Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

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alain chaupin
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par alain chaupin »

Bonjour à toutes et à tous,
Voici un témoignage bouleversant sur le vécu d'une famille de mineur, ils habitaient la Cité du Maroc à Grenay (62) à quelques centaines de mètres des 1ères lignes.
Bien cordialement
Alain

Louis Moreau raconte leur aventure au journal Nord-Matin le Mercredi 12 avril 1966
– Reportage Gérard Coucke -

Toute l’affaire commence un jour de Novembre 1914.
"Nous habitons alors à Grenay, nous avions évacué notre maison de Bruay pour fuir les allemands. Nous étions six à la maison : mon père Louis âgé alors de 48 ans, trop vieux pour être mobilisé et qui comptait déjà 35 ans de mine, ma mère Adèle, mes frères Arthur 19 ans, Raoul six ans et Alfred 5 ans, et ma sœur Georgette 14 ans. Mon autre frère Georges était au front. J’avais 18 ans. Je travaillais à la mine avec mon père…
La maison se trouvait à la cité du Maroc, un coron peuplé exclusivement de mineurs.
En ce mois de novembre 1914, il était également occupé par des troupes françaises et la maison des Moreau avait été réquisitionnée comme les autres pour héberger des soldats. Le front était tout proche. Lignes allemandes et françaises se touchaient presque.
Nuit et jour autour des «cahutes » restées debout, de furieux combats aux issues incertaines s’engageaient. De là une vague d’appréhension, de craintes et de soupçons, une espionnite aigue que la plus infime coïncidence venait fortifier et exalter.
Chez les Moreau la vie continuait tant bien que mal. Les deux Louis père et fils, et la famille partageaient leur pain avec les soldats qu’ils recevaient. L’un d’entre eux ordonnance d’un capitaine du 21° régiment d’infanterie, pour remercier les Moreau de leur hospitalité, leur offrit en ce début Novembre du savon, une brosse et la lanterne d’un cycliste allemand récupérée dans les lignes au cours d’une attaque. Le jeune Louis, qui reçut ce cadeau, l’accepta avec d’autant plus de joie qu’il le destinait à son frère Georges le jour où celui ci viendrait en permission. C’était un objet précieux et rare.
Le 18 novembre 1914, il était environ 21 heures, nous étions tous couchés. Mon père en revenant de la mine, avait essuyé sur la route un violent bombardement et il en était encore commotionné. Soudain on tambourine à la porte. Une voix cria : - Ouvrez ! ou nous enfonçons la porte !
Ma mère se leva et alla ouvrir. Des hommes, revêtus de longues pelisses d’automobilistes entrèrent en trombe dans la maison. Ils poussèrent violemment ma mère en lui criant :
- Vous avez un espion chez vous ! Où est-il ?
Entre temps mon père était également descendu. Les hommes le séparèrent de ma mère chacun d’un côté et l’accusèrent lui aussi d’héberger un espion. Affolé par tout ce vacarme et croyant qu’il s’agissait des allemands, je descendis à mon tour. Ce fut pour recevoir une magistrale paire de gifles !
Les hommes, des soldats français, fouillèrent alors la maison de fond en comble. Ils découvrirent la lanterne allemande .
- C’est avec ça, hein que vous faisiez des signaux aux allemands ? Avouez !…
- Un signau, répliqua naïvement Adèle Moreau, qu’est ce que c’est ?
L’étonnement des Moreau était d’autant plus grand qu’ils parlaient tous le patois du Nord et comprenaient fort mal le Français. Ils étaient tous illettrés ou presque. Il fallut leur expliquer qu’ils étaient accusés d’avoir envoyé par la fenêtre de leur maison des messages chiffrés à l’ennemi, sans doute avec la lanterne saisie !
Nous ne comprenions rien de rien à toute cette histoire, comment aurions nous pu faire des signaux aux allemands alors que nous n’avions aucune goutte de pétrole à la maison ? La lanterne n’avait d’ailleurs jamais fonctionné depuis que ce soldat me l’avait donnée.
