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Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : dim. avr. 16, 2006 4:24 pm
par Terraillon Marc
Bonjour,

Aprés les soldats du Pacifique, je vous emmene (pour ceux que cela interesse :ange: ) en Palestine avec le Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant (c'est ma lecture du week end !). J'ai apprécié le coté épique mais probablement romancé de l'attaque de Naplouse.

Voici le texte (en plusieurs épisodes) :

"A LA MANIERE DE LASALLE
NOS CAVALIERS ENLÈVENT NAPLOUSE
(2l septembre 1918)


L'Histoire est une ingrate. En laissant parfois de côté ou en citant à peine des actes qui mériteraient d'être gravés au fronton de son temple, elle néglige de s'enrichir; elle en exalte d'autres qui, sans le bruit fait autour d'eux par des voix intéressées, seraient tout au plus dignes d'un modeste rappel.

Celle de la dernière guerre s'est montrée particulièrement avare en ce qui concerne les détachements français envoyés sur des terres lointaines pour y représenter la Patrie. Perdus dans les pays à demi-inconnus ou noyés au milieu de contingents étrangers plus nombreux, ils passèrent presque inaperçus. Que de grandeur d'âme, que d'héroïsme ils dépensèrent cependant ! A combien de circonstances dramatiques furent-ils mêlés ! Absorbés par l'étude des formidables événements qui se sont déroulés en Europe, les historiens de la guerre ont trop souvent négligé de se pencher au dehors.

Qui donc connaît, par exemple, les exploits accomplis par ce petit groupement de cavaliers portant le nom compliqué de Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant ? Il a pourtant droit à une place d'honneur dans nos fastes guerriers car il s'est acquis une gloire impérissable en 1918, à l'armée de Palestine du général ALLENBY.

C'était un bien petit régiment, par le nombre du moins. Il ne comptait que trois escadrons, deux de chasseurs d'Afrique aux ordres des capitaines GUICHARD et FRANCOU, un de spahis aux ordres du capitaine WIDOLFÏ. Le tout était placé sous le commandement du lieutenant-colonel LEBON. Il y avait bien eu un quatrième escadron destiné à compléter le régiment ; mais il n'avait pu se joindre aux premiers. Parti le dernier de Bizerte, sous les ordres du capitaine DE KERVERSAN, le bateau qui le transportait avait été torpillé au large de Port-Saïd et il avait perdu dans la catastrophe vingt-trois hommes et tous ses chevaux.

Mais si le régiment mixte était de faible effectif, par sa valeur, par son unité de doctrine, par sa trempe morale, c'était un fameux régiment. Pourtant, sa formation avait eu lieu au début de 1918 dans des conditions singulières. La hâte, la pénurie des moyens, le « débrouillez-vous », le « il faut à tout prix » avaient présidé à sa naissance. Les trois escadrons étaient un véritable puzzle où se rencontraient des détachements de toute la cavalerie d'Afrique, des cavaliers de dix-huit ans et des territoriaux de quarante et plus.

Il avait fallu amalgamer, instruire et entraîner tout cela. Fort heureusement la pâte était bonne. Le lieutenant-colonel LEBON sut en tirer un admirable parti. Transportés en Egypte dès la fin de mars, les escadrons, profitant du large répit qui leur fut donné avant l'offensive projetée par l'armée ALLENBY, furent véritablement « dressés », tant moralement que physiquement. Quand, le 21 août 1918, le régiment mixte fut rattaché à la 5e brigade de cavalerie australienne du général ONSLOW, il était à la hauteur des meilleures unités de cavalerie du front français. Et ce n'est pas peu dire."

A suivre...




Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : dim. avr. 16, 2006 4:26 pm
par Terraillon Marc
Bonjour

Suite :

"La brigade ONSLOW était loin de montrer les mêmes qualités. Non pas qu'elle manquât d'allant et de bravoure. Au contraire.. Mais elle n'avait aucune instruction militaire, et cela compte tout de même à la guerre. Le Gouvernement australien n'avait pas eu de peine à réunir le nombre nécessaire de jeunes recrues sachant monter à cheval. Combien d'hommes là-bas, ne connaissent pas d'autre moyen de locomotion. Il les avait luxueusement montés et équipés. Ceci fait, n'ayant pas d'instructeurs, il s'en; remit à la bonne volonté, à l'instinct et à la science fraîchement, acquise de ses cadres improvisés

Elle comprenait deux régiments, les 14e et 15e Australian Light Horse Régiment. Quand ceux-ci virent arriver leurs camarades français ils furent stupéfaits de leur discipline, de leur entraînement et de leur cohésion. Puisqu'ils avaient la bonne fortune d'avoir à portée de si bons modèles, pourquoi ne point en profiter? Le général ONSLOW n'hésita pas. Il décida que jusqu'au jour de l'offensive, les Français serviraient de moniteurs à ses Australiens.

Ce qui fut fait. Il en résulta une très grande camaraderie entre les trois régiments, camaraderie qui ne se démentit jamais.

Quand le 19 septembre l'armée ALLENBY partit à l'attaque des positions occupées par les IVe, VIIe et VIIIe armées turques aux ordres du général LIMAN VON SANDERS, la brigade ONSLOW était devenue une excellente troupe dans laquelle l'unité d'élite était le régiment mixte du lieutenant-colonel LEBON. La brigade fut affectée comme cavalerie de corps au 21e corps d'armée britannique.

Dès le jour de la rupture du front turc, les trois escadrons français montrèrent à leurs camarades australiens que leur valeur résistait à l'épreuve du feu. Au soir de ce jour, ils avaient à eux seuls fait 1.800 prisonniers, pris 17 canons, 1.500 véhicules de toute sorte, plus le coffre-fort de la IVe armée ennemie.

C'était bien; il fallait faire mieux encore. Le 20 septembre, après une marche de nuit de 40 kilomètres, il contribua avec le reste de la brigade à la destruction de la voie ferrée de Naplouse à Jenin, destruction destinée à arrêter l'évacuation du matériel ennemi et à retarder la retraite de ses troupes.

Revenue le soir même à Tul Keram, d'où elle était partie la veille au soir, la brigade recevait l'ordre de marcher le lendemain sur Naplouse, quartier général de la VIIe armée ennemie, et dont les Turcs comptaient se servir comme point d'appui pour retarder la poursuite britannique.

Le lendemain la brigade lève le camp à la pointe du jour et se dirige vers Naplouse, le 25e australien faisant l'avant-garde. Dès le soleil levé, il fait une chaleur torride. Les chevaux, qui ont fait 140 kilomètres en deux jours, dont bonne partie en combattant, n'avancent qu'avec peine. Mais il ne faut pas perdre une minute car tout délai laissé aux Turcs leur permet d'augmenter les défenses de la ville et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour repousser l'attaque.

La marche néanmoins se fait sans incident. Tout ce qui a échappé à la bataille de l'avant-veille s'est réfugié dans Naplouse ou cherche à gagner le nord par les montagnes.
"

A suivre

Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : dim. avr. 16, 2006 4:27 pm
par Terraillon Marc
Bonjour,

Suite :

"Vers midi, le 15e australien arrive en vue de la ville. Il est aussitôt salué par des rafales d'obus et de mitrailleuses. Ses patrouilles rendent compte de leurs coups de sonde aux abords de la ville. Celle-ci est solidement occupée, des mitrailleuses et des batteries, couvertes par des épaulements, en défendent l'approche; enfin, une multitude de tirailleurs sont embusqués dans les jardins qui l'entourent.

Comme les obus commencent à éclater autour de la brigade, le général ONSLOW la fait déboîter et la met à l'abri des escarpements bordant la route. Puis, s'avançant avec son état-major, il examine la situation. Celle-ci n'est pas brillante. Impossible désormais de compter sur l'effet de surprise. Or, la position ennemie est presque imprenable avec les moyens dont dispose la cavalerie. Non seulement la ville est entourée d'une muraille haute et massive, mais en avant de cette muraille, sur une épaisseur variant de 500 à 800 mètres, c'est un véritable fouillis de jardins et de palmeraies entourés de murailles en pierres sèches. Les défenseurs auront beau jeu, dans ces conditions, pour fusiller les troupes d'attaque, à coup sûr et sans risques.

