Trêves et fraternisations : demande d'aide

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Eric Mansuy
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,
Dans le but d’étudier le sujet à la rentrée –à l’occasion de la sortie en fin d’année du film Joyeux Noël– avec une classe de Première, et des collègues d’Histoire-Géographie et d’Allemand, je suis à la recherche d’éléments concernant les fraternisations.

Plus précisément, mon intérêt se porte sur :
- les trêves et tentatives de trêves ;
- les fraternisations et tentatives de fraternisations.

Seules les troupes françaises et allemandes ayant été concernées par les faits mentionnés ci-dessus m’intéressent (j’ai déjà « ce qu’il me faut » concernant les troupes du Commonwealth).

Je fais donc appel à votre aide et suis preneur de tout élément, même très fragmentaire, qui puisse évoquer ces événements (extraits de témoignages, publiés ou inédits ; extraits de correspondances ; extraits de J.M.O. ; etc. et l’article d’Alain Barluet, "Les Fraternisations de Noël", in L'Histoire, n° 107, janvier 1988). Lesdits événements m’intéresseront d’autant plus s’ils n’ont pas eu lieu en décembre 1914 mais « après » (voire avant, mais là j’en doute !). Je pense tout particulièrement aux tentatives allemandes de « rapprochements » qui précédèrent de peu l’Armistice.

Les seules sources dont je dispose (hormis les sources britanniques) sont l’ouvrage de Boutefeu, Les Camarades, et l’article de Coralie Vermeulen, "Les fraternisations de Noël 1914" (in 14-18 Magazine, n° 9, août-septembre 2002), ainsi que des éléments fournis par Hubert, Alain, Stéphan (qu’ils en soient ici remerciés).

En vous remerciant à l’avance pour votre aide,
Bien cordialement
Eric Mansuy
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Stephan @gosto
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par Stephan @gosto »

Salut Eric,

Pour L'Histoire n° 107, je m'en occupe.
Je te passerai également ce que j'ai sur la 5e D.I., mais cela concerne avant tout Noël 1914. En attendant, tu en trouveras quelques extraits ici : Noël 1914, tout en bas de la page.

Amicalement,

Stéphan
Christine Leroy
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par Christine Leroy »

Bonsoir Eric, bonsoir à tous

j'aurais à vous proposer un petit extrait de lettre de notre arrière-grand-père parlant d'une courte fraternisation, un jour en première ligne dans l'année 1915, entre plusieurs soldats allemands et français, à l'initiative des allemands ceci à l'insu des officiers. Le temps de vous le retrouver, de le recopier et je vous l'envoie si cela correspond à ce que vous recherchez.
cordialement
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Stephan @gosto
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par Stephan @gosto »

Salut Eric,

A quoi ça sert que l'ami Alain se décarcasse toutes les semaines ???? :wink:

Le 24 Dec 2004 à 21:40 GMT,
Alain Malinowski (mt.spin_chez_wanadoo.fr) a écrit :
Noël...

JMO 99° RI de Vienne

24 Décembre 1914

Il a été constaté qu’un nouveau boyau avait été construit parallèlement à la nouvelle tranchée Besset.
Le commandant du bataillon a aussitôt prescrit une reconnaissance.
Cette reconnaissance a trouvé dans le boyau 4 Allemands qui n’ont pas voulu se rendre et qui ont immédiatement ouvert le feu. La reconnaissance (Sergent Payet et 6 hommes) a ouvert le feu à son tour, a tué 2 Allemands, blessé le troisième et le quatrième a pu s’échapper. Un des nôtres a été blessé au bras. Un second a rapporté un fusil allemand.
13 heures: Un Allemand ayant dépassé la tranchée de toute la hauteur du buste et étant sans arme, une patrouille sortit de notre tranchée pour inviter l’homme à se rendre. Cet Allemand déclara que d’autres camarades avaient l’intention de se rendre également. Il leur fit signe et 6 prisonniers se présentèrent successivement. Ils appartiennent au 20ème Régiment d’infanterie Bavaroise. Questionnés, ils donnent de précieux renseignements sur l’ordre de bataille ennemi. D’après leurs dires, une très grande animosité existe entre les Prussiens et les Bavarois; L’un des prisonniers, le soldat Prévost,* nous signale une galerie de mine partant de Dompierre dans la direction des tranchées du 30ème. Une 2ème galerie creusée à 6 mètres de profondeur part de la ferme brûlée de Fay et se dirige sur notre tranchée la plus rapprochée. Les 7 prisonniers ont été remis entre les mains de la gendarmerie. Pertes : 1 blessé.

