Censure

chanteloube
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Re: Censure

Message par chanteloube »

Bonjour,

J'avais écrit "ça" il y a au moins quinze ans pour rappeler quelques principes à l'un de nos " papes de
Péronne " qui semblait ignorer les aspects "civils" de la question et semble toujours les ignorer.

Si ça peut servir c'est " libre ".....mais on " peut citer "

CENSURE .....




Tous les soldats, officiers ou hommes de troupe, écrivent, et presque tout le temps: aux parents, à l’épouse, aux amis de la famille, aux camarades de combat, même peu éloignés, car il est difficile, voir impossible, de se déplacer. Pour beaucoup, écrire va devenir une habitude, presque une manie.
Ces lettres sont toujours d’une lecture émouvante si l’on s’avise que ceux qui les écrivaient n’étaient jamais certains d’être encore vivants lorsqu’elles atteindraient leurs destinataires. Acharnement quotidien à faire savoir qu’on est en “bonne santé”, mais aussi, et la correspondance des soldats le montre bien, nécessité d’entretenir un aller-retour constant de colis apportant un complément indispensable de nourriture, de tabac et souvent de linge ( renvoyé par la famille après lavage). Lettres et colis sont aussi nécessaires au moral du soldat que les boules de pain, la soupe, le quart de jus et le pinard.
Tous étaient avides de nouvelles, tous voulaient rassurer. Au fond, tous espéraient ne pas être oubliés.
Un certain nombre d’associations caritatives, alertées par la commandement très conscient de ce problème, “inventèrent“ les “marraines de guerre“. Cela permit aux soldats sans courrier, parce originaires des territoires occupés, d’avoir une interlocutrice. On découvrit même, après enquête, qu’une officine suisse, proche de “la Croix rouge“, mais manipulée par les services secrets allemands, tentait par ce biais de soutirer des renseignements militaires aux soldats français, en leur faisant poser des questions précises par des marraines de guerre “expérimentées”. A l’inverse, existe aussi, la trace d’une tentative d’intoxication des Allemands par le canal du courrier adressé aux prisonniers français en Allemagne.
Cette correspondance avait l’avantage d’être gratuite. La ”Franchise militaire”, n’étant en fait que l’extension généralisée d’une facilité réduite à un timbre par semaine en temps de paix. La guerre venue, “Le Trésor et Postes”, administration militaire unique, commune aux deux services, oblitéra sans frais les correspondances des soldats et la gigantesque masse du courrier qui leur était adressé.
Le B C O (Bureau central de la Poste militaire), installé au Conservatoire National de Musique de Paris, triait cette marée par secteurs postaux, à chaque numéro correspondait une division. Les sacs dirigés ensuite sur des “Bureaux frontières”, à la limite de la zone des armées, étaient acheminés par “des ambulants d’Armée“ vers les “vaguemestres d’étapes" qui les répartissaient entre “les bureaux divisionnaires” où s’effectuait le tri par régiment. Les enveloppes étaient remises enfin aux vaguemestres des compagnies qui s’efforçaient, quelle que soit la situation, de les faire parvenir et assuraient, trop souvent hélas, la triste mission de renvoyer le courrier avec la sinistre mention : " le destinataire n’a pu être touché à temps ".
L’acheminement du courrier venant du front se faisait par le chemin inverse, les bureaux divisionnaires le frappant de leur timbre, appliquant le cas échéant, les mesures de “retard systématique“ selon les instructions reçues.