C’est si vrai que nos accusateurs craquèrent presqu’une boite d’allumettes entière pour arriver à la faire marcher. Et encore a-t-il fallu, sur leur demande que mon frère Arthur humecte la mèche avec de l’huile pour la faire prendre ! Les soldats se mirent de plus belle à hurler, nous traitant d’espions et nous brutalisant. Coups de poing et de pieds s’abattirent sur nous.
On nous accusait, nous des français, d’être des agents de l’ennemi, alors que mon frère Georges se battait au front pour sa Patrie !
Finalement les soldats nous emmenèrent tous au château de Bully, Rue J. Jaurès, où l’on nous parqua dans une cave sous la garde de soldats en armes.
Puis, nous fûmes séparés. Mon père, mon frère Arthur et moi-même fûmes conduits devant des officiers pour être interrogés. Ils ne nous posèrent pas beaucoup de questions. Ils parlaient surtout entre eux et sans cesse, le mot espion revenait dans leurs propos. Ils nous firent signer des papiers en blanc. Certains étaient écrits, mais nous ne pouvions comprendre quoi que ce soit, et pour cause, nous ne savions pas lire ! Enfin, on nous conduisit tous dans les écuries à chevaux de la fosse n°1 pour y passer la nuit."
Que s’était-il donc passé ?
Les Moreau le sauront, mais bien plus tard dans le box des accusés, face au conseil de guerre.
Depuis le 12 novembre 1914, les batteries allemandes installées devant Grenay, ne cessaient de bombarder le village.
Louis Moreau le père, était rentré de Périgueux où il avait été démobilisé en raison de son âge et de ses charges familiales. Et depuis ce jour là une épicière du village avait cru voir à la fenêtre de leur maison d’étranges lueurs qui coïncidaient avec les bombardements ennemis.
Chaque soir depuis le 12 novembre, à la tombée de la nuit, et peu après que ces mystérieux signaux aient été émis, les allemands harcelaient la commune.
Dans ce lourd climat d’inquiétudes et de soupçons qui pesait sur le village menacé, l’épicière intriguée par cette coïncidence, formula rapidement la conclusion qui s’imposait à son esprit tourmenté : Les Moreau informaient l’ennemi ! Le père ne venait-il pas de rentrer alors que tous les hommes étaient au front ?
Certes on avait dit qu’il revenait de Périgueux, mais ne rentrait-il pas de la zone occupée, de son ancien village là où se trouvent les allemands ? Pourquoi, depuis son retour, chaque soir, l’ennemi bombarde-t-il Grenay toujours à la même heure ? Et sans chercher à en savoir davantage, l’épicière dénonça les Moreau aux autorités militaires.
L’énigme pourtant restait entière les Moreau niant farouchement et la lampe trouvée chez eux n’ayant jamais fonctionné !
L’explication vint plus tard, bien plus tard, après que toute la famille eût été envoyée au bagne ;
C’est Paul Painlevé, alors ministre de la guerre, qui la révéla après coup : la lumière que l’on avait prise pour un signal était celle de la veilleuse à huile dont les Moreau, faute de pétrole, se servaient chaque soir pour aller se coucher.
Le travail à la mine était dur, les journées longues et le réveil matinal.
Pour cette raison et faute d’un éclairage suffisant, la famille se couchait peu après la tombée de la nuit. Chaque soir, pendant qu’ils gravissaient l’escalier pour monter dans leurs chambres à l’étage, cette veilleuse portée par Adèle Moreau était visible de l’extérieur. En défilant chacun à leur tour devant la veilleuse, ils provoquaient ainsi une interruption de lumière.
C’est ce qui fit croire à un signal codé, ajouta le Ministre. D’ailleurs on s’aperçut plus tard que leur maison n’était pas visible des lignes allemandes !
On s’y trompa de bonne foi à l’époque mais on s’y trompa.

