17-18 MARS 1917 - Destructions à Guivry (Aisne) par les allemands

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Les Gadas de Guivry
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17-18 MARS 1917 - Destructions à Guivry (Aisne) par les allemands

Message par Les Gadas de Guivry »

Bonjour à tous,
Nous travaillons actuellement sur les événements à Guivry au jour le jour pendant la grande guerre.
Nous avons la chance d'avoir trouvé le journal du Lieutenant Hans Altrogge d'Arneberg, du 205ème Régiment d'Infanterie de réserve allemand dans lequel, il nous décrit son passage dans notre petite commune de Guivry du 17 mars au 19 mars 1917.
Ce document est à rapprocher de celui d'Edouard Coeudevey qui a fait un passage de plusieurs mois dans notre commune (Edouard restera à Guivry de Mai à Juillet 1917) et nous transmet le témoignage des habitants sur ces jours de destructions. Lien vers ce journal http://atelca.fr/remy/transit/edouard/htm/carnet08.htm Je conseille d'ailleurs ce livre dont j'ai plusieurs exemplaires qui circulent dans le village...
Nous serions heureux si certains d'entre vous pouvaient nous aider à en appendre un peu plus sur ce les événements de ces trois jours. Peut-être d'autres témoignages que nous ne connaissons pas, des documents, photos ou autres...
Un grand merci par avance.
LGDG

Voici ce que relate Edouard Coeurdevey:
Journal d’Edouard :
« Un clair matin de printemps, départ de Caillouël. Nous avons gravi la cote 167, un dernier regard jeté à l’ample vallée de l’Oise en fleurs, puis c’est la marche dans la forêt frissonnante : les jeunes feuilles baignent dans des parfums de muguet ; la colonne glisse comme une lente couleuvre dans un chemin creux, débouche en plaine : Guivry – dans les fleurs.
La nature est plus forte que la haine. Elle fait éclater l’espoir dans les champs désolés et recouvre les villages en ruines d’un manteau de fleurs : un voile blanc jeté sur un cadavre.
Pauvre France ! Pauvre village, pauvres paysans. Il est des agglomérations entièrement rasées. Il ne reste rien à envier, personne pour pleurer. Ici, la destruction fut plus douloureuse étant incomplète : le choix des victimes fait mieux ressortir le sadisme du bourreau.
Nos hôtes sont particulièrement éprouvés. Trois hommes et trois jeunes filles de la famille ont été emmenés en servitude. Les trois maisons possédées par la famille ont été incendiées la veille du départ des monstres.
La jeune femme fait le récit des horreurs, la grand-mère écoute, les larmes roulent de ses vieux yeux ternes.
Deux scènes particulièrement frappantes.
Première scène.