A ces différentes étapes, le contrôle s’exerçait concurremment à celui pratiqué de temps en temps, au départ, par un officier de l’état major du régiment. La censure pèse sur la sincérité de toutes les correspondances de soldats, fussent-ils de haut rang. " Anastasie ", la censure, fut vite aussi célèbre que ”Rosalie”, la baïonnette. Noël évoque son existence à plusieurs reprises. (lettre 84). Il nous a donc semblé opportun de dresser, un court historique retraçant les étapes de la mise en place de cet organisme et de son évolution au cours de la guerre.
Dès la mobilisation, la censure est établie sur le courrier des hommes en campagne, quel que soit leur grade. Le contrôle s’applique aussi de façon assez stricte à la correspondance venant de l’intérieur en direction du front. Officiellement, il s’agit d’éviter la divulgation des mouvements de troupe. La vague ”d’espionnite” qui sévit alors sur toute la France entretient un climat général de soupçon. Les correspondances privées et commerciales à destination de l’étranger sont donc toutes lues avant de franchir nos frontières et les télégrammes très étroitement surveillés. En octobre 14, par exemple, l’officier du XV ème Corps assurant le service de censure à Nîmes, rend compte, directement au Ministre de la Guerre, que quelques télégrammes émanant du Consulat de Belgique à Marseille lui paraissent suspects. L’enquête, menée immédiatement, montre qu’en réalité, il s’agit de régler un problème de fournitures militaires concernant les peaux des animaux abattus par le service des subsistances de l’Armée belge repliée en France, mais que le langage employé laisse planer, en effet, un doute sur le sens des messages transmis.
Le télégraphe, resté libre dans la zone des armées, puisque les Etats-majors, au début de la guerre utilisent, fort imprudemment d’ailleurs, les lignes civiles pour leurs communications, va très vite faire l’objet d’une surveillance renforcée, lorsqu’on s’apercevra que les officiers s’en servent pour tourner le contrôle postal et donner à leurs familles des indications trop précises sur leurs lieux de cantonnement.
Combiné avec ces mesures, " le retard systématique " est généralisé dans la “zone d’avant“ dès le 25 novembre 1914. Au départ, comme à l’arrivée, les lettres sont bloquées au moins trois jours, et les militaires ont la possibilité d’augmenter le délai jusqu’à huit jours. En principe il s’agit de préserver le secret de la mise en place des offensives. Les comptes rendus de “censeurs” parvenant au Q.G. montrent cependant que les infractions se multiplient. Le 22 décembre 1914, Joffre est obligé de rappeler que :
“les militaires ne doivent donner dans leur correspondance, aucune indication, ni sur la localité où ils se trouvent, ni sur le déroulement des opérations”
A la suite de quoi les commandants d’unités recevront des consignes encore plus strictes, destinées en réalité à limiter la diffusion d’informations sur la très mauvaise situation des armées françaises en ce terrible hiver 1914-15.
Le 4 janvier 1915, " le contrôle postal militaire " est officiellement institué sous forme de “ visites inopinées” dans les bureaux de Trésorerie, (on met en service à ce moment là, les fameuses " bandes modèle N°509" du Contrôle de la correspondance aux armées et les cachets “Contrôlé par l’autorité militaire”), assorti de la menace, clairement formulée, d’interdire aux militaires de clore leurs lettres.

La lecture des lettres censurées,-dont on n’a conservé que des extraits recopiés, puisque les lettres saisies, sauf celles transmises au Ministre, étaient détruites-, montre que ces mesures mal connues des soldats n’atteignent pas le but recherché.
Au front le mécontentement grandit et les familles en sont informées. Les lettres de cette époque le disent très explicitement et auraient souvent valu, à leurs auteurs, la prison, si elles avaient été arrêtées.
Un autre mécontentement se fait jour, celui des entreprises, dont la correspondance commerciale est entravée -disent-elles- par le “retard systématique“ mais qui en réalité sont gênées de voir certaines de leurs curieuses transactions révélées au grand jour. Le censeur de Pontarlier découvrira ainsi qu’une entreprise française continue à fournir du coton à une entreprise suisse alors même que tout le monde sait que celle-ci commerce avec les Allemands. ( Le coton était considéré comme une matière première stratégique car il entrait dans la fabrication du fulmi-coton, base de beaucoup d’explosifs militaires.)
Les procès qui se tiendront en 1920 et le journal officiel du 25 janvier 1919 montreront que diverses entreprises, le Comité des Forges et les aciéries de Wendel ont eu des comportements pour le moins scandaleux, s’enrichissant de façon éhontée sur “le dos” des français.
La lecture des “extraits de censure” de la période concernée est édifiante et montre combien est grande la responsabilité de certains généraux dans cette affaire. Leur aveuglement et leur acharnement à n’envisager que des fusillades comme remèdes au mécontentement des troupes, leur inimaginable surdité à des revendications aussi minimes que des locaux réservés dans les gares de permissionnaires ou la levée de l’intolérable interdiction faite aux hommes du rang d’emprunter les trains express, auraient pu conduire la France à de grandes difficultés si les Allemands, informés, avaient attaqué dans les zones où des bataillons entiers refusaient de monter en ligne (le 300 ème RI par exemple, le 12 juin, le 36 ème RI un peu plus tard). Il faut dire aussi qu’ils étaient confrontés aux mêmes problèmes, aux mêmes endroits.
Excipant des retards ainsi provoqués, les entreprises Peugeot et Japy demandent au Ministre du Commerce que leur courrier échappe à la règle commune. Ce que l’officier censeur de la région. refuse catégoriquement.
Les pressions sont telles que le 5 février 1915, le Ministre du Commerce et des Postes demande officiellement à son collègue de la Guerre un assouplissement de la règle du retard systématique.
Celui ci transmet à Joffre qui saisit l’occasion, et le 2 mars fait parvenir au cabinet du Ministre un " projet à soumettre au Gouvernement ", organisant " les Commissions de contrôle postal ", dans les moindres détails, les conditions de leur fonctionnement, la légalisation de la saisie du courrier. Il rappelle au passage

" qu’il conviendra que les agents des Postes, mieux informés des droits du Commandement en temps de guerre, cessent de s’opposer à des ordres donnés dans leur forme légale "

et précise les formes d’application du retard systématique.
En dépit de cela, les exigences des militaires s’accroissent encore.

