On a déjà vu titre plus accrocheur sur le forum !
Il y a bien longtemps que je ne m'étais pas lancé dans une petite présentation sur l'étude d'un aspect de la guerre au travers des JMO. Un dicton dit « l'occasion fait le larron ». Enlevons à cette expression sa vision négative. L'occasion, c'est une question de Fabrice sur le bataillon de marche des GVC relevés qui m'a conduit à chercher le sens du mot « relevé ». Et de fil en aiguille à m'intéresser à sa formation et son parcours. En effet, ce bataillon permet d'aborder un type d'unité spécifique lié à une situation particulière et un travail sur une source qu'il convient de croiser pour ne pas faire une erreur importante d'interprétation.
- Retour en août 1914 :
Les GVC sont des hommes de la Réserve de l'Armée Territoriale, les plus âgés mobilisés, des classes 1887 à 1892 (en 1914). Il faut toutefois y ajouter les hommes ayant 4 ou 5 enfants, rattachés aux classes mobilisées les plus anciennes. Chargés de surveiller les ponts, routes et autres lieux sensibles, ils étaient généralement affectés dans une zone proche de leur lieu d'habitation. Dans la subdivision de Verdun, ces GVC sont rattachés au dépôt du 44e RIT.
Un premier changement important a lieu suite de la publication d'une instruction du ministère de la guerre du 17 février 1915 : elle remplace tous les GVC des classes les plus jeunes par des GVC de la classe 1889. Les hommes qui étaient GVC à partir de la classe 1890 et plus jeunes rejoignent donc leur dépôt. Dans la subdivision de Verdun, une fois remplacés, les hommes ont droit à 8 jours de permission et doivent ensuite rejoindre le dépôt du 44e Régiment d'infanterie territoriale à Verdun. Au contraire de ce qui va se passer dans les autres départements, les hommes ne vont pas seulement être envoyés vers des RIT et autres unités qui ont besoin d'hommes : une partie des GVC relevés va donner naissance à un bataillon de marche particulier.
- Un nouveau bataillon de marche :
Ces bataillons de marche sont des unités de circonstances. Il en sera de même pour le BMGVCR qui n'a rien à voir a priori avec le Bataillon de marche du dépôt du 44e RIT.
- Les GVC de la subdivision de Verdun :
Face aux difficultés pour encadrer ce grand nombre d'hommes avec un nombre d'officiers notoirement très insuffisant, il est proposé de créer deux bataillons de GVC en mars et de donner une existence légale au bataillon de marche du dépôt du 44e RIT qui, en avril 1915, occupe les forts dans le 2e secteur. Cela permettrait de faire nommer des officiers dans ces unités plus facilement que pour encadrer les hommes d'un dépôt. Cette proposition ne semble pas avoir été suivie, à part la création d'un bataillon de marche de GVC.
Le 4 avril, 230 GVC du sud de la subdivision partent en permission et doivent arriver à Verdun le 12 avril suivant. Ils forment le premier contingent ; le suivant arrivera beaucoup plus tard. Le gros des GVC ne doit d'abord arriver fin avril et porter à 3800 le nombre de GVC présents. Les difficultés pour organiser leur accueil est flagrant : on prévoit trois bâtiments de l'hôpital de Verdun inachevés pour en loger environ 850. Pour l'armement, le problème se pose aussi : il faut des fusils pour l'instruction de la classe 1916. Pourquoi ne pas prendre ceux qui ont été réservés pour les GVC et les remplacer par des modèles 1874 ? C'est ce qui est fait.
Ce n'est finalement que fin mai que les GVC arrivent. Ils ont été relevés de leur poste, d'où la désignation de GVC « relevés ». On trouve aussi la formule « GVC rappelés », mais est-ce pour qualifier les mêmes hommes (page 57 du JMO de la place de Verdun) ? Des GVC de la 13e région militaire, classe 1889, en plus de GVC de la 6e région militaire, les remplacent.
