Le 38e RI a-t-il eu une fourragère ?

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baudrier
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Re: Le 38e RI a-t-il eu une fourragère ?

Message par baudrier »

Voici des pages d'histoire du 38e pour les 5 et 6 juin 1832. Le régiment a participé à la répression de l'insurrection des Misérables de Victor Hugo !

A partir de la page 5 c’est l’histoire du 38e de ligne ces jours-là
Répression de l’insurrection des 5 et 6 juin 1832
Écrire la répression de l’insurrection parisienne des 5 et 6 juin 1832 est un vaste programme … dont par ailleurs l’intérêt est à démontrer, l’intérêt d’une refonte des récits d’époque s’entend. Que faire ? Une étude régiment par régiment ? Tentons-la. Mais pour nous faire la main, pour voir venir, suivons d’abord le général Lafayette qui le 5 juin arpente lui aussi les rues de la capitale.
Le général Lafayette le 5 juin 1832
On avait fait des projets à sa place. Quelques jours avant le 5 juin des organisateurs de l’insurrection avaient prévu de conduire le général Lafayette à l’Hôtel-de-Ville mais de l’écarter par la suite dans leur marche au pouvoir.
C’est ce que révèle le compte rendu du jugement d’un inculpé après l’échec de l’insurrection :
« “ … Il a été plusieurs fois question, dans les procès politiques, d’une association gauloise ayant pour but d’enrôler des ouvriers que l’on classait par centuries et décuries. Jean-Henri Lépine, signalé comme l’un des agens de cette société, s’est vu traduit aujourd’hui devant la première section de la Cour d’assises, présidée par M. Naudin. Les 3 et 4 juin, il révéla aux sieurs Rèche et Poiret à qui il venait de délivrer des brevets de décurion et de centurion, un complot qui ne devait pas tarder à éclater, et qui amènerait d’une manière infaillible la chute du gouvernement, parce qu’on y réunirait les mécontents de toutes les opinions. Il leur remit des cartes lithographiées, timbrées de cachets rouges, et portant ces mots : Patrie ; Association gauloise, et les engagea à les distribuer. Il leur donna aussi des balles de plomb ; il les pressa de se trouver au convoi du général Lamarque, et leur recommanda de se munir de deux épinglettes et de deux pierres à fusil, parce que le moment était pressant et qu’il ne fallait pas le laisser échapper. On devait, suivant lui, désarmer la troupe, proclamer la république sur la place de la Bastille, et se servir seulement du nom, mais nullement de la personne du général Lafayette, attendu qu’on ne voulait pas de lui. Lépine devait être membre du gouvernement provisoire. L’armée était gagnée, à l’exception des dragons et de la garde municipale, dont on espérait venir à bout en deux heures de temps … »
Au départ du convoi le général Lafayette avait été placé à la gauche du char funèbre. Arrivé à la place de la Bastille on lui présenta un bonnet rouge :
« … C’est un nommé Pelvilain qui, sur la place de la Bastille, a présenté au général Lafayette un bonnet rouge placé au bout d’un drapeau rouge, en invitant le général à y déposer une couronne d’immortelles. M. Lafayette ayant refusé, Pelvilain a placé lui-même la couronne. »
Au pont d’Austerlitz, il prononce un discours :
« … Le général Lafayette ne devait pas prendre la parole, mais il y est convié ; son allocution fut courte et couverte d’applaudissements. Il présenta, d’un côté, au peuple la place où fut prise la Bastille, cette place, sublime représentation de la révolution de 1789 ; de l’autre, la nombreuse réunion du peuple, vainqueur dans la grande semaine de 1830. Il rendit un hommage d’enthousiasme au drapeau, non des rois réunis, mais des peuples de Pologne, de Portugal, d’Espagne, d’Italie et d’Allemagne. Il termina en engageant la multitude à se retirer tranquillement et à ne pas gâcher cette journée patriotique… »