Le 15 avril 15 par exemple, pour éviter les risques de diffusion des mauvaises nouvelles susceptibles de tarir le recrutement de tirailleurs il est décidé qu’ils ne communiqueront plus avec leurs familles que par le truchement de leurs officiers et au moyen de cartes postales proposant en arabe un certain nombre de formules toutes faites.
Les officiers censeurs " font de plus en plus de zèle ", ouvrent sciemment la correspondance des membres du Parlement et des Ministres, malgré l’interdiction qui leur a été notifiée le 11 juillet 1915. Le Ministre de la Guerre a beau demander une enquête à chaque bavure, rien n’y fait.
La plus flagrante date du 7 décembre 1915, elle concerne Jules Guesde, alors au gouvernement. Mais il est vrai qu’il était socialiste, pas très bien vu des militaires et que l’affaire Sarrail était encore toute fraîche.
La correspondance entre " civils de l’intérieur " était aussi l’objet d’une certaine attention et trace est restée, dans le courrier du Ministre de la Guerre, de sévères admonestations adressées à des " personnes de haut rang " qui s’étaient laissées aller à des écrits privés trop défaitistes.
Le 9 juillet 1915 paraît un document de travail qui débouche sur un texte définitif instaurant une surveillance constante et générale sur le courrier. Ce texte du 27 juillet en vigueur toute la durée de la guerre, sera suspendue le 21 novembre 1918.
Les lettres des militaires devront donc désormais être déposées ouvertes dans les boites des vaguemestres et non dans les bureaux de Poste civils.
" Le colportage " du courrier est interdit ( on désigne sous ce terme, son transport par des tiers, soldats partant ou revenant de permission, civils autorisés à se rende dans la zone des armées). Les commissions de censure, invitées à lire le plus grand nombre possible de lettres par opération (environ 250), rendront désormais compte de leurs investigations au moyen d’une grille d’analyse standardisée et proposeront des sanctions selon un barème précis.
Les grands bureaux qui " filtrent " tout le courrier établiront des comptes rendus que l’on exige sincères. " L’opinion profonde " des civils et des militaires devait ainsi en principe remonter jusqu’au G.Q.G. On crée un Service du Moral à la tête duquel on place le Lieutenant Bruyant. Confié au Lieutenant Duval par le Général Pellé le Contrôle postal rattaché au Service du renseignement réunit bientôt deux cents officiers. Mais leur travail, souvent remarquablement rédigé, les textes de Louis Gillet, par exemple, sont des modèles de synthèse, n’est finalement exploité par le Commandement que pour organiser la répression.
J. de Pierrefeu écrira dans G.Q.G secteur 1:

“J’ai pu constater qu’à l’Etat-major, on avait vite fait de mettre sur le dos des donneurs de mauvais conseils, des tracts et des brochures le mécontentement de l’armée. La tendances régnait trop de considérer les hommes comme des entités, comme des espèces d’automates obéissant à des impulsions extérieures. Chaque fois qu’il se manifestait un état d’esprit général dans la troupe, on était porté à se demander qui les lui inspirait. On semblait ignorer que des idées et des sentiments peuvent naître spontanément dans les esprits et les cœurs en face de certains événements.”


S’ils avaient pris au sérieux les informations communiquées dés la fin février 17 par le Service du Moral, les généraux des Corps d’Armée concernés auraient senti venir la crise qui suivit les malheureuses offensives de mars-avril 17 et auraient apporté remèdes et améliorations à la situation des soldats, bien avant que les mutineries n’éclatent.
Il faudra les premiers incidents dans les gares de transit pour que le Ministre de la Guerre réclame un document quotidien sur le moral des troupes. ( Il faut dire que malgré les horreurs du Chemin des Dames, Nivelle et ses méthodes avaient conservé des partisans ).


