le 69 ème RI

R.I. - R.I.T. - Chasseurs
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jacques didier
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Re: le 69 ème RI

Message par jacques didier »

Bonjour à toutes et à tous,

Voici un plan qui a été tiré d'après la carte du service géographique de l'Armée au 80.000e concernant le secteur du Léomont. Il permet de situer la ferme du Léomont dont on trouve de nombreuses cartes postales.

Image

Cordialement.
J.Didier

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jmperette
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Re: le 69 ème RI

Message par jmperette »

Bonjour à toutes et à tous,

A propos du colonel Courtot de Cissey

Le 26 août 1914, le colonel Courtot de Cissey (de souche paternelle Bourguignonne, mais Lorrain par sa mère), ancien élève de Saint-Cyr, commandant du 69e R.I. venait de se voir confier le commandement de la 21e brigade en remplacement du général Delbousquet blessé. Le 1e septembre, alors qu’il transmettait ses ordres, il tombait, à 52 ans, atteint à la gorge par un éclat d’obus près de la ferme « des Quatre-Vents », au pied du Léomont. Il est transporté et installé sur un matelas dans la salle à manger de la ferme chez M. et Mme Bazin, où il expira.

La ferme des Quatre-vents :
« En sortant du village de Vitrimont, un chemin conduit à gauche vers Léomont, à droite vers Frescati. Des arbres le bordent. Le terrain ondule mollement. On n’a pu faucher les avoines. Tant de troupes ont piétiné la moisson que le grain a germé et qu’une herbe déjà drue frémit aux souffles de l’automne : - J’habite à cent mètres la ferme des Quatre-Vents, nous dit M. Bazin. Un talus la cache à nos yeux. Entrons-y en passant. Elle est au centre de la bataille. Par dessus mon toit, Léomont et Frescati ont échangé des boulets sans l’atteindre. On aperçoit seulement la trace de quelques balles sur la façade. Ah ! j’ai eu de la chance, allez… Le quatrième jour, j’ai réussi à m’échapper pendant une trêve des artilleries.
La métairie des Quatre-Vents a été miraculeusement sauvée. Son propriétaire nous en ouvre les chambres coquettes et claires. Des enfants jouent. Le soleil tiède caresse leurs boucles blondes. Une sensation de bien-être honnête, une sécurité faite d’habitudes anciennes, de calme régularité, se répand dans ce logis. Le rythme d’une batteuse mécanique remplit la grange voisine :
- Le colonel du 69e de ligne a été tué ici, nous dit M. Bazin. Un lieutenant-colonel, celui du même régiment, je crois a été grièvement blessé au même endroit…tenez ! sous le premier arbre que vous apercevez au bout du bâtiment… Nous voici de nouveau sur le théâtre de la bataille. De longues fouilles sillonnent profondément la prairie. Nous ramassons un fil de cuivre souple qui reliait téléphoniquement les chefs et leurs hommes ; des paniers en osier servant au transport des projectiles allemands forment une sorte de barricade recouverte de mottes de gazon.
Et comme nous admirons ces travaux de campagne :
- Vous verrez là-haut leurs terriers, monsieur. Une merveille. On y vovrait comme chez soi. Rien ne manque. Le dernier mot du confort moderne. Logement pour la troupe, salon pour les officiers, postes d’observation, cabine téléphonique, chambres de repos. Le tout, protégé de la pluie, du vent et des balles. »
Une pléïade de héros : Quatre régiments d’infanterie ont gravi ce calvaire. Le 69e surtout a son compte de héros. Nous relevons sur les croix les noms de douze braves ; Chaudron Henri, Coquelle Charles, Bontemps Emile, Bonchaux Robert, de Rizzio, Faillon Joseph, Fontanelle Lucien, Fossard Joseph, Gaspard Daniel, Gerardot Léon, caporal Tartrat Louis, plus un caporal, dont l’identité, faute de médaille n’a pu être déterminée et qui porte le matricule 7071 - la date de l’année terrible.
(Article de A. Liegois, journaliste, accompagné d’un confrère, en pèlerinage sur le champ de bataille de Frescati, guidé par M. Bazin)

Christian-Frogé, dans son ouvrage « Morhange et les Marsouins en Lorraine » au chapitre Vitrimont, raconte qu’il sollicite une faveur pour aller saluer les corps entreposés dans l’église bouleversée de Vitrimont : « … A gauche, dans l’abside, une autre civière git sous les ténèbres. Une serviette rougie cache un visage écrasé. Cette forme rigide et voilée, c’est tout ce qui reste du colonel de Cissey, du héros qu’adoraient ses hommes. »

Ces obsèques ont eu lieu le jeudi 3 septembre en présence de la famille. Dans le cortège on remarquait la présence du préfet représentant le gouvernement ; des membres de la Municipalité de Nancy ; des comités des sociétés patriotiques avec les drapeaux et de notabilités nancéiennes.
Sur la tombe, M. Mirman, préfet de Meurthe et Moselle, a prononcé un discours de mâle énergie et de vibrante espérance, dont ce passage :
« Ah ! ne dites pas qu’il fut malheureux de n’avoir pas assez vécu pour assister à la victoire définitive de la France ! Il n’a pas eu besoin d’y assister pour croire en elle ; que dis-je, y croire ? Il faisait plus que d’y croire. Il en avait, comme nous, la certitude absolue. Faut-il que nous vivions jusqu’à demain pour être certain qu’après la nuit le jour se lèvera ? Il savait que, dans les conditions matérielles et morales où le grand conflit était engagé, ce jour de la victoire devait nécessairement se lever pour nous. Cette certitude n’a pas été ébranlée lorsque la mort est venue le frapper. Mais il a eu à sa dernière heure la grande joie, la sublime fierté de constater que son beau régiment du 69e accomplissait sous ses yeux la tâche magnifique qui lui était impartie et que, grâce à leur commune vaillance, l’ennemi était refoulé et la belle cité lorraine mise à l’abri du péril. »

Sources :
1914 – Pages de guerre écrites au jour le jour. Nancy 1914.
La Vie en Lorraine, novembre 1914. L’est Républicain.
Général H. Colin, Les Gars du 26e. Payot, Paris 1932.
Général H. Colin, La Division de Fer. Payot, Paris 1930.
Christian-Frogé, Morhange et les Marsouins en Lorraine. Berger-Levrault, Paris 1917.

