lettre d'une parisienne sur le 11 novembre 18

pri
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Re: lettre d'une parisienne sur le 11 novembre 18

Message par pri »

"Dimanche 1er décembre 1918
Ma chère grande amie,
Je prends mon grand papier aujourd'hui, parce que j'ai beaucoup de choses à te dire...Il y a si longtemps que je ne t'ai pas écrit, et si longtemps que tu ne m'as pas répondu ! et le mois de novembre a été un mois si rempli de grands jours. On vit encore dans la joie et l'éblouissement causés par l'armistice, depuis le 11, tout le monde vit dans l'agitation, et on ne peut plus rester calme comme avant. Tu ne peux te figurer ce qu'a été ici le 11 novembre, c'est un jour que je suis vraiment heureuse d'avoir vécu. C'est au lycée, sur le coup de 11 heures , que nous avons entendu cloches et canon, c'était un vrai délire, tout le monde pleurait et s'embrassait, ou chantait la marseillaise dans les couloirs, devant les autorités impuissantes et charmées. Tout le monde a été très bien, dans Paris, sauf quelques-uns un peu trop exhubérants, mais la joie la plus bruyante a été celle des anglais et des américains, les premiers ont affreusement bu, les seconds hurlé, ri, fait du bruit comme de véritables sauvages...et il parait qu'ils sautaient au cou de tout le monde. Je me suis tenue loin des cortèges, fêtes, etc...parce que je déteste la foule. Mais je n'en ai pas moins eu une immense joie. Si tu voyais comme il y a des drapeaux, partout ! ils commencent à pencher l'aile mais ils frétillaient joliment bien dans le petit brouillard clair du 11 et du 12. Presque partout, des drapeaux français, beaucoup d'américains, à peine d'anglais ; il parait que les pauvres anglais en sont fort tristes, ainsi que de l'indifférence qu'on leur témoigne maintenant ; l'engouement est pour les américains. Aussi au cortège des Alsaciens, Lorrains, ils portaient une bannière avec cette inscription..."nous sommes vos alliés depuis 4 ans" Pauvres gens ! qui nous ont été matériellement mais aussi moralement d'un si grand secours .
J'étais ce soir bd des Capucines....on ne voit que des américains qui baragouinent, il faut voir, ils ne parlent pas un mot de français, crient, rient, poussent, ils sont les plus forts et les maîtres, enfin, partout. Dans sa dernière lettre, Jean m'apprenait que vous étiez grippés : ton papa et vous deux mais j'espère que vous êtes tous guéris maintenant. Je ne sais si c'est par sympathie dans les familles, mais madeleine et Pierre sont malades aussi, au lit depuis le commencement de la semaine. L'une est dans la chambre de maman, l'autre chez moi, il y a ainsi l'infirmière pour deux malades. Le mien est très sage, dort beaucoup et veux tout ce que je veux, mais Madeleine, qui est du reste la plus atteinte ( elle a 39 depuis 3 jours) est insupportable et fatigue beaucoup maman. Nous avons pensé que peut-être papa pourrait avoir une permission, mais toutes sont supprimées. Il est toujours en Italie et s'ennuie et s'énerve beaucoup : ils ne font rien, il y a constamment entre américains , anglais et italiens, des froissements et ce sont les français qui mettent tout le monde d'accord. Du reste, on démobilise pas mal d'Anglais et d'Italiens, mais de Français, point, et mon pauvre papa, se voit, moisir d'ennui, gelé, poiroter jusqu'en janvier ou février, ou...il ne sais pas au juste quand ! Maman aussi est rompue, maintenant que c'est fini, elle ne peux plus tenir, et au lieu d'être comme beaucoup : énervée et enthousiasmée, elle est à plat. Je voudrais que tu entres au lycée en ce moment-ci, dans le lycée, gardé de deux canons allemands, enlevés de la place de la Concorde au mépris des sergents de ville, règne une agitation inexprimable, on ne parle que de soldats, que d'acclamer, tout et sans dessus-dessous, et j'en suis moi-même suffoquée de voir tant d'indiscipline dans une boîte si bien tenue et si convenable à l'ordinaire.
Voudrais-tu me rendre un service ? Ce serait d'écrire (roman, nouvelles, contes), pour un journal, une revue plutôt, écrite en français, pour les jeunes filles italiennes. La directrice de ce journal qui est une universitaire italienne, fille de mère française, a été présentée à papa, et lui a demandé de lui chercher des collaboratrices ; j'en ai trouvé mais mes trois auteurs ont déjà beaucoup d'occupations et ne peuvent envoyer suffisamment pour alimenter le journal ; j'ai pensé que tu aurais peut-être, à coté de tes vers, quelques histoires ? (....) "

la fin de la lettre n'est pas directement liée aux évenements...
plor
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Re: lettre d'une parisienne sur le 11 novembre 18

Message par plor »

Bonjour

je souhaiterais en savoir plus sur la lettre d'une parisienne que vous avez posté.
Bien à vous
CD9362
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Re: lettre d'une parisienne sur le 11 novembre 18

Message par CD9362 »

Bonjour
Cette lettre est très touchante, et instructive. Comme Plor j'aimerais en savoir davantage, sur la personne qui écrit ,sur sa correspondante ..
Merci d'avoir partager ce témoignage
Cordialement
ADline
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