GRAND QUARTIER GENERAL DES ARMEES DE L’EST

REGLEMENT

Concernant la censure à exercer dans les cantonnements et les bureaux de payeur, sur la correspondance expédiée par les militaires de la zone de l’Avant*.
I
Un service de censure de la correspondance militaire partante fonctionne:
a ) -dans chaque bureau de payeur aux Armées ( bureaux d’Etapes et de gare régulatrice exceptés.)
b) -au principal cantonnement de chaque unité dotée d’un vaguemestre commissionné.
II
Les fonctions de censeur sont exercées par des officiers (un au moins par bureau de payeur et par unité dotée d’un vaguemestre commissionné). L’Officier censeur attaché à un bureau de payeur est désigné par le Général Commandant la formation à laquelle le bureau est affecté; l’Officier censeur attaché à une unité, par le Commandant de l’unité.
Il est choisi parmi ceux qui offrent le plus de garanties de tact et de jugement.
III
Le censeur attaché à un bureau de payeur opère dans ce bureau ou dans un local contigu.
Le censeur d’une unité opère dans le local où le vaguemestre de l’unité centralise la correspondance recueillie, ou dans un local voisin

IV
Le contrôle porte journellement sur les cartes postales et les lettres recueillies dans la journée, il n’est pas donné cours aux cartes postales illustrées représentant une localité ou un paysage, avec désignation du lieu; elles sont rendues aux expéditeurs, s’ils sont connus.
Les lettres déposées closes, soit dans les boîtes des bureaux de poste, soit dans les boites des vaguemestres sont rendues à ceux qui ont indiqué extérieurement leur adresse, l’obligation de déposer les lettres ouvertes leur est rappelée. Celles de ces lettres dont les expéditeurs n’ont pas mentionné leur adresse à l’extérieur, sont retenues pour être transmises, par le censeur, à la Commission de contrôle de la correspondance militaire, chargée d’opérer au bureau-frontière de l’armée. La Commission les ouvre, leur donne cours, après les avoir recachetées à l’aide de bandes N° 509, si elles ne renferment aucune indication interdites, ou les retient, aux fins de poursuites judiciaires ou de sanctions disciplinaires, dans le cas contraire.
V
Les censeurs choisissent parmi les lettres ouvertes et les cartes postales en instance de départ, celles à examiner. Ils en examinent le plus grand nombre possible pendant le temps qu’ils peuvent, chaque jour, consacrer au contrôle.
Ils retirent eux-mêmes des enveloppes les lettres qu’ils veulent examiner et les y replacent après examen, afin de prévenir toute confusion.
VI
Les lettres et cartes postales examinées et reconnues régulières, ainsi que les lettres et cartes postales non examinées, sont immédiatement frappées du timbre de censure(1) à l’angle gauche supérieur de la suscription. Les lettres sont, en outre, cachetées séance tenante. Les unes et les autres sont ensuite remises:
a ) - Dans les cantonnements, au vaguemestre chargé de les apporter au bureau payeur;
b ) - Dans les bureaux de payeur, aux préposés chargés de leur expédition.
VII
Les censeurs font rapporter aux expéditeurs les lettres et cartes postales qui, sans être délictueuses, ne pourraient être acheminées sans inconvénients. Dans ces lettres ils soulignent ou biffent d’un trait de crayon les passages de la correspondance jugés inadmissibles.
Les censeurs font parvenir à la commission de contrôle du Bureau-frontière les lettres ou cartes postales contenant des indications susceptibles de donner lieu à poursuites judiciaires.
VIII
Toute lettre que le militaire expéditeur désire soumettre à la recommandation, est présentée par lui, ou par le vaguemestre, d’abord à l’officier censeur opérant au bureau payeur, qui l’examine et la frappe du timbre, s’il en autorise la transmission. Elle est ensuite close sous les yeux du censeur, et remise au préposé pour enregistrement.

IX
Tout militaire qui désire envoyer un mandat-poste dans la lettre, présente ou fait présenter cette lettre ouverte, à l’officier censeur du bureau, qui l’examine, la frappe de son timbre, s’il y a lieu, et la rend au porteur. Celui-ci y insère le titre et la cachette lui-même, puis la rend au censeur pour être mêlée aux autres.
X
Les paquets que les militaires adressent à l’intérieur ne sont pas obligatoirement déposés ouverts, mais ces paquets peuvent être vérifiés par les Commissions militaires de contrôle.
XI
Les opérations des censeurs sont réglées de manière à éviter, autant que possible, de retarder l’expédition de la correspondance, tout en permettant aux vaguemestres et au personnel des bureaux de payeur d’effectuer les séparations prescrites par les instructions.
XII
Chaque officier censeur est assisté, pour les opérations de cachetage, et de timbrage, qu’il fait faire sous ses yeux, de un ou plusieurs hommes de troupe, suivant les besoins.
XIII
Sauf le cas d’alerte, où la correspondance peut être acheminée sans timbre de censure, close ou non, les bureaux de payeur ne peuvent acheminer que les correspondances revêtues de l’empreinte de ce timbre. S’ils trouvent parmi la correspondance que leur apportent les vaguemestres des lettres qui n’en sont pas frappées, ils les soumettent au censeur du bureau, qui les traite comme si elles avaient été déposées au bureau. Les lettres qui n’auraient pas été closes par le service de la censure, le sont au bureau.
XIV
-Les dispositions qui précèdent entreront en vigueur le 10 août 1915.