Une nuit de février (Les Gadas pensent que c'est en 1917), à cinq heures, une patrouille prussienne, baïonnette au canon vient heurter aux portes des maisons dont la liste est entre les mains d’un sous-officier.
Les femmes réveillées en sursaut, les coups violents. C’est ici chez X ? Bien. Dans votre famille il y a Monsieur X, Mademoiselle unetelle….
« - Oui »
« - Bien. M.M. tel, tel… se rendront à six heures à la Kommandantur. Une voiture les emmènera. Qu’ils prennent avec eux un petit paquet de ce qu’ils voudront. Adieu. Soyez exacts, sinon amende. »
Et la patrouille va de porte en porte, les derniers de la liste sont prévenus une demi-heure, un quart d’heure à l’avance.
Les jeunes filles doivent se vêtir en hâte, maris laisser leur femme, et mères leurs enfants, sans avoir le temps de s’embrasser et partir sans même avoir pu se laver ni se peigner, s’en aller ainsi brutalement de la chassie et des larmes aux yeux, dans l’inconnu.
La scène de l’Italien, veuf, seul avec sa fillette malade, suppliant qu’on ne l’arrache pas à son enfant.
« - Je suis étranger. Je n’ai ni parents ni amis, je ne puis abandonner sur son lit cette enfant. Je ne vous ai rien fait. »
« - Je ne suis pour rien dans la guerre, laissez-moi, pour mon enfant ! »
« - Tonnez la kamine au foisin et en route, hop. »
Et le pauvre diable, aidé d’un coup de crosse, monta dans la voiture.
La maison où est mon bureau appartenait à un des meilleurs propriétaires du village, n’exploitant avec sa femme et sa fille de vingt-quatre ans, qu’une partie de son domaine, le reste en location.
La maison d’ailleurs étant cossue, devait loger des officiers.
Le père, plusieurs fois, rabroua sa jeune fille accostée, entourée par les hôtes importuns :
« - Ce n’est pas ta place, vas donc à la cuisine. »
Il lui en fut gardé rancune. Et le jour de l’enlèvement des déportés, le père, la mère, la jeune fille figuraient sur la liste.
La maison abandonnée au pillage. Le grenier offre un spectacle à pleurer. Le linge fin est déchiré, épars, souillé, perdu au milieu d’édredons éventrés, d’ustensiles de cuisine cassés, de meubles brisés.
Deuxième scène. Celle de l’incendie.
La veille du départ des Boches (Les Gadas pensent qu'il s'agit du 17 mars 1917), la population reçut ordre de prendre un paquet des objets les plus précieux et de se réfugier à l’église, car le village devait être détruit :
« - Comment ! (me raconte la jeune femme) nous vous avons reçus pendant plus de deux années, nous vous avons hébergés, soignés, blanchis, vous avez eu tout ce qui vous a fait plaisir, ce que nous ne voulions pas donner vous l’avez pris, vous nous avez pris nos récoltes, nos vaches, nos chevaux, vous nous avez pris jusqu’au dernier lapin et maintenant que vous avez tout épuisé, qu’il ne nous reste que nos maisons pour nous abriter, vous allez encore nous ôter cela et nous les brûler ?? C’est cela votre remerciement ! »
« - Ah ! Madame, gros malheur. C’est la guerre ! Mais c’est un ordre, allez vite à l’église. »
Et les malheureux affolés, éplorés, femmes, vieillards, enfants se tassèrent avec leurs paquets dans l’église.
Les soudards ricanaient à la vue de tous ces paquets dont le tas grossissait vite au milieu de la nef :
« - Oh ! Vous ! Encore beaucoup riches. Une grenade (incendiaire) là-dedans. »
Et ils faisaient le geste féroce de lancer la grenade, et ils s’amusaient de la terreur crispée sur les visages. Puis L’horrible nuit commença. L’une après l’autre, après les détonations de la grenade incendiaire lancée par l’équipe de bandits, les granges s’allumèrent… Les grandes flammes éclairaient l’intérieur de l’église et les pauvres gens assistaient impuissants à la destruction de leurs foyers ; ils épiaient la direction des flammes et des explosions. Tiens, c’est chez « Pierre » ! Tiens, c’est chez « Michel ». Et les familles « Pierre » et « Michel » se tordaient de désespoir épouvanté.
La première nuit de ce martyre les misérables ne détruisirent que les granges.
Le lendemain (Là, nous pensons qu'il s'agit du 18 mars 1917), sous les yeux des fermiers, ils cassaient à coup de hache les instruments aratoires, sciaient les rais des roues de ces énormes tombereaux picards, ou bien y mettaient le feu.
Dans les cours aujourd’hui, on voit encore des tas de ferraille calcinée ou des herses, des voitures sciées, brisées… La ruine du pays assurée, son relèvement paralysé. Puis dans l’après-midi quand les spahis parurent à l’horizon, les maisons où la sympathie pour l’Allemagne ne s’était pas traduite assez vivement s’allumèrent à leur tour. Les plus belles habitations."

Ensuite, voici le témoignage d'Hans et quelques passages de journaux de marches.

17 MARS 1917
Journal du Lieutenant Hans Altrogge d'Arnsberg – 205° Régiment d’infanterie de réserve Allemand :
« A 6h10, la compagnie part de Quesmy et marche sur Beaugies jusqu'à Guivry. Je passe la nuit dans une grange. »

