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Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 11:26 am
par pouldhu
Bonjour à tous,
Je viens, par ce message, partager avec vous le début de mes recherches sur les suicidés.
Pourquoi s’intéresser aux soldats qui se sont donné la mort ?
En premier lieu parce que personne n’en parle ou si peu. En second lieu parce que le fichier des non MPLF qui m’a été donné, comportait un dossier embryonnaire nommé : « suicide » ne comportant que peu de fiches mais dont le contenu allait à l’encontre du point de vue commun développé par les historiens depuis la fin du conflit, jusqu’à nos jours. Il est en effet accepté que, si les suicides ont existés, ils ont eu lieu à l’arrière et qu’il est de toutes les façons difficile de faire la part des choses entre les raisons personnelles et celles dues à la guerre qui ont poussé des soldats à mourir volontairement.
Ces fiches donnaient entre autre, comme lieu de décès, des secteurs du front. J’ai donc voulu en savoir plus et j’ai décidé de recenser toutes les fiches de suicidés.
Pour ce qui est de la part des choses, s’il est impossible de savoir à quel point la guerre a été responsable du suicide de ces combattants, il est pour moi une chose de sure, elle ne peut en aucun cas être étrangère à leur décision.
Les suicides de début aout 1914 peuvent être en partie dus à la peur de l’inconnu qui attend le soldat, à la peur de la souffrance entre autre, ceux de 1919, à l’épuisement morale bien que la guerre soit fini, au désenchantement de ne pas être encore rentré chez soi. Comment la guerre ne pourrait-elle pas être la raison qui a poussé, durant tout le conflit, des grands blessés à se suicider dans les hôpitaux ?
Enfin, j’entreprends ce travail grâce à la rencontre d’un soldat et pour son souvenir. Dominique GOYHENEIX était né le 25 mars 1881 à Ordiarp dans les basses Pyrénées, soldat au 18ème RI, il s’est donné la mort le 18 septembre 1915 à Pargnan dans l’Aisne. Bien que son nom soit connu de son unité, il a été inhumé comme un inconnu, un mort indigne. Le registre des tombes du cimetière communal dressé par la 5ème Armée le 30 novembre 1916 donne la mention « inconnu » pour sa sépulture. Celui du 29 aout 1935 porte en rouge : « Ce soldat n’a pas le droit à la mention Mort pour la France ». Il n’y a plu de traces de sa tombe à Pargnan et son nom ne figure pas sur le site « Sépultures de Guerre », j’espère que sa famille à fait rapatrié son corps. Son nom est au moins inscrit sur le MAM d’Ordiarp.