-Dispositions transitoires: Les lettres qui seront déposées closes entre le 10 et le 20 Août, seront, par mesure de tolérance, acheminées normalement sans être ouvertes

1) - Timbre humide réglementaire du Corps ou de l’unité (ou de la grande unité, A, C . A, Div ,-s’il s’agit de la censure exercée au bureau payeur), - Les correspondances émanant des petites unités dépourvues de timbre réglementaire, sont enliassées par les censeurs de ces unités et expédiées non closes au poste de censure le plus proche muni d’un timbre ou au bureau payeur auquel la petite unité est rattachée. L’envoi est fait sous étiquette portant la mention suivante signée du censeur “ Contrôlé par le censeur soussigné” - Au poste intermédiaire ou au bureau de payeur, elles sont frappées du timbre de censure et cachetées.

Au G.Q.G., le 26 Juillet 1915.
P.O. Le Major Général: PELLE.

Pour ampliation
L’Aide-Major Général

Pour clore ces quelques lignes consacrées à la censure nous reproduisons le début d’un compte rendu émanant du Bureau frontière 3. Il est assez représentatif du style en vigueur dans les “Grands bureaux”. Ceux venant des unités combattantes, rédigés par un officier appartenant à l’unité, sont beaucoup plus courts se bornant souvent à une énumération succincte des infractions commises et des sanctions prises.

BUREAU-FRONTIERE 3

COMMISSION MILITAIRE DE CONTROLE DES CORRESPONDANCES
N°12

Le Chef de Bataillon de Ferré de Péroux
Président de la Commission de contrôle
à
Monsieur le Général Commandant en Chef
Etat Major Général

En exécution de la lettre du Grand Quartier Général en date du 15 Septembre 15, j’ai l’honneur de vous adresser le Compte-rendu sur les impressions morales, les critiques et les renseignements se dégageant de la Correspondance postale soumise à la Commission Militaire de Contrôle du Bureau-frontière B pendant la semaine du 5 au 12 décembre 1915.

I Impressions Déprimantes

Les correspondances dénotant un véritable mauvais esprit continuent à être rares; la commission n’en a arrêté que 6 pour des raisons diverses: Conseil à un jeune homme de la classe résidant à l’étranger de ne pas rejoindre son corps, plaintes excessives et de mauvais aloi.
De nombreux soldats se plaignent encore de la durée de la guerre et expriment des appréhensions au sujet de ses conséquences économiques.

La Commission a lu cette semaine de très nombreuses lettres signalant le mauvais état des tranchées à la suite du dégel et des pluies abondantes et les conséquences de cette situation: l’envahissement des abris et des boyaux par l’eau, la nécessité de les évacuer temporairement et de monter sur les parapets, les éboulements, les difficultés éprouvées pour faire les relèves et assurer le ravitaillement des tranchées; les hommes couverts de boue s’enlisant dans certain endroits. Ces conditions matérielles paraissent avoir affecté le moral de certains soldats notamment du Secteur 121

Quelques soldats, pères de 4 ou 5 enfants s’étonnent vivement d’être encore au front :“ceux qui sont dans les dépôts, dit l’un d’eux, ne doivent pas partir mais ceux qui sont déjà au front y restent ” ( secteur 136.)

II IMPRESSIONS RECONFORTANTES

Les impressions déprimantes, notées plus haut ont le caractère d’exception et, par contre, nombreuses sont les impressions réconfortantes qui se dégagent de la lecture des lettres en provenance du front. Le ton général des correspondances est le désir de voir la lutte finir le plus tôt, mais aussi la résignation à attendre avec philosophie l’heure favorable à la victoire.
La boue, élément qui a constitué durant cette semaine le thème le plus fréquent des correspondances et qui, certes est déplorée par tous, ne semble avoir atteint le moral des hommes que d’une façon très isolée .
L’impression qui, à ce sujet, domine dans la correspondance, c’est une très grande force d’acceptation.