Cependant, le général ONSLOW ne renonce pas à tenter d'enlever la ville. Il compte avoir pour alliée — outre le hasard et la chance, qui à la guerre, sont souvent les meilleurs auxiliaires du succès — la grande démoralisation qui s'est emparée des troupes turques depuis la rupture de leur front. De toute façon, il doit tenter quelque chose, ne fût-ce que de prendre pied dans une partie des jardins et de faciliter ainsi la tâche de l'infanterie dans les jours suivants.

Il décide de faire mettre pied à terre aux deux régiments australiens et de les lancer en tirailleurs vers les quartiers ouest de Naplouse. Pour appuyer leur progression, il fait installer toutes ses mitrailleuses sur les crêtes et leur ordonne de prendre à parti les canonniers turcs. Les trois escadrons français restent en réserve.

Par chance, le terrain, très tourmenté en ce point, permet aux Australiens de mettre pied à terre et de se déployer dans de bonnes conditions de part et d'autre de la chaussée. Ils forment ainsi une ligne de tirailleurs ininterrompue et s'avancent par bonds en direction de la ville.

Le mouvement, cependant, a été aperçu de l'ennemi et il concentre le tir de ses canons, de ses mitrailleuses et de ses fusils sur le terrain découvert en avant des jardins. Cependant, les Australiens progressent en mettant à profit tous les mouvements du sol, mais cette progression ne se fait qu'avec une extrême lenteur et elle s'arrête net dès que la ligne de tirailleurs se heurte aux abords des jardins.

Les deux adversaires, maintenant, échangent une fusillade nourrie sans grand profit ni d'un côté, ni de l'autre. Les Turcs ne se risquent pas à sortir des abris où ils sont embusqués; les Australiens hésitent à se lancer sur un terrain entièrement découvert où ils ne manqueront pas d'être fauchés par les mitrailleuses et l'artillerie ennemie.

Le général ONSLOW s'impatiente. Va-t-il être cloué là pendant vingt-quatre heures et obligé d'interrompre cette mémorable poursuite exécutée depuis deux jours avec tant de maestria? Il va essayer d'appuyer le mouvement en avant avec les deux autos-mitrailleuses dont il dispose.

Celles-ci se portent à toute vitesse à hauteur des tirailleurs, les dépassent, arrivent jusqu'aux jardins. Là, elles doivent s'arrêter. En effet, elles ne peuvent sortir de la route, où elles sont en but au tir de l'artillerie ennemie dont les obus les entourent de tout part.

D’ailleurs, les chefs de voitures distinguent nettement que les Turcs, pour empêcher le passage des automobiles, ont élevé un petit mur qui barre la chaussée dans toute sa largeur. Après avoir déchargé quelques bandes au hasard sur la masse touffue des jardins, les deux engins font demi-tour et en vitesse se replient à l'abri du premier obstacle.

Il est 13 h. 30.

L'annonce de ce nouvel échec rend le général ONSLOW perplexe et nerveux. La situation lui apparaît sans issue. Il craint d'être réduit à replier sa ligne da tirailleurs et à attendre le lendemain. D'ici là, les derniers éléments des VIIe et VIIIe armées turques qui se cramponnent à la ville auront eu le temps d'opérer leur retraite sans grandes pertes. Mais que faire dans un pays coupé, haché comme celui-là et devant une position défensive aussi formidable que celle de Naplouse?
"

A suivre

Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : dim. avr. 16, 2006 4:37 pm
par Terraillon Marc
Bonjour,

Suite :

"Ces réflexions excitent la bile du général de brigade. Court, trapu, le visage fortement coloré, il arpente nerveusement le petit coin de sable où il a établi son poste de commandement. De temps à autre il jette un regard furtif sur les officiers de son état-major, comme s'il espérait trouver en eux les lumières nécessaires pour donner au problème la solution désirée.