18 MARS 1917
Journal du Lieutenant Hans Altrogge d'Arnsberg – 205° Régiment d’infanterie de réserve Allemand :
« Tôt, ce dimanche matin, nous avons emménagé dans un lieu différent. Guivry avait déjà quelques maisons détruites. Les villageois avaient reçu l’ordre de nettoyer et vider leurs maisons. Les personnes âgées ont eu du mal à enlever leurs affaires. Tout a été trainé dans l’église parce qu’elle ne devait pas être détruite. Je trouvais tout cela affreux. Seules les choses nécessaires ont été autorisées à être prises. Beaucoup de personnes âgées ont ainsi vu disparaitre en un jour, ou en quelques heures, ce qu’ils possédaient, la totalité de leurs biens. Le travail de toute une vie détruit. A la vue de l’anéantissement, la réaction des habitants et des enfants qui hurlent étaient faciles à comprendre. Dans l’après-midi, d’autres maisons et des granges ont été brûlées. L’air était opaque à travers la fumée dense. Comme la plupart des maisons étaient déjà abandonnées, les soldats sont partis à la recherche d’objets utiles mais surtout de nourriture. Les pommes de terre étaient abondantes et elles ont été cuites ou frites tout au long de l’après-midi.
Le soir, après 22h00, nous sommes partis en direction de Béthancourt, Villequier-Aumont et enfin Tergnier où nous nous avons installé nos tentes. Que ce soit à Guivry, Tergnier et partout dans les villes et villages des environs, il y avait des incendies, beaucoup de maisons ayant subi des explosions. Le ciel était rouge sans dans toutes les directions, de gros nuages de fumée dégageaient une odeur piquante. Les seules choses épargnées étaient les églises. Les poteaux télégraphiques ont été sciés, les fils ont été coupés. Les passages à niveau ont été dynamités. Même les arbres fruitiers ont été éliminés. Les peupliers ont été abattus, les arbres étaient croisés dans les rues pour former des obstacles importants à la circulation. Partout une image d’horreur. Cette région n’oubliera jamais Mars 1917. Combien de villes et villages prospères sont en ruine. Nous ne sommes pas à blâmer pour cette destruction. Si la France avait bien compris l’offre de paix de l’empereur Allemand, elle aurait accepté et les villes et villages de cette région seraient toujours là.»

19 MARS 1917
Journal de marche du 98ème Régiment d’Infanterie :
« Vers 22h00, les hommes du 98° Régiment d’Infanterie arrivent à Guivry. Les hommes sont rompus de fatigue mais il ne faut pas permettre aux Boches de se ressaisir, et il est si agréable de progresser dans les lignes ennemies que cela donne à tous un allant superbe. Ils arriveront à Ugny-le-Gay vers minuit où le régiment passera la nuit. »

Journal de marche du 48ème B.C.P. :
«L’ennemi tient Chauny, Caumont et Villequier-Aumont.
Le Bataillon parti à 16h45 du Plessis-Cacheleux arrive à Muirancourt à 21h00. »

Historique de 3ème Régiment de Chasseurs à Cheval :
« Les reconnaissances du 3ème Escadron (du 3ème R.C.C.) précèdent le 86ème R.I. et le 408ème R.I. qui pénètrent à Beaugies et à Guivry. »

Historique du 48ème B.C.P. :
« Le 48ème BCP doit participer à la poursuite. La marche en avant est assez rapide les premiers jours. Le 19 mars le bataillon atteint Muirancourt. »

Livre « R.A.S. 1914-1919 du Chemin des Dames au G.Q.G. » d’Edouard Deverin :
Edouard faisait partie du 48ème B.C.P.
« Au crépuscule, un ancien cantonnement allemand, à Plessis-Cacheleux, nous paraîtrait assez confortable si des grenades à manches ne traînaient point par terre, dissimulées dans tous les coins. Charmante attention…
Cependant chacun s’installe et muse dehors. Déjà le génie rétablit le télégraphe et refait la route avec des rondins.
Mais comme nous pensions à la soupe, notre ami Leloup, l’élégant cycliste de la brigade, nous apporte un ordre de déguerpir, de gagner je ne sais quel patelin à quinze kilomètres de là (En fait, ils seront à Guivry le lendemain). Grognements. On regonfle les sacs en hâte et la poursuite continue.
Malgré les ténèbres et la pagaye qui s’est établie, la colonne se déploie, avance avec un allant inhabituel. Quelque chose de nouveau, d’inconnu rend cette marche moins fastidieuse. On oublie un peu la fatigue, le gîte incertain.
Dans la nuit, nous croisons une fourragère d’artillerie ; des êtres indistincts nous jettent joyeusement : »Saint-Quentin est pris, les gars. »
Rien ne nous paraît invraisemblable. Autant certaines heures amènent un découragement amer, autant celle-ci nous voit d’un optimisme résolu. Et la nouvelle, acceptée sans contrôle, court, se propage de bouche en bouche.
- Saint-Quentin est pris ! Saint-Quentin est pris !
- Ah !nom de Dieu, c’est une affaire ! »
Si vous trouvez lors de vos recherches des renseignements sur les villages de l'Aisne "Guivry" et "Les Hezettes", merci de nous contacter.
http://guivry.blogspot.com/
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