Conseil de Guerre

"Ils nous interrogèrent les uns après les autres, parfois ensemble. Ce n’étaient que coups et menaces.
Ils étaient furieux de nous voir résister. Tous les jours, nous étions battus. Une fois un des policiers mit son revolver sur la tempe de ma sœur Georgette, âgée alors de 14 ans, pour la forcer à avouer au nom de toute la famille ! Mais Georgette ne dit rien. Ils s’acharnèrent surtout sur ma mère qui était accusée de porter la lanterne et qui avait dit aux petits de ne jamais dire oui. Pour eux, elle avait commis un véritable crime ! "
Ils furent jugés le soir du 10 décembre 1914 dans la classe d’une école de Sains-en-Gohelle.
"La séance a duré plusieurs heures et parmi les officiers qui nous jugeaient, certains même se sont assoupis pendant l’audience ! Nous étions devant le conseil de guerre de la 13° division d’infanterie, accusés de complicité d’espionnage et d’intelligence avec l’ennemi ! ce fut une parodie de justice."
Une seul pièce à conviction : la fameuse lampe allemande qui n’avait jamais servi.
L’accusation reposait sur la dénonciation de l’épicière et la défense était assurée par un sergent, commis d’office et qui se borna à quelques timides observations.
Adèle Moreau reprit devant ses juges son argumentation naïve : « Je vous jure que je ne sais point ce que c’est qu’un signau. Dites le moi et je vous dirai si j’en ai fait.
Louis Moreau, le père, clama son innocence et celle de tous les siens, invoquant la présence de son fils aîné au front.
Louis, le fils, soutint crânement son père et Arthur réclama qu’on l’envoie lui aussi au combat, « Afin, dit-il, que mon acte prouve mon innocence et mes sentiments de bon Français!»
C’est dans la cave de l’école que, tard dans la nuit, les Moreau prirent connaissance du verdict :
Adèle Moreau était condamnée à mort ; son mari et Louis à 5 ans de travaux forcés au bagne. Arthur qui au cours de l’audience s’était révolté contre la mauvaise foi de ses accusateurs et les avait traités de menteurs, étaient condamnés à 5 années supplémentaires, soit 10 ans de bagne !
Georgette (14ans) fut envoyée dans une maison de correction et les petits Raoul (six ans) et Alfred (cinq ans) confiés à l’assistance publique !
La prison de St Pol les accueillit à nouveau. Puis on les sépara, les hommes d’un côté pour le bagne, la mère de l’autre pour le poteau d’exécution.
Cette sentence injuste provoqua deux morts immédiates.
La sœur d’Adèle Moreau, Céline Lecos, devint folle à l’annonce du verdict. Elle partit au hasard, en pleine bataille et fut tuée d’une balle perdue dans une tranchée. Georges, l’aîné des Moreau, bouleversé par la nouvelle, se porta volontaire pour les missions les plus dangereuses et fut lui aussi tué peu après.
Ils ne revirent pas Adèle dont la peine fut commuée à la détention à perpétuité et internée à la prison centrale de Rennes. Minée par le chagrin, elle mourut de désespoir en 1919 seule.
Pour les deux frères, Louis et Arhur, enchaînés ils furent conduits à Paris puis à Orléans et enfin à l’île de Ré où un navire spécialisé dans le transport de forçats venait chercher deux fois par an sa cargaison humaine.
En Mai 1915, Ils reçurent une lettre d’une cousine qui disait que cette condamnation avait soulevé l’indignation des habitants du village et des camarades mineurs du père et que des démarches avaient été entreprises afin de les libérer.
A la fin du mois de Mai 1915, ils embarquèrent sur un cargo « Le Loire » pour la Guyane.
Dès leur arrivée, le directeur du pénitencier et le gouverneur de la Guyane leur dirent :
« Nous savons que vous êtes innocents, mais il vous faudra attendre la fin de la guerre pour que votre cas soit examiné, en attendant tenez vous tranquille.