Cordialement.
Jacques Didier
Bonjour
A propos de l'ambiguité sur le lieu du décès du colonel Courtot de Cisey, à savoir la ferme des Quatre-Vents ou l'hôpital de Nancy, une hypoyhèse serait que Christian-Frogié ait confondu, et que le corps vu la nuit dans l'église de Vitrimont serait en fait celui du lt-colonel BERNARD, blessé à la face... et donc le colonel Courtot de Cisey serait lui décédé à Nancy..
Qu'en pense le forum?
Jean-Marie
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jmperette
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Re: le 69 ème RI

Message par jmperette »

Bonjour à toutes et à tous,

Voici un plan qui a été tiré d'après la carte du service géographique de l'Armée au 80.000e concernant le secteur du Léomont. Il permet de situer la ferme du Léomont dont on trouve de nombreuses cartes postales.

http://images0.hiboox.com/images/4708/4 ... 34b787.jpg

Cordialement.
J.Didier
Bonjour Jacques (DIDIER)

Merci pour la carte du Léomont datant donc de 1914, et pour la réponse documentée sur la mort du colonel Courtot de Cissey
Sa fiche sur Mémoire des Hommes est donc erronée puisqu'elle le donne mort à l'hôpital militaire à Nancy
Pour mémoire il est enterré à Préville, à droite le long du mur qui suit la rue ND des ANges


Jean-Marie
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jmperette
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Re: le 69 ème RI

Message par jmperette »

Bonjour Jacques (DIDIER)

Merci pour la carte du Léomont datant donc de 1914, et pour la réponse documentée sur la mort du colonel Courtot de Cissey
Sa fiche sur Mémoire des Hommes est donc erronée puisqu'elle le donne mort à l'hôpital militaire à Nancy
Pour mémoire il est enterré à Préville, à droite le long du mur qui suit la rue ND des ANges

re bonjour

J'use et j'abuse
Personne ne sait où est le "Petit Leomont" dont il est souvent fait état dans la bataille du Léomont, la célèbre ferme, pour moi, c'est le "Grand Léomont"

Le "Ptit Léomont" n'est pas mentionné sur la carte, serait ce la maison qui est en bas de la colline, pratiquement sur le côté de la route N4?
merci
Jean-Marie
Jean-Marie PÉRETTE
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wagram
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Re: le 69 ème RI

Message par wagram »

Bonjour

D'après les souvenirs du général COLIN 26e R.I et d'après la carte du secteur (les gars du 26eme) il y a en fait deux fermes : celle du petit Léomont et celle du grand Léomont.

La première se situe après la ferme des oeux durs cote 282 directement ou très proche de la route de Lunéville.

La seconde, celle qui apparait sur la carte présentée si dessus est un peu plus au nord de la route, c'est la ferme du grand léomont.

Ces deux fermes sont bien distinctes et représentent deux objectifs du 26e R.I dans l'attaque du 25 aout.

cdt

Wagram
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jmperette
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Re: le 69 ème RI

Message par jmperette »

Bj et merci wagram

La cote 282, c'est sur quelle carte que je la trouve

Sur la carte IGN no 2415 est dite "ST-Niccolas de Port", au 1/25.000, achetée il a 10 ans ou plus, je ne la voie pas

Il y a une maison

Jean-Marie
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jmperette
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Re: le 69 ème RI

Message par jmperette »

aie message parti trop vite

... il y a une maison appelée "La basse Léomont" cote 291

un peu plus loin, au croisement de la vieille route et de la route D2 qui descend vers Crévic il y a une cote 286 ????

merci

JM
Jean-Marie
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747kiki
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Re: le 69 ème RI

Message par 747kiki »

Bonjour,

Nouvelle sur le site,
Je recherche des toutes infos possible sur mon grand-oncle

BOUVENOT Georges Raymond Soldat 2°classe dcd le 03/04/1916 à Haucourt Malencourt Meuse secteur Verdun né 16/7/1897 Villliers St-Georges (77)

Il faisait parti du 69° régiment d'infanterie
N° matricule : 14311 Classe 1914
: 771 au recrutement à Chalon sur marne

Je ne connais pas à quelle compagnie il appartenait
J'ai pris une photo sur sa tombe à Esternay
Je vous remercie par avance pour votre aide précieuse
A bientôt
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wagram
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Re: le 69 ème RI

Message par wagram »

Bonsoir à tous

Après quelques semaines loin du forum... je viens apporter ma petite contribution à "kiKi 747".

Je n'ai malheureusement pas grand chose sur le 03 avril 1916 je vous invite donc à consulter le JMO du régiment à cette date.

Je vous laisse tout de même en lecture les derniers et tragiques evenements des combats d'Haucourt Malencourt que Georges Bouvenot a vécu fin mars début avril 1916 au sein du 69e R.I

COMBATS DE MALANCOURT-HAUCOURT
(Mars – avril 1916)


Après quelques jours de stationnement dans la région de Contrisson, Andernay, le régiment se met en mouvement et gagne la forêt de Hesse, par Villotte,devant-louppy, Vaudecourt, Evre, Nubecourt, Froidos, Ville-sous-Cousance, Bracourt. Il bivouaque dans cette forêt jusqu’au 29 mars, procédant à l’organisation d’une nouvelle position au sud de la route Avocourt-Esne, à l’ouest de ce village.