25 Décembre:
Les tirailleries ont cessé brusquement chez les Allemands dès le point du jour. Un grand nombre de Bavarois sont sortis de leurs tranchées en faisant signe de ne point tirer sur eux, puis ils se sont avancés à mi-distance de nos tranchées et ont engagé la conversation avec nos hommes devant le secteur du bois Commun.
Trêve complète-Fureur des Prussiens qui tirent sur les Bavarois. Ceux ci nous préviennent de l’arrivée de leurs officiers et déclarebt qu’ils tireront en l’air, ce qu’ils font en effet. Pertes: 1 tué. 2 blessés devant le bois Touffu.

26 Décembre:
Les Bavarois sympathisent toujours devant le secteur du bois Commun. Trêve absolue. Pertes: néant.

27 Décembre:
La paix continue. 2 officiers Bavarois sont venus à mi-distance des tranchées Filippi. Un de nos hommes s’est approché. La conversation s’est engagé et les officiers Bavarois ont paru tout étonné d’apprendre que Lyon n’était pas investi par une armée italienne ainsi que le bruit en est répandu dans les tranchées allemandes. Pertes : 1 tué au bois Touffu.

28 Décembre:
L ‘accalmie persiste sur tout le secteur. Au bois Touffu nous avons pu enterrer 8 morts français remontant au 29 Novembre qu’on est allé chercher tout près des tranchées allemandes.
12 heures: Les Bavarois nous préviennent que le génie prussien va lancer des bombes sur nos tranchées de 1ère ligne du bois Commun.
12 heures10: 20 bombes sont lancées en effet. Toutefois le 77 allemand incendie une grange du château de Fontainet tuant 2 hommes et en blessant 8 du 101ème territorial. Pertes au 99ème: néant.

29 Décembre:
Les Bavarois continuent à ne pas tirer et à nous informer de l’arrivée de leurs officiers. Nous en profitons pour placer du fil de fer devant le front de toutes nos tranchées. Pertes: néant.

30 Décembre:
Les relations continuent avec les Bavarois. Elles sont toutefois beaucoup plus restreintes que précédemment. Ils ont prévenu qu’ils ne laisseraient plus travailler à découvert.
Un incident se produit devant les tranchées allemandes entre la ferme brûlée de Fay et la Palmeraie .Un sous-officier et un soldat prussien porteur d’un fanion blanc sortent de leur tranchée se dirigeant vers les nôtres. Un officier (Capitaine Michoux) accompagné d’un homme parlant Allemand se porte au devant du parlementaire. Aussitôt 30 soldats prussiens environ sortent sans armes de leurs tranchées. Sur l’invitation du Capitaine Michoux, le sous-officier allemand fit arrêter ses hommes. Après une conversation qui a porté sur l’état moral des troupes allemandes qui semble très abattu, le parlementaire a rejoint sa tranchée.Echange de journaux et de cartes de nouvel an. Pertes: Sergent Simon tué dans le ravin de Fay.

31 Décembre:
La trêve continue toujours et les Bavarois nous laissent travailler à condition, ont-ils dit, que nous ne coupions pas leurs propres réseaux de fil de fer .Dans le secteur de Foucaucourt, malgré les avances faites par les Prussiens, les coups de feu ont continué pendant la nuit. 2 blessés.

1er Janvier 1915:
Continuation de la trêve. Echange de journaux. Nous en profitons pour fortifier nos défenses accessoires. Constructions de réseaux de fil de fer - chevaux de frise. Les Allemands continuent à ne pas tirer.
Devant Dompierre et Foucaucourt, les Prussiens sont dans de moins bonnes dispositions; des coups de fusils nous arrivent de ces 2 directions. A minuit pour fêter la nouvelle année, ils ont tiré de nombreux coups de feu, mais en l’air. Avec l’autorisation des Allemands, quelques cadavres ont été enterrés. Pertes: 1 tué.

2 Janvier 1915:
Continuation de la trêve. Nous continuons à fortifier nos défenses et à enterrer les cadavres. Les Allemands font connaître qu’ils regrettent de ne pouvoir continuer à causer avec nous. Leurs officiers l’ayant rigoureusement défendu. Réparations des tranchées et boyaux par suite des éboulements provoqués par les pluies. Pertes: 2 blessés.

3 Janvier 1915:
L’accalmie persiste toujours dans le secteur. On ne parvient que très difficilement à renouer conversation avec les Bavarois.
Des relèves fréquentes ont lieu; visiblement les chefs bavarois cherchent à éviter les contacts prolongés avec les mêmes adversaires. Les travaux ont cependant continué à découvert, l’ennemi n’a pas tiré.

4 Janvier:
Journée calme; Communications difficiles et hâtives avec les Bavarois. Nous continuons à travailler à découvert sans être inquiétés. Inhumation de cadavres. Rien de particulier à signaler. Pertes: 2 blessés.

5 Janvier:
Aucune conversation n’a eu lieu avec les Bavarois ou Prussiens. Nombreux coups de feu pendant la nuit. Les Allemands ont lancé des fusées éclairantes.