Ils furent séparés – Arthur partit au pénitencier de Kourou – Louis et son père sur celui de Saint Laurent du Maroni.
Louis Moreau ne fut jamais séparé de son père, ils s’épaulèrent mutuellement pour survivre à cet enfer. La santé du père déclinait peu à peu, usé par trop d’espoirs déçus, par le chagrin et la misère.
En 1919 le directeur les appela pour leur annoncer le décès de la mère à la prison de Rennes. Louis le père ne s’en remit pas, le 10 décembre 1919, ils furent libérés, mais la loi prescrivait que tout forçat libéré devait doubler son temps en Guyane avant de pouvoir rentrer en France.
Sans argent, sans travail, les libérés finissaient par retourner au pénitencier.
Louis Moreau trouva à se faire embaucher comme ouvrier de voirie au salaire de 3 francs par jour.
En 1923, un matin le père donna des signes de faiblesse et s’éteint en disant «Adèle et mes ch’tiots », il fut enterré en homme libre au cimetière civil de St Laurent du Maroni.
En Juin 1925 Louis avait achevé son temps de peine. Arthur avait terminé sa peine mais ne pouvait partir, sa condamnation excédant 8 ans, il devait rester à vie en Guyane.
C’est la mort dans l’âme que Louis revint en France seul avec la volonté de tout faire pour être réhabilité.
Il débarque le 23 Juillet 1925 et se rendit à Grenay où il fut accueilli avec joie par les habitants.
Il retrouva peu après sa sœur Georgette qui s’était mariée. Mais une joie beaucoup plus grande encore l’attendait : quelques jours à peine après son arrivée, il reçut une lettre de son frère lui annonçant qu’il avait été grâcié et qu’il pouvait revenir en France. Pour la première fois depuis 11 ans, la justice intervenait enfin en leur faveur.
Mais cette joie fut de courte durée, ils allèrent à l’assistance publique pour voir leurs 2 frères ce qui leur fut refusé car ils étaient toujours condamnés.
Le député Alfred Maës s’employa 3 ans durant à obtenir leur réhabilitation en vain et pour comble de malheur en 1926 les gendarmes vinrent chercher Arthur - qui entre temps s’était marié et avait trouvé un travail de mineur – il s’indigna en prétextant qu’il avait été grâcié, mais l’armée exigeait qu’il fasse ses 3 années de service militaire !
Arthur fut expédié comme un vulgaire assassin, menottes au poing entre deux gendarmes au dépôt de Collioure, puis jeté dans les cales d’un cargo avec d’autres exclus, il fut conduit à Oran et il fut affecté à un bataillon d’Afrique, il fut grâcié un an après.
Enfin le 19 janvier 1935, la cour spéciale de justice militaire entama la procédure de révision du procès de novembre 1914, et annula purement et simplement la condamnation de 1914.
Le seul souhait émis par Louis fut de retourner à St Laurent du Maroni pour se recueillir sur la tombe de son père.
Ce n’est qu’en 1967, grâce à la solidarité des associations, de la population, de la municipalité de Bully-les-Mines et de son maire Jean Mallet qu’une somme de 5.000 frs est récoltée pour que les frères Moreau puissent s’envoler le 16 Mars 1967 pour la Guyane, en pèlerinage avec l’espoir de se recueillir sur la tombe de leur père, ce souhait ne se réalisera pas car, passé un délai de 5 ans les tombes qui n’ont pas de concession à perpétuité sont supprimées.
La promesse faite a été tenue, ils rentrèrent chez eux ayant pu réaliser la seule chose qui leur tenait à cœur.
Ceux qui reviendront de cette guerre et qui auront comme moi passés par toutes les misères qu'un homme peut endurer avant de mourir, devra s'en souvenir, car chaque jour qu'il vivra sera pour lui un bonheur."
Gaston Olivier - mon Grand-Père
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clery
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par clery »