J’ai donc recensé 3830 suicidés dans le fichier des non MPLF. Ma démarche a été de ne relever que les suicides avérés, donc les fiches portant les mentions « suicide », « mort volontaire », un genre de mort suivi de « volontaire » (noyade volontaire par exemple), les « s’est » suivi d’un genre de mort ne pouvant résulter que d’un suicide (s’est pendu, s’est jeter sous un train mais pas les s’est noyé, ni les s’est fracturé le crâne, qui pouvaient être du à un accident).
J’ai pris la décision de collecter toutes les fiches portant les mots « pendu », « pendaison », strangulation » même non suivi de volontaire. En effet je ne pense pas que l’on puisse se pendre par accident et aucune des fiches stipulant un homicide, évoque un meurtre par strangulation.
J’ai choisi de retenir toute les fiches portant « mort violente » car moins une fiche, quand cette mention était suivie d’une précision, elle était toujours « suicide »
J’ai enfin retenu les quelque rares fiches portant « coup de révolver, de fusil, de mousqueton, au cœur, à la tempe ou à la face ; ainsi que les coups de rasoir ou de couteau au cou. Je ne pense pas qu’il s’agisse de tentatives de mutilations volontaires ratées pour échapper au service, pour cela, on se tire une balle dans la main ou le pieds mais pas en plein cœur !
Ces cas sont à la marge et la suite de mes recherches constituera, entre autres, à les conforter ou à les écarter.
J’ai commis une erreur de jugement qui m’a fait rejeter les fiches des suicidés détachés agricole ou article 6. En effet, j’ai à tort, estimé que n’étant plus en service, ils n’étaient pas concernés par ma recherche. Tardivement j’ai revu ma position en lisant en détail la fiche d’un détaché, il était né dans une commune où son acte de décès avait été enregistré, se trouvant à l’autre bout de la France par rapport à l’usine où il travaillait. Bien que non combattant mais toujours soldats, l’éloignement de sa famille du fait de la guerre avait pu influencer son geste. J’ai aussi pensé au cas des soldats détachés qui se croient sorti de l’enfer et qui sont rappelés au front, situation qui est du au conflit et qui a pu participer à leur décision d’en finir.
J’ai aussi pris en compte les fiches des ouvriers coloniaux qui se sont suicidés alors qu’ils travaillaient dans nos usines d’armement ou nos poudreries.
Au sujet de la période, j’ai relevé les fiches de aout 1914 jusqu’à la date ultime trouvée, courant 1920.
Au sujet de la géographie, j’ai estimé que l’Afrique du nord (Tunisie, Algérie, Maroc) devait être retenue. C’est un cas complexe qui va demander une analyse particulière. Si ces territoires (terrestres) ne sont pas concernés par le conflit, il n’en reste pas moins que des unités participant aux combats sur les fronts de l’ouest, des balkans ou bien de Turquie y ont séjourné. De plus des RIT, des RZT, par exemple, ont remplacé des unités d’Afrique du nord d’active, afin d’assurer la présence militaire française. Ces soldats même loin des fronts ont pu être exposés à des situations de stress du fait de la guerre et du climat militaire tendu dans ce secteur (cf : l’affaire d’El Erri au Maroc en aout 1914). Mais il y a aussi des unités affectées à ces territoires et qui y sont restées durant tout le conflit, du moins c’est ce que j’ai cru comprendre, la guerre a-t-elle pu influer sur le moral de ces troupes ?
Quelques remarques a priori :
Les grades vont de deuxième classe à général de brigade. Toutes les armes sont concernées exception faite de La Marine par défaut de fiches de marins dans le fichier des non MPLF (existe-il un fichier des marins non MPLF ?).
Les suicides sont plus fréquents dans les unités qui ne sont pas en première ligne (COA, Train par exemple).
Je pense qu’il y a un lien entre le fait que cette mort soit jugée indigne, condamnée par l’Eglise et le fait que l’infanterie soit moins concernée que d’autres armes. Un soldat en première ligne qui veut en finir mais qui sait que son geste va porter l’opprobre sur sa famille, peut tenter de mourir sous les balles ennemies. Un artilleur par contre n’est que rarement soumis au feu de mousqueterie donc s’il veut mourir, il n’a pas le choix, il doit se suicider.
Plus le soldat est engagé dans la vie civile, la vie professionnelle, la vie de famille, plus il est vulnérable au cafard, d’où sans doute un grand nombre de suicide dans les RIT. Ce qui a contrario explique aussi le moindre nombre dans les RI.
Un cas particulier : les fiches de suicidés dont le lieu de décès est un hôpital ou une structure médicale (ambulance par exemple). Il va me falloir trouver pour chaque homme, s’il est décédé dans un hôpital des suites d’une tentative de suicide ailleurs, ou bien s’il était hospitalisé et s’est donné la mort. Si ce dernier cas serait le plus rencontré, le suicide en hôpital deviendrait le premier lieu de suicide.
Une énigme : pourquoi y a-t-il un nombre important de suicidés dans l’Artillerie Lourde et l’Artillerie à Pied ?
Un appel à la communauté du forum : Pensez à moi si vous trouvez dans les MPLF, des suicidés, certains ont passé le crible. Je reviendrai vers vous aussi pour m’aider à déchiffrer certaines fiches.
Cordialement,
Gilles.

Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 12:39 pm
par HT62
Bonjour,

A moins que j'ai mal lu, il y a également les suicides de prisonniers dans les camps allemands, Gilles : je t'ai envoyé ce que j'ai.
Cordialement, Hervé.

Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 2:10 pm
par garigliano1
Bonjour

Dans le livre" la grande guerre- pratique et expériences" , Denis Rolland avait étudié les N MPLF et en particulier les cas de suicides aux Armées. Denis Rolland en avait recensé 3828 cas tout en soulignant que 12,5% des fiches de N MPLF ne portaient pas de cause du décès. Il est assez normal que vous aboutissez à un nombre de cas très proche. Comme le soulignait également Denis Rolland, il existe des cas de suicides dans les MPLF soit repris comme un "tué l'ennemi" très difficilement quantifiable soit repris comme "suicidé" ce qui assez rare. J'en ai dénombré 6 cas ( 2 MPLF et 4 N MPLF ) dans mes recherches.

