Duhamel compilé

[vincent le calvez]

Bonsoir à tous,

J'ai eu le plaisir de voir que les éditions Omnibus ont eu la bonne idée de compiler les oeuvres de Duhamel sur 14-18 avec évidemment "Civilisation", "La vie des martyrs" mais aussi d'autres nouvelles et une correspondance de 1915.

Dans les premières pages, la compilation propose quelques photos. Le prix est de 25 euros.

Bien cordialement et bonne soirée à tous.

Bien cordialement

Vincent

[patrick mestdag]

Bonsoir Vincent
C’est bien à lire Duhamel ? Recommandable ?
J’en possède deux non lu.
Je suppose que je commence lecture par la vie des Martyrs
n’est ce pas une histoire d’hôpital et de tous ces misères la.
Cela me fait penser a un film avec la chambre ou l'on mettais le blessée qui ne passerait pas la nuit , est ce que c’est ce livre ?
Et puis par l’autre qui est dans ma bib la possession du monde .

@+
patrick

[Stephan @gosto]

Salut Patrick,

Bah... les livres, ça se discute toujours... et c'est d'ailleurs ça qui est bien !! Alors, je te donne simplement mon avis...

Les livres de guerre de Duhamel sont des oeuvres très fortes. Pour te dire à quel pont j'ai aimé Duhamel : je me suis fendu de pas mal de francs (à l'époque c'était des francs !) pour avoir une très belle édition de la Vie des Martyrs et une autre de Civilisation. Ces livres ne me quitteront jamais (ainsi que Les sept dernières plaies). Je les ai lus et relus, en des circonstances parfois douloureuses d'ailleurs, et je peux te dire que lorsque je sens que la vie va m'offrir une de ses baffes cruelles dont elle a le secret, lorsque je sens le vent mauvais venir, Duhamel ne quitte plus ma poche (en édition brochée pour le coup !).

Il ne faut pas t'attendre à y trouver des carnets de guerre comme il en existe à foison, pas de récit épiques, pas de tranchées : simplement la contemplation - en même temps que la tentative de soulagement - de la souffrance humaine. C'est un profond regard d'amour posé sur ceux que la bataille vient de recracher façon steak haché... Duhamel fait aimé la vie, les hommes, malgré les horreur dont ils sont capables et coupables...

Donc pour moi, cela va nettement au-delà des récits de guerre habituels. Deauville, c'est très bien, mais on est dans un autre registre... Norton Cru donne ses faveurs à Deauville et tire à boulets rouges sur Duhamel. Il avait ses raisons que je ne veux pas discuter ce soir. Mais, concernant Duhamel, il faut se dire que l'on est dans un domaine qui échappe un peu à l'étroitesse du crible critique de Norton Cru.

Bon, j'arrête là, parce que je pourrais encore en mettre des tartines !!

Alors, fonce ! Pose le livre que tu es en train de lire, et va chercher ton Duhamel !!

En parallèle, tu peux également lire les Souvenirs d’un chirurgien de la Grande Guerre, Martin, A. (Bertout Imprimeur, 1996), supérieur de Duhamel à l'ambulance 9/3.

Moi, j'attends avec impatience la publication de la correspondance que Duhamel échangea avec Blanche, sa femme...

Amicalement,

Stéphan

[Bernard Plumier]

Tout juste, Stephan, comme d'habitude...

Duhamel est un très grand écrivain, au sens de sa maîtrise de la langue française. Moi qui avait eu tant de difficultés à apprécier son 'Notaire du Havre', au collège (non ! à l'athénée, je suis belge !) ....

Et lorsque ce talent est mis au service de ses souvenirs de guerre - terribles puisque ce sont ceux d'un chirurgien militaire - dans ces 3 volumes, cela donne ces oeuvres magnifiques, à mon goût.