Bonjour à tous,

Même histoire un peu plus au sud, à Achicourt, dans la banlieue d'Arras.
Extrait du site "Mémoire de Pierre"

Plaque à Arthur Cathelain. Située sur la maison à l'angle des rues Victor Hugo et Emile Zola. Texte de la plaque : "Cette maison fut habitée par Arthur Cathelain, fusillé sans jugement en 1914 pour un crime de trahison qu'il n'avait pas commis ; reconnu innocent, a été réhabilité par la cour d'appel de Douai en 1935". Cette réhabilitation fut plaidée par la Ligue des Droits de L'Homme, les habitants de la commune d'Achicourt et enfin par la presse, qui s'empara de l'histoire pour rendre justice à M. Cathelain. Voici comment le journal le Réveil du Nord plaide sa cause dans son édition du 23 octobre 1934 : "il y a vingt ans de cela, les Allemands étaient aux portes d'Arras. On voyait des espions partout. Dans la nuit sombre, à l’étage d’une charmante et coquette maison occupée par le vannier Arthur Cathelain, les gendarmes aperçurent une lumière vacillante. Nul doute, c’était des espions qui faisait des signaux et qui correspondait ainsi avec l’ennemi. La maison cependant ne pouvait être vu de l’Est. Le vannier Cathelain fut arrêté.
C’était le 19 octobre 1914. Deux gendarmes qui avaient vu ou bien cru voir une lampe à la fenêtre du grenier de la maison, entrèrent chez M. Cathelain pour faire une perquisition. Bien que l’opération n’eut donné aucun résultat, M. Cathelain, malgré quelques protestations d’innocence, fut arrêté aussitôt et emmené. Puis, dans la nuit du 19 au 20, les mêmes gendarmes se présentèrent chez mme Cathelain, restée seule à la maison. « L’un des deux policiers, déclare mme Cathelain, me donna l’ordre de le suivre. Il monta dans le grenier avec la lampe à pétrole, dont nous nous servions depuis 25 ans. Puis, il commença à enlever les tuiles, les cassant même pour aller plus vite. Il remonta la mèche pour activer la flamme et balança la lampe par-dessus le toit. Je le regardais faire, me demandant ce que cela signifiait. Il cria « a-t-on répondu ? ». Et d’en bas j’entendis « oui ». Je n’ai compris que plus tard que j’avais été le jouet d’une épouvantable comédie : la comédie des signaux lumineux ». la malheureuse Mme Cathelain déclara qu’aucun témoin n’assistait à cette scène.
Le lendemain, M. Arthur Cathelain, vannier, né à Bailleulmont en 1859, fut amené devant une fosse fraîchement creusée contre le talus du chemin de fer d’Arras à Saint-Pol, sur le territoire de Wagnonlieu et fusillé sans jugement. L’ordre tragique avait été donné par le général Anthoine qui commandait alors la division d’occupation et qui avait son quartier général à Duisans. M. Legrand Théodore, maire de la commune d’Achicourt en 1914 à qui on ne demanda aucun renseignement sur la conduite et la moralité de M. Cathelain ne fut prévenu de la mort de son citoyen qu’après l’exécution. L’exécution de M. Cathelain provoqua parmi les habitants de sa commune et de sa région une vive émotion. On sut également que le gendarme auteur de l’arrestation avait été décoré et qu’il avait touché une prime réservée à ceux qui arrêtaient les espions.
Tout aussitôt après la guerre, la famille du malheureux fusillé, dont son gendre, M. Grossemy, ancien combattant, mutilé de guerre, membre du conseil d’administration de l’union fédérale, fit-elle tout ce qui était en son pouvoir pour demander la réhabilitation de M. Arthur Cathelain. Le conseil municipal d’Achiocurt et son maire, M. Paul Coche, dans la séance du 13 avril 1929, ont émis le vœu de voir procéder à une enquête sérieuse et approfondie, qui établira l’innocence de M. Cathelain et permettra sa réhabilitation.
Dans une pétition signée par les habitants de la commune, ceux-ci « se portent garant de son honorabilité, de sa moralité, de sa bonne conduite et de son patriotisme ». La ligue des Droits de l’Homme, dès 1920, avait été avisée et a, dans ce but, également ouvert une enquête qui a lavé le malheureux vannier de cette terrible accusation. La section d’Arras de la ligue, que préside M. Mathon a, elle aussi, de son côté, mis tout en œuvre pour hâter cette réhabilitation. Des instructions ont été données par le ministère de la Guerre pour qu’une information judiciaire qui servirait à déclencher une procédure régulière de réhabilitation soit ouverte. Nous apprenons que plus de 20 témoins ont été convoqués à ce sujet par M. le juge d’instruction d’Arras et qu’ainsi le procès en réhabilitation est, cette fois, en bonne voie.
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HT62
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par HT62 »

Bonsoir Alain,

Pas de grand mot à écrire, la souffrance ne se mesure pas...
Merci de ce très fort témoignage.
Amicalement, Hervé.
Les régiments de Béthune et Saint-Omer : les Poilus du Pas de Calais et d'ailleurs :

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NOUVEAU : http://dunkerque110eri.canalblog.com/

Recensement des Poilus des 16e et 56e BCP
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martinez renaud
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par martinez renaud »

Bonsoir à tous
Je suis absolument abasourdi par ce que je viens de lire
Quel horrible malheur que cette justice expéditive (peut-être compréhensible à l'époque) qui broie les gens sans aucune possibilité de défense
Cela me rappelle un fait qui aurait pu prendre une tournure dramatique bien qu'elle se passe à Perpignan :
En août 1914, la Têt, rivière catalane, traverse la ville et de nombreuses femmes y font leur lessive sur les larges pierres de la berge.
Une famille, portant un nom de famille étrange (à coup sur, ce sont des boches, crieront les gens), composée de quelques femmes et jeunes filles de tous âges, font leur besogne sous le pont tandis que la troupe traverse la construction
Il n'en faut pas plus pour les autres femmes qui se trouvent à quelques mètres d'imaginer que le battage des draps est effectué de manière "bizarre". On en vient donc à croire que les "boches" sont en train de donner des renseignements à l'ennemi (à Perpignan !!)
Les harpies se ruent sur les malheureuses "espionnes", les rouent de coup et les auraient probablement toutes tuées si la gendarmerie n'était pas intervenu.
Les dames en question ont tout de même été conduites à la gendarmerie pour y être arrêtées. Je ne sais pas ce qu'elles sont devenues
Misère des temps troubles
Amicalement
Renaud
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pouldhu
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par pouldhu »