Et tout à coup, il s'arrête brusquement, le regard fixé sur un jeune lieutenant de spahis qui se tient modestement à l'écart. C'est le lieutenant NERET, officier de liaison entre l’état-major de la brigade et le régiment mixte. Le général ONSLOW le dévisage comme s’il le voyait pour la première fois; son regard s'illumine, pétille, sa pupille s'élargit. On devine sa pensée : Au fait, les Français!...

Puisqu'ils ont servi de moniteurs à ses hommes, ne sont-ils pas qualifiés pour être leurs guides et, au besoin, pour trouver sur place la meilleure solution II va droit à NERET et, ponctuant chaque phrase d'un petit coup de stick sur les pectoraux de son interlocuteur :

« Allez trouver le colonel LEBON, lui dit-il. Qu'il détache un de ses escadrons pour reconnaître les abords de la ville. Je m'en remets à lui de cette tâche. Qu'il me renseigne sur la force de l'ennemi, sur les positions qu'il occupe et qu'il me trouve un point vulnérable sur lequel je puisse tenter une attaque à fond avec tout mon monde. Allez et faites vite ! Le temps presse. »,

Le lieutenant NERET n'est pas seulement un athlète, c'est aussi un de ces hommes qui ont le goût de l'aventure, des espaces libres, des chevauchées héroïques. Déjà, en 1914, accompagné seulement de deux cavaliers du 8e hussards où il était maréchal des logis, il a su, par son attitude énergique et sa bravoure, faire faire demi-tour à tout un escadron allemand; bien mieux, se mettant à la poursuite de la pointe devenue arrière-garde il en a fait prisonnier l'un des éclaireurs en l'empoignant au collet et en l'enlevant de son cheval à bout de bras. Passé officier dans l'infanterie, grièvement blessé sur le front de Salonique, il a fini par échouer au régiment mixte de cavalerie du Levant où il attend impatiemment l'occasion de renouveler ses exploits. Elle va s'offrir à lui.

Aussitôt l'ordre reçu, il saute à cheval en voltige et le voilà filant ventre à terre au milieu des balles de mitrailleuses et des éclats de shrapnells. En quelques secondes, il a rejoint le lieutenant-colonel LEBON dans le pli de terrain où celui-ci a dissimulé ses trois escadrons.
Le commandant du régiment mixte écoute avec attention l'exposé de l'ordre. Groupés autour de lui, les trois capitaines n'en ont rien perdu. La mission exigée d'eux est grosse de dangers. Comment espérer approcher de la ville? Un escadron pourra-t-il traverser la zone dangereuse des jardins alors que toute une brigade pied à terre et des autos-mitrailleuses n'y ont point réussi?
"

A suivre ...

Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : dim. avr. 16, 2006 4:46 pm
par Terraillon Marc
Bonjour,

Suite :

"Mais un ordre est un ordre. Il n'y a plus qu'à l'exécuter, et •du mieux que l'on pourra.
« GUICHARD, c'est à vous. »

En un clin d'oeil, l'escadron GUICHARD est à cheval. On sent chez tous les cavaliers, jeunes et vieux, cette ardeur contenue, ce feu sacré, ce désir de gloire qui crée les élans irrésistibles. Le capitaine détache en avant-garde le peloton du sous-lieutenant ZAMIT. Celui-ci démarre au grand trot. NERET a eu un instant d'hésitation. Sans doute sa mission remplie, il devrait retourner prendre sa place d'officier de liaison auprès du général ONSLOW, mais comment laisser les camarades entrer seuls dans la danse? Il tient à en être. Après tout, l'officier d'état-major n'a-t-il pas souvent pour mission de s'assurer de la bonne exécution des ordres apportés par lui. L'Empereur agissait souvent ainsi avec ses officiers d'ordonnance. L'excuse est toute trouvée. En deux foulées de galop il rejoint ZAMIT et, botte à botte avec lui, chevauche en avant de l'escadron. Les débuts de la marche d'approche se font dans de bonnes conditions grâce à un escarpement qui dissimule à l'ennemi hommes et chevaux. Par précaution, le capitaine GUICHARD a partagé ses pelotons en petits groupes n'offrant à l'ennemi que des cibles excessivement mouvantes et de peu de superficie.