Ils doivent arriver à Verdun entre le 17 et le 26 mai. Ils doivent être habillés, vaccinés et faire quelques tirs afin d'être « partiellement utilisables » à partir du 1er juin. Dès le 10 mai, le problème de l'armement pour ces GVC se pose pour la raison évoquée plus haut.
Le 17 mai, le 45e RIT fournit au dépôt le capitaine Pied et les lieutenants Castelbon et Martineau pour l'encadrement des GVC. Les problèmes sont réglés les uns après les autres.
Elément important, le JMO de la place de Verdun nous apprend que ce sont des hommes des classes 1890 à 1892 (RAT) mais aussi des classes 1893 à 1899 (armée territoriale) qui arrivent.
Tout reste à faire pour, à partir des 3927 GVC comptabilisés. Ils doivent uniquement être instruits sur 3 situations : en marche, en station, au combat. L'instruction individuelle se réduit à l'instruction des tireurs, des exercices de tir et l'utilisation de l'outil portatif. Au niveau du groupe, on travaille surtout la formation de la section, le service en campagne, le feu collectif et les travaux de campagne. Pour le service intérieur, seules les marques extérieures de respect, la tenue, l'hygiène et les bases de la discipline seront revues. Il n'y a qu'une semaine tout au plus entre l'arrivée et le départ des premiers renforts au front !
Les groupes sont constitués au fur-et-à-mesure des arrivées :
1er groupe, Hôpital militaire, 980 hommes encadrés par le capitaine Gavard ;
2e groupe, Quartier Troeuil de Beaulieu, 1200 hommes encadrés par le lieutenant Haudidier (directeur : commandant Basse) ;
3e groupe, caserne de Jardin Fontaine, 1000 hommes encadrés par le lieutenant Tribout (directeur : commandant de Méloizes du 166e RI) ;
4e groupe, caserne Niel (Thierville), 800 hommes non encadrés au moment de leur arrivée.
- La création du BMGVCR :
- En ligne...
Grâce au JMO du 45e RIT, on apprend aussi que les relèves s'enchaînent jusqu'au 23 août. Par exemple, le 6e bataillon du 45e RIT est relevé le 28 juillet dans le 1er secteur par le bataillon des GVC ; ce dernier y reste jusqu'à sa relève par le 6e bataillon du 45e RIT le 5 août. Mention suivante, le 19 août pour une relève du 6e bataillon par les GVC. On apprend à cette occasion que le capitaine Magnenot passe commandant de bataillon à titre temporaire à partir du 15 août.
La décision de créer la Région fortifiée de Verdun le 8 août 1915 va nous permettre de mieux suivre le parcours du bataillon. En effet, suite à cette création, toutes les troupes territoriales sont réparties entre la 72e DI et la 132e DI. Désormais, le BMGVCR intègre la 72e DI et apparaît dans son JMO.
- Le BMGVCR à la 212e brigade, 72e DI
Le 18 août, au cours d'une patrouille franche, Charles Paul de la 22e compagnie de GVC est tué par méprise par un des caporaux du groupe à 21h00. Je n'ai pas trouvé trace de cet homme dans les fiches MDH. C'est en tout cas un preuve que si le bataillon travaille activement, il participe aussi à la défense du secteur, mettant en place des reconnaissances.
- Le BMGVCR change de rattachement.
Suite à une réorganisation des brigades composant le 72e DI, le Bataillon est affecté au 2e régiment de marche composé de trois bataillons du 44e RIT et donc de notre bataillon. Le bataillon ne doit plus aller aux avant-postes du sous-secteur sud-est et reste en réserve à Souville. Il passe de la 212e brigade d'infanterie à la 143e. Le bataillon va à Vachérauville et est à la disposition de la brigade à partir du 27 septembre. Ce changement explique aussi pourquoi le bataillon a un JMO à partir du 1er octobre : à cette date, il s'administre seul, il n'est plus rattaché à une autre unité. A cette date, le bataillon compte 12 officiers et 839 hommes de troupe.
