageux que si la longueur du parcours ainsi effectué est supérieure à 20 Kilom. (Si dans certains cas, le transport des troupes par automobiles ne présente pas d’avantage très considérable, par contre il peut être intéressant très souvent de faire charger les sacs des hommes : affecter une Section pour un Régiment, un Groupe de 4 Sections pour une Division – à raison de 150 sacs par camion- ).
Il faut en effet compter au moins SIX heures pour l’ensemble des durées d’embarquement et de débarquement d’une grosse Unité, deux heures pour un parcours en auto de 20 Kilom. Total 9 heures [sic], temps pendant lequel l’Unité fait normalement plus de 20 Kilom.
Lorsqu’il s’agit de permettre à une troupe de faire une étape beaucoup plus forte que celle qu’elle pourrait faire normalement à pied, il y a avantage à faire faire tout le mouvement en automobile plutôt qu’à organiser partie du parcours à pied puis un embarquement et une fin de parcours en automobile.
Cette dernière solution qui est mauvaise à tous points de vue gêne pour amener les camions qui ont à traverser des colonnes, difficultés pour organiser convenablement l’embarquement, ne sera prise qu’en cas d’urgence.

III – ORGANISATION DU TRANSPORT D’UNE GROSSE UNITE D’UNE ZONE DE STATIONNEMENT DANS UNE AUTRE.

Le Directeur du Service Automobile chargé du transport (dit Directeur du transport) doit régler dans le détail avec l’Etat-Major intéressé les points et heures d’enlèvement, les itinéraires et les lieux de débarquement des différentes fractions.

a) ENLEVEMENT

Il y a avantage à avoir un chantier d’embarquement par régiment (ou même par bataillon). Le chantier est choisi sur une grande route, en un point où le régiment peut commodément se masser, et à proximité d’un point où les camions automobiles peuvent faire circuit.
Il est avantageux de mettre chaque chantier d’embarquement sur une route différente. On peut, et c’est moins commode, mettre les chantiers sur la même route, à la file les uns des autres. L’Unité qui se trouve alors en aval sur la route devra être chargée la première.
A l’heure fixée le régiment à embarquer doit se trouver sur l’un des côtés du chantier vers sa partie centrale, les bataillons en ligne les uns derrière les autres, chaque bataillon disposé en lignes de paquets de 20 hommes, chaque paquet commandé par un gradé.

COMMANDEMENT DES CHANTIERS D’EMBARQUEMENT.

Un Officier du Service Automobile est nominativement désigné par le Directeur du transport pour être commandant de chaque chantier.
Il a comme adjoint :
1° - Un Officier de la troupe à embarquer (désigné par son commt)
2° - Un Officier du Service Automobile.
Le commandant du chantier règle le mouvement d’arrivée et de départ des groupes automobiles mis à sa disposition pour l’embarquement ; son Officier du Service Automobile transmet les ordres et, restant en amont du chantier, y fait arriver en temps voulu les Sections.
L’Officier adjoint reçoit du Commandant du chantier les indications pour les dispositions et formations particulières que doit prendre la troupe. Il la place prête à embarquer.
L’embarquement se fait sur l’ordre du Commandant du chantier qui donne également l’ordre du départ.

b) MOUVEMENT DES UNITES AUTOMOBILES

Le Directeur qui a fixé dans son ordre les différents groupes et leurs Chefs, fixe également :
La manière dont les groupes automobiles se rassembleront en amont du chantier d’embarquement.
L’itinéraire qu’ils suivront pour se rendre du chantier d’embarquement à ceux de débarquement.
Les chantiers de débarquement.
L’itinéraire de retour des groupes.

RASSEMBLEMENT DES GROUPES AUTOMOBILES

Cette opération préalable est essentielle ; mal ordonnée elle entraîne une série de retards.
Elle doit être résolue par le Directeur des transports, d’accord avec l’Etat-Major, de façon à éviter que les groupes ne soient arrêtés dans leur marche de concentration par des colonnes qu’ils ne peuvent couper.
Les groupes doivent être amenés en amont des chantiers dans une série de routes de garages et autant que possible une heure avant le commencement des opérations, de façon que les ordres soient donnés aux Chefs de Groupe et de Sections sans précipitation.
L’opération ne peut être réalisée convenablement que si les liaisons sont bien établies entre les différents groupes et le Directeur du transport.