Il avait dû apercevoir un autre drapeau rouge, brandi par un cavalier, Peyron, qui passera en jugement à ce titre :
« Tandis qu’il [Peyron] s’approche de l’estrade, le général Lafayette monte dans une voiture de louage qu’on lui a amenée et regagne son hôtel : en partant il rencontre des dragons qui ouvrent leurs rangs pour le laisser passer. »
Sur ce, il est conduit à l’Hôtel-de-Ville :
« … les dragons ne semblaient animés d’aucun sentiment hostile ; ils avaient leurs pistolets dans les fontes, et leurs fusils au porte-crosse. Ils s’avancèrent rapidement et s’arrêtèrent à deux cents pas du pont. Une multitude frémissante leur faisait face ; sur leur flanc gauche régnaient des palissades ; à leur droite s’élevait, sur la Seine, l’île Louviers. Le tumulte, d’ailleurs, était au comble. Une voiture se présenta, traînée par des jeunes gens qui, après y avoir fait monter M. de Lafayette, le conduisaient en triomphe à l’Hôtel-de-Ville. L’escadron ouvrit ses rangs pour livrer passage au général, et, un instant après, plusieurs coups de feu retentirent… »
Ailleurs, son départ est plus mouvementé :
« Un fiacre fut dételé, et le général Lafayette forcé, bien plus qu’invité, d’y monter pour être ramené ainsi jusqu’à son domicile… Cependant le groupe qui avait voulu conduire le corbillard au Panthéon avait été arrêté par la garde municipale qui s’opposa au passage, rue Buffon et rue Poliveau, et assura le départ des restes du général Lamarque. Mais, d’un autre côté, la voiture dans laquelle on traînait le général Lafayette avait été rencontrée, par deux escadrons de dragons, à la hauteur de la caserne de Sully : ils furent accueillis par des coups de feu… »
Chez un autre auteur également :
«… Lafayette was brought to the podium by popular demand. As he was speaking there were rumors that he was about to proclaim the republic and establish a provisional government. Several men, members of the shadowy Association gauloise, suddenly shoved him into a carriage bound for the Hôtel de Ville ... ”
A-t-il été enlevé par l’Association gauloise. Vérification faite, les références invoquées (en note 100) par l’auteur citée en note (notre note 7) n’incriminent pas l’Association gauloise.
Un rapport nous donne des nouvelles du trajet du général :
« … Le 6e dragons, sur un avis du préfet de police, avait fait sortir deux escadrons. Arrivés à la hauteur de la caserne de Sully, formés en colonne par pelotons, et le sabre dans le fourreau, ces troupes rencontrèrent la voiture du général Lafayette, suivie d’une foule pressée, armée de fusils, de pistolets, de sabres et de poignards, et reçurent vingt ou trente coups de feu, dont furent atteints quelques hommes et plusieurs chevaux. Le chef d’escadron Desolliers, qui les commandait, fit prévenir le colonel de l’embarras de sa situation, et le reste du régiment monta à cheval pour tourner les séditieux. Cependant M. Desolliers marcha seul aux assaillants, et ses discours, la ferme contenance de ses troupes, les décidèrent à chercher un autre passage et à s’éloigner. Cette même voiture, ce même cortège, passant plus tard (à six heures) près du poste de la Madeleine voulut le désarmer, sous prétexte d’avoir le moyen de protéger le général menacé. L’officier commandant ce poste refusa de livrer ses armes, offrit seulement une escorte à M. de Lafayette, qui le remercia, sans accepter, et la foule continua sa marche aux cris de Vive la ligne, vive le 3e léger ! »
Le général pourra échapper à ses ravisseurs et rejoindre librement son domicile. Il faut dire que de toute manière les forces de l’ordre s’étaient interposées sur le chemin de l’Hôtel-de-Ville.
