Poésies et poètes de la Grande Guerre

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metronome
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Re: Poésies et poètes de la Grande Guerre

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Voici le poème d’Alan SEEGER « J’ai rendez-vous avec la Mort »

J’ai un rendez-vous avec la Mort
Sur quelques barricade âprement disputée,
Quand le printemps revient avec son ombre frémissante
Et quand l’air est rempli des fleurs du pommier.
J’ai un rendez-vous avec la Mort
Quant le printemps ramène les beaux jours bleus.
Il se peut qu’elle prenne ma main
Et me conduise dans son pays ténébreux
Et ferme mes yeux et éteigne mon souffle.
Il se peut qu’elle passe encore sans m’atteindre.
J’ai un rendez-vous avec la Mort
Sur quelque pente d’une colline battue par les balles
Quand le printemps reparaît cette année
Et qu’apparaissent les premières fleurs des prairies.
Dieu sait qu’il vaudrait mieux être au profond
Des oreillers de soie et de duvet parfumé
Ou l’Amour palpite dans le plus délicieux sommeil,
Pouls contre pouls et souffle contre souffle,
Ou les réveils apaisés sont doux.
Mais j’ai un rendez-vous avec la Mort
A minuit, dans quelque ville en flammes,
Quand le printemps d’un pas léger revient vers le nord cette année
Et je suis fidèle à ma parole :
Je ne manquerai pas ce rendez-vous-là.

Alan SEEGER

Alan SEEGER est un poète américain qui passa les dernières années de sa vie en France.
Né à New York le 22 juin 1888 et mort le 4 juillet 1916 âgé de 28 ans à Belloy-en-Santerre, Somme.
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Re: Poésies et poètes de la Grande Guerre

Message par metronome »

Je t’écris ô mon Lou de la hutte en roseaux
Où palpitent d’amour et d’espoir neuf coeurs d’hommes
Les canons font partir leurs obus en monômes
Et j’écoute gémir la forêt sans oiseaux

Il était une fois en Bohême un poète
Qui sanglotait d’amour puis chantait au soleil
Il était autrefois la comtesse Alouette
Qui sut si bien mentir qu’il en perdit la tête
En perdit sa chanson en perdit le sommeil

Un jour elle lui dit Je t’aime ô mon poète
Mais il ne la crut pas et sourit tristement
Puis s’en fut en chantant Tire-lire Alouette
Et se cachait au fond d’un petit bois charmant

Un soir en gazouillant son joli tire-lire
La comtesse Alouette arriva dans le bois
Je t’aime ô mon poète et je viens te le dire
Je t’aime pour toujours Enfin je te revois
Et prends-la pour toujours mon âme qui soupire

Ô cruelle Alouette au coeur dur de vautour
Vous mentîtes encore au poète crédule
J’écoute la forêt gémir au crépuscule
La comtesse s’en fut et puis revint un jour
Poète adore-moi moi j’aime un autre amour

Il était une fois un poète en Bohême
Qui partit à la guerre on ne sait pas pourquoi
Voulez-vous être aimé n’aimez pas croyez-moi
Il mourut en disant Ma comtesse je t’aime
Et j’écoute à travers le petit jour si froid
Les obus s’envoler comme l’amour lui-même

10 avril 1915.

Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou (1915)
Poème dédié à la Comtesse Louise de Coligny, dite Lou.

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Brave petit soldat

Courageux soldat français, à l’allure si fière
Dont le doux regard brille d’une ardeur guerrière
Pour aller défendre ta patrie menacée
De suite vers la frontière tu fus prêt à marcher.
Après les adieux aux parents et connaissances
À qui tu donnas à tous une grande espérance
Couvert de fleurs, vaillant tu partis sur le front
Heureux de pouvoir de nos pères venger l’affront.

Maintenant tous les jours, sur les champs de bataille
Se jouant des obstacles et bravant la mitraille
Sans jamais connaître la moindre défaillance
À l’univers entier tu montres ta vaillance.

Quand le clairon sonne, des yeux tu ne perds la trace
Du drapeau tricolore, qui flotte dans l’espace,
Et à la charge fatale, tu t’élances dans le rang
Si la balle meurtrière vient arrêter tes pas
(...)
Couchés sur l’herbe épaisse, à l’abri des chariots
Brisés par la fatigue, tout le monde s’endort.

Après des rêves affreux, ils se réveillent enfin
Et sous un ciel brûlant ils reprennent le chemin
Car là-bas on entend comme une voix meurtrière
Le terrible canon qui tonne sur le derrière.

Maudissant les teutons, qui volent leurs foyers
Que parfois ils ont eu de la peine à payer
La rage dans le cœur et les larmes dans les yeux
Ils attendent vaillamment la vengeance de Dieu.

Poême de Marc Puissant né le 27 décembre 1892 et
mort le 24 février 1916 à la Côte du Poivre lors de la Bataille de Verdun (35e RI).



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« IN FLANDERS' FIELDS » par John McCrae

In Flanders' Fields the poppies blow
Between the crosses, row on row,
That mark our place; and in the sky
The larks, still bravely singing fly
Scarce heard amidst the guns below.

We are the Dead. Short days ago
We lived, felt dawn, saw sunset glow,
Loved and were loved, and now we lie
in Flanders' fields.

Take up our quarrel with the foe,
To you from failing hands we throw
The torch - be yours to hold it high;
If ye break faith with us who die,
We shall not sleep though poppies grow
In Flanders' fields

La traduction:

Dans les champs des Flandres, les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix ; et dans l'espace
Les alouettes devenues lasses
Mêlent leurs chants au sifflement des obusiers.