Voici les autos-mitrailleuses inutilisables, voici la ligne de tirailleurs clouée sur place. Il va falloir quitter le terrain en contrebas de la route car il est devenu tout à fait impraticable aux chevaux. Déjà les cavaliers de la pointe ont sauté sur la chaussée et l'on voit les balles faire jaillir des petits nuages de poussière autour d'eux. NERET et ZAMIT s'engagent sur leurs traces.

La route file devant eux, toute droite; puis, au bout de quelques centaines de mètres, elle tourne brusquement dans la direction de Naplouse. De toute part des jardins l'encerclent, infestés de fantassins turcs.

Les officiers australiens, à genoux ou couchés dans le bled, derrière leurs tirailleurs, ont aperçu ces deux cavaliers qui-, arrêtés sur la route, examinent attentivement le terrain devant eux. Ils leur font des -signée, ils leur crient en anglais des phrases que couvrent en partie le crépitement des mousquetons et l'éclatement des obus.

•— Que disent-ils ? demande ZAMIT.
— Ils nous disent de f le camp; que nous allons nous faire massacrer inutilement.

La situation, en effet, est intenable. L'artillerie a aperçu ces quelques hommes à cheval et les projectiles viennent éclater dans leur direction. Impossible de tergiverser. Il n'y a que deux solutions : reculer ou foncer en avant. Quelques secondes ont suffi pour que le parti soit pris. Les abords de la route sont impraticables, mais la route elle-même est là, droite, unie, offrant un champ superbe pour galoper. L'ennemi n'est pas loin et, en allant vite, peut-être pourrait-on, sans trop de dommages, atteindre ces canons qui tirent par là, vers la droite, à quelques 500 mètres tout au plus.

Les deux officiers se sont compris : — Allons-y! dit NERET.

Ce disant, il met le sabre à la main et part au galop. ZAMIT et tout le reste du peloton ont imité son geste. Nul n'hésite nul ne tremble. Chaque chasseur a conscience d'être à une place d'honneur dont il doit se montrer digne. Les regards brillent les chevaux se cabrent. ZAMIT a pris juste le temps de crier au maréchal des logis ROSFELDER :

« Allez dire au capitaine que nous chargeons droit devant nous. En avant!... par deux, à 10 mètres de distance! »

"

A suivre...

Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : dim. avr. 16, 2006 4:47 pm
par Terraillon Marc
Bonjour,

Suite :

"Les deux officiers ont pris la tête du mouvement; le reste suit à plein galop, chacun, sans trop se soucier des distances prescrites, éperonnant son cheval dans l'espoir d'arriver à l'ennemi bon premier.

Les Australiens, stupéfaits, ont un instant suspendu le feu et lèvent le nez au-dessus des touffes d'herbes brûlées par le soleil. Ces Français, tout de même!... Ils sont pris d'une crise de folie subite!... Pas un n'en reviendra!

Voire !

Comment décrire une telle chevauchée? Les mots sont trop lents, les phrases donnent la sensation de freiner cette galopade endiablée qui dure quelques minutes à peine. Les bons petits chevaux barbes semblent comprendre la nécessité de vaincre le temps; ils volent véritablement sur la route comme s'ils se livraient à quelque fantasia effrénée.

Les mitrailleurs australiens ont aperçu la pointe téméraire de ce petit goum de cavaliers sabre au clair. Ils redoublent l'intensité de leur tir. De tous côtés, les mitrailleuses crépitent, arrosant les lisières des jardins et les emplacements présumés des batteries.