Cela ne pouvait certes pas plaire à Norton Cru, qui militait avec tant de force pour un témoignage pur, sans déformations ni mensonges, mais considérait également qu'un souci esthétique d'écriture est déjà une déformation et donc une trahison.

Il est vrai que les portraits des grands blessés de Duhamel sont parfois très stylisés, léchés à la perfection, mais la superbe langue accroît encore la pitié. Cette beauté du verbe pour parler du sang, des larmes, des excréments, permet d'élever le niveau de conscience, et paradoxalement de bien comprendre ce qu'il y a de terriblement humain et obscène dans la souffrance des blessés graves.

Désolé pour tant d'emphase, mais comme toi, Stephan, je possède des anciennes éditions de ces oeuvres, dont l'une, dénichée par chance chez un brocanteur inconscient de sa valeur, dédicacée...

Et pour moi aussi, ces mots sont parfois un baume, ou une hypnose, comme les vers qu'Appolinaire nous a donné sur sa grande guerre...

A lire à voix haute pour soi tout seul, bouleversement garanti ...

Bernard

[Stephan @gosto]

Bonsoir Bernard,

A lire à voix haute pour soi tout seul

Excactissime !

Ca, j'avais oublié de le préciser !! Et pourtant, c'est comme ça qu'il faut lire les livres de Duhamel. Oui, il faut les lire à haute voix... Bon, avec quelques réserves tout de même : par exemple, au lit, avec sa marraine de guerre, ça ne le fait pas forcément...

Amicalement,

Stéphan

[patrick mestdag]

Re bonsoir

Eh bien …. Dites donc…
Je suis de suite a la hauteur
merci Stephan et Bernard pour ce bel exposé sur Duhamel .
Je sais a quoi m’en tenir , je les ai achète j’a pas longtemps pour 2 euro pièce .
Avec ce papier lourd mal coupé qui rends si difficile a tourner les pages .
Arrêter ce que je lis ..mais je suis en plain dans la bataille de la marne avec cet
Incompréhensible mouvement de Von Kluck le 5 septembre 14 .
Je cherche à comprendre où est le miracle
mais bon je ne tarderai pas, de m’y mettre a la lecture de Duhamel .
@+
Patrick

[Roger]

bonjour

La 1ere fois que j'ai lu Duhamel il y a 10 ans j'ai un peu oublié mais l'ensemble du livre ne m'a pas trop impressionné je m'attendais a un témoin de guerre des 1ere lignes ,mais comme dit Stephan;

" Il ne faut pas t'attendre à y trouver des carnets de guerre comme il en existe à foison, pas de récit épiques, pas de tranchées : simplement la contemplation "

Georges Duhamel, et je suis d'ccord avec Bernard , fut un tres grand écrivain ,ne fut il pas a l'academie Francaise?.Mais fut il un grand temoin de guerre? C'est une autre question un autre debat.

C’est après la guerre qu’il loue la Maison blanche de Valmondois (il a épousé une autre Blanche une dizaine d’années auparavant, la comédienne Blanche Albane)
Georges Duhamel, décédé en 1966, repose dans le cimetière de Valmondois.

La Nouvelle maison, située au N° 243 de la rue Georges Duhamel, n’est ouverte au public qu’à l’occasion de manifestations duhaméliennes et lors des annuelles Journées du Patrimoine. Elle est signalée par une plaque sur le grand mur qui la borde. Pour tous renseignements, contacter l’Association des Amis de Georges Duhamel et de l’Abbaye de Créteil.
La Maison blanche est située à l’angle de la rue Georges Duhamel et de la rue Dorée. Elle n’est pas ouverte au public.
Le magnifique Historial de la Grande guerre à Péronne présente quelques objets ayant appartenu à l’écrivain-médecin : sa cantine, son brassard, sa clarinette, une partition.

cdt Roger

[vincent le calvez]

Bonjour à tous,

Cher Stéphan,

Je crois que les éditions Omnibus vont te faire plaisir car en page 605, tu trouveras dans cette compilation la correspondance entre Georges et Blanche, dialogue 1915 : entre le 2 juin et le 1er novembre 1915.