Plusieurs lettres destinées à l’étranger (Hollande, Suisse, Etats-Unis, Canada) signalent l’excellent moral de nos troupes et leur confiance dans le succès final. L’opinion que la guerre peut être encore longue est envisagée avec calme: “ Depuis quelques mois, l’opinion en France s’est bien faite à l’idée de la longueur de la lutte. C’est une tournure d’esprit opportune, et qu’on n’aurait pu espérer tout d’abord.
Il nous reste à souhaiter que la coordination soit de jour en jour des plus parfaite et qu’il y ait une orientation nette dans l’action des alliés une fois que les situations auront été examinées ” (Lettre du 6 décembre d’un officier).
De nombreux militaires continuent à engager leurs familles à souscrire à l’emprunt.
La Commission a lu une lettre dont l’auteur déplore avec beaucoup d’amertume la conduite de certains mobilisés.
La situation de notre Corps expéditionnaire et, d’une façon générale, les affaires d’Orient inquiètent les soldats, et les reproches de ces derniers continuent contre les diplomates. Quelques uns expriment la bonne entente des alliés au sujet de la conduite de la guerre dans les Balkans et cherchent des explications sur l’engagement de l’Italie et de la Russie.
Les soldats d’origine rurale continuent à s’inquiéter vivement de la marche des affaires dans leurs exploitations, des variations brusques des prix du bétail, et d’assurer les labours et même l’abattage du bois de chauffage.


III CRITIQUES ET RENSEIGNEMENTS

1 er :Cartes postales illustrées et photographies

En exécution de la note du G.Q.G. n°13202 du 23 novembre 1915, la commission a arrêté et détruit 124 cartes postales illustrées expédiées par des militaires aux armées.

Il y aurait intérêt à lui faire connaître si, par analogie avec les instructions relatives à la saisie de toutes les cartes postales illustrées, elle doit arrêter de même toutes les photographies du front qu’elle trouve en assez grand nombre dans la correspondance des officiers et des soldats, et alors même que ces photographies ne comportent aucune indication manuscrite d’emplacement.

2 ème :Rapports entre soldats français et allemands.

Je crois devoir signaler que, d’après un assez grand nombre de lettres lues par la commission, une sorte de trêve aurait été conclue parfois en certains endroits, entre les soldats français occupant les tranchées de 1ère ligne et leurs adversaires, et cela par suite de l’envahissement des tranchées par l’eau et la boue. Les uns et les autres seraient sortis de leurs abris; des conversations se seraient engagées et des échanges de cigarettes, de pain et de vin auraient même eu lieu. Ces faits ont été indiqués dans des correspondances émanant du 23 ème RI ( 23 ème Cie ) 333 ème (17 ème et 20 ème Compagnies et compagnie de mitrailleuse, 223 ème RI ( 17 ème Cie et Cie HR ) et 14 ème Dragons...

Ci-joints à ce sujet des extraits de quelques lettres que je crois devoir porter à votre connaissance... (...)


A bientôt
c C
air339
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Re: Censure

Message par air339 »

Bonjour,


Merci pour cet article documenté.

Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris: dans le trafic intra-zone de l'intérieur, le courrier est aussi ouvert et retardé ? et ce travail ne dépend-il pas du ministère de l'Intérieur ?


Cordialement,

Régis

chanteloube
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Re: Censure

Message par chanteloube »

Bonjour,
Absolument. Ce travail était fait par les bureaux de la censure.
Dans le sens descendant il était aléatoire. Au départ à intérieur il était ciblé sur certaines personnes surveillées et aléatoire dans les bureaux.
La Sureté militaire agissait aussi sur injonction du GQG.
Il y avait des gens de la sureté militaire infiltrés dans les unités. Certains, découverts en 1917, ont été sérieusement malmenés voire exécutés.

A bientôt.
CC
ALVF
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Re: Censure

Message par ALVF »

Bonjour,

Claude Chanteloube, évoquant des agents de la sûreté militaire, a écrit "Certains, découverts en 1917, ont été sérieusement malmenés voire exécutés".
En bon disciple du "Métier d'Historien", je pense que vous devez citer des dates, des lieux, des unités, des faits voire des noms pour dissiper tout doute sur la réalité des exécutions "d'agents de la Sûreté".
Sinon, nous allons tout droit aux fantasmes qui s'étalent jusque dans certaines interventions de ce forum.
Après les "gendarmes pendus de Verdun", combien d'agents de la "Sûreté militaire" exécutés?
Cordialement,
Guy François.
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IM Louis Jean
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Re: Censure

Message par IM Louis Jean »

Bonjour à toutes et à tous,

Cette formule aussi est floue :
Il y avait des gens de la sureté militaire infiltrés dans les unités. Certains, découverts en 1917.../...
Toutes les unités ? depuis quand ?

