20 août 1914 : une journée au tragique destin

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jacques didier
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Re: 20 août 1914 : une journée au tragique destin

Message par jacques didier »

Bonjour à toutes et à tous,

Les quelques témoignages recueillis auprès des habitants des villages de Lorraine annexée après la bataille de Morhange, se différencient de ceux des militaires. Ces lorraines et ces lorrains restés au pays ont été frappés par la violence des combats, la mort causée par les bombardements et la crainte de vengeance des Allemands.
Le témoignage rédigé par l’abbé Poncelet, curé de Laneuveville-en-Saulnois (Moselle), met en lumière un des aspects des combats dans la région autour de Delme – Fonteny.

« Le 18, calme absolu. Le 19, on entendit une vive fusillade provenant du côté d’Oriocourt. Le matin vers 10 heures, une patrouille de chasseurs à cheval français traversa le village ; derrière elle, quatre chevaux sans les cavaliers. A 1 heure de l’après-midi, des patrouilles d’infanterie passent le village, et peu après différents régiments : le 146e d’infanterie, le 43e d’infanterie coloniale, le 344e territorial d’infanterie, le 5e hussard de Nancy avec son colonel Boutaud de Lavilléon. Les troupes françaises furent reçues cordialement par les habitants, mais la joie de la population ne fut que de courte durée.
Le grand calme qui régnait à l’avant ne présageait rien de bon. Nous ne pouvions admettre que les Allemands eussent abandonné en quelques jours, se dérobant au moindre contact, un terrain favorable à la défensive.
Le 20 août, la 12e compagnie du 146e R.I. reçut l’ordre de se porter en avant du village de Frémery pour en défendre l’accès coûte que coûte. Pendant ce temps, les autres compagnies du bataillon avaient occupé des positions légèrement en retrait. Vers 5 heures et demi, le premier obus allemand éclata sur le clocher du village. Puis, soudain, la fusillade s’accrut, le bombardement redouble d’intensité ; le village fut évacué rapidement. Au-delà du cimetière, la 4e section de la 10e compagnie s’était déployée en tirailleurs ; la 11e compagnie envoyée en renfort pour soutenir la 12e qui se battait depuis l’aube, se heurta en cours de route à des forces ennemies numériquement supérieures. Combats épiques où les hommes défendirent le terrain pied à pied.
Et l’artillerie ? Les quelques 75 qui soutenaient le régiment avaient du évacuer à toute allure une position rendue intenable par une avalanche de 105 et de 150. Il y eu des pièces sacrifiées. Mais allez donc vous frotter, lorsque vous tirez à quatre ou six kilomètres des obus de 5 à 7 kg, à des adversaires qui vous expédient jusqu’à près de cinquante kg d’acier à une dizaine de km ! Sans compter les 210 qui, de temps à autre, venaient compléter l’œuvre de destruction.
8 heures sonnèrent. Un avion ennemi survola les lignes françaises, précisant leur emplacement par des fusées. Ce fut alors un véritable enfer. Des obus de tout calibre s’abattirent sur le bataillon.
A 9 heures, le bataillon était presque encerclé. Les hommes s’étaient ressaisis ; ils se battaient avec une fureur désespérée, décidés à vendre leur vie le plus chèrement possible.
Vers 10 heures, Le 3e bataillon se trouvait en mauvaise posture. Il avait éprouvé de lourdes pertes. Une partie des obus percutants n’explosait pas, et les fusants éclataient bien souvent trop haut. La bataille faisait rage.
11 heures. La 12e compagnie reçut l’ordre de battre en retraite en direction d’Oron, et de défendre pied à pied le terrain en utilisant tous les cheminements possibles.
L’artillerie lourde allemande concentrait son tir vers les bois de Serres, Faxe et Fonteny.
Vers 3 heures de l’après-midi, les troupes allemandes avancèrent vers Fonteny. La bataille s’engagea sur la hauteur de Faxe. Des files entières de coloniaux, qui chargeaient à la baïonnette, étaient fauchées comme des blés par les mitrailleuses ennemies. Les obus français n’éclataient pas. A Faxe, trois maisons furent incendiées par les shrapnells allemands. La croix du clocher de Fonteny s’écroula avec un terrible fracas.
Le spectacle était déchirant. Sur le champ de bataille on n’entendait que des gémissements et le râle des mourants. 621 Français avaient baigné de leur sang le sol lorrain (75 allemands).
Parmi les héros français, citons : Le commandant Mary, qui criait pendant la bataille à ses hommes, du haut de son cheval blanc : « Il ne s’agit pas de geindre, il faut faire son devoir ! ». Le capitaine Voisin ; le lieutenant Guy de Cassagnac, cousin du capitaine de Grandchamp, et d’autres encore.
Le corps d’armée (ou plutôt ses restes) se retira dans la direction de Château-Salins. Deux hôpitaux furent aménagés en toute hâte sous la direction du médecin-major Weil de Nancy. Plus de cent blessés furent hébergés dans les maisons de Fonteny.
Après la bataille, vexations multiples de la population. Les maisons sont fouillées, les blessés achevés. L’instituteur, l’adjoint et un conseiller municipal sont pris comme otages.»


Cordialement.
J. Didier
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mounette_girl
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Re: 20 août 1914 : une journée au tragique destin

Message par mounette_girl »

Bonjour à toutes et à tous,

Merci infiniment Jacques ! Le témoignage que vous nous présentez correspond bien à ce qu'a vécu notamment mon grand-père, sergent au 146 ème RI, qui a raconté quelques épisodes de cette bataille.

Il fut le premier blessé de la presse française. Il fut atteint au bras dans une pâture près de Frémery. Et Orion flambait.

Bien amicalement.

Mounette.

[:mounette_girl]
"Tes yeux brillaient moins aujourd'hui /Dis-moi, dis-moi pourquoi chère âme /Dis-moi quel chagrin, quel ennui /Mettait un voile sur leur flamme." - Sergent Ducloux Désiré, dit Gaston - 146° RI
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