Nous avons vu plus haut que l’exposé d’ensemble de la répression pose un problème de méthode. L’époque produira plusieurs récits, nous en avons utilisé plus haut. Faut-il en faire la synthèse ? Oui certes mais comment ? Cherchons l’inspiration dans une étude par régiment. Le 38e de ligne par exemple. Il est très actif les deux journées.
Le 38e de ligne les 5 et 6 juin 1832
Au début des hostilités, il est au Carrousel, venant de la place de la Concorde et de Versailles :
« … Deux escadrons de carabiniers se rendaient en hâte au Panthéon avec un bataillon du 25e, deux bataillons du 16e étaient à l’Hötel-de-Ville, deux bataillons du 16e au Châtelet, un bataillon du Ier de ligne à la porte Saint-Denis, deux bataillons du même régiment étaient réunis place Vendôme, le 6e dragons était dans ces positions entouré de barricades, le 2e dragons au Carrousel, le 38e de ligne au Carrousel et au terrain de Bellechasse pour garder les ministères de l’intérieur et de la guerre… »
On le retrouve à partir de 8 heures du soir :
« … A 8 heures, un second peloton de la Ire compagnie [de la 2ème légion de la garde nationale], où se trouvaient quelques chasseurs de la troisième, commandé par le capitaine Lachardonnière, est parti sous les ordres du général Laidet, à la tête d’une compagnie du 38e d’infanterie. Il a occupé la place Victoire, jusqu’à 6 heures du matin : continuellement assailli par le feu d’une barricade élevée rue du Petit-Reposoir, le capitaine Lachardonnière a concouru à son attaque à 3 heures du matin. De concert avec le capitaine d’infanterie Bricard, le même capitaine Lachardonnière a fait fouiller les maisons des rues du Petit-Reposoir et Pagevin, d’où le feu était parti. Il y a fait de nombreuses arrestations d’individus qui ont été déposés au poste des Petits-Pères. Il a saisi sur eux des cartouches, un fusil, et n’est rentré à l’état-major qu’à 6 heures du matin. Il se loue beaucoup du zèle qu’ont montré, dans cette circonstance, les lieutenants Cornuber et Torras. Entre onze heures et minuit, la capitaine Rousselot, commandant un peloton de 60 grenadiers et suivi de deux compagnies du 38e de ligne, en partit sous les ordres du chef d’escadron Baillot, /pour se rendre rue du coq ; à la hauteur ils ont renversé une barricade formée de cordes attachées à un cabriolet et défendue par des hommes embusqués … »
On retrouve trois compagnies au milieu de la nuit :
« … il fut résolu, au milieu de la nuit, de détruire les barricades des rues Saint-Martin et aboutissantes, de la rue Saint-Denis et de la rue du Temple. Cette opération fut exécutée par quatre cents hommes du 16e de ligne, rue Saint-Denis ; quatre cents du 25e rue Saint-Martin, et enfin cent cinquante du 38e avec trois cents gardes nationaux dans la rue du Temple, pendant que trois cents hommes du Ier de ligne et quatre cents hommes de garde nationale se portaient sur le boulevart pour fermer le passage aux rebelles qui allaient être chassés des rues. L’ensemble de ces mouvements commencés à trois heures du matin , à cinq heures avait reçu son exécution, et les séditieux étaient refoulés d’un côté, à la place de la Bastille et dans le faubourg Saint-Antoine, entourés, de l’autre, dans les rues Aubry-le-Boucher, Saint-Merry, Saint-Martin, Planche-Mibray, des Arcis et dans quelques maisons donnant sur le Quai, depuis le Châtelet jusqu’à la place de Grève. A six heures, l’artillerie de Vincennes était dans la place Louis XV, deux bataillons du 14e arrivaient de Saint-Cloud et furent suivis du 42e de ligne, du 5e lanciers, du 2e carabiniers, 1er de cuirassiers et trois batteries de Versailles … »
Un bataillon était allé en renfort rue Saint-Martin :
« M’ayant fait avertir … de faire porter quelques secours dans la rue Saint-Martin, je dirigeai un bataillon du 38e avec les deux pièces d’artillerie et cinquante dragons, qui se rendirent en toute hâte sur le point d’attaque par l’entrée de la rue Saint-Martin donnant sur le boulevart. Cette colonne arriva à temps pour remplacer un bataillon du 25e de ligne qui allait se retirer n’ayant plus de munitions. A son arrivée, elle se mit sous les ordres du général Leydet, comme je le lui avais ordonnée »
C’est le général Schramm qui rend compte au maréchal Mouton, comte de Lobau, commandant la garde nationale de Paris.