Bonjour à tous, merci pour ces témoignages, J'ai voulu cette rubrique, je suis content qu'elle commence à vivre et j'espère que nous serons nombreux à y participer.
Cordialement,
Gilles.
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Ferns
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par Ferns »

Bonsoir à tous,
Il est vrai que l'espionnite gagna les deux camps. Les habitants de Soissons eurent aussi à subir l'arbitraire militaire et le colportage d'âneries les plus subtiles du genre "les Allemands avaient déjà repéré les creutes pour venir s'y installer avant la guerre". Les espions présumés avaient soit un nom à consonnance germanique, soit étaient mariés avec une Allemande. Les rumeurs ou balivernes deviennent très sérieuses aux yeux de l'autorité militaire. Un téléphone dans une cave? C'est pour prévenir les Boches en face ! Des lumières dans le clocher la nuit, sûr que des espions font des signaux, la preuve, le clocher n'es t pas démoli par l'artillerie...Georges Muzart, ancien maire de Soissons qui est resté à Soissons lors des heures douloureuses nous a livré un témoignage précieux concernant le sujet qui nous intéresse ici mais aussi sur bien d'autres aspects. Il a sauvé deux concitoyens du peloton d'exécution et raconte leur histoire dans "Soissons pendant la guerre" 1914-1925 mémoires de G. Muzart, Soissonnais 14-18. Le témoignage est remarquable tant sur les faits que l'attitude et la psychologie de ceux qu'il a côtoyés. On pardonne volontiers les nombreuses fautes de frappe... Mais il faut se mettre aussi à la place des généraux pour qui tout civil proche du front est un suspect en puissance et dont la présence dérange.

Cordialement,

Ferns
L'homme en campagne a les mêmes besoins qu'en temps de paix ; ces besoins deviennent même plus impérieux, étant exacerbés par une existence plus active et plus énervante.(Henry Mustière)
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mireille salvini
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par mireille salvini »

bonsoir à tous,bonsoir Alain,

merci d'avoir retranscrit ce terrible témoignage qui fait froid dans le dos par cette impression d'engrenage impitoyable
qui a aboutit à la destruction de toute une famille

un tragique dommage "collatéral" de la guerre :(
très triste.


amicalement,
Mireille
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alain chaupin
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par alain chaupin »

Bonjour à tous
Je remonte ce fil. Où puis-je trouver les rapports du jugement du conseil de guerre de la 13°D.I - réuni le 10/12/1914 dans une salle de classe de l'école de Sains-en-Gohelle ?
Bien cordialement
Alain
Ceux qui reviendront de cette guerre et qui auront comme moi passés par toutes les misères qu'un homme peut endurer avant de mourir, devra s'en souvenir, car chaque jour qu'il vivra sera pour lui un bonheur."
Gaston Olivier - mon Grand-Père
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Hotchkiss62
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par Hotchkiss62 »

Bonjour!

C'est une triste et émouvante histoire, dont j'avais déja entendu parler, étant d'artois moi meme.... merci de nous la retranscrire! :jap:

Malheureusement, le syndrome d'espionnite fit beaucoup de victime, et fut relayé par la presse photo sous forme de propagande, comme en témoigne ces cartes postales:

Image
était il vraiment un espion? :(

Image
Recherche tout objets ou photos du 8éme RI, 33 RI, 162éme de Ligne en 1914-15, et le 11éme esc du train de 16 à 18; Recherche également Photos et objets du front de l'Artois; Merci.
marpie
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Re: Tragédie d'un famille soupçonnée d'espionnage

Message par marpie »

Bonsoir à tous

Voici un autre exemple tragique de septembre 1914
(Extrait de Reims Ville des Sacres d'Albert CHATELLE)Image



Bien amicalement
Marpie
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