L’attaque du 30 mars.

29 mars 1916,
Dans la nuit du 29 au 30 mars, le régiment relève le 163e dans le secteur de Malancourt-Haucourt, sur la rive gauche de la Meuse. On est en pleine bataille de Verdun, l’ennemi cherche à s’emparer de la cote 304 et du Mort-Homme, afin de tourner Verdun par la rive gauche. Depuis deux jours il tenait la plus grosse partie du village de Malancourt et le 29, il s’était emparé des hauteurs nord et nord-est du village, et de l’ouvrage Braconot, situé au nord de la route Malancourt-Béthincourt.
Le 69e R.I occupe Palavas, Malancourt, Haucourt et Peyrou.
Un bataillon est en réserve à Esnes.
Les 5e et 6e compagnies sont chargées de la défense du réduit de Malancourt. La situation de ces deux compagnies est particulièrement délicate. Le secteur est nettement doniné et pris sous les feux d’artillerie et d’infanterie du nord-est, du nord, de l’ouest et du sud-ouest. On ne trouve que des abris défectueux, des centres de résistance sans aucune liaison, des communications téléphoniques à chaque instant interrompues par le bombardement. Dès le 29 au soir, le commandant Vannier commandant du 3e Bataillon, qui commande les centres Haucourt-Malancourt, juge la situation presque intenable.
Jeudi 30 mars 1916,
6h30, les Boches commencent un bombardement terrible avec des obus de tous calibres, sur Malancourt, Haucourt et leurs abords.
Le procédé d’attaque de l’ennemi est toujours le même : Bombardement d’une violence inouïe avec une forte proportion de 210 et de 180, celui que les Anglais appellent le Wizz-Bang.
Il faut se terrer, ne pas même lever la tête, espérant le miracle de ne pas être enseveli.
Puis après huit ou dix heures de pilonnage, l’attaque débouche, tablant sur l’anéantissement de la défense.
On estime à 10.000 obus tombés le 30 et dans la nuit du 31 mars sur le saillant d’Haucourt.
13h30, à la faveur de ce bombardement, l’ennemi réussit à se glisser dans les ruines de Malancourt. Les 5e et 6e compagnies se défendent avec énergie, le combat est particulièrement violent autour de l’église.
La position est dominée au Nord-est, à l’Ouest et au Sud-Ouest par les ouvrages Braconnot, Vaucluse et la partie Ouest de Malancourt, ce qui rend la défense presque impossible.
Les deux compagnies du 69e R.I y sont attaquées par trois bataillons ennemis. Combat furieux au cours duquel les défenseurs, submergés par un ennemi six fois supérieur en nombre, essaient de percer à la baïonnette.
Ils vont réussir, lorsque, trouvant devant eux un groupe ennemi dans le chemin creux de Malancourt, bois des Peupliers, ils font demi-tour et veulent rentrer dans l’ouvrage déjà occupé.
C’est la fin ! La lutte se poursuit, désespérée, à la grenade et à la baïonnette, jusqu’à 17 heures, puis plus rien.
17h30, les rares survivants ont été maîtrisés et pris. Malancourt est perdu.

Pendant ce temps, trois bataillons au moins attaquent Haucourt par l’ouest et le nord-ouest. Les 7e, 8e et 9e compagnies, qui tiennent ce village et occupent leurs emplacements de combat depuis 13h30 prennent sous leur feu les vagues d’assaut ennemies.
Le commandant Vannier signale le bouleversement complet des abris et des tranchées.
Vers 17h25, l’ennemi n’a toujours pas réussi à pénétrer dans Haucourt ; mais la situation y est critique, quelques éléments ennemis ont pu se glisser au sud du village, menaçant d’encerclement la garnison. Une contre-attaque immédiate, faite avec la liaison du 2e bataillon, sous les ordres du capitaine Moine, réussit à arrêter l’ennemi et même à le repousser. Quelques éléments, sous les ordres du lieutenant Ravanne, le poursuivent même et parviennent à le repousser jusqu’au mamelon de l’H d’Haucourt.
Cette fois, le Boche se retire ; il renonce à s’emparer d’Haucourt, mais il garde Malancourt et une patrouille envoyée à la tombée de la nuit vers ce village y est reçue à coups de fusils et de mitrailleuses.

Récit du lieutenant C… sur le combat du 30 mars

Voici ce qu’écrit le lieutenant C… à sa famille sur le combat du 30 mars :
« J’envoie deux agents de liaison rendre compte de la situation au commandant. Ils ne reviennent pas. Je vais moi-même le trouver. Et je trouve là un homme entouré de sa liaison, brûlant des cartouches et abattant son boche à chaque coup de fusil. Je lui explique que je suis entouré et que ma situation est critique. Il me dit : « je te connais, je vais te donner une mission de confiance. Tiens jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière cartouche. » Je lui réponds : « Mon commandant, ils ne nous aurons pas vivants. » Nous nous serrons la main, peut être pour la dernière fois, et je le quitte les larmes aux yeux. »