Il faisait jour désormais et …
« … A sept heures du matin, l’ordre fut donné d’enlever les barricades de la Bastille et du faubourg Saint-Antoine. Cette opération fut confiée au général Schramm. Pour la mettre à fin, marchèrent contre le même point à la fois trois colonnes. Un bataillon du 3e léger et un demi-bataillon de la banlieue par la rue Saint-Antoine … / Deux barricades fermaient la place, l’une de l’éléphant au canal, l’autre à l’entrée du faubourg Saint-Antoine. Elles furent enlevées à la baionnette par la colonne du 3e léger et de la banlieue ; l’entrée du faubourg fut emportée de même ; le canon ouvrit une maison de laquelle tirait un capitaine de la garde nationale [Pépin, P. B.]. Le bataillon du 3e léger poussa jusqu’à la barrière du Trône ; le bataillon du 38e avança dans la rue de Charenton jusqu’aux Orphelins, et de là vint, par sa gauche, rejoindre la rue du Faubourg Saint-Antoine … »
Des barricades avaient été détruites mais …
« Les barricades élevées à droite et à gauche du canal avaient été détruites ; mais, informé, vers le milieu de la journée, que quelques insurgés s’occupaient à les reconstruire près des ponts de la Gare et d’Austerlitz, j’y envoyai un bataillon du 38e, qui venait d’arriver avec le 5e de lanciers, conduit par le général Lavoëstine. Ce bataillon culbuta les barricades dans le canal, et prit position au pont d’Austerlitz, avec un escadron de lanciers qu’y dirigea le général Lavoëstine. Ces troupes demeurèrent sur ce point jusqu’après le passage du Roi, qui vint sur les lieux recevoir les témoignages de respect et de dévouement de la population du faubourg et des troupes qui l’occupaient. »
Ci-après une variante du rapport :
« … Au milieu du jour, on tenta de faire des barricades vers le pont d’Austerlitz. Les dragons les détruisirent, et une partie du 38e fut chargé de veiller sur ce pont… »
Le 38ème était-il mis au repos. Hé bien non :
« … à trois heures, un bataillon du 38e, un du 1er de ligne et un du 42e, avec deux pièces d’artillerie et plusieurs bataillons de la garde nationale, sous les ordres du général Leydet, combinant leurs efforts, parvinrent à enlever ce dernier rempart de la révolte. C’est dans cette circonstance que le colonel du 42e a été blessé … »
La reproduction des lignes qui précédaient localisera ce dernier rempart de la révolte :
« Après la chute des barricades de la Bastille, restait la position de Saint-Méry, la rue Aubry-le-Boucher, celle des Arcis, celle Planche-Mibray, fortement barricadées et défendues avec désespoir ; quelques maisons voisines du quai aussi étaient occupées, et faisaient feu vers le pont Notre-Dame. Dès le matin, les troupes envoyées vers la Bastille y avaient lancé quelques compagnies d’élite, qui poussèrent jusqu’à la rue aux Ours, et se réunirent à la place de Grève. Un bataillon du 12e léger, destiné à occuper le faubourg Saint-Antoine avec d’autres troupes mises sous les ordres du général Tiburce Sébastiani, appelé à secourir des gardes municipaux compromis fut engagé à ce point sous un feu assez vif, et passa de là sur la place de Grève, où il resta en position. Enfin, à trois heures … »