Nous sommes morts,
Nous qui songions la veille encor'
À nos parents, à nos amis,
C'est nous qui reposons ici,
Dans les champs des Flandres.

À vous jeunes désabusés,
À vous de porter l'oriflamme
Et de garder au fond de l'âme
Le goût de vivre en liberté.
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Dans les champs des Flandres


John McCrae, Canadien (1872-1918)
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"Le soldat" de Rupert Brooke (1887-1915)

The soldier

If I should die, think only this of me :
That there's some corner of a foreign field
That is for ever England.
There shall be In that rich earth a richer dust concealed;
A dust whom England bore, shaped, made aware,
Gave, once, her flowers to love, her ways to roam,
A body of England's, breathing English air,
Washed by the rivers, blest by suns of home.
And think, this heart, all evil shed away,
A pulse in the eternal mind, no less
Gives somewhere back the thoughts by England given;
Her sights and sounds; dreams happy as her day;
And laughter, learnt of friends; and gentleness,
In hearts at peace, under an English heaven.

et la traduction:

Le soldat

Si je devais mourir, ne retenez de moi que ceci :
Qu'il se trouve, dans un champ étranger,
Quelque coin de terre qui toujours sera anglais.
Enfouie dans ce sol fertile, une poussière
plus riche encore se cachera.
Une poussière que l'Angleterre porta, façonna et éleva
à la conscience; Une poussière à qui elle donna, un jour,
Ses fleurs à aimer, ses chemins à parcourir;
Un corps anglais, respirant l'air anglais,
Baigné par ses rivières et béni par son soleil.
Et pensez que ce coeur, d'où tout mal s'est enfui,
Cette étincelle dans l'esprit éternel,
Rend quelque part les pensées que l'Angleterre lui offrit;
Ses couleurs et ses sonorités;
Ses rêves heureux comme le jour;
Et son rire, appris des amis, et sa gentillesse,
Dans des coeurs paisibles, sous un ciel anglais.
(traduit par R. Weissbrodt)

Source: Pierre-François Mettan "Les echos de Saint-Maurice", 1995
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Romain Darchy (1895-1944)

Nos rêves ont passé, nous avons retrouvé dans une marre rouge une tête
Quelques restes de membres au fond du trou d'obus
et des lambeaux sans nom, plaqués contre la boue
C'est tout ce qui restait de nos pauvres camarades
La violence de l'explosion les avaient enfoncés en pleine terre
Trois étaient ancrés presque complètement dans les parois de la fosse, tassés comme des chiffons
Je vois ce qui tout à l'heure étaient deux êtres vivants
et qui ne sont plus maintenant, qu'un amas de boue et de sang
On a rassemblé leurs restes à la hâte, au clair de lune, dans une toile
On a creusé un trou et, le soir, nous leur avons dit adieu
On en a tant vu, que les sens s'émoussent, que le cour se blase
L'inhumaine cuirasse nous protège de sentiments trop humains
et on y pense plus, une minute après
Et pourtant, nous avions tout partagé
marché ensemble, souffert aux mêmes endroits
étions enterré par la même mine, enlisés dans la même boue
Nous avions courbé la tête sous les mêmes rafales
On a la gorge serrée et comme une envie de pleurer
C'est fini
Ce soir, la loterie recommence,
Heureux ceux qui ramèneront les bons numéros
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Re: Poésies et poètes de la Grande Guerre

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"Hymne à la Jeunesse condamnée" Wilfred Owen (1893-1918)

Anthem for doomed Youth

What passing bells for those who die as cattle?
Only the monstrous anger of the guns,
Only the stuttering rifles' rapid rattle
Can patter out their hasty orisons,
No mockeries for them from prayers and bells,
Nor any voice of mourning save the choirs, –
The shrill, demented choirs of wailing shells;
And bugles calling for them from sad shires.

What candles may be held to speed them all?
Not in the hands of boys, but in their eyes
Shall shine the holy glimmers of good-byes,
The pallor of girls' brows shall be their pall;
Their flowers the tenderness of silent minds,
And each slow dusk a drawing-down of blinds.


et la traduction:

Hymne à la Jeunesse condamnée (1917)

Quel glas sonne pour ceux qui meurent comme du bétail ?
Seule, la colère monstrueuse des canons,
Seul, le crépitement rapide des fusils hoquetants
Peuvent ponctuer leurs oraisons hâtives,
Pour eux, pas de prières ni de cloches dérisoires,
Nulle voix endeuillée hormis les chœurs, —
Les chœurs suraigus et démentiels des obus gémissants ;
Et les clairons appelant pour eux depuis de tristes comtés.

Quelles chandelles seront tenues pour leur souhaiter bon vent ?
Non dans la main des garçons, mais dans leurs yeux,
Brilleront les lueurs sacrées des adieux,
La pâleur du front des filles sera leur linceul,
Leurs fleurs, la tendresse d'esprits silencieux,
Et chaque long crépuscule, un rideau qui se clôt.

Wilfrred Owen a été tué le 4 novembre 1918 lors de la grande offensive à Ors près du Cateau-Cambrésis.
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Re: Poésies et poètes de la Grande Guerre

Message par Achache »

Bonjour,

Si vous vous intéressez à la poésie de guerre, notamment anglaise, voyez:

pages1418/annonces-pages-bibliophile/po ... .htm#t5142

Bien à vous,
[:achache:1]
Achache
Émouvante forêt, qu'avons-nous fait de toi ?
Un funèbre charnier, hanté par des fantômes.
M. BOIGEY/LAMBERT, La Forêt d'Argonne, 1915
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Re: Poésies et poètes de la Grande Guerre

Message par metronome »

Bonjour et merci Achache. C'est très aimable à vous.
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