Nuit du 1er au 2 avril 1916,
Les 1er, 2e et 3e compagnies du 1er bataillon relèvent les 7e, 8e et 9e, complètement décimées dans Haucourt ; mais le commandant Vannier conserve la mission de défendre le réduit d’Haucourt à la demande du général Mary, commandant la 21e brigade.
Le régiment s’organise alors, il creuse des tranchées sous un bombardement d’une violence inouïe.
Les jours suivants, le bombardement continue, les tranchées n’existe plus, ni les boyaux ; les corvées arrivent peu ou pas, souvent détruites par l’avalanche des obus. Dans cette atmosphère irrespirable, au milieu de l’épaisse poussière des explosions qui étouffe, brûle les yeux, isole chaque individu de ses voisins, les défenseurs connurent là le limite affreuse des souffrances, l’impression d’une situation sans espoir.
La mission du commandant Vannier était de tenir jusqu’au dernier homme dans ce réduit.
Ce chef énergique, de famille Lorraine originaire de Metz, avait su insuffler à ses hommes son opiniâtreté.
Tous, officiers et soldats étaient fermement résolus à tenir jusqu’au bout :
« Quel que soit le nombre de boches, nous tiendrons jusqu’au dernier et il n’en passera pas un, nous vivants ! » avait déclaré fièrement le commandant Vannier.
Nuit du 3 au 4 avril 1916,
Une reconnaissance exécutée sous les ordres du capitaine Damidaux, sur la partie sud-est de Malancourt, rapporte dans nos lignes un canon de 37 et cinquante cartouches. Elle a fait sauter avec des pétards de mélinite un canon de 47 qui, placé sous casemate blindée, n’a pu être transporté.
04 Avril 1916,
Le commandant Vannier écrit à sa famille le 04 avril :
« Tout ce que nous avions vu jusqu’ici était jeu d’enfants. Aussi je suis en admiration devant mes soldats qui supportent bombardements, fatigues, misères et privations de toutes sortes, avec un courage et une résignation au dessus de tout éloge… quels braves gens… »


L’attaque du 5 avril 1916.

5 avril 1916,
0 heures, le bombardement accroît encore d’intensité avec du 210 et du 130 ; les feux ennemis sont manifestement concentrés sur Haucourt, Vassincourt et Palavas qui disparaissent dans la fumée, anéantis, broyés.
Plus da liaisons, plus d’armes, plus de force !
De loin en loin l’optique envoie quelques signaux incompréhensibles.
C’est l’écrasement général des défenseurs qui, dans le bruit infernal, ne distinguent même plus si l’artillerie française riposte.
Dans la région du 69e R.I, on évalue à trois obus par minute la quantité de projectiles tombant dans la région d’un seul homme.
Partout la même situation poignante que signale de rares et vagues comptes rendus : ouvrages bouleversés, défenseurs tués ou ensevelis, armes brisées.
On voit des forces allemandes se rassembler dans le ravin de le Louvière, ou elles échappent à nos barrages, et aux environs du moulin de Haucourt.
13 heures, l’artillerie allemande allonge son tir et l’infanterie débouche en masse de tous les cotés. Les feux de mitrailleuses et de mousqueterie font merveille, les hommes sont admirables.
15h45, le Boche parvient à se glisser dans Haucourt par le nord ; mais à l’ouest et à l’est du village, les braves résistent toujours.
16h45, l’ennemi, qui a réussi à passer le ruisseau de forges au moulin d’Haucourt, se porte sur l’ouvrage Palavas et se rabat sur la lisière est d’Haucourt. La lutte s’engage avec la 2e compagnie, qui tient cette lisière ; à 17 heures, après une lutte acharnée, celle-ci succombe sous le nombre.
Un seul survivant réussira à regagner nos lignes à la tombée de la nuit.
A l’ouest, la 3e tient toujours, mais sa situation est critique. Le commandant Vannier donne l’ordre au capitaine Moine de prendre quelques hommes (pionniers, liaison, etc.) et d’aller tenir une position de repli à la sortie d’Haucourt. c’est à ce moment que le combat est le plus acharné, beaucoup d’hommes sont sans fusils, ceux-ci ayant été brisés par le bombardement ; qu’importe, ils se battent quand même, avec des pelles-bêches, des pioches, des débris de toutes sortes . Une mitrailleuse, retirée de dessous les décombres et mise en batterie, fait merveille. Le boche est tenu à distance.
18h25,
Les allemands attaquent en masse les quelques survivants du 69e R.I qui résistent avec l’énergie du désespoir ; le commandant Vannier tombe.
Blessé tout d’abord à deux reprises de deux balles dans l’épaule droite, le commandant finit par tomber sans connaissance le coude droit et la figure abîmés par des éclats de grenade. Il est laissé pour mort sur le terrain. Les allemands lui prennent son revolver et sa jumelle et lui enlèvent sa vareuse.

Quand il revient à lui, le Boche tenait Haucourt et il était au milieu d’eux, parmi des cadavres.
La fraîcheur de la nuit l’a ranimé et il n’a plus qu’une idée, regagner coûte que coûte les lignes françaises. Grâce à son sang froid et malgré ses blessures, il parvient à regagner péniblement, en rampant sur le terrain trempé par les pluies et bouleversé par le bombardement les lignes françaises après cinq heures et demie de cette marche rampante.
Le capitaine Gabriel Moine est tué sur sa position.


Récit du Sous-lieutenant De Martimprey

Le 3 avril au soir le sous- lieutenant De Martimprey de la 12e Cie du 69e R.I est appelé auprès de son chef de bataillon.
Ecoutons ses souvenirs :
« Le commandant Vétillart m’apprit que je devais la nuit même gagner avec mon peloton l’ouvrage Palavas et prendre le commandement de la compagnie. Le capitaine Lesne avait été blessé la veille au cours d’une tournée nocturne près des travailleurs et il avait fallu l’ordre formel du colonel pour qu’il abandonnât ses hommes pour se faire soigner.
J’avais bien été un peu surpris des adieux affectueux et assez émus que m’avait adressés le commandant Vétillard, comme s’il s’agissait d’une longue, très longue séparation ; mais, ne me rendant pas compte que lui savait ou il nous envoyait, je l’avais quitté fort en train et sans la moindre appréhension.
La nuit même, sans trop de mal, je rejoignais Palavas et mon camarade le sous-lieutenant Pignon.