Cordialement
yves

Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 2:20 pm
par stcypre
Bonjour,

Attention, il faut être prudent avec les suicides dans les camps de PG... En effet souvent une tentative avortée d'évasion ... et le mort était déclaré "suicidé"... et non pas tué par des gardes...
J.Claude

Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 3:11 pm
par christophe lagrange
Bonjour,

Je te renouvelle mes félicitations pour cette entreprise. Bravo pour ce patient travail de fourmi.
Tout comme toi, j'avais commencé à regarder de ce côté et trouvait que l'artillerie était très présente comme corps d'origine.
Le mode opératoire serait intéressant à recenser. Le rapprochement avec les fiches matricules devraient lever certains doutes ou questions.

Bonne continuation
Amicalement,
Christophe

Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 3:51 pm
par pouldhu
Bonjour, a tous et merci de vos propos. Eric, je ne peux pas encore dire combien mais il y a bien des fiches de suicidés portant la mention "indigne"
je ne vais pas rentrer déjà dans le détail et ne le peux de toute façon pas mais il y a toute sorte de cas de situation, le suicide du commandant d'un des forts de Charleville le jour de sa reddition, le suicide en pleine rue d'un déserteur qui allait être appréhendé par les gendarmes, des suicides en attente de conseil de guerre, par contre ce qui manque c'est à plus de 90% les genre de mort pour les soldats détenus aux travaux forcés. je suis sur qu'il y a eu des suicides.
Hervé, merci pour la liste et Stéphan pour le MP.
A+
Gilles.



Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 4:36 pm
par Charraud Jerome
Bonjour
Bonjour, a tous et merci de vos propos. Eric, je ne peux pas encore dire combien mais il y a bien des fiches de suicidés portant la mention "indigne"
je ne vais pas rentrer déjà dans le détail et ne le peux de toute façon pas mais il y a toute sorte de cas de situation, le suicide du commandant d'un des forts de Charleville le jour de sa reddition, le suicide en pleine rue d'un déserteur qui allait être appréhendé par les gendarmes, des suicides en attente de conseil de guerre, par contre ce qui manque c'est à plus de 90% les genre de mort pour les soldats détenus aux travaux forcés. je suis sur qu'il y a eu des suicides.
Hervé, merci pour la liste et Stéphan pour le MP.
A+
Gilles.
Ayant moi-même effectué cette tâche qui consiste à classifier toutes les fiches NMPF par genre de mort, j'arrivais à 4061 (avec toujours une part d'incertitude sur certains libellés).
Image
Gilles, il serait intéressant de comparer nos données, si tu le souhaites on peut passer par la MP.

Cordialement
Jérôme Charraud

Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 4:58 pm
par valier
Bonjour Gilles,
Avez-vous également tenu compte des suicides répertoriés dans les MPF ?
Il y a des cas; j'ai un ou deux exemples à votre disposition.
Bonne journée.
Jacques

Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 5:22 pm
par jef52
Bonjour Gilles,

Chapeau pour ce travail de fourmis !!!! Un sujet passionnant mais pas facile à traiter objectivement. Si ça peut t apporter un micro plus , je te joins la photo de la croix à la NN Fleury devant Douaumont du seul suicidé du 232 que je connais à ce jour.

Amicalement,

Jef :hello:

Image

Re: 3830 suicidés

Publié : sam. févr. 09, 2013 5:27 pm
par pouldhu
Bonjour Jacques, non, je n'ai fais que les non MPLF, le fichier MPLF est bien trop gros, c'est pourquoi j'en appel à vous tous si dans vos recherches sur les MPLF vous en avez trouvé, je suis preneur.
Jérôme, je me douté bien que tu avais fais ce type de recherches, je me souviens d'un message ou une personne te disait que l'on ne te lisais plus trop, réponse : "je travaille sur des listes".
C'est bien que tu en ai plus, je sais en avoir raté par fatigue visuelle, Stéphan vient de me permettre de récupérer un loupé.
Passes en MP ou direct sur ma boite perso, comme tu veux.
A+
Gilles.
édité pour remercier Jef qui écrivait en même temps que moi.