Il monte immédiatement en ligne, à savoir deux compagnies au bois d'Haumont et deux compagnies au bois de Consenvoye (JMO de la 143e BI, page 66). A partir du 8 octobre, le BMGVCR a trois compagnies dans le bois de Consenvoye et une compagnie à Brabant, avec d'autres unités de la brigade. Le JMO de la brigade ne donne pas d'indications de changements de secteurs jusqu'au 13 février 1916, ce qui n'est pas le cas du JMO du bataillon qui permet de suivre avec précision les relèves, les zones occupées par chaque compagnie. Le 13 février, toute la brigade a une rectification de ses positions qui ne change rien aux sous-secteurs occupés par le BMGVCR. A partir du 15, les unités sont en alerte.
- Verdun, 21 février 1916 :
Le 25 février, la brigade est regroupée à la ferme de Choisel et compte ses hommes. Au BMGVCR, 10 officiers et 459 hommes (plus 42 chevaux). Il est réorganisé en deux compagnies de marche :
1ère avec les 22e et 24e compagnies, aux ordres du capitaine Pied ;
La 2e avec les 23e et 25e compagnies, aux ordres du capitaine Latrage.
Le bataillon suit la 143e brigade qui quitte le front pour se reconstituer.
- La dissolution du bataillon :
« A la date du 11 mars 1916, sous le n° 7647, le général en chef a décidé que le bataillon des GVC repliés (sic) (44e régiment territorial d'infanterie), rattaché à la 72e DI, sera dissous et que les hommes des classes 1896 à 1897 incluses qui en font partie seront affectés à des corps territoriaux de l'avant de la VIIe Armée. En conséquence, le général commandant la VIIe armée a décidé que les militaires susvisés seront affectés ainsi qu'il suit, à la date du 5 avril 1916 :
1° Ceux des 22e et 23e compagnies : au 250e RIT. Ils rejoindront par la gare de ravitaillement de Valdieu.
2° Ceux de la 24e compagnie : aux 51e et 115e régiment territorial (la moitié de l'effectif à chaque régiment). Ils rejoindront par la gare de ravitaillement de Corcieux.
3° Ceux de la 25e compagnie : au 284e RIT. Ils rejoindront par la gare de ravitaillement de Belfort ». Page 23 du JMO de la 143e BI.
Les hommes appartenant à la RAT sont versés au 96e RIT (page 80 du JMO de la 72e DI).
- En guise de conclusion :
Des hommes au parcours qui n'est pas achevé, bien loin en tout cas de celui que connurent la très grande majorité des GVC. La grande majorité ne retournera pas au front dans une unité combattante : à part les officiers et les plus jeunes, la plupart vont se retrouver dans des RIT chargé de travailler plus que de combattre.
J'espère que Fabrice y aura trouvé les réponses qu'il cherche, des détails qui l'aideront à mieux cerner le parcours de son arrière-arrière grand père dans une unité particulière. N'hésitez pas à lire les JMO des sources, les récits sont riches et mettent bien en évidence les changements d'affectation que pouvaient connaître certains hommes.
- Pour poursuivre :
Si vous avez d'autres renseignements sur ce bataillon, n'hésitez pas !
Amicalement,
Arnaud
- Sources :
JMO du 45e RIT, SHD 26N784/7, mai 1915, février 1916.
JMO de la 143e BI, 26N533/11, août 1914 à février 1916,
JMO de la 143e BI, 26N533/12, février, décembre 1916,
JMO de la 212e brigade d'infanterie, SHD 26N545/1, septembre 1915, février 1916.
JMO de la 72e DI, août 1915, décembre 1916, SHD 26N397/2
JMO de la place de Verdun, SHD 26N67/10, Juillet 1914 à août 1915.
Edité pour ajouter une carte oubliée et le lien vers le JMO de la place de Verdun.