Cordialement
Étienne
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
air339
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Re: Censure

Message par air339 »

Bonjour,
chanteloube a écrit :

Si ça peut servir c'est " libre ".....mais on " peut citer "
Apparemment ça a servi :

http://guerre1418.org/html/thematiques_courrier.html


Cordialement,

Régis
chanteloube
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Re: Censure

Message par chanteloube »

Bonjour,

Je ne comprends pas votre surprise. Il me semblait pourtant que cette question était réglée et ne posait plus aucun problème
Je vous renvoie, pour l'instant, aux différents ouvrages traitant des " mutineries de 1917 " Offensdadt et Rolland qui évoquent la question des agents provocateurs de la sécurité en passant, et surtout aux nombreux dossiers SHA traitant de la sécurité militaire. Voyez l'année 1917 vous serez édifié !.
Pour l'instant je travaille encore sur cette question qui fera peut-être l'objet d'un article et risque de vous surprendre!

Au sujet du fantasme des "gendarmes de Verdun" j'ai déjà écrit ceci:

Cette remarque au sujet des gendarmes, la seule de la correspondance, nous permettra aussi d’aborder un instant la discussion récurrente au sujet des " gendarmes qui auraient été retrouvés pendus à Verdun dans une cave ".
Marcel Delfaud, dans ses carnets y fait allusion, et à deux reprises, se faisant, avec prudence, le 4 juin 1916, l’écho des incidents de Verdun mais rapportant aussi de façon tout à fait explicite le cas d’un gendarme noyé dans la Meuse après y avoir été jeté par des soldats. Question souvent éliminée du champ historique ou éludée assez curieusement par les historiens, au prétexte qu’il n’y avait pas assez de preuves ni assez de témoignages directs….Certes, mais on ne peut tout de même pas s’attendre à ce que ceux qui ont commis de tels crimes signent leur passage, ni que des témoins oculaires se fassent connaître. Pourchassés et accusés assurément s’ils se manifestaient, ils sont probablement restés silencieux. De fait, le Dragon, le Gendarme, le Prévôt, la Prévôté sont unanimement détestés, et pas seulement pendant les combats de Verdun, de nombreuses correspondances l’attestent. Ce que l’on peut dire, c’est que c’est mal connaître la sociologie des campagnes des années 1900 et les comportements des jeunes ruraux, sous les drapeaux ou non. Disons d’abord que les bagarres entre jeunes de villages voisins, entre soldats de régiment différents sont très fréquentes et même quasi ritualisées jusque dans les années 1970. Nous en témoignons d’autant plus que nous les avons personnellement vécues. Delfaud lui-même, instituteur sous les drapeaux, mais d’origine modeste et villageoise fait le coup de poing lorsqu’on l’agresse verbalement de façon inacceptable. Le garde champêtre, le garde-chasse, le garde-forestier, le régisseur de domaine, sont, depuis le moyen âge, les ennemis jurés du rural. Tout ce qui porte un uniforme est détesté parce que représentant une limitation au droit naturel que l’homme de la campagne pense avoir sur les ressources de l’espace qu’il occupe.
Le garde-chasse du château est perçu comme l’empêcheur de braconner, le régisseur comme l’empêcheur de ramasser du bois, l’un comme l’autre peuvent être à l’origine de lourdes amendes ; le gendarme poursuit le pêcheur de grenouille, surprend le braconnier qui prend quelque truites à la main ou pose quelques collets, verbalise le distillateur clandestin. Il est le descendant du gabelou et à ce titre il est détesté. Les archives des tribunaux d’assises sont très éloquentes. Le gendarme, jeté à l’eau dans le meilleur des cas, le garde chasse, assassiné d’un coup de fusil ne sont pas du tout des crimes rarissimes.
C’est mal connaître aussi la sociologie du monde ouvrier des années 1900. Ne sont certainement pas oubliées par les jeunes ouvriers, les charges de Dragons sur les manifestations ouvrières là où elles ont eu lieu. Dans le Bassin du Nord, dans le Centre. Il n’est donc pas du tout impensable que des soldats, d’origine rurale où ouvrière, acceptant assez difficilement les brimades des officiers, surtout de ceux dont ils savent qu’ils ne sont guère courageux, rechignent à obéir à des sergents bornés et développe des comportements très violents à l’encontre de gendarmes qu’ils considèrent comme des planqués.