6 Janvier:
Rien de particulier à signaler. Nous faisons 1 prisonnier( déserteur). Désertion du caporal Ulrich de la 1ère compagnie. Ordre formel a été donné: personne ne doit sortir des tranchées.
Amicalement,

Stéphan
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Charraud Jerome
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par Charraud Jerome »

Bonsoir Eric

Voici un rapide apercu de tentative de fraternisations signalées par Eggenspieler (Chapitre 9 En Champagne juin-septembre 1916).
Ceci est vu par un chef de corps, donc en retrait de la ligne.

"Pour protéger les veilleurs qui s'y tenaient on tendait au-dessus du poste un treillage de fil de fer qui renvoyait vers l'extérieur les petites bombes qui tombaient dessus. Ces tirs devaient être commandés parce qu'ils s’effectuaient régulièrement tous les soirs entre 20 et 22 heures. On pouvait également croire à un tir commandé en raison de l’attitude énigmatique des fantassins allemands envers les envers les nôtres. Jamais on ne les a vu tirer un coup de fusil sur un de nos hommes. Ils faisaient, au contraire, tout ce qu'ils pouvaient pour entrer en relation avec eux, et être camarades. Ils lançaient fréquemment vers nos tranchées des journaux allemands et des petits billets écrits de leur main. Dans les journaux on pouvait voir qu'à l'intérieur de l'Allemagne la population récriminait contre la longueur de la guerre, il commençait à y avoir pénurie de vivres. Les billets étaient destinés à faire connaître à nos hommes ce qu'ils devaient faire pour éviter qu'on tire sur eux. Voici à titre documentaire la traduction de trois de ces billets :
1° « Camarades, ne vous montrez pas tant. Nos officiers nous ordonnent de tirer sur vous. Salutations, Camarades. »
2° « Attention, camarades ! Baissez la tête. Chez nous il y a beaucoup d'Officiers. Il y en a qui sont très méchants, mais il y en a qui sont camarades. Attention parce qu'il y en a un qui s'est enfui chez vous hier. Camarades ne tirez pas, baissez la tête. Votre camarade. »
3° « Camarades, venez nous chercher cette nuit entre minuit et 1 heure du matin. Ne tirez pas, nous ne tirerons pas non plus. Soyez bien prudents pour venir. Salutations, Camarades. »

Quel était au fond l'état d'esprit de ces Allemands ? Quel but poursuivaient-ils avec leurs tentatives de fraternisation ? Etait-ce un piège qu'ils nous tendaient, ou un simple essai de démoralisation de nos propres troupes ? En somme, c'est ainsi qu'ils ont procédé sur le front russe où le système a réussi. Ne sachant pas à quoi m'en tenir je me méfiais, et journellement je mis les cadres et les hommes en garde contre ces tentatives amicales. La consigne formelle était de tirer sans hésitation sur tout Allemand qui montrerait sa tête. Dans mes tournées je donnais du reste l'exemple.
A vrai dire, je crois que parmi les Allemands que j'avais en face de moi il y en avait qui étaient réellement las de la guerre, parce que à un moment donné ils ont déserté en assez grand nombre. Il est venu d'abord un premier déserteur qui s'est présenté à un P.P. occupé par des Martiniquais. Un de ceux-ci a saisi l’Allemand, un véritable colosse, et l'a fait descendre d'office dans le P.P. d'où on me l'a amené. Il a protesté de toutes ses forces d'avoir été empoigné. Il disait qu'il était venu simplement pour échanger du tabac. Je l'ai consolé en lui disant pourrait l'échanger un peu plus loin. C'est à ce déserteur a fait allusion dans le deuxième billet".


Cordialement
jérôme
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Alain Dubois-Choulik
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par Alain Dubois-Choulik »

Bonjour
Autre piste : une image, seule allusion - après c'est tout de suite 1917, extraite de "Images secrètes de le Guerre - 200 photographies censurées en France, (1933)"
Image Click ! etc ...
Cordialement
Alain
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Gilles ROLAND
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par Gilles ROLAND »

Bonsoir Eric,

J’en étais plus sur, mais Barthas en parle également.