ITINERAIRE ENTRE LES CHANTIERS D’EMBARQUEMENT ET CEUX DE DEBARQUEMENT

Fixés d’accord avec l’Etat-Major, ces itinéraires doivent être exclusivement réservés au transport. Il y a avantage à allonger l’itinéraire pour prendre une grande route, où la colonne puisse être facilement doublée.

COMMISSAIRE DE ROUTE

Un Officier du Service Automobile est spécialement désigné par le Directeur du transport pour être commissaire de route. Ses fonctions consistent dans :
A parcourir l’itinéraire, à le nettoyer de tous obstacles.
A jalonner les croisements, les traversées de village.
A prévenir les gardes civiques, postes, etc…
Il lui est adjoint un certain nombre de motocyclistes prélevés sur les Unités Automobiles.

c) – CHANTIER DE DEBARQUEMENT

Dans chaque chantier, un chef de chantier de débarquement fonctionne avec deux adjoints dans des conditions analogues à celles de l’embarquement.

d) – ITINERAIRE DE RETOUR DES GROUPES

Cet itinéraire, en particulier lorsqu’il y a un va et vient et des débarquements successifs, doit être fixé très soigneusement.
Il ne doit se confondre avec l’itinéraire d’aller que lorsqu’il s’agit d’une route nationale où les colonnes de camions peuvent facilement se croiser.
Dans ce cas, il faut établir d’une manière précise le circuit par lequel les Groupes, après le débarquement, viennent reprendre en sens inverse l’itinéraire d’aller et le circuit par lequel, en arrivant dans la zone des chantiers d’embarquement, ils viennent se placer en amont de ces chantiers.
Il est préférable d’avoir une route de retour complètement distincte de la route d’aller.- Le Commissaire de route la surveille et la jalonne comme la route d’aller.

e) – RAVITAILLEMENT EN ESSENCE – HALTES

La panne d’essence arrêtant net toutes les opérations, le Directeur de transport doit toujours s’assurer une réserve d’essence à sa disposition, en dehors de toute dotation initiale fixée par les groupes.- Il place avantageusement cette réserve à ½ du parcours à un point où les groupes font obligatoirement halte. Il est en effet nécessaire de prévoir une halte toutes les deux heures, halte de deux minutes où l’on peut laisser descendre les hommes qui en ont besoin. Le Directeur du transport aura intérêt à fixer le point exact où se fera cette halte et à en profiter pour faire distribuer de l’essence s’il y a lieu.
Le commissaire de route règle les détails de l’opération.

f) – DISCIPLINE DE ROUTE – OFFICIERS

Les Officiers sont embarqués dans les voitures de tourisme des Commandants de Groupes ou de Section avec la troupe.
Dans aucun cas il ne leur est réservé un omnibus ou un camion spécial.

DISCIPLINE DANS LES CAMIONS

Les hommes sont placés dans les véhicules par les Officiers commandant les Unités automobiles et par les conducteurs. Ceux-ci doivent, au préalable, avoir aménagé l’intérieur de leur camion de façon à rendre le chargement le plus aisé possible.
Le Chef de chaque paquet de 20 hommes doit monter le dernier dans le camion, et rester pendant le parcours à la partie arrière ; il est chef de camion.
Le conducteur et le chef de camion sont tous deux responsables de l’ordre dans le camion. En particulier, il doivent empêcher de fumer ou d’allumer une lumière quelconque.

PANNES EN COURS DE ROUTE

Ne jamais arrêter pour examiner la cause de la panne. Mettre immédiatement la voiture en remorque et continuer la route.
Si la panne est telle que la voiture est immobilisée, on répartit les hommes dans l’Unité, le plus vivement possible et on repart.

DISCIPLINE DE MARCHE

Les Commandants de Groupes et de Sections doivent exiger dans leurs transports de personnel une discipline de marche absolue de leurs conducteurs : départ au coup de sifflet et distance réglementaire maintenue tout le temps.

g) – ROLE EN CAS DE DANGER DE L’OFFICIER LE PLUS ELEVE EN GRADE MARCHANT AVEC UN COMMANDANT DE GROUPE OU UN COMMANDANT DE SECTION

Cet Officier a le commandement. Après avoir consulté le Commandant du Groupe ou de la Section Automobile, il décide l’arrêt, le mouvement à faire faire aux camions et la manière dont sera protégé ce mouvement. Il prend toutes les dispositions nécessaires pour défendre son convoi, qu’en aucun cas il ne doit pas abandonner.
Le Commandant de l’Unité automobile doit s’efforcer de dégager son Unité ; les chauffeurs restent à leur poste, sur leur siège. Ils n’ont à faire le coup de feu que s’il n’y a pas moyen de sauver le matériel autrement.