Dans la nuit du 4 au 5 avril arrive un capitaine de je ne sais plus quel régiment, précédent son unité, qui doit nous relever la nuit prochaine. Cette venue nous semble de bon augure et avec lui, au petit jour, nous faisons le tour de l’ouvrage (tranchées étroites et profondes précédées d’un bon réseaux soigneusement entretenu) :
Devant nous le ruisseau de forges avec un peu sur la droite le moulin. A notre gauche, ce bloc de béton haut de deux mètres est un abri de mitrailleuses qui nous relie à Haucourt que nous tenons victorieusement.
En ce moment, cela tape ferme sur Haucourt, mais nous ne doutons pas qu’Haucourt tiendra, au moins jusqu’à la relève de la nuit prochaine.
Dans la matinée du 5, nous étions réunis au P.C de la compagnie, le capitaine, Pignon et moi, lorsque brutalement, comme un rugissement sans fin, le « trommelfeuer » se déclenche tout près sur notre gauche, signe de l’attaque prochaine. Vite, je pense : cela doit tomber sur l’abris de mitrailleuses, s’ils le démolissent c’est qu’ils veulent passer. Il faut que je m’en assure et prépare mes hommes à l’attaque qui vient.
Je me lève et indiquant au capitaine l’angle que je quitte : « Prenez ma place à coté de Pignon, lui dis-je, l’abri n’est pas solide et un coin tiendra peut être mieux.
Il faut que je me rende compte où cela tape et que je fasse le tour des tranchées pour voir les hommes. »
Puis j’enjambe quelques dormeurs, me dirigeant vers la sortie de l’abri tournée vers l’ennemi.
Ici mes souvenirs sont brusquement interrompus
Le froid me fait rouvrir les yeux. Je suis étendu sur le dos dans une tranchée démolie, un allemand a ouvert ma capote, ma vareuse et fouille mes poches ; un autre, me voyant reprendre vie, fourre sous mon nez un revolver qui ressemble étonnamment au mien. Tel est mon abrutissement que nulle émotion ne m’étreint.
-- Wir suchen Papiere (Nous cherchons les papiers), me dit celui qui me fouille.
-- Papiere, lui répondis-je, sie sind gut drei meter unter boden (les papiers ils sont bien à trois mètres sous terre).
Cette phrase, elle renferme un curieux mélange de conscient et d’inconscient. Les quelques documents que nous possédions gisaient maintenant sous les débris du P.C dont j’exagérais notoirement la profondeur et, fait étrange, il ne me reste aucun souvenir, ni de l’effondrement de l’abri, ni de ce qui s’est passé depuis, jusqu’au moment ou me fouillant, les Allemands me font revenir à moi.
Mes adversaires se concertent et m’annoncent qu’ils me feront emmener.
Deux allemands, blessés légers, me prennent chacun par un bras, me relèvent et lentement me traînent avec eux, je ne reconnais rien de la tranchée qui m’arrive à peine à mi corps. Nous en sortons par un éboulis. Tout autour ce ne sont que profonds entonnoirs, vrais cratères qui se recoupent et pour avancer nous sommes obligés de faire de l’équilibre sur leurs lèvres qui s’éboulent sous nos pas. De réseaux, de tranchées, je ne vois rien, rien… Puis tout s’efface dans ma mémoire…
Tableau suivant : étendu contre un petit parapet, dans un village très démoli, je vois au-dessous de moi des Allemands qui semblent nager dans la boue épaisse d’un boyau à moitié comblé. Ils sont la, à plat ventre, immobiles, que font-ils donc ? Tout d’abord je ne comprends pas. Mais ça saute à droite, à gauche, des murs démantelés croulent plus bas encore. Ah ! J’y suit maintenant ! Ces ruines sont les restes d’Haucourt ou de Malancourt et c’est l’artillerie française qui contraint nos adversaires à cette boueuse platitude. Et, totalement désintéressé des obus, je contemple avec satisfaction l’attitude rampante de nos ennemis.
Sans doute mes deux porteurs ont trouvé mon allure trop lente sous le bombardement et m’on abandonné ici. Au bout d’un certain temps passent deux blessés français dont malheureusement j’ai oublié les noms : « Vous ne pouvez pas rester là mon lieutenant », me disent-ils et, comme je ne puis marcher seul, il me prennent et, lentement, nous remontons la grande rue du village démoli. Voici la sortie marquée par une barricade : voitures, rouleaux, herses, telle que nous avions du la construire en 1914. Puis c’est la route qui monte vers les arrières ennemis, puis c’est de nouveau la nuit…
Je ne retrouve à Monfaucon ou, dans une vaste pièce, on a rassemblé les blessés français. Mes deux sauveurs obtiennent pour moi une bouteille de soda, seule chose que je puisse prendre, ma mâchoire quelque peu disloquée se refusant à toute mastication. Sur le plancher nu nous passons la nuit et la matinée du lendemain, dormant et causant, et j’apprends ainsi quelques bribes de mes aventures. »






Nuit du 5 au 6 avril 1916,
Dans la nuit du 5 au 6 avril, le régiment est relevé et vient cantonner à Jubécourt. Le 7, embarquement en camions à Blercourt ; débarquement à Mogneville.


Cordialement

Wagram
TOUT POUR LE 69e REGIMENT D INFANTERIE
747kiki
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Message par 747kiki »

Bonsoir à tous

Après quelques semaines loin du forum... je viens apporter ma petite contribution à "kiKi 747".

Je n'ai malheureusement pas grand chose sur le 03 avril 1916 je vous invite donc à consulter le JMO du régiment à cette date.