Le régiment prend part à l’assaut final :
« … Le 6 juin, deux barricades coupaient la rue Saint-Martin : l’une au nord, à la hauteur de la rue Maubuée ; l’autre beaucoup plus forte, au midi, à la hauteur de la rue Saint-Mery et à quelques pas de la vieille église de ce nom. Les insurgés avaient établi le réduit de la défense dans une maison située au coin de la rue Saint-Méry et faisant face à la rue Aubry-le-Boucher. Ils en occupaient le rez-de-chaussée et les abords… Pour triompher de leur résistance, il fallut rercourir à l’artillerie. Le commandant Guévillers, avec un bataillon du 38e, fut chargé d’enlever les barricades de la rue Saint-Martin. Vers trois heures, la compagnie de voltigeurs /du capitaine Mollet enleva vigoureusement les premiers obstacles élevés par les insurgés, mais il fallut employer le canon pour les déloger de la barricade de l’église Saint-Nicolas. A quatre heures, toutes les barricades furent attaquées à la fois par quatre compagnies commandées par les capitaines Michaud, Daret, Malherbe et Mollet. … le capitaine Daret fut tué … Le plus grand nombre des insurgés jugeant la résistance impossible, s’élancèrent audacieusement à la baïonnette et firent retraite par la rue Maubuée. Les autres se précipitèrent, pour s’y défendre, dans la maison qui leur servait de réduit… »
Telles furent les aventures du 38e de ligne. Mais elles ne suggèrent qu’une méthode pour écrire l’histoire de la répression de notre insurrection : une étude par régiment. Et puis un détail subsidiaire intrigue. Que faire des lignes suivantes :
« Au petit jour, les barricades de la rue Montmartre et de la rue du Petit-Reposoir furent attaquées et enlevées par des détachements des première et troisième légion, des 14e léger et 38e de ligne … » ?
D’où sort cette unité du 38e de ligne, nous ne l’avons pas vue à l’œuvre ci-dessus ? Poursuivons donc les recherches.
Justement, le 38e apparaît dans la publication suivante :
Pièces relatives aux journées des 5 et 6 juin 1832, Revue rétrospective. Recueil de pièces intéressantes et de citations curieuses. Nouvelle série. Huitième semestre (Juillet-Décembre 1893), T. XIX, pp. 73-96, 145-168, 265-287
elle aussi, nous aurait-elle réservé quelques incertitudes ?
Peut-être que non et qui plus est, y rejoint-on le 38e le 6 au petit jour dans les rues Montmartre et du Petit-Reposoir ?
Le 5 au matin, le chef de bataillon Gueswiller s’est rendu sur la place Vendôme avec quatre pelotons de seize files pour faire partie du cortège. Ils ne se mêlèrent pas à la foule mais longèrent les boulevards. Une fusillade engagée sur leur gauche les firent déboucher par la rue du Faubourg Saint-Denis pour s’emparer de la position qui domine le boulevard Saint-Denis (p. 96) Le chef de bataillon Gueswiller commandait quatre petits pelotons, le 6 son détachement qui était allé place de la Bastille s’est rendu avec deux pièces de canon dans la rue Saint-Martin. Le sabre du voltigeur Marroc est teinté du sang de plus de dix combattants, au dire de ses camarades il en a tué sept (p. 94).