G.Q.G. le 15 Octobre 1914
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Frederic Avenel
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Re: Transport de troupes en automobile

Message par Frederic Avenel »

Bonsoir,

Il y a eu des accidents au cours des transports de troupes ou de matériel mais le nombre des tués ou blessés dans ces accidents est resté assez marginal.

Un exemple survenu à la section TM 736 en Orient, sur la route de Slivica en 1918; celui-ci s'est terminé sans autre conséquence que matérielle:
Image

Une statistique dressée par le GQG établissait ainsi les pertes du service automobile en avril 1917 depuis le début de la guerre:

- Tués à l'ennemi.......................................................... 180
- Morts en service commandé....................................... 240
- Disparus...................................................................... 10
- Blessés par le feu de l'ennemi................................... 905
- Blessés accidentellement en service commandé..... 1350
------
Total.......................................................................... 2685

soit environ 3.5 % de pertes pour ce service, chiffre sans commune mesure avec celui des troupes en première ligne.
On le voit ici, les pertes les plus importantes sont liées aux accidents.

Il faut imaginer la difficulté de conduite des camions de cette époque (Dominique Bleunven en parlerait certainement beaucoup mieux que moi...): direction imprécise, suspension peu efficiente, bangages pneumatiques étroits amortissant mal les chocs, etc...., sans oublier la nature des routes qui étaient davantage prévues pour les véhicules hippomobiles que pour les automobiles. Leur profil plus bombé que celui de nos routes actuelles (pour faciliter le drainage des eaux pluviales) n'était pas pour faciliter la conduite qui, la nuit s'effectuait en outre avec un maigre éclairage ou tous feux éteints à l'approche des lignes... Les accidents n'étaient par conséquent pas rares, mais le plus souvent sans gravité pour les hommes (les vitesses atteintes n'étaient pas très élevées).
Chaque incident ou accident faisait l'objet d'un rapport établi par le chef de la section automobile, à son retour de mission.
J'ignore s'il y a eu des victimes d'accidents parmi les troupes transportées; c'est vraisemblable. Je suis preneur de toute information à ce sujet.

Bien cordialement,

Frédéric Avenel

P.S.: je cherche à reconstituer les principaux itinéraires de transports de troupes par automobile. Pour ce faire, je dispose de quelques indications mais je suis limité par le fait que je ne dispose pas de carte routière d'époque indiquant la numérotation des routes alors en usage (cela concerne surtout les secteurs situés dans une zone d'environ 100 kms en arrière des lignes). Avez-vous ça dans vos cartons (si possible sous format numérique) ? D'avance merci !!
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BLEUNVEN Dominique
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Re: Transport de troupes en automobile

Message par BLEUNVEN Dominique »

BONJOUR,
Il me semble reconnaître un camion FIAT de la catégorie des 3,5 tonnes des années 1913/14. J'élimine les camions anglais ou américains en raison de la présence du coffret réglementaire sur le côté droit du camion. et il est de la première période à cause des rais (ou si vous préférez des rayons) en bois.
Même de nos jours sur nos routes goudronnées, il est assez difficile de conduire ces camions. Au bout de 2 heures de conduite, le haut de votre dos est dur , comme une barre horizontale au niveau des omoplates. DE plus il faut en permanance rectifier la direction , même sur une ligne droite : en effet il y a un jeu INIMAGINABLE de nos jours au niveau du boîtier de direction, même après rectification chez un spécialiste du pignon et de la vis sans fin. Pour qu'il soit un peu plus "stable" je charge l'arrière du camion.
Mais surtout ce qui me fatigue le plus ce sont les ronds points : il faut vraiment voir pour croire.
Quand j'ai participé au tournage du film "Un long dimanche de fiançailles", c'était dantesque : normalement quand vous êtes dans la boue, on pense à rouler lentement . Eh bien là NON , Monsieur Jean Pierre Jeunet estime que c'est beaucoup trop long !!!! Alors , au fur et à mesure des séances "action" j'allais de plus en plus vite allant même jusqu'à faire du dérapage contrôlé, mais je dois avouer qu'à la fin je finissais par me régaler de la conduite de ce camion De Dion bouton.
A BIENTOT
Amicalement
Dominique
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