NERET, le mieux monté, labourant de l'éperon le flanc de son cheval, a pris la tête. Penché sur l'encolure, la poignée de son sabre bien ajustée dans sa main, il fonce droit devant lui. Où ira-t-il? Sur quelle embûche ou quel obstacle va-t-il tomber? Il l'ignore et peu lui importe. Quand on a le sang chaud, des muscles d'acier, un appétit formidable d'en découdre, trop réfléchir nuit. Le propre du cavalier léger n'est-il pas le goût du risque? Il faut d'abord joindre l'ennemi, le sabrer et, après, qui sait?... Naplouse est proche..

Des murettes entourant les jardins part une fusillade nourrie, mais l'espace découvert est franchi comme l'éclair. Quelques chevaux s'écroulent sous les balles. Personne ne se retourne. Derrière NERET et ZAMIT se trouvent encore dix-huit braves, enivrés par la charge, bien décidés à faire tout leur devoir, et plus, s'il le faut.

Voici la barricade tendue en travers de la route pour couper le passage aux autos-mitrailleuses. Peut-on demander de la franchir à des chevaux écrasés par le lourd paquetage et fourbus par trois journées de marches et de combats incessants? On n'y peut songer. NERET a un instant d'angoisse, vite dissipé d'ailleurs. A droite et à gauche les Turcs ont ménagé un étroit passage, juste suffisant pour permettre à un cheval de la contourner. Sans ralentir, l'officier s'y faufile et derrière lui les cavaliers l'imitent. NERET atteint le point où la route tourne brusquement à droite. Que va-t-il découvrir de l'autre côté de ce coude? C'est le saut dans l'inconnu. C'est peut-être l'écrasement de tout le peloton sur quelque obstacle infranchissable, une fin misérable au fond de quelque coupe-gorge.

"

A suivre ...

Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : dim. avr. 16, 2006 4:58 pm
par Terraillon Marc
Bonjour,

Suite et fin :

"Instinctivement, NERET a ralenti légèrement son cheval, il jette un rapide coup d'oeil sur la nouvelle portion de route qui s'allonge devant lui. Et soudain un spectacle enivrant, tentateur, s'offre à ses yeux de sabreur. A100 mètres sur sa droite, deux pièces d'artillerie sont en batterie au bord de la route et tirent avec précipitation. Elles offrent leur flanc désarmé. La belle proie! Sans attendre le reste du peloton, NERET se précipite, le sabre haut, mais il est dépassé au galop de charge, par le maréchal des logis DUNIEL qui a mis à profit le court ralentissement de l'officier. Il lui crie en le frôlant : — J'y serai avant vous, mon lieutenant! Il y a dans tous les cœurs une telle émulation que chaque cavalier n'a qu'un désir, qu'une volonté : être le premier au danger, le premier à la gloire. DUNIEL et NERET galopent à corps perdu l'un derrière l'autre.

Les canonniers aperçoivent tout à coup le hourrah de cavalerie qui débouche sur leur droite. La plupart abandonnent leur pièce et se sauvent à toutes jambes. DUNIEL, sec, nerveux, abat d'un coup de sabre un servant de la première bouche à feu qui tente de résister, tandis que NERET, bondissant sur la seconde, y fait place nette en quelques coups de son terrible bancal.

Pendant les trois secondes où ils ont fait halte dans la batterie, le sous-lieutenant ZAMIT et le reste du peloton les ont rejoints. Alors, c'est une ruée folle des dix-huit cavaliers vers Naplouse.

A une courte distance s'élève l'enceinte de la ville, percée d'une large porte. Entre cette porte et nos hommes, il n'y a qu'une cinquantaine de fantassins turcs se sauvant épouvantés, après avoir lâché leur coup de fusil au hasard. Les chasseurs, officiers et cavaliers mêlés, se fraient un chemin au milieu des fuyards à grands coups de sabre. C'est à qui sera le premier à entrer dans la place.

La lourde porte est fermée. Par une sorte de poterne basse, les hommes du poste turc sortent et esquissent une résistance. Ils sont dispersés à l'arme blanche par les chasseurs SAUVAT et SAUMET pendant qu'un troisième cavalier, se glissant par la poterne, ouvre toute grande la porte principale.