On lit par ailleurs que le 6, vers quatre heures de l’après-midi un bataillon est envoyé place du Carrousel et un autre sur le terrain dit de Bellechasse. Puis ils suivent la rue de Richelieu et les boulevards jusqu’à la place de la Bastille. Le mouvement a eu lieu dans la matinée du 6 et a été opéré par le demi-bataillon du commandant Gueswiller ou ce qui en restait. M. de Mortolon avait eu, le 5 au soir, deux pelotons détachés à la place de la Victoire. Les six autres pelotons avaient passé la nuit à différentes expéditions menées par des commissaires de police et à rétablir les communications entre les boulevards et le quai, par la rue du Temple et celles qui la prolongent. Finalement les onze petits pelotons furent réunis place de la Bastille (p. 145) où on les envoya empêcher des barricades dans la rue Contrescarpe, au bout du boulevard Bourdon et sur le pont d’Austerlitz. Ils reçurent alors l’ordre d’éclairer la marche du roi, depuis les greniers d’abondance jusqu’aux Tuileries. Le commandant Gueswiller se sépara pour aller, avec deux pièces d’artillerie, balayer la rue Saint-Martin. Il relaya un bataillon du 25e qui avait épuisé ses cartouches et arriva près de l’église Saint-Merry. Il débusqua les rebelles du petit hôtel Jabouck, s’empara de la barricade proche et fut rejoint par un bataillon du 42e (146).
Il semblerait donc que les barricades qui nous intriguaient, rues Montmartre et du Petit-Reposoir, aient été attaquées par les hommes de M. de Mortolon. Si nous ne l’avons pas suivi autant que le commandant Gueswiller c’est qu’à l’époque l’auteur du récit que nous citions, Du Rocheret, colonel du régiment, accompagnait Gueswiler et non de Mortolon.
Dans le quartier Saint-Merry le capitaine Daret avait été mortellement blessé à la fin des combats. Voici une notice qui en rend compte :
Le capitaine Daret
L’insurrection des 5 et 6 juin 1832, à Paris, a provoqué des drames, y compris parmi les vainqueurs. C’est ainsi que le capitaine Claude-Edme Daret, du 38e de ligne, sera tué le 6 , le jour même où il devait se marier à Versailles. Son régiment avait été appelé en renfort. On lit dans Le Constitutionnel :
« M. le capitaine Daret du 38e de ligne était en garnison à Versailles. Il devait se marier le 6 de ce mois avec une jeune personne de cette ville ; le 5 au soir, son régiment est appelé à Paris, il est forcé de le suivre et d’ajourner ses noces à quelques jours. Le 6 juin, M. Daret est à la tête de sa compagnie, il se porte avec elle partout où le danger l’appelle ; le combat était à sa fin, quelques coups de fusils partaient encore, sans qu’ils inquiétassent autrement la troupe, et c’est l’un de ces coups qui traverse la tête du capitaine et l’étend raide mort. Ainsi c’est le jour même destiné à un mariage qui devait être heureux, que M. Daret succombe par une balle française, lui qui avait affronté celles de l’ennemi dans les campagnes de 1813, 1814 et de 1815. »
Dans le Journal des débats on lit :
« … ce matin. La garde nationale a conduit le cercueil de M. Daret, capitaine au 38e régiment de ligne : dernier et touchant témoignage de cette fraternité des deux armes qui ne finit qu’au cercueil.
La mort du capitaine Daret est un des plus terribles épisodes de cette longue et triste journée du 6 juin, qui a pris sa place à côté de nos journées les plus sanglantes. Quatre compagnies du 38e avaient été envoyées dans la rue Saint-Martin pour enlever une barricade. Après une attaque de quelques heures, ces compagnies se retiraient faute de cartouches, quand le capitaine Daret fit enfoncer par les sapeurs la porte de plusieurs maisons d’où partait un feu meurtrier. Pendant ce temps il se portait lui-même par la rue Quincampoix sur les barricades de la rue Aubry-le-Boucher. Il enleva plusieurs de ces barricades. La dernière de toute paraissait inabordable ; outre qu’elle était d’une prodigieuse hauteur , elle était défendue par un feu croisé et très nourri. Cependant rien ne put arrêter le capitaine et ses voltigeurs. La barricade fut emportée ; mais le capitaine Daret y demeura : il a été enterré aujourd’hui… »
Suit le texte d’un discours verbeux de M. Andryane de la Chapelle, commandant le 1er bataillon de la 11e légion.