« En 1914, Louis Barthas a trente-cinq ans : tonnelier dans son village du Minervois - Peyriac-Minervois -, il est mobilisé comme caporal au 80" d'infanterie basé à Narbonne.
Louis Barthas passera toute la guerre au front. Il connaîtra la Somme, l'Argonne, Verdun, l'offensive allemande de 1918 : l'horreur, l'accoutumance, la révolte ; la boue avec les rats et les poux, les attaques criminelles par leur impréparation, les absurdités du commandement, les mutineries de 1917, les tentatives de fraternisation. »


Bien cordialement

Gilles
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Eric Mansuy
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir,
Un seul mot : MERCI !
Je fais le point :
- pour Gilles, je veux bien l'extrait du Barthas (eh oui, j'avoue bien humblement, je n'ai pas le Barthas, mais on ne peut pas tout avoir... :lol: ) ;
- pour Alain, merci pour la photo ;
- pour Jérôme : extra ! c'est moins cher qu'une carte sur e-bay ! :lol:
- pour Stéphan : certes, cet "entre les lignes" là, je l'avais loupé... (mais il y a sur le site d'Hervé un témoignage du 99e RI aux petits oignons sur cette affaire !!!) ;
- pour Christine : oui, votre extrait m'intéresse au plus haut point. Ce dont j'aurai besoin concerne l'unité / les unités concernée(s), la date, le lieu.

Bien cordialement
Eric Mansuy

PS Et sans mauvais jeu de mots, vous serez tous cités !
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FX Bernard
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par FX Bernard »

Bonsoir,

j'ai lu récemment un témoignage d'un soldat italien qui relatait une trêve spontanée avec des soldats autrichiens (ou allemands, il faut que je vérifie). Cela peut-il vous intéresser ?


A bientôt

f-xavier
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Frederic Avenel
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Re: Trêves et fraternisations : demande d'aide

Message par Frederic Avenel »

Bonsoir Eric, bonsoir à tous,

Je citerai 2 passages des mémoires de mon grand-père, soldat au 96ème RI:

1) Le 4 août 1916, il vient d'être blessé (une balle lui a traversé la cuisse) dans le secteur de Verdun, Fleury-côte de Froideterre:
"[...] Quand la nuit fut venue, j’ai été conduit par les brancardiers jusqu’à la route de Bras où les autres ambulances devaient nous prendre. Nous étions nombreux à être blessés. Comme les ambulances tardaient à venir et que le jour commençait à poindre, je suis parti clopin-clopant avec d’autres blessés qui comme moi pouvaient marcher. Sur cette route, il y avait un mélange de blessés et de prisonniers. Quant à moi, je fus bien aidé par un prisonnier qui parlait assez bien le français. Nous avons donc bavardé un peu. Il s’inquiétait de savoir comment il serait traité. Je l’ai rassuré sur ce point. Il en avait assez de la guerre, surtout qu’il n’en connaissait même pas les motifs. Il en conclut que si Guillaume et Poincaré n’étaient pas d’accord, ils n’avaient qu’à régler ce différent tous les deux ! [...]"

J'ai déjà rencontré quelquefois dans les témoignage de combattants ce type d'entraide individuelle à l'arrière des lignes de combat, et même si l'on ne peut parler réellement de fraternisation, cet exemple peut être significatif de l'état d'esprit des combattants qui redevenaient alors des hommes. Mon grand-père évoquait souvent ce souvenir, et sa conclusion était alors de dire que les soldats des deux camps étaient réunis par la même misère.

2) Pendant le terrible hiver 1917, il est en ligne en Argonne. L'exemple est ici plus significatif:
"[...] Dans la nuit du 5 au 6 février, nous montons en ligne secteur cote 304. Il fait bien froid et il y a beaucoup de verglas. A chaque instant, c’est l’un ou l’autre qui tombe avec tout son barda. Ca fait souvent bien mal et notre marche dans les boyaux n’avance pas vite. Enfin, nous arrivons dans les tranchées : toutes démolies ! Il y avait eu une grande attaque quelques jours auparavant . Nous nous employons à les refaire mais la terre est tellement gelée que ça ne va pas vite. Il reste aussi encore beaucoup de cadavres enfouis. Ce n’est pas vraiment du travail agréable. Nous avons malgré tout la chance que le secteur soit calme, même au petit jour. Les allemands venaient chercher du pain que nous leur donnions pour ainsi dire de la main à la main, et eux nous donnaient du tabac, tout au moins ce qui était considéré comme du tabac. Pour ma part j’en ai eu un paquet . Le paquet n’avait pas été ouvert. Il s’agissait plutôt de feuilles quelconques et non de tabac. Du reste, je ne l’ai pas fumé. Nous avons posé des fils de fer accordéons ensembles. Les allemands prenaient un bout et nous l’autre pour les allonger sur le terrain devant nos tranchées de part et d’autres. Nous n’étions qu’à une dizaine de mètres les uns des autres. Nous prenions même la garde dans un boyau où il n’y avait qu’une épaisseur de sacs de terre pour nous séparer. Nous aurions pu converser ensemble si nous avions parlé la même langue. Mais c’était trop beau pour durer longtemps.
Un matin, les mitrailleuse françaises ont tiré et c’en fut fini de la tranquillité. Fusils, mitrailleuses, grenades et obus ont recommencé leur sérénade [...]" Georges Bouquet, soldat au 96ème RI


à bientôt,

Frédéric Avenel
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