Je vous laisse tout de même en lecture les derniers et tragiques evenements des combats d'Haucourt Malencourt que Georges Bouvenot a vécu fin mars début avril 1916 au sein du 69e R.I

COMBATS DE MALANCOURT-HAUCOURT
(Mars – avril 1916)


Après quelques jours de stationnement dans la région de Contrisson, Andernay, le régiment se met en mouvement et gagne la forêt de Hesse, par Villotte,devant-louppy, Vaudecourt, Evre, Nubecourt, Froidos, Ville-sous-Cousance, Bracourt. Il bivouaque dans cette forêt jusqu’au 29 mars, procédant à l’organisation d’une nouvelle position au sud de la route Avocourt-Esne, à l’ouest de ce village.

L’attaque du 30 mars.

29 mars 1916,
Dans la nuit du 29 au 30 mars, le régiment relève le 163e dans le secteur de Malancourt-Haucourt, sur la rive gauche de la Meuse. On est en pleine bataille de Verdun, l’ennemi cherche à s’emparer de la cote 304 et du Mort-Homme, afin de tourner Verdun par la rive gauche. Depuis deux jours il tenait la plus grosse partie du village de Malancourt et le 29, il s’était emparé des hauteurs nord et nord-est du village, et de l’ouvrage Braconot, situé au nord de la route Malancourt-Béthincourt.
Le 69e R.I occupe Palavas, Malancourt, Haucourt et Peyrou.
Un bataillon est en réserve à Esnes.
Les 5e et 6e compagnies sont chargées de la défense du réduit de Malancourt. La situation de ces deux compagnies est particulièrement délicate. Le secteur est nettement doniné et pris sous les feux d’artillerie et d’infanterie du nord-est, du nord, de l’ouest et du sud-ouest. On ne trouve que des abris défectueux, des centres de résistance sans aucune liaison, des communications téléphoniques à chaque instant interrompues par le bombardement. Dès le 29 au soir, le commandant Vannier commandant du 3e Bataillon, qui commande les centres Haucourt-Malancourt, juge la situation presque intenable.
Jeudi 30 mars 1916,
6h30, les Boches commencent un bombardement terrible avec des obus de tous calibres, sur Malancourt, Haucourt et leurs abords.
Le procédé d’attaque de l’ennemi est toujours le même : Bombardement d’une violence inouïe avec une forte proportion de 210 et de 180, celui que les Anglais appellent le Wizz-Bang.
Il faut se terrer, ne pas même lever la tête, espérant le miracle de ne pas être enseveli.
Puis après huit ou dix heures de pilonnage, l’attaque débouche, tablant sur l’anéantissement de la défense.
On estime à 10.000 obus tombés le 30 et dans la nuit du 31 mars sur le saillant d’Haucourt.
13h30, à la faveur de ce bombardement, l’ennemi réussit à se glisser dans les ruines de Malancourt. Les 5e et 6e compagnies se défendent avec énergie, le combat est particulièrement violent autour de l’église.
La position est dominée au Nord-est, à l’Ouest et au Sud-Ouest par les ouvrages Braconnot, Vaucluse et la partie Ouest de Malancourt, ce qui rend la défense presque impossible.
Les deux compagnies du 69e R.I y sont attaquées par trois bataillons ennemis. Combat furieux au cours duquel les défenseurs, submergés par un ennemi six fois supérieur en nombre, essaient de percer à la baïonnette.
Ils vont réussir, lorsque, trouvant devant eux un groupe ennemi dans le chemin creux de Malancourt, bois des Peupliers, ils font demi-tour et veulent rentrer dans l’ouvrage déjà occupé.
C’est la fin ! La lutte se poursuit, désespérée, à la grenade et à la baïonnette, jusqu’à 17 heures, puis plus rien.
17h30, les rares survivants ont été maîtrisés et pris. Malancourt est perdu.

Pendant ce temps, trois bataillons au moins attaquent Haucourt par l’ouest et le nord-ouest. Les 7e, 8e et 9e compagnies, qui tiennent ce village et occupent leurs emplacements de combat depuis 13h30 prennent sous leur feu les vagues d’assaut ennemies.
Le commandant Vannier signale le bouleversement complet des abris et des tranchées.
Vers 17h25, l’ennemi n’a toujours pas réussi à pénétrer dans Haucourt ; mais la situation y est critique, quelques éléments ennemis ont pu se glisser au sud du village, menaçant d’encerclement la garnison. Une contre-attaque immédiate, faite avec la liaison du 2e bataillon, sous les ordres du capitaine Moine, réussit à arrêter l’ennemi et même à le repousser. Quelques éléments, sous les ordres du lieutenant Ravanne, le poursuivent même et parviennent à le repousser jusqu’au mamelon de l’H d’Haucourt.
Cette fois, le Boche se retire ; il renonce à s’emparer d’Haucourt, mais il garde Malancourt et une patrouille envoyée à la tombée de la nuit vers ce village y est reçue à coups de fusils et de mitrailleuses.

Récit du lieutenant C… sur le combat du 30 mars

Voici ce qu’écrit le lieutenant C… à sa famille sur le combat du 30 mars :
« J’envoie deux agents de liaison rendre compte de la situation au commandant. Ils ne reviennent pas. Je vais moi-même le trouver. Et je trouve là un homme entouré de sa liaison, brûlant des cartouches et abattant son boche à chaque coup de fusil. Je lui explique que je suis entouré et que ma situation est critique. Il me dit : « je te connais, je vais te donner une mission de confiance. Tiens jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière cartouche. » Je lui réponds : « Mon commandant, ils ne nous aurons pas vivants. » Nous nous serrons la main, peut être pour la dernière fois, et je le quitte les larmes aux yeux. »