Le capitaine Daret était né à Tonnerre le 21 janvier 1796 de Jean Baptiste et de Catherine Louise Barrault, son épouse . L’autorisation de mariage était arrivée le 30 mai 1832. Il s’agissait de Louise Adélaïde Désirée Martin de Maupertuis, 29 ans, fille naturelle de Marie-Adélaïde Martin de Maupertuis , veuve de Jacques Claude de Brossard. La promise était honorablement connue et apportait en dot 9 000 fr en capital et 2 284 fr en rente sans compter 36 000 fr d’espérance (héritage maternel).
Nous disions au début de cet exposé l’avoir entrepris pour voir.
Nos recherches partielles nous ont suggéré cependant des réflexions d’ensemble.
Nous avons une réponse à la question : qui lança l’insurrection ? Les premiers coups de fusil partirent-ils de la troupe ou du cortège ?
Les tribulations du général Lafayette nous ont révélé que l’insurrection fut provoquée involontairement par les forces de l’ordre, par la sortie du 6e dragons.
Autre conclusion : une étude de tous les régiments, des légions de la garde nationale, de la garde municipale, ne lèverait pas toutes les incertitudes sur leurs mouvements.
Parfois il nous manque aussi le point de départ des régiments à Paris. La place, car c’est généralement une place, où l’on fit bivouaquer les régiments arrivés en renfort, la caserne parisienne dans le cas des régiments stationnés dans la capitale : on connaît la caserne des Célestins du 6e dragons, la caserne de l’Avé-Maria du 16e de ligne, indiquée au détour d’une page, mais quid des autres.
Dans la nuit du 5 au 6 le commandement avait décidé de ne pas replier la troupe sur l’École militaire au risque de faire croire à la victoire de l’insurrection et de lui faire affluer des renforts. Au contraire on décida de s’attaquer aux barricades pendant la nuit.
Les troupes circonscrivirent rapidement les périmètres de l’insurrection, les limitant au quartier de la place des Victoires, ensuite au faubourg Saint-Antoine, au Marais, en contrôlant les boulevards.
On tira au canon, fit appel aux sapeurs, à la bande à Vidocq.
Pierre Baudrier

Extrayons les hommes du 38e d’un index des personnages
Pièces relatives aux journées des 5 et 6 juin 1832, Revue rétrospective. Recueil de pièces intéressantes et de citations curieuses. Nouvelle série. Huitième semestre (Juillet-Décembre 1893), T. XIX, pp. 73-96, 145-168, 265-287
Index des personnages
Daret, capitaine au 38e, tué, 95, 147 ; Du Rocheret, colonel du 38e, 74, 93, 95, 96, 147, 148 ;
Gueswiller, chef de bataillon au 38e, 93-96, 145, 146 ; Klein, grenadier au 4e bataillon du 38e, 95, 147,
156 ; Langlois, sergent au 38e, 94 ; Malherbe (de), capitaine au 38e, 94, 95, 146 ; Marroc, voltigeur au
38e, 94, 95 ; Michaud, capitaine au 38e, 94, 95, 146 ; Mollet, capitaine au 38e, 94, 95, 146 ; Mortolon
(de), officier, 38e, 145 ; Plession (Plisson),, grenadier au 4e bataillon du 38e, 95, 156 ; Rousseau,
lieutenant au 38e, 94 ; Roussel (Siméon), au 38e, 95 ; Toutan, grenadier du 2e bataillon du 38e, 93,
156 ; Trugat (Trugart), voltigeur au 4e bataillon du 38e, 95, 156 ; Varin, fusilier de la 5e du 2e bataillon
du 38e, 93 ; Voisin, sergent à la 1ère cie du 1er bataillon du 38e, 95, 147, 156

Pierre Baudrier
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