Bien cordialement

Vincent

[Stephan @gosto]

Bonjour Vincent,

Oui, je sais : j'avais le livre entre les mains hier. Mais en fait, je préfère attendre la publication intégrale de cette correspondance. Car dans cette édition Omnibus, elle est annoncée comme à venir (pour quand ??? je n'en sais rien ! Mais voilà déjà plusieurs années que ce projet est encours et que patiente, alors je peux bien attendre encore quelques années !)

Amicalement,

Stéphan

[Bernard Plumier]

Une de mes vieilles tantes vient de me donner ses notes d'un poëme de Duhamel, qu'elle avait appris par coeur au début des années 30, à l'école.

Je ne résiste pas à la tentation de vous le transcrire, afin de bien illustrer le débat sur la qialité littéraire et historique de cet écrivain célèbre qui fut chirurgien de front pendant la Grande Guerre.

La Ballade de Florentin Prunier

Il a résisté pendant vingt longs jours
Et sa mère était à côté de lui.

Il a résisté Florentin Prunier
Car sa mère ne veut pas qu'il meure.

Dès qu'elle a connu qu'il était blessé,
Elle est venue du fond de sa vieille province,

Elle a traversé le pays tonnant
Où l'immense armée grouille sous la boue.

Son visage est dur sous la coiffe raide;
Elle n'a peur de rien ni de personne.

Elle emporte un panier avec de rouges pommes,
Et du beurre frais dans un petit pot

x x x

Toute la journée, elle reste assise
Près de la couchette où meurt Florentin

Elle arrive à l'heure où l'on fait du feu
Et reste jusqu'à l'heure où Florentin délire;

Elle sort un peu quand on dit : "Sortez !"
Et qu'on va panser la pauvre poitrine.

Elle resterait s'il fallait rester,
Elle est femme à voir la plaie de son fils.

Ne lui faut-il pas entendre les cris
Pendant qu'elle attend, les souliers dans l'eau ?

Elle est près du lit comme un chien de garde,
On ne la voit plus ni manger ni boire.

Florentin non plus ne sait plus manger;
Le beurre a jauni dans son petit pot.

x x x x

Ses mains tourmentées comme des racines
Etreignent la main maigre de son fils

Elle contemple avec obstination
Le visage blanc où la sueur ruisselle

Elle voit le cou tout tendu de cordes
Où l'air en passant fait un bruit mouillé

Elle voit tout ça de son oeil ardent
Sec et dur comme les cassures d'un silex

Elle regarde et ne se plaint jamais
C'est sa façon, comme ça, d'être mère.

Il dit : "Voilà la toux qui prend mes forces"
Elle répond : "Tu sais que je suis là"

Il dit : "J'ai idée que je vas passer"
Mais elle : "Non ! Je veux pas, mon garçon !"

Il a résisté pendant vingt longs jours
Et sa mère était à côté de lui,

Comme un vieux nageur qui va dans la mer,
Et soutenant sur l'eau son faible enfant.

Or, un matin, comme elle était bien lasse
De ses vingts nuits passées on ne sait où,

Elle a laissé aller un peu la tête,
Elle a dormi un tout petit moment;

Et Florentin Prunier est mort bien vite
Et sans bruit, pour ne pas la réveiller.

Duhamel, Elégies.


Bien sûr, le caractère lyrique de cet auteur, qui a tant choqué Norton Cru, est renforcé dans ces vers, mais il est finalement assez comparable à celui de la prose de "La vie des Martyrs', "Civilisation", ou "Les 7 Dernières Plaies".

Mais derrière ce superbe vernis, comme on sent bien la grande misère des blessés et de leurs familles.

Lisez-le, et écoutez-vous le lire... C'est triste, et beau.

Bernard