Nuit du 1er au 2 avril 1916,
Les 1er, 2e et 3e compagnies du 1er bataillon relèvent les 7e, 8e et 9e, complètement décimées dans Haucourt ; mais le commandant Vannier conserve la mission de défendre le réduit d’Haucourt à la demande du général Mary, commandant la 21e brigade.
Le régiment s’organise alors, il creuse des tranchées sous un bombardement d’une violence inouïe.
Les jours suivants, le bombardement continue, les tranchées n’existe plus, ni les boyaux ; les corvées arrivent peu ou pas, souvent détruites par l’avalanche des obus. Dans cette atmosphère irrespirable, au milieu de l’épaisse poussière des explosions qui étouffe, brûle les yeux, isole chaque individu de ses voisins, les défenseurs connurent là le limite affreuse des souffrances, l’impression d’une situation sans espoir.
La mission du commandant Vannier était de tenir jusqu’au dernier homme dans ce réduit.
Ce chef énergique, de famille Lorraine originaire de Metz, avait su insuffler à ses hommes son opiniâtreté.
Tous, officiers et soldats étaient fermement résolus à tenir jusqu’au bout :
« Quel que soit le nombre de boches, nous tiendrons jusqu’au dernier et il n’en passera pas un, nous vivants ! » avait déclaré fièrement le commandant Vannier.
Nuit du 3 au 4 avril 1916,
Une reconnaissance exécutée sous les ordres du capitaine Damidaux, sur la partie sud-est de Malancourt, rapporte dans nos lignes un canon de 37 et cinquante cartouches. Elle a fait sauter avec des pétards de mélinite un canon de 47 qui, placé sous casemate blindée, n’a pu être transporté.
04 Avril 1916,
Le commandant Vannier écrit à sa famille le 04 avril :
« Tout ce que nous avions vu jusqu’ici était jeu d’enfants. Aussi je suis en admiration devant mes soldats qui supportent bombardements, fatigues, misères et privations de toutes sortes, avec un courage et une résignation au dessus de tout éloge… quels braves gens… »


L’attaque du 5 avril 1916.

5 avril 1916,
0 heures, le bombardement accroît encore d’intensité avec du 210 et du 130 ; les feux ennemis sont manifestement concentrés sur Haucourt, Vassincourt et Palavas qui disparaissent dans la fumée, anéantis, broyés.
Plus da liaisons, plus d’armes, plus de force !
De loin en loin l’optique envoie quelques signaux incompréhensibles.
C’est l’écrasement général des défenseurs qui, dans le bruit infernal, ne distinguent même plus si l’artillerie française riposte.
Dans la région du 69e R.I, on évalue à trois obus par minute la quantité de projectiles tombant dans la région d’un seul homme.
Partout la même situation poignante que signale de rares et vagues comptes rendus : ouvrages bouleversés, défenseurs tués ou ensevelis, armes brisées.
On voit des forces allemandes se rassembler dans le ravin de le Louvière, ou elles échappent à nos barrages, et aux environs du moulin de Haucourt.
13 heures, l’artillerie allemande allonge son tir et l’infanterie débouche en masse de tous les cotés. Les feux de mitrailleuses et de mousqueterie font merveille, les hommes sont admirables.
15h45, le Boche parvient à se glisser dans Haucourt par le nord ; mais à l’ouest et à l’est du village, les braves résistent toujours.
16h45, l’ennemi, qui a réussi à passer le ruisseau de forges au moulin d’Haucourt, se porte sur l’ouvrage Palavas et se rabat sur la lisière est d’Haucourt. La lutte s’engage avec la 2e compagnie, qui tient cette lisière ; à 17 heures, après une lutte acharnée, celle-ci succombe sous le nombre.
Un seul survivant réussira à regagner nos lignes à la tombée de la nuit.
A l’ouest, la 3e tient toujours, mais sa situation est critique. Le commandant Vannier donne l’ordre au capitaine Moine de prendre quelques hommes (pionniers, liaison, etc.) et d’aller tenir une position de repli à la sortie d’Haucourt. c’est à ce moment que le combat est le plus acharné, beaucoup d’hommes sont sans fusils, ceux-ci ayant été brisés par le bombardement ; qu’importe, ils se battent quand même, avec des pelles-bêches, des pioches, des débris de toutes sortes . Une mitrailleuse, retirée de dessous les décombres et mise en batterie, fait merveille. Le boche est tenu à distance.
18h25,
Les allemands attaquent en masse les quelques survivants du 69e R.I qui résistent avec l’énergie du désespoir ; le commandant Vannier tombe.
Blessé tout d’abord à deux reprises de deux balles dans l’épaule droite, le commandant finit par tomber sans connaissance le coude droit et la figure abîmés par des éclats de grenade. Il est laissé pour mort sur le terrain. Les allemands lui prennent son revolver et sa jumelle et lui enlèvent sa vareuse.

Quand il revient à lui, le Boche tenait Haucourt et il était au milieu d’eux, parmi des cadavres.
La fraîcheur de la nuit l’a ranimé et il n’a plus qu’une idée, regagner coûte que coûte les lignes françaises. Grâce à son sang froid et malgré ses blessures, il parvient à regagner péniblement, en rampant sur le terrain trempé par les pluies et bouleversé par le bombardement les lignes françaises après cinq heures et demie de cette marche rampante.
Le capitaine Gabriel Moine est tué sur sa position.


Récit du Sous-lieutenant De Martimprey

Le 3 avril au soir le sous- lieutenant De Martimprey de la 12e Cie du 69e R.I est appelé auprès de son chef de bataillon.
Ecoutons ses souvenirs :
« Le commandant Vétillart m’apprit que je devais la nuit même gagner avec mon peloton l’ouvrage Palavas et prendre le commandement de la compagnie. Le capitaine Lesne avait été blessé la veille au cours d’une tournée nocturne près des travailleurs et il avait fallu l’ordre formel du colonel pour qu’il abandonnât ses hommes pour se faire soigner.
J’avais bien été un peu surpris des adieux affectueux et assez émus que m’avait adressés le commandant Vétillard, comme s’il s’agissait d’une longue, très longue séparation ; mais, ne me rendant pas compte que lui savait ou il nous envoyait, je l’avais quitté fort en train et sans la moindre appréhension.
La nuit même, sans trop de mal, je rejoignais Palavas et mon camarade le sous-lieutenant Pignon.