Vous devriez portant avoir compris que je ne suis pas vraiment du genre à alimenter les fantasmes!
C'est une assez curieuse méthode que de disqualifier l' auteur de "quelque chose que l'on ne sait pas" ou "craint de savoir", en attaquant la personne.
Cette sorte de police de la pensée dominante est assez inquiétante pour l'avenir.
N'oubliez pas que l'exécution sommaire de Millan a longtemps été considérée comme un phantasme politique avant d'être reconnue et je passe sur bien d'autres "choses" encore, comme les exécutions de Tirailleurs qui dérangeaient (et dérangent encore certaines officines de la pensée archaïque !) et qui ressemblent fort à de vraies exécutions pour l'exemple, dont-il a été question ici !
J’ajoute que la censure du courrier montant des députés a été toujours été.....niée..... jusqu'à ce que les dossiers soient ouvert au SHA !
A bientôt
CC

ALVF
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Re: Censure

Message par ALVF »

Bonsoir,

Je crois que vous répondez à côté de la question.
Je ne nie pas, bien entendu, les agissements de la "Sûreté militaire", ce dont je doute, jusqu'à preuve du contraire, ce sont les "exécutions" d'agents de la Sûreté militaire. J'entends par "exécution" la "liquidation" physique des individus, soit sous forme d'assassinat, de meurtre, de coups et blessures mortels, etc...
Avez-vous trouvé, oui ou non, des preuves de ces "exécutions" d'agents de la Sûreté militaire?
Il y a une différence entre des coups portés sur des gendarmes ou des agents de la Sûreté militaire et des "exécutions"! Surtout si elles sont concertées!
Cordialement,
Guy François.
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IM Louis Jean
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Re: Censure

Message par IM Louis Jean »

Bonsoir à toutes et à tous,
Je crois que vous répondez à côté de la question.
Bel euphémisme!
En bon disciple du "Métier d'Historien", je pense que vous devez citer des dates, des lieux, des unités, des faits voire des noms pour dissiper tout doute sur la réalité des exécutions "d'agents de la Sûreté"
Toutes les unités ? depuis quand ?
Cordialement
Étienne

<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
chanteloube
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Re: Censure

Message par chanteloube »

Bonjour Guy françois, Bonjour Etienne,

Tout est question de nuances
je ne réponds pas directement à vos questions parce que je n'ai pas envie de voir mon travail "pompé" ni provoquer une polémique qui n'a pas lieu d'être .
L’outil informatique dont je dispose, et que certains connaissent ici, me permet de parcourir le fichier de NMPLF dans tous les sens et d'y découvrir certaines anomalies.

J'ai écrit : " malmenés voire exécutés" ( "malmenés" j'en suis certain, il y a des rapports dans les dossiers sureté militaire, "exécutés" : j'ai écrit voire, je ne suis pas loin de le montrer. ( un peu de patience)

Si j'ai répondu à l'exemple des "gendarmes" c'est pour montrer que la connaissance des "choses" évoluant, on est assez souvent conduit à réviser des jugements trop hâtifs dictés par la méfiance. ( le cas que j'ai cité peut évidemment être mis en cause...Les crocs de boucher sont une fable colportée par les antimilitaristes primaires, chacun le sait aujourd’hui! ( ils ont refait pourtant surface dans les discours politiques mais.... passons.)

Je ne suis militant d'aucune chapelle politique, d'aucune chapelle philosophique, d'aucun syndicat.... J'ai passé l'âge comme on dit !!!
Cependant je ne peux n’empêcher d'être un observateur de l'évolution de notre récit national...

Pour ce faire je vais prendre un exemple contemporain, sensible mais significatif:
celui de la bataille d'Alger! indiscutablement gagnée par les unités qui l'ont livrée.
Le général Massu a expliqué que pour l'emporter il avait bien fallu employer des méthodes musclées, des propos qui n'ont pas plu à tout le monde...
Un doute demeurait..... jusqu'à ce que le général Aussaresse, sur ces vieux jours j'en conviens, poussé par une épouse ayant entendu les appels de madame Audin j'en conviens aussi, disent: "oui, nous avons pratiqué la torture oui j'y ai participé personnellement, Maurice Audin ne s’est pas évaporé dans la nature après son évasion en juin 1957, il a été exécuté avec "la couverture pleine et entière du pouvoir politique". Une révélation qui infirme totalement les versions officielles et officieuses de l' affaire. A partir de là, on gratte un peu, on ouvre ses oreille, et l'on apprend que quinze anciens militaires ont été condamnés, vendredi 27 mai 2016 , par la justice argentine pour leur participation à l’opération Condor. Parmi eux, le dernier dictateur du pays, Bignone. On apprend aussi que les archives de cette opération ( niée par tous à tous les niveaux ) ont été découvertes dans un garage et que............."certains Français auraient été impliqués pour avoir exporté les méthodes mises au point pendant la bataille d'Alger".
( Cela reste encore à vérifier et à publier car les archives de l' opération sont verrouillées encore pour quelques temps).

Cet exemple montre que la plus grande prudence est de mise avant de parler de "fantasmes"

Cordialement
CC
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