Alors se passe un fait unique dans l'Histoire. Dix-huit cavaliers, conduits par deux officiers décidés, s'emparent d'une ville fortifiée de 20.000 habitants, siège d'un quartier général d'armée et défendue par plusieurs milliers d'hommes, par des batteries d'artillerie et par des mitrailleuses!

Certes, ce n'est pas précisément à lui seul que ce faible peloton accomplit cet exploit. Le capitaine GUICHARD n'a pas hésité à appuyer avec le reste de son escadron le mouvement décidé par le lieutenant NERET dans un instant d'enthousiasme et d'inspiration. Et c'est là, à l'actif du capitaine commandant, un acte non moins glorieux que s'il avait pris lui-même l'initiative de la charge. Combien de caractères moins bien trempés eussent tremblé devant la responsabilité d'un tel geste.

Le capitaine GUICHARD n'y songe pas une seconde. A la nouvelle apportée par le maréchal des logis ROSFELDER, il dit simplement :

« C'est bien ! Je l'appuie avec l'escadron. »

A son tour, il envoie un sous-officier prévenir le lieutenant colonel LEBON et s'élance à la tête du premier peloton sur les traces de son avant-garde, les autres pelotons suivant à grande distance les uns des autres. Bientôt, il a rejoint NERET et ZAMIT dans la ville.

Ceux-ci ont traversé Naplouse dans toute sa longueur au triple galop. Il ne s'agit plus de se battre; la population accueille les Français comme ses sauveurs; les vieillards, les femmes pleurent de joie. De toute part on acclame les vainqueurs qui délivrent ce peuple asservi par une tyrannie séculaire. Les quelques troupes turques encore à l'intérieur de la ville ne songent pas à réagir; les hommes jettent leurs armes et se rendent.

D'ailleurs le lieutenant-colonel LEBON, agissant comme le capitaine GUICHARD, n'a pas craint de pousser immédiatement ses deux derniers escadrons en soutien du premier. Les autos-mitrailleuses les ont suivis de près. De toute part on ramène des prisonniers. En peu de minutes, 700 d'entre eux, tant Turcs qu'Allemands, sont rassemblés au centre de la ville.

Bientôt les deux régiments australiens rejoignent dans Naplouse leurs camarades français. En défilant devant eux, ils ne peuvent se retenir d'exprimer leur admiration par des hourras !

Ils ont vu ce qu'était, menée à la française, une action de cavalerie; ils s'inclinent devant leurs maîtres.

Mais LASALLE, notre maître à tous, cavaliers, dut frémir de joie dans sa tombe en voyant ses petits-fils dignes du splendide exemple qu'il leur a laissé."

A bientot !!!

Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : dim. avr. 16, 2006 11:32 pm
par Stephan @gosto
Bonsoir Marc,

La source !! :)
Merci Marc pour cette retranscription. Mais je ne peux m'empêcher de rappeler ici que ce texte fut rédigé par M. Dupont (M. Béchu), officier de cavalerie, qui marcha quelques temps à côté du 74e lorsqu'il était au 7e Chasseurs ! :lol:

"Sabre au poing. Dix combats de cavalerie", chez Berger-Levrault, dernier chapitre.

Amicalement,

Stéphan

Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : lun. avr. 17, 2006 8:33 am
par Terraillon Marc
Bonjour Stephan

Désolé de cet oubli mais que tu as rapidement comblé !!!
En effet l'ouvrage daté de 1931 a été édité par les Editions BERGER LEVRAULT à PARIS et il a été préfacé par le Général Weygand !!

A bientot !!

Re: Régiment mixte de Marche de Cavalerie du Levant

Publié : lun. avr. 17, 2006 12:11 pm
par Stephan @gosto
BOnjour Marc,

Une photo complètement ratée du dossier de Béchu, prise au SHD dernièrement.

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Amicalement,

Stéphan