Dans la nuit du 4 au 5 avril arrive un capitaine de je ne sais plus quel régiment, précédent son unité, qui doit nous relever la nuit prochaine. Cette venue nous semble de bon augure et avec lui, au petit jour, nous faisons le tour de l’ouvrage (tranchées étroites et profondes précédées d’un bon réseaux soigneusement entretenu) :
Devant nous le ruisseau de forges avec un peu sur la droite le moulin. A notre gauche, ce bloc de béton haut de deux mètres est un abri de mitrailleuses qui nous relie à Haucourt que nous tenons victorieusement.
En ce moment, cela tape ferme sur Haucourt, mais nous ne doutons pas qu’Haucourt tiendra, au moins jusqu’à la relève de la nuit prochaine.
Dans la matinée du 5, nous étions réunis au P.C de la compagnie, le capitaine, Pignon et moi, lorsque brutalement, comme un rugissement sans fin, le « trommelfeuer » se déclenche tout près sur notre gauche, signe de l’attaque prochaine. Vite, je pense : cela doit tomber sur l’abris de mitrailleuses, s’ils le démolissent c’est qu’ils veulent passer. Il faut que je m’en assure et prépare mes hommes à l’attaque qui vient.
Je me lève et indiquant au capitaine l’angle que je quitte : « Prenez ma place à coté de Pignon, lui dis-je, l’abri n’est pas solide et un coin tiendra peut être mieux.
Il faut que je me rende compte où cela tape et que je fasse le tour des tranchées pour voir les hommes. »
Puis j’enjambe quelques dormeurs, me dirigeant vers la sortie de l’abri tournée vers l’ennemi.
Ici mes souvenirs sont brusquement interrompus
Le froid me fait rouvrir les yeux. Je suis étendu sur le dos dans une tranchée démolie, un allemand a ouvert ma capote, ma vareuse et fouille mes poches ; un autre, me voyant reprendre vie, fourre sous mon nez un revolver qui ressemble étonnamment au mien. Tel est mon abrutissement que nulle émotion ne m’étreint.
-- Wir suchen Papiere (Nous cherchons les papiers), me dit celui qui me fouille.
-- Papiere, lui répondis-je, sie sind gut drei meter unter boden (les papiers ils sont bien à trois mètres sous terre).
Cette phrase, elle renferme un curieux mélange de conscient et d’inconscient. Les quelques documents que nous possédions gisaient maintenant sous les débris du P.C dont j’exagérais notoirement la profondeur et, fait étrange, il ne me reste aucun souvenir, ni de l’effondrement de l’abri, ni de ce qui s’est passé depuis, jusqu’au moment ou me fouillant, les Allemands me font revenir à moi.
Mes adversaires se concertent et m’annoncent qu’ils me feront emmener.
Deux allemands, blessés légers, me prennent chacun par un bras, me relèvent et lentement me traînent avec eux, je ne reconnais rien de la tranchée qui m’arrive à peine à mi corps. Nous en sortons par un éboulis. Tout autour ce ne sont que profonds entonnoirs, vrais cratères qui se recoupent et pour avancer nous sommes obligés de faire de l’équilibre sur leurs lèvres qui s’éboulent sous nos pas. De réseaux, de tranchées, je ne vois rien, rien… Puis tout s’efface dans ma mémoire…
Tableau suivant : étendu contre un petit parapet, dans un village très démoli, je vois au-dessous de moi des Allemands qui semblent nager dans la boue épaisse d’un boyau à moitié comblé. Ils sont la, à plat ventre, immobiles, que font-ils donc ? Tout d’abord je ne comprends pas. Mais ça saute à droite, à gauche, des murs démantelés croulent plus bas encore. Ah ! J’y suit maintenant ! Ces ruines sont les restes d’Haucourt ou de Malancourt et c’est l’artillerie française qui contraint nos adversaires à cette boueuse platitude. Et, totalement désintéressé des obus, je contemple avec satisfaction l’attitude rampante de nos ennemis.
Sans doute mes deux porteurs ont trouvé mon allure trop lente sous le bombardement et m’on abandonné ici. Au bout d’un certain temps passent deux blessés français dont malheureusement j’ai oublié les noms : « Vous ne pouvez pas rester là mon lieutenant », me disent-ils et, comme je ne puis marcher seul, il me prennent et, lentement, nous remontons la grande rue du village démoli. Voici la sortie marquée par une barricade : voitures, rouleaux, herses, telle que nous avions du la construire en 1914. Puis c’est la route qui monte vers les arrières ennemis, puis c’est de nouveau la nuit…
Je ne retrouve à Monfaucon ou, dans une vaste pièce, on a rassemblé les blessés français. Mes deux sauveurs obtiennent pour moi une bouteille de soda, seule chose que je puisse prendre, ma mâchoire quelque peu disloquée se refusant à toute mastication. Sur le plancher nu nous passons la nuit et la matinée du lendemain, dormant et causant, et j’apprends ainsi quelques bribes de mes aventures. »






Nuit du 5 au 6 avril 1916,
Dans la nuit du 5 au 6 avril, le régiment est relevé et vient cantonner à Jubécourt. Le 7, embarquement en camions à Blercourt ; débarquement à Mogneville.


Cordialement

Wagram


Merci beaucoup